Exo "First love never dies" : Sur la plus haute branche
+5
Lutti
Lizzie
Phylisse
Rebecca
Janis
9 participants
Page 1 sur 1
Exo "First love never dies" : Sur la plus haute branche
Mon premier amour avait la peau si douce… Je m’endormais sur elle, le nez dans ses cheveux. Le peignoir de soie vert pâle qu’elle enfilait le matin jouait dans la lumière et je l’appelais ma Dorée.
Elle aussi m’adorait.
Son vrai nom était Maman.
L’empreinte de cet amour-là ne saurait s’effacer.
Mon premier amour s’appelait Melchior. Il ne quittait pas mon lit.
Je ne l’oublierai jamais.
Il mesurait quinze centimètres, il lui manquait une oreille et l’autre était un peu décousue.
Il a disparu un jour sans me laisser d’adresse, ni se soucier du vide affectif qu’il m’infligeait.
Je me suis vengée en collectionnant ses congénères, mais jamais aucun n’a vraiment été mon nounours.
Mon premier amour a « déniaisé » la petite provinciale que j’étais : je lui dois mon initiation aux joies de la ville.
Avec lui, j’ai appris à tirer les sonnettes dans les immeubles de Vincennes et à parler « anglais » lorsqu’on se faisait surprendre. Nous avons beaucoup ri ensemble.
Il a fini par épouser une danseuse, mais je m’en fichais : il restait mon cousin préféré.
Mon premier amour avait une figure asymétrique pleine de charme et un affreux petit bâtard qui engrossait régulièrement Papoue, ma jolie cocker.
Ma mère disait « décidément, la chienne a aussi peu de goût que la fille ! » en me regardant avec une once d’inquiétude.
Il s’appelait Daniel Réaux. C’était un esthète de dix-sept ans qui s’appliquait à devenir dandy, alcoolique et érudit.
J’avais de jolis seins et fort peu de culture.
Pour le séduire, j’ai avalé tous les livres dont il parlait, ingurgité à la hâte chaque semaine tout ce que ma mémoire – excellente - supportait d’emmagasiner, afin de pouvoir pérorer sur des auteurs, que je venais de découvrir, comme s’il s’agissait de vieilles connaissances.
Il m’a fait tomber dans la littérature.
Je ne sais pas ce dont je suis responsable à son égard, mais j’ai renoncé au port du soutien-gorge.
Que se serait-il passé si ma fièvre ne s’était heurtée à sa crainte ?
Je ne l’oublierai jamais : chaque livre que je lis est un peu son enfant.
Mon premier amour avait un capuchon rouge et une plume en or. Il m’a suivie longtemps, en amitié avec un carnet toilé.
La douceur flexible de sa plume, le tracé onctueux qu’il permettait, ce joli crissement sur le papier, jamais je ne pourrai l’oublier.
Mon premier amour est bien cabossé.
Trente deux ans que nous usons tendrement l’un l’autre nos aspérités.
Chaque matin, je me répète comme un talisman : « First love never dies »
En priant secrètement pour que ce dicton-là ne soit pas menteur.
...un rossignol chantait...
Elle aussi m’adorait.
Son vrai nom était Maman.
L’empreinte de cet amour-là ne saurait s’effacer.
Mon premier amour s’appelait Melchior. Il ne quittait pas mon lit.
Je ne l’oublierai jamais.
Il mesurait quinze centimètres, il lui manquait une oreille et l’autre était un peu décousue.
Il a disparu un jour sans me laisser d’adresse, ni se soucier du vide affectif qu’il m’infligeait.
Je me suis vengée en collectionnant ses congénères, mais jamais aucun n’a vraiment été mon nounours.
Mon premier amour a « déniaisé » la petite provinciale que j’étais : je lui dois mon initiation aux joies de la ville.
Avec lui, j’ai appris à tirer les sonnettes dans les immeubles de Vincennes et à parler « anglais » lorsqu’on se faisait surprendre. Nous avons beaucoup ri ensemble.
Il a fini par épouser une danseuse, mais je m’en fichais : il restait mon cousin préféré.
Mon premier amour avait une figure asymétrique pleine de charme et un affreux petit bâtard qui engrossait régulièrement Papoue, ma jolie cocker.
Ma mère disait « décidément, la chienne a aussi peu de goût que la fille ! » en me regardant avec une once d’inquiétude.
Il s’appelait Daniel Réaux. C’était un esthète de dix-sept ans qui s’appliquait à devenir dandy, alcoolique et érudit.
J’avais de jolis seins et fort peu de culture.
