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Le pèlerinage de Gredi-Gredin

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Le pèlerinage de Gredi-Gredin Empty Le pèlerinage de Gredi-Gredin

Message  B.O.F. Dim 13 Mai 2012 - 19:05

Chapitre 1 : Comment ses résultats au concours d’Ornithologie rendent honni et honteux de tous – surtout de ses parents – Gredi-Gredin

Un jour, Gredi-Gredin décida qu’il était temps pour lui de devenir homme et partit en voyage initiatique laïc pour l’Amérique. Il connut la mélancolie du paquebot. Et il revint. Son navire n’était jamais parti du port : la faute en incombait sans aucun doute à un jeune matelot inconséquent qui avait, lors du dernier voyage, oublié de refermer une soupape ou d’employer pertinemment un vis-écrou. Cela importait finalement assez peu à Gredi-Gredin, qui n’avait du reste ni les cuisses pour traverser l’Océan en pédalo ni la bourse pour se proposer libéralement de remplacer le moteur déficient du paquebot – tout matelot ayant été finalement innocenté – de ses propres fonds. N’étant toujours pas homme, il restait la risée de ses camarades étudiants en Ornithologie sensorielle. Ceux-ci l’avaient affublé de divers surnoms, dont le plus blessant pour Gredi-Gredin était sans doute « Dredi-Dredin » : il s’agissait là d’une référence évidente au dodo, animal que Gredi-Gredin avait particulièrement aimé avant que son oncle en personne – ô individu ignoble, personne indigne qui n’aurait jamais dû voir le jour : la grand-mère de Gredi-Gredin ne s’en serait d’ailleurs pas plus mal portée, elle qui était de surcroît végétarienne – n’abattît le dernier spécimen en vie. L’assassinat du dernier dodo par l’oncle de Gredi-Gredin avait horrifié ce dernier. Depuis ce jour funeste, Gredi-Gredin avait juré de vouer sa vie à l’Ornithologie. Il n’était hélas pas un esprit brillant, ou du moins pas assez retors pour les esprits accablés de roublardise qui composaient les questionnaires à erreurs multiples qu’ils soumettaient délibérément aux jeunes gens innocents : Gredi-Gredin ne fut admis dans la section d’Ornithologie sensorielle qu’en raison du nombre fort restreint des candidats à l’admission en faculté d’Ornithologie. La section d’Ornithologie sensorielle était en outre de loin la moins demandée de toute la faculté d’Ornithologie : car bien qu’il soit de loin préférable pour un être humain d’examiner et de palper l’anus d’un corbeau plutôt que d’un chamois, d’un caïman ou d’un cachalot, s’extasier devant le chant onirique des rouge-gorge et tenter d’en deviner le sens mystérieux et caché, renvoyant sans doute à un même chant primitif que l’homme aurait perdu depuis qu’il n’habite plus dans des grottes bien chauffées l’hiver, est une activité autrement plus stimulante et amusante, et surtout beaucoup mieux rémunérée.


Gredi-Gredin était donc la risée de ses camarades de la faculté d’Ornithologie et même – et surtout - de ses parents. Ceux-ci avaient toujours placé de fols espoirs dans leur benjamin ; il devait surpasser sa grande sœur, qui avait épousé l’Empereur d’Autriche-Hongrie et lui avait même succédé à la faveur d’un changement audacieux des lois de succession en vigueur doublé d’une fatale coupe de vin à la saveur unique concoctée par un alchimiste génial mais masqué dans les souterrains obscurs de la capitale ennemie, et son grand frère, qui était devenu Tsar de Russie à l’âge de quatorze ans, en remportant un concours de lutte et d’esprit une fois la famille impériale disparue dans un tragique accident de traîneau qui avait ému les corps diplomatiques de tous les pays. Mais dès la naissance de Gredi-Gredin, ses parents surent que leurs fols espoirs ne sauraient être remplis par ce qu’ils avaient déjà devant leurs yeux : à sa naissance, Gredi-Gredin ne pesait que deux kilos ; l’obstétricien polyvalent avait bien proposé d’enfouir tacitement le nouveau-né dans un sac serti de pesantes pierres et de le jeter dans la Seine ; mais les parents de Gredi-Gredin gardaient quelque probité encore, ou bien quelque pragmatisme opportuniste : selon les lois de succession en vigueur dans l’Empire d’Autriche-Hongrie, Gredi-Gredin pourrait bien hériter du sceptre impérial le cas échéant : auquel cas, ses parents le manipuleraient aisément. Gredi-Gredin pâtissait d’un certain retard physique et d’un flagrant déficit mental. Le même mathématicien-intendant slave pythagoricien-obstétricien-vétérinaire-alchimiste qui avait présidé à l’enseignement du grand-frère de Gredi-Gredin reconnaissait lui-même que Gredi-Gredin avait l’esprit aussi vif qu’un dodo imbibé tout entier de naphtaline. Gredi-Gredin, s’il ignorait ce qu’était la naphtaline – il ne devait le découvrir qu’à l’âge de neuf ans, où ses parents, excédés par des résultats scolaires affligeants, le forcèrent à faire ce qu’ils avaient toujours rêvé d’expérimenter sur leurs pires ennemis -, restait profondément choqué par cette comparaison avec le dodo.


