Exo Lunatik : Mon père
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Rebecca
Janis
demi-lune
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Exo Lunatik : Mon père
Maman s’est tirée.
J’en suis sûr. Maxime dit qu’elle va rentrer, qu’il faut attendre. Ce ne serait pas la première fois qu’elle ne rentre pas de la journée et qu’elle décide de sortir le soir.
Elle est belle ma mère, blonde aux yeux bleus, le genre de femme qui ne passe pas inaperçu. Depuis qu’elle a quitté papa et qu’on a déménagé, les hommes lui tournent autour comme des mouches.
A nous deux, elle ne dit pas tout, j’en suis sûr. Elle a « des choses à régler avec Papa », c’est tout ce qu’elle sait dire. Mais j’ai bien compris qu’aujourd’hui, elle allait lui faire signer des papiers pour divorcer. Lui qui a tout fait pour qu’on reste tous ensemble. Il n’a jamais cessé d’aimer maman, c’est elle qui a voulu qu’on s’en aille. Et elle, elle est devenue comme une tigresse avec lui.
J’avais pourtant réussi à la convaincre de nous emmener le voir, mon frère et moi.
Mais ce jour-là, on est restés dans la voiture : elle est montée seule jusqu’à l’appartement. Quand elle est redescendue, elle a prétendu qu’il n’était pas là. J’aurais pu la croire si elle n’avait pas eu ce tic qui lui tirait la bouche sur le côté et si elle n’avait pas failli emboutir un mur en sortant du parking.
Mon père, c’est quelqu’un. Pas comme les autres : il voyage. Enfin, il voyageait. Avec le chat, un beau gros salopard de matou qui vous attaquait en traître dès qu’on avait le dos tourné.
Papa y tient comme à la prunelle de ses yeux. Pourtant une sale bête, qu’il avait ramassé au bord de la route au milieu des restes à demi-dévorés de ses frères et sœurs. Entre nous et le chat, c’était la guerre et papa ne voulait plus le laisser à la maison quand il partait. Faut dire que c’était l’occasion de régler nos comptes avec lui : quand papa s’absentait, les savates volaient bas : le chat disparaissait sous les meubles et nous fichait la paix.
Elle ne se rend pas compte Maman. Mon père, c’est pas un type du genre à se laisser faire sans réagir. Il a claqué la porte de son boulot plutôt que de se laisser traiter comme un chien. Payé une misère avec tout le temps qu’il passait à essayer de vendre des outils merdiques à des culs-terreux qui n’en avaient rien à foutre. Faut du cran pour ça et je sais qu’il en bave depuis, sans le sou, sans personne que nous pour lui donner encore envie de se battre.
Il est fier mon père, il ne voudrait pas être humilié devant nous. Les mères ne comprennent pas ça : pour elles, si t’as plus de fric, t’es plus rien. Mais moi, je m’en fous, on peut bien bouffer des spaghetti à longueur de temps, c’est mon père, on ne m’enlèvera pas ça.
Cinq fois de suite Maxime a essayé d’appeler maman sur son portable : rien, messagerie et nos voix à chaque fois un peu plus hautes, enregistrées sans qu’elle se soucie de nous rappeler. Il voulait téléphoner à la police mais je lui ai dit de laisser tomber : pour qu’elle nous engueule parce que les flics auront rameuté tout le voisinage pendant qu’elle s’envoyait en l’air avec son amant, merci bien.
J’ai fini par appeler papa chez nous. Enfin, notre ancien chez-nous. Il n’était pas là mais je lui ai laissé un message pour lui demander de venir. Dès qu’il l’aura, il viendra, j’en suis sûr. Papa est tellement sensible. Parfois trop dit Maman.
Je crois qu’elle sera furieuse si elle le trouve à la maison avec nous mais tant pis.
D’ailleurs, je me demande s’il n’a pas pressenti mon appel, deviné notre inquiétude : sa voiture vient de s’arrêter devant le portail. Mon père, on peut compter sur lui au moins. Il a l’air un peu pressé et traîne avec lui le panier du chat.
J’ai ouvert la porte le premier et papa me regarde avec un drôle d’air, un peu soucieux comme si nous courrions un quelconque danger.
A en juger par le contenu du panier, ce con de chat a dû finir par se faire ramasser par une voiture : un amas sanguinolent de chair et de peau à vous retourner l’estomac que Papa, étrangement, promène avec calme à bout de bras comme si son petit protégé somnolait encore sur son coussin. Pendant que Maxime vomit dans l’entrée, papa s’est avancé dans la maison. Il a du sang plein les mains et plein son pardessus : je ne sais pas comment il a fait pour rassembler le chat, tripes et boyaux, et pour quoi faire ?
Papa accompagne Maxime jusqu’à la salle de bain et répète qu’il a fait ce qu’il fallait pour le chat et pour Maman, même si ça ne s’est pas passé comme il l’espérait, mais qu’il est bien content d’être arrivé juste à temps pour nous, que tout va très bien se passer.
