Mon village

Pour qui sont ces reflets qui dansent sur le lac, reflets d’arbres frileux aux branches dénudées ? Le banc du bord du lac est comme le village, aujourd’hui déserté.

Déserté par ces vétérans qui, jour après jour, refaisaient la guerre sans leur Etat Major. Ces anciens combattants qui n’avaient plus que le temps à tuer. Ils venaient s’asseoir là avec leurs pensées mélancoliques, le regard fixé au loin dans le passé figé des années. Ils ont rendu les armes en finissant de contempler ce qui s’éteignait.

Désertée l’école au portail rouillé et verrouillé. Sa cour, vitrifiée par le silence, n’accueille plus les oiseaux venus picorer les miettes des goûters après la récréation. Seuls quelques lézards osent s’y aventurer, sur les murs en pierres sèches au crépi effrité. Même le bedeau, toujours actif, prêt à glorifier Dieu, ne sonne plus l’angélus du soir qui donnait un air de sainteté à toute la campagne environnante.

Il était beau mon village aux ruelles étroites, pavées de fraîcheur ! Campé sur mes jambes qui savent encore les pentes, les lacets, les ornières des collines, j’en contemple la métamorphose.

L’espoir fait vivre, dit l’adage. Peut-être suis-je un imbécile, mais je crois qu’un jour les villes saturées aideront à repeupler les villages désertifiés.
Alors d’autres s’assoiront sur le banc, ne parlant pas de guerre, qui les yeux dans les yeux se parleront d’amour.
(Immuable candeur des amours de vingt ans !)

Puis, tout ce qui fut éteint se rallumera. Les feuilles à nouveau couronneront les arbres, posant sur l’eau du lac leurs reflets dansants.

Autant le dire, c'est le pseudonyme qui m'a attiré. Il fleure bon son sud.
Pour ce qui est du texte (trop court), j'ai bien aimé le ton nostalgique et la poésie qui s'en dégage. Ainsi que l'ouverture vers le futur.
Seul bémol (mais sans bémol, pas de musique non ?) :

Seuls quelques lézards osent s’y aventurer, sur les murs en pierres sèches au crépi effrité.

que j'aurais écrit de la manière suivante : Seuls quelques lézards osent s'aventurer sur les murs en pierres sèches au crépi effrité.

Joli texte un peu mélancolique, se terminant sur une note d'espoir.
" osent s'y aventurer ": le s'y se rapporte à la cour, phrase précédente.
Il eut été préférable de scinder cette phrase en deux pour éviter la confusion.

Un lieu humain sera-t-il un lieu commun au sens propre ?

Alexandrins cachés dans ce joli texte.

Par exemple : "Immuable candeur des amours de vingt ans !"

L'attachement du narrateur pour son village est sensible et bien rendu.
J'apprécie que le texte ne soit pas que nostalgie et qu'il se tourne vers l'avenir, vers un éventuel regain de vie.

Oui, de beaux alexandrins cachés dès le début du texte impriment leur nostalgie à l'ensemble. Moi qui suis une folle de vieilles maisons - et en Provence, dieu sait qu'elles sont belles !- j'ai bien aimé ce texte tendre et qui ne " confisque" pas le passé, mais ouvre sur un avenir de vie ( dans certains coins au contraire, les anciens sont hostiles aux "hors venus"!)
j'aime cette " cour vitrifiée de silence", jolie trouvaille !
En revanche, je n'ai pas aimé la phrase de début le " Pour qui sont" est trop associé à une citation précise, je trouve qu'il est devenu impossible de commencer une phrase comme ça sans que ça fasse parodie...