Migraineuse
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Migraineuse
Les yeux ouverts tout est déformé et lumineux, agressif, même le noir. Les yeux fermés je suis en pleine tempête et le lit est balloté par les vagues.
Dans les deux cas c’est la bérézina pour l’estomac : à vide il continue à vouloir se retourner.
Les sons sont amplifiés, le frottement des draps est insupportable, une scie. Je ne bouge pas, respire à peine, j’entends mon souffle résonner. Chaque voiture qui passe le fait sur ma tête, les pneus crissent sur l’asphalte de mon cerveau. La porte du voisin s’ouvre et grince interminablement entre mes tempes. Les triplées de la voisine sont devenues des myriades de petits nerfs qui agacent. Ou des perceuses qui me vrillent les tympans.
Le temps passe et ne passe pas, il est figé dans une seconde douloureuse qui tourne en boucle.
La couette est lourde sur ma peau, elle semble vouloir m’enfoncer dans le matelas. J’y étouffe mais ne bouge pas de peur de passer par-dessus bord. Le vide autour du lit s’est fait abyssal, la moquette sombre bouge, vivante et sournoise. Elle attend mon pied pour me happer toute entière en elle.
J’essaie d’apprivoiser la bête, je l’entends cogner dans ma poitrine, sous mes yeux, dans mes joues, sur mon crâne. Elle vient de l’intérieur et veut entrer tout de même. L’oreiller broie ma tête, écrase ma nuque, resserre l’étau.
Des odeurs étranges apparaissent puis disparaissent, remplacées par d’autres, écœurantes : œuf pourri, poubelle macérée, parfois parfum entêtant, celui de mon armoire, fermée. Elles se matérialisent dans ma bouche, ma salive semble n’en pas finir de la remplir, je ne peux pas avaler, la déglutition explose dans mon crâne en écho.
Mes bras et jambes sont en fourmis, mais je suis écrasée, ratatinée, je pèse des tonnes, des tonnes de sens décuplés dans un tourbillon d’horreur.
J’ai froid, puis chaud, je transpire, je grelotte, je frissonne, je mords le drap pour arrêter de claquer des dents, trop bruyant.
Et puis je m’endors, je tombe, je tombe, la chute n’a pas de fin. Des monstres me hurlent dessus en me soufflant leur haleine pourrie à la gueule. Je traverse la fournaise, m’y brûle au passage, me consume, tombe en cendres. Je frôle des glaciers, des lambeaux de peau restent collés dessus, je sens la chair à vif picoter et gémir.
Mon corps tourne et se retourne. Membres mélangés. Affolés. Je le quitte. Je le vois tomber. Non, je ne le vois pas, je le sens. Je ne suis plus dedans mais les sensations restent intactes.
Je veux m’échapper, m’envoler, je bats des ailes mais elles tombent en poussière.
Je me réveille en sursaut au moment de l’impact avec le sol.
L’hydre est tapie, elle pulse sous mes sourcils mais m’offre un répit. Une heure ou deux pour me lever, tenter de boire un peu, mettre mes lunettes de soleil pour atténuer la lueur du jour. Prendre une douche bouillante pour détendre mes milliers de muscles recroquevillés. Et me recoucher pour attendre son retour. En général elle passe trois fois. Trois petits tours et puis s’en va...
Dans les deux cas c’est la bérézina pour l’estomac : à vide il continue à vouloir se retourner.
Les sons sont amplifiés, le frottement des draps est insupportable, une scie. Je ne bouge pas, respire à peine, j’entends mon souffle résonner. Chaque voiture qui passe le fait sur ma tête, les pneus crissent sur l’asphalte de mon cerveau. La porte du voisin s’ouvre et grince interminablement entre mes tempes. Les triplées de la voisine sont devenues des myriades de petits nerfs qui agacent. Ou des perceuses qui me vrillent les tympans.
Le temps passe et ne passe pas, il est figé dans une seconde douloureuse qui tourne en boucle.