Dans la salle de bains, Maxime fait de drôles de bruits : apparemment, ça ne s’arrange pas, il est vraiment trop sensible lui aussi.
Sur la table, une tâche sombre et visqueuse s’étale sous le panier du chat. Un siamois, un persan, je ne sais pas trop, des poils clairs, longs, blonds. Un peu trop longs pour un chat, un peu trop blonds.
J’en suis sûr. Maxime dit qu’elle va rentrer, qu’il faut attendre. Ce ne serait pas la première fois qu’elle ne rentre pas de la journée et qu’elle décide de sortir le soir.
Elle est belle ma mère, blonde aux yeux bleus, le genre de femme qui ne passe pas inaperçu. Depuis qu’elle a quitté papa et qu’on a déménagé, les hommes lui tournent autour comme des mouches.
A nous deux, elle ne dit pas tout, j’en suis sûr. Elle a « des choses à régler avec Papa », c’est tout ce qu’elle sait dire. Mais j’ai bien compris qu’aujourd’hui, elle allait lui faire signer des papiers pour divorcer. Lui qui a tout fait pour qu’on reste tous ensemble. Il n’a jamais cessé d’aimer maman, c’est elle qui a voulu qu’on s’en aille. Et elle, elle est devenue comme une tigresse avec lui.
J’avais pourtant réussi à la convaincre de nous emmener le voir, mon frère et moi.
Mais ce jour-là, on est restés dans la voiture : elle est montée seule jusqu’à l’appartement. Quand elle est redescendue, elle a prétendu qu’il n’était pas là. J’aurais pu la croire si elle n’avait pas eu ce tic qui lui tirait la bouche sur le côté et si elle n’avait pas failli emboutir un mur en sortant du parking.
Mon père, c’est quelqu’un. Pas comme les autres : il voyage. Enfin, il voyageait. Avec le chat, un beau gros salopard de matou qui vous attaquait en traître dès qu’on avait le dos tourné.
Papa y tient comme à la prunelle de ses yeux. Pourtant une sale bête, qu’il avait ramassé au bord de la route au milieu des restes à demi-dévorés de ses frères et sœurs. Entre nous et le chat, c’était la guerre et papa ne voulait plus le laisser à la maison quand il partait. Faut dire que c’était l’occasion de régler nos comptes avec lui : quand papa s’absentait, les savates volaient bas : le chat disparaissait sous les meubles et nous fichait la paix.
Elle ne se rend pas compte Maman. Mon père, c’est pas un type du genre à se laisser faire sans réagir. Il a claqué la porte de son boulot plutôt que de se laisser traiter comme un chien. Payé une misère avec tout le temps qu’il passait à essayer de vendre des outils merdiques à des culs-terreux qui n’en avaient rien à foutre. Faut du cran pour ça et je sais qu’il en bave depuis, sans le sou, sans personne que nous pour lui donner encore envie de se battre.
Il est fier mon père, il ne voudrait pas être humilié devant nous. Les mères ne comprennent pas ça : pour elles, si t’as plus de fric, t’es plus rien. Mais moi, je m’en fous, on peut bien bouffer des spaghetti à longueur de temps, c’est mon père, on ne m’enlèvera pas ça.
Cinq fois de suite Maxime a essayé d’appeler maman sur son portable : rien, messagerie et nos voix à chaque fois un peu plus hautes, enregistrées sans qu’elle se soucie de nous rappeler. Il voulait téléphoner à la police mais je lui ai dit de laisser tomber : pour qu’elle nous engueule parce que les flics auront rameuté tout le voisinage pendant qu’elle s’envoyait en l’air avec son amant, merci bien.
J’ai fini par appeler papa chez nous. Enfin, notre ancien chez-nous. Il n’était pas là mais je lui ai laissé un message pour lui demander de venir. Dès qu’il l’aura, il viendra, j’en suis sûr. Papa est tellement sensible. Parfois trop dit Maman.
Je crois qu’elle sera furieuse si elle le trouve à la maison avec nous mais tant pis.
D’ailleurs, je me demande s’il n’a pas pressenti mon appel, deviné notre inquiétude : sa voiture vient de s’arrêter devant le portail. Mon père, on peut compter sur lui au moins. Il a l’air un peu pressé et traîne avec lui le panier du chat.
J’ai ouvert la porte le premier et papa me regarde avec un drôle d’air, un peu soucieux comme si nous courrions un quelconque danger.
A en juger par le contenu du panier, ce con de chat a dû finir par se faire ramasser par une voiture : un amas sanguinolent de chair et de peau à vous retourner l’estomac que Papa, étrangement, promène avec calme à bout de bras comme si son petit protégé somnolait encore sur son coussin. Pendant que Maxime vomit dans l’entrée, papa s’est avancé dans la maison. Il a du sang plein les mains et plein son pardessus : je ne sais pas comment il a fait pour rassembler le chat, tripes et boyaux, et pour quoi faire ?
Papa accompagne Maxime jusqu’à la salle de bain et répète qu’il a fait ce qu’il fallait pour le chat et pour Maman, même si ça ne s’est pas passé comme il l’espérait, mais qu’il est bien content d’être arrivé juste à temps pour nous, que tout va très bien se passer.