Pour le séduire, j’ai avalé tous les livres dont il parlait, ingurgité à la hâte chaque semaine tout ce que ma mémoire – excellente - supportait d’emmagasiner, afin de pouvoir pérorer sur des auteurs, que je venais de découvrir, comme s’il s’agissait de vieilles connaissances.
Il m’a fait tomber dans la littérature.
Je ne sais pas ce dont je suis responsable à son égard, mais j’ai renoncé au port du soutien-gorge.
Que se serait-il passé si ma fièvre ne s’était heurtée à sa crainte ?
Je ne l’oublierai jamais : chaque livre que je lis est un peu son enfant.
Mon premier amour avait un capuchon rouge et une plume en or. Il m’a suivie longtemps, en amitié avec un carnet toilé.
La douceur flexible de sa plume, le tracé onctueux qu’il permettait, ce joli crissement sur le papier, jamais je ne pourrai l’oublier.
Mon premier amour est bien cabossé.
Trente deux ans que nous usons tendrement l’un l’autre nos aspérités.
Chaque matin, je me répète comme un talisman : « First love never dies »
En priant secrètement pour que ce dicton-là ne soit pas menteur.
...un rossignol chantait...
Invité- Invité
Re: Exo "First love never dies" : Sur la plus haute branche
Enfin du pur "Coline Dé".
Ravageur, surtout à la fin !
Ravageur, surtout à la fin !
Invité- Invité
Re: Exo "First love never dies" : Sur la plus haute branche
Bah oui, tous les amours sont premiers et les derniers !
Bel inventaire, belle plume, toujours, et l'humour en plus.
On sent quand même que ça tremble un peu plus pour évoquer ce daniel réaux
Janis- Nombre de messages : 13490
Age : 63
Date d'inscription : 18/09/2011
Re: Exo "First love never dies" : Sur la plus haute branche
Je me suis reconnue dans ce premier amour qui nous obligeât à se piquer de littérature pour briller à ses yeux ...Morte de rire, j'avais prétendu adorer Proust dont je n'avais pas lu une ligne juste parce que lui en était fan ! J'avais 14 ans, aucune culture, beaucoup d'imagination malgré une grande timidité, lui 18 et ça a marché. Le plus beau et plus intelligent garçon du bahut est tombé amoureux de moi grâce à Marcel . Du coup, j'ai du passer les nuits suivantes sur "A l'ombre des jeunes filles en fleurs" pour ne pas déchoir, alors oui, je l'affirme, l'amour ça se cultive certes mais aussi ça cultive :-))
Jolie architecture ce texte avec tous ces paragraphes commençant par "mon premier amour" agrémentée d'humour en filigrane
Jolie architecture ce texte avec tous ces paragraphes commençant par "mon premier amour" agrémentée d'humour en filigrane
Rebecca- Nombre de messages : 12502
Age : 65
Date d'inscription : 30/08/2009
Re: Exo "First love never dies" : Sur la plus haute branche
J'ai beaucoup aimé toutes les évocations de tes premières amours... Une telle diversité, c'est remarquable.
Invité- Invité
Re: Exo "First love never dies" : Sur la plus haute branche
Une belle déclinaison à laquelle il fallait penser, il y a finalement tant de premiers amours dans nos vies.
J'aurais aimé quelques épisodes supplémentaires, ça m'a paru trop court Coline. :-)
Phylisse- Nombre de messages : 963
Age : 62
Localisation : Provence
Date d'inscription : 05/05/2011
Re: Exo "First love never dies" : Sur la plus haute branche
Un texte doux, plus doux qu’à ton habitude, comme si tu te laissais aller à la douceur du thème. Aucune mièvrerie, ne t’inquiète pas. C’est touchant, et universel. Dans mon lit, Melchior s’appelait Rouki et sa longue queue rousse était toute rapée (non, pas de commentaire grivois, j’aimais d’un amour naïf et pur mon renard, même s’il a ensuite perdu un œil de verre, recollé de travers).
Et que n’ai-je fait pour séduire ?
L’écriture est juste, à sa place. Sauf cette phrase « Je ne sais pas ce dont je suis responsable à son égard, mais j’ai renoncé au port du soutien-gorge. », moins claire selon moi. Après ce passage, j’ai l’impression que l’émotion s’apaisait, la fin est jolie mais plus calme. L’âge de raison ?
Thème et écriture en harmonie, jolie page en tendresse, merci.
Et que n’ai-je fait pour séduire ?
L’écriture est juste, à sa place. Sauf cette phrase « Je ne sais pas ce dont je suis responsable à son égard, mais j’ai renoncé au port du soutien-gorge. », moins claire selon moi. Après ce passage, j’ai l’impression que l’émotion s’apaisait, la fin est jolie mais plus calme. L’âge de raison ?