La couette est lourde sur ma peau, elle semble vouloir m’enfoncer dans le matelas. J’y étouffe mais ne bouge pas de peur de passer par-dessus bord. Le vide autour du lit s’est fait abyssal, la moquette sombre bouge, vivante et sournoise. Elle attend mon pied pour me happer toute entière en elle.
J’essaie d’apprivoiser la bête, je l’entends cogner dans ma poitrine, sous mes yeux, dans mes joues, sur mon crâne. Elle vient de l’intérieur et veut entrer tout de même. L’oreiller broie ma tête, écrase ma nuque, resserre l’étau.
Des odeurs étranges apparaissent puis disparaissent, remplacées par d’autres, écœurantes : œuf pourri, poubelle macérée, parfois parfum entêtant, celui de mon armoire, fermée. Elles se matérialisent dans ma bouche, ma salive semble n’en pas finir de la remplir, je ne peux pas avaler, la déglutition explose dans mon crâne en écho.
Mes bras et jambes sont en fourmis, mais je suis écrasée, ratatinée, je pèse des tonnes, des tonnes de sens décuplés dans un tourbillon d’horreur.
J’ai froid, puis chaud, je transpire, je grelotte, je frissonne, je mords le drap pour arrêter de claquer des dents, trop bruyant.
Et puis je m’endors, je tombe, je tombe, la chute n’a pas de fin. Des monstres me hurlent dessus en me soufflant leur haleine pourrie à la gueule. Je traverse la fournaise, m’y brûle au passage, me consume, tombe en cendres. Je frôle des glaciers, des lambeaux de peau restent collés dessus, je sens la chair à vif picoter et gémir.
Mon corps tourne et se retourne. Membres mélangés. Affolés. Je le quitte. Je le vois tomber. Non, je ne le vois pas, je le sens. Je ne suis plus dedans mais les sensations restent intactes.
Je veux m’échapper, m’envoler, je bats des ailes mais elles tombent en poussière.
Je me réveille en sursaut au moment de l’impact avec le sol.
L’hydre est tapie, elle pulse sous mes sourcils mais m’offre un répit. Une heure ou deux pour me lever, tenter de boire un peu, mettre mes lunettes de soleil pour atténuer la lueur du jour. Prendre une douche bouillante pour détendre mes milliers de muscles recroquevillés. Et me recoucher pour attendre son retour. En général elle passe trois fois. Trois petits tours et puis s’en va...
elea- Nombre de messages : 4894
Age : 51
Localisation : Au bout de mes doigts
Date d'inscription : 09/04/2010
Re: Migraineuse
Qu'il est bien décrit, cet état nauséeux qui s'ingénie à décupler, exacerber les moindres sensations, où bruits, lumière, odeurs deviennent insupportables ! !
Invité- Invité
Re: Migraineuse
Tu décris bien le mouvement de flux et reflux de la douleur, les sensations renouvelées, et comment la seule tête ne suffit pas à la migraine, qui décide d'annexer d'autres parties du corps.
Toutefois, je trouve vers la fin que le texte en fait un peu trop et s'emballe, j'ai comme l'impression d'un exercice de style ; les mots, l'écriture en arrivent presque à prendre le dessus sur le fond, pour en quelque sorte l'étouffer, le noyer au lieu de le mettre en exergue.
Ce qui - soyons juste - n'empêche quand même pas ce texte d'être drôlement bien fichu.
Toutefois, je trouve vers la fin que le texte en fait un peu trop et s'emballe, j'ai comme l'impression d'un exercice de style ; les mots, l'écriture en arrivent presque à prendre le dessus sur le fond, pour en quelque sorte l'étouffer, le noyer au lieu de le mettre en exergue.
Ce qui - soyons juste - n'empêche quand même pas ce texte d'être drôlement bien fichu.
Invité- Invité
Gueule.
Quel style sobre et pourtant efficace. Je ne regrette que le mot "gueule", qui, justement, gueule.
Ubik.
Ubik.
Re: Migraineuse
Intéressant d'écrire sur cet état. Jamais essayé et pourtant je les ai connues ces migraines !