Dans la salle de bains, Maxime fait de drôles de bruits : apparemment, ça ne s’arrange pas, il est vraiment trop sensible lui aussi.
Sur la table, une tâche sombre et visqueuse s’étale sous le panier du chat. Un siamois, un persan, je ne sais pas trop, des poils clairs, longs, blonds. Un peu trop longs pour un chat, un peu trop blonds.
demi-lune- Nombre de messages : 795
Age : 64
Localisation : Tarn
Date d'inscription : 07/11/2009
Re: Exo Lunatik : Mon père
arghhh ! pas mis le bon titre non plus :
EXO LUNATIK : Mon père
choix 4 (changement de point de vue)
EXO LUNATIK : Mon père
choix 4 (changement de point de vue)
demi-lune- Nombre de messages : 795
Age : 64
Localisation : Tarn
Date d'inscription : 07/11/2009
Re: Exo Lunatik : Mon père
là, j'aime beaucoup aussi, mais d'emblée à première lecture à brut, je pense que tu peux enlever beaucoup de commentaires pour aller à un truc plus direct dans la bouche de l'enfant
J'aime la fin et le chat
à demain itou pour une meilleure lecture
J'aime la fin et le chat
à demain itou pour une meilleure lecture
Janis- Nombre de messages : 13490
Age : 63
Date d'inscription : 18/09/2011
Re: Exo Lunatik : Mon père
ah oui toi aussi t'as pas lésiné sur les effets spécieux
beurk je me sens toute chose
c'est trés bon
t'as vraiment repris la nouvelle de Lunatik
vue de l'autre côté
côté fils
bien joué
beurk je me sens toute chose
c'est trés bon
t'as vraiment repris la nouvelle de Lunatik
vue de l'autre côté
côté fils
bien joué
Rebecca- Nombre de messages : 12502
Age : 65
Date d'inscription : 30/08/2009
Re: Exo Lunatik : Mon père
bel écho à "l'abîme"
impossible de savoir si le texte tiendrait sans son pendant, si le lecteur comprendrait tout... Je pense que oui
la voix de l'enfant est bien rendue
très beau texte
impossible de savoir si le texte tiendrait sans son pendant, si le lecteur comprendrait tout... Je pense que oui
la voix de l'enfant est bien rendue
très beau texte
grieg- Nombre de messages : 6156
Localisation : plus très loin
Date d'inscription : 12/12/2005
Re: Exo Lunatik : Mon père
je l'aime bien, mais j'ai une petite réserve sur la voix de l'enfant, que je trouve un peu surfaite par moments
(elle est belle ma maman, mon père, c'est quelqu'un, par exemple)
j'aurais préféré qu'on reste dans le ton de "maman s'est tirée", qui revient régulièrement.
(elle est belle ma maman, mon père, c'est quelqu'un, par exemple)
j'aurais préféré qu'on reste dans le ton de "maman s'est tirée", qui revient régulièrement.
Janis- Nombre de messages : 13490
Age : 63
Date d'inscription : 18/09/2011
Re: Exo Lunatik : Mon père
Une réussite, j’ai aimé ce point de vue de l’enfant, le choix d’en faire l’allié du père qui dit tout son amour et son admiration pour lui, ça renforce la scène finale, horrifique.
Le parallèle avec la nouvelle est parfait, y compris dans le suspens final.
Le parallèle avec la nouvelle est parfait, y compris dans le suspens final.
elea- Nombre de messages : 4894
Age : 51
Localisation : Au bout de mes doigts
Date d'inscription : 09/04/2010
Re: Exo Lunatik : Mon père
La vache.
Alors là, tu me bluffes Demi-lune. Tu t'es approprié les personnages d'une manière qui me la coupe.
Je te tire mon chapeau... et te remercie.
Alors là, tu me bluffes Demi-lune. Tu t'es approprié les personnages d'une manière qui me la coupe.
Je te tire mon chapeau... et te remercie.
Re: Exo Lunatik : Mon père
Bonsoir,
Extra !
Un peu comme Janis, je pense que le ton de l'enfant aurait pu être un peu plus ... Bref, Janis l'a expliqué.
Mais j'ai adoré, très bien mené
Oui ! Je confirme, je n'avais pas lu le texte de Lunatik et j'ai bien compris !
Mais ça m'a donné envie de le lire du coup :-)
Extra !
Un peu comme Janis, je pense que le ton de l'enfant aurait pu être un peu plus ... Bref, Janis l'a expliqué.
Mais j'ai adoré, très bien mené
grieg a écrit:bel écho à "l'abîme"
impossible de savoir si le texte tiendrait sans son pendant, si le lecteur comprendrait tout...
Oui ! Je confirme, je n'avais pas lu le texte de Lunatik et j'ai bien compris !
Mais ça m'a donné envie de le lire du coup :-)
Remus- Nombre de messages : 2098
Age : 34
Date d'inscription : 02/01/2012
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