A l’âge de six ans, Gredi-Gredin aimait déjà le dodo. Il voyait en lui toute la majesté de l’aigle, la grâce de la colombe et la quotidienneté rassurante du pigeon ; le dodo était plus qu’un pigeon déformé : c’était une philosophie. Gredi-Gredin avait même supplié ses parents de lui acheter cinquante dodos pour qu’il pût avoir des amis ; mais ses bienveillants paternels avaient refusé, arguant que les trois cents tigres et les deux cents chouettes qu’ils possédaient étaient amplement suffisants pour distraire un enfant, qui d’ailleurs aurait sans doute mieux fait de rêver d’algèbre et d’Euclide plutôt que de dodo et de pigeons. Comble de l’horreur, les parents de Gredi-Gredin avaient menacé leur chérubin de lâcher une centaine de leurs tigres au beau milieu des habitats naturels des dodos et d’engager les meilleurs chasseurs de la région – voire de la contrée – pour éliminer tout spécimen de dodo encore subsistant. Les parents de Gredi-Gredin ne furent pas surpris quand ils virent que les relevés de notes de leur enfant étaient toujours aussi sertis de bulles rouges ; toutefois, bienveillants mais implacables, suivant les conseils de leur conseiller-psychologue-pédagogue-obstétricien-chasseur de dodos de père en fils et de fils en neveu et de neveu en filleule et de filleule en tante et de tante en fils adoptif, qui leur avait assuré qu’ils souffriraient d’un net déficit de crédibilité s’ils n’étaient pas fermes mais justes, mais fermes, les parents de Gredi-Gredin avaient en effet engagé cinq chasseurs pour exterminer l’espèce des dodos ; leurs tigres étaient cependant restés dans leur enclos : les lois en vigueur dans le domaine royal interdisaient formellement le lâcher massif de tigres royaux, en dépit de l’assurance des parents de Gredi-Gredin sur l’engagement profondément végétarien de leurs tigres – mais, à moins que le dodo ne soit un fruit ou un légume, de quoi auraient d’ailleurs servi ces tigres ? arguaient non sans pertinence les autorités compétentes, peu enthousiastes à l’idée de devoir réactivée la certes légendaire, mais tout de même coûteuse, Brigade des Tigres.


La lenteur des chasseurs finit par exaspérer l’oncle de Gredi-Gredin : il était évident que les cinq chasseurs sachant prétendument chasser ne chassaient que mollement – même chassant avec sept chiens -, et que cela s’expliquait non par une quelconque incompétence naturelle (il était entendu que ces chasseurs savaient chasser), mais par leurs conditions de travail trop molles et les modalités de leur rémunération trop suspicieuses (ils étaient payés à l’heure !), à moins que la tâche ne revînt pas à un être humain. L’oncle de Gredi-Gredin, qui voulait voir l’argent de son frère revenir – car, au vu des lois d’héritage en vigueur, une partie de cet argent pourrait bien lui échoir si un tragique incendie venait à décimer la famille de Gredi-Gredin -, se lança ainsi dans une longue chasse au dodo qui ne devait trouver – hélas !- son terme qu’au bout de vingt-neuf mois de traque et de meurtres sanglants. Gredi-Gredin, toujours bouleversé à chaque fois que son oncle rapportait victorieusement un trophée de dodo au sort funeste – on jetait la tête du malheureux dodo aux trois cents tigres royaux qui le dévoraient immédiatement, ou bien on la clouait sur le grand mur du salon, ou bien on l’envoyait en présent à la cour d’Autriche Hongrie ou de Russie - était d’ailleurs tenu autoritairement de lire et de relire et de commenter chaque soir le Journal de traque de son oncle, dont il nous faut – hélas ! – revenir sur quelques extraits, ce afin de provoquer un large sentiment d’empathie chez le lecteur envers Gredi-Gredin, bien que certains esprits médisants prétendent que cela n’est point la peine, étant manifeste que Gredi-Gredin est le personnage principal de ce récit : auxquels esprits délibérement médisants, l’auteur répond qu’il est payé au signe, et que cela l’arrange bien, puisqu’il a dès lors une idée toute trouvée pour le deuxième chapitre tout au long duquel il pourra réfléchir sur la consistance à donner au troisième.



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