Je pense que le texte pourrait être plus fort, on devrait pouvoir ressentir la souffrance ( remarquez, c'est peut-être moi qui fait un blocage pour ne pas avoir à souffrir encore)
Je pense que le texte pourrait être plus fort, on devrait pouvoir ressentir la souffrance ( remarquez, c'est peut-être moi qui fait un blocage pour ne pas avoir à souffrir encore)
Carmen P.- Nombre de messages : 537
Age : 69
Localisation : Ouest
Date d'inscription : 23/04/2010
Re: Migraineuse
oui, c'est bien dit comme toujours, mais je trouve que tu aurais pu faire plus percutant en rentrant dans la houle, dans l'irrationnel de la douleur qui donne envie de tout casser (ou de se jeter par la fenêtre, juste pour que ça s'arrête). Ça reste un peu extérieur à mon goût, un peu explicatif, peut être le choix des mots, leur sonorité, leur longueur Les sons sont amplifiés, le frottement des draps est insupportable, l'emploi de la forme passive ici par exemple, tout ça, par moments, crée quelque chose d'un peu trop doux et lent pour exprimer au plus près le lit de misère.
En fait, c'est qu'ici, la forme ne sert pas assez le fond, je trouve.
en retravaillant, je suis sûre que tu peux mieux approcher les coups de marteau dans la tête et les draps qui te râpent la peau jusqu'à l'os !
En fait, c'est qu'ici, la forme ne sert pas assez le fond, je trouve.
en retravaillant, je suis sûre que tu peux mieux approcher les coups de marteau dans la tête et les draps qui te râpent la peau jusqu'à l'os !
Janis- Nombre de messages : 13490
Age : 63
Date d'inscription : 18/09/2011
Re: Migraineuse
Autant le dire : je n'ai pas été convaincu par cette description (ce vécu ?) de la migraine. Comme le dit Easter, le texte (l'auteur) en fait un peu trop. Le propos est trop appuyé et perd de sa crédibilité. Je rejoins également Janis dans son analyse quand il dit : "mais je trouve que tu aurais pu faire plus percutant en rentrant dans la houle, dans l'irrationnel de la douleur qui donne envie de tout casser (ou de se jeter par la fenêtre, juste pour que ça s'arrête)."
Au fil de ma lecture :
- "Le vide autour du lit s’est fait abyssal, la moquette sombre bouge, vivante et sournoise. Elle attend mon pied pour me happer toute entière en elle." Je ne comprends pas comment il se fait que le vide soit abyssal et la moquette si proche. De plus, "en elle" est superflu compte tenu de la phrase qui précède.
- "Les sons sont amplifiés, le frottement des draps est insupportable, une scie." : avant une scie, pourquoi ne pas mettre un point ou un tout cas un signe de ponctuation plus marqué pour mieux souligner l'analogie.
- "celui de mon armoire, fermée." : pourquoi pas "celui de mon armoire fermée." ?
- "je mords le drap pour arrêter de claquer des dents, trop bruyant." : qu'est-ce qui est trop bruyant ? Je suppose que c'est le claquement des dents. La virgule qui est avant induit la question.
- Manifestement, vous aimez le verbe "tomber" (5 fois dans le même paragraphe).
Au fil de ma lecture :
- "Le vide autour du lit s’est fait abyssal, la moquette sombre bouge, vivante et sournoise. Elle attend mon pied pour me happer toute entière en elle." Je ne comprends pas comment il se fait que le vide soit abyssal et la moquette si proche. De plus, "en elle" est superflu compte tenu de la phrase qui précède.
- "Les sons sont amplifiés, le frottement des draps est insupportable, une scie." : avant une scie, pourquoi ne pas mettre un point ou un tout cas un signe de ponctuation plus marqué pour mieux souligner l'analogie.
- "celui de mon armoire, fermée." : pourquoi pas "celui de mon armoire fermée." ?
- "je mords le drap pour arrêter de claquer des dents, trop bruyant." : qu'est-ce qui est trop bruyant ? Je suppose que c'est le claquement des dents. La virgule qui est avant induit la question.
- Manifestement, vous aimez le verbe "tomber" (5 fois dans le même paragraphe).
Invité- Invité
Re: Migraineuse
Dur, dur de faire partager à qui que ce soit, ne l'ayant jamais éprouvé, ce calvaire des migraineux !
Je compatis Elea connaissant trop bien la chose ... Je m'y suis essayée, moi aussi :
Sous la peau tendue à se rompre
de ma tempe explose un tambour,
la migraine annonce à coups sourds
les heures que rien ne dénombre.
Tandis que j’écrase du poing
de vertigineuses lueurs
au fond de mon œil une fleur
vénéneuse larmoie sans fin.
Ombre et silence. Plus rien ne sourd
de ce buisson où je m’enfonce
en cédant mon front à ces ronces
racleuses d’os qui me labourent.
Le plomb qui me brise la nuque
me cloue le crâne à l’oreiller
et quand éclate la nausée
de toute sève et de tous sucs
je voudrais dans un haut-le-cœur
jusqu’à la lie vider ma gourde
ou, comme un gant que l’on retourne,
me dépecer de ma douleur.
Je compatis Elea connaissant trop bien la chose ... Je m'y suis essayée, moi aussi :
Sous la peau tendue à se rompre
de ma tempe explose un tambour,
la migraine annonce à coups sourds
les heures que rien ne dénombre.
Tandis que j’écrase du poing
de vertigineuses lueurs
au fond de mon œil une fleur
vénéneuse larmoie sans fin.
Ombre et silence. Plus rien ne sourd
de ce buisson où je m’enfonce
en cédant mon front à ces ronces
racleuses d’os qui me labourent.
Le plomb qui me brise la nuque
me cloue le crâne à l’oreiller
et quand éclate la nausée
de toute sève et de tous sucs
je voudrais dans un haut-le-cœur
jusqu’à la lie vider ma gourde
ou, comme un gant que l’on retourne,
me dépecer de ma douleur.
migraineuse suite + arielle
là, oui je trouve, le rythme, les mots à sonorité dure (il doit exister un terme ?), la sensation de l'intérieur
si je me mettais à chipoter telle une pouet, je dirais que me chagrine ce "ri-en", qui ne heurte pas assez, et puis vertigineuse, que je trouve trop long comme mot, même si évocateur.
Mais sinon, là je trouve que la forme hachée sert bien le propos
et de toute façon, écrire n'est-ce pas toujours un peu rater ?
on s'approche au plus près parfois, mais on échoue toujours à dire vraiment ce que le corps, l'émotion, nous apprend. wahou.
si je me mettais à chipoter telle une pouet, je dirais que me chagrine ce "ri-en", qui ne heurte pas assez, et puis vertigineuse, que je trouve trop long comme mot, même si évocateur.
Mais sinon, là je trouve que la forme hachée sert bien le propos
et de toute façon, écrire n'est-ce pas toujours un peu rater ?
on s'approche au plus près parfois, mais on échoue toujours à dire vraiment ce que le corps, l'émotion, nous apprend. wahou.
Janis- Nombre de messages : 13490
Age : 63
Date d'inscription : 18/09/2011
Re: Migraineuse
Bonsoir,
J'ai lu.
La forme est toujours excellente.
Quant au fond, je n'ai fort heureusement guère pu l'apprécier n'étant que très peu victime de maux de tête qui ne sont généralement qu'un peu de fatigue rapidement mise en fuite par quelque jet de bulles effervescentes !
Amicalement
midnightrambler
J'ai lu.
La forme est toujours excellente.
Quant au fond, je n'ai fort heureusement guère pu l'apprécier n'étant que très peu victime de maux de tête qui ne sont généralement qu'un peu de fatigue rapidement mise en fuite par quelque jet de bulles effervescentes !
Amicalement
midnightrambler
midnightrambler- Nombre de messages : 2606
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Localisation : Alpes de Haute-Provence laclefdeschamps66@hotmail.fr
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