Thème et écriture en harmonie, jolie page en tendresse, merci.
Lizzie- Nombre de messages : 1162
Age : 58
Localisation : Face à vous, quelle question !
Date d'inscription : 30/01/2011
Re: Exo "First love never dies" : Sur la plus haute branche
Ach so ! labour touchour ! avec Rebecca il faut porter un marcel pour séduire. Avec Coline (Dé) c'est plus léger… Les amours sont subtiles (mais non Rebecca, ne pique pas un phare, je me gausse :-))). Elle papillonne, de maman à Melchior en passant par les sornettes (d'immeubles). Merci à Daniel donc, pour avoir inspiré cette plume en or.
Invité- Invité
Re: Exo "First love never dies" : Sur la plus haute branche
Place privilégiée, que celle de premier. Pour te suivre, dans l'hommage que tu réserves aux"premiers", j'aurais pu parler de ma première deudeuche pour laquelle j'éprouve toujours une tendresse particulière.
J'ai beaucoup aimé suivre tous les jalons de ta vie, de l'amour maternel à l'homme, en passant par le nounours.
Et à te lire, on voit bien que l'amour est un moteur. N'as-tu pas ingurgité Proust par amour ? :-)
J'ai aimé ton texte.
J'ai beaucoup aimé suivre tous les jalons de ta vie, de l'amour maternel à l'homme, en passant par le nounours.
Et à te lire, on voit bien que l'amour est un moteur. N'as-tu pas ingurgité Proust par amour ? :-)
J'ai aimé ton texte.
Invité- Invité
Re: Exo "First love never dies" : Sur la plus haute branche
Savoureux, juste, touchant et du pur Coline, pointe espiègle et si rigoureuse, aussi, dans le dire.
Lutti- Nombre de messages : 91
Age : 66
Date d'inscription : 25/06/2012
Re: Exo "First love never dies" : Sur la plus haute branche
C'est frais, ça donne le sourire tout en passant le message, une lecture sympathique =)
Re: Exo "First love never dies" : Sur la plus haute branche
"...un rossignol chantait..."
chatoyances d'automne aux reflets de printemps
une efficacité très tendre ici,
toujours incisif bien sûr, mais émotions en blocs, comme les jeux cubes qu'on empile avec chacun des faces aux dessins différents bloc d'émotion, aussi.
chatoyances d'automne aux reflets de printemps
une efficacité très tendre ici,
toujours incisif bien sûr, mais émotions en blocs, comme les jeux cubes qu'on empile avec chacun des faces aux dessins différents bloc d'émotion, aussi.
Invité- Invité
Re: Exo "First love never dies" : Sur la plus haute branche
Cette succession de premiers amours en forme de chronologie est attendrissante, légère et joyeuse, très agréable à lire avec le sourire aux lèvres.
elea- Nombre de messages : 4894
Age : 51
Localisation : Au bout de mes doigts
Date d'inscription : 09/04/2010
Re: Exo "First love never dies" : Sur la plus haute branche
Tout court, tout doux. J'aime le fait qu'en peu de mots tu parviennes à nous raconter toute une (voire des) histoires. Là, il y a des images plein ma tête. Merci !
Lucy- Nombre de messages : 3411
Age : 47
Date d'inscription : 31/03/2008
Re: Exo "First love never dies" : Sur la plus haute branche
C'est sympa comme tout. Je retiens donc que tu ne portes pas de soutien-gorge.
Pascal-Claude Perrault- Nombre de messages : 5422
Age : 64
Localisation : Paris, ah Paris, ses ponts, ses monuments et ses merdes de chiens !
Date d'inscription : 20/02/2012
Re: Exo "First love never dies" : Sur la plus haute branche
Tendre, joyeux, optimiste et surtout... brillant.
Bravo l'artiste.C’était un esthète de dix-sept ans qui s’appliquait à devenir dandy, alcoolique et érudit.
J’avais de jolis seins et fort peu de culture.
Invité- Invité
Re: Exo "First love never dies" : Sur la plus haute branche
dans ce cornet de firsts loves il y a plusieurs dés, mais un dé en particulier se retrouve quand même nettement sublimé, même si jeté parmi les autres avec une pudique et malicieusement fine négligence:
celui que est sur la plus haute branche...on ne l'oublie jamais!
celui que est sur la plus haute branche...on ne l'oublie jamais!
Invité- Invité
Page 1 sur 1
Permission de ce forum:
Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum