Ma ville

Il ne s'agit pas de la ville que j'habite aujourd’hui. Mais toute ressemblance avec une autre ville de France et ses habitants n'est pas totalement due au hasard. J'ai juste un peu forcé le trait.

Ma ville

Les regards qui épient, sous le rideau qui bouge,
La démarche furtive
Du bourgeois attiré par la lanterne rouge,
Seul à l’heure tardive,
Les murmures chuintés qui de bouche à oreille
Se font rumeur immonde,
S’enflant, se répondant, quand la cité sommeille,
Laide et nauséabonde,
C’est ma ville.

Les propos avinés du Café du Commerce,
Travail, Honneur, Patrie,
Tandis que sont remis d’autres tonneaux en perce
Pour d’autres beuveries,
Sur un ventre replet l’écharpe tricolore,
Majestueuse autrefois,
La rosette bradée dont le revers s’honore
Et s’étonne à la fois,
C’est ma ville.

La charité chrétienne exaltée à la messe
Du dimanche à l’église,
Cependant qu’au dehors, au bras d’une pauvresse,
Un enfant agonise,
Les murs entessonés, les molosses dressés
Des maisons de notables
Qui toisent méprisants, croisées cadenassées,
Les taudis misérables,
C’est ma ville.

N'est-il pas une ville où les hommes sont frères,
Une cité radieuse,
Où règne l’harmonie comme en des phalanstères,
Sans ruelles poisseuses,
Sans humaine vermine, et sans ces vers sous terre
Qui attendent, tranquilles,
Que sans fleur ni couronne un matin l’on m’enterre,
Dans ma ville

Ne serait-ce pas le Village ?
En tout cas, si tu cherches une ville où tout le monde il est beau et gentil, faut peut-être tenter Auroville, la ville communautaire de Shri Aurobindo.
J'aime bien dans ce poème le rythme donné par les alternances du nombre des pieds (que je n'ai même pas cherché à compter d'ailleurs).

Bonjour chez vous.

"J'ai juste un peu forcé le trait" dis tu en préambule. Bah c'est le principe du pamphlet.
Cependant c'est une vision tellement unilatérale du monde que tu proposes là que ça me gêne aux entournures.

Le regard que l'on porte sur le monde et ce qu'on choisit d'en rapporter en dit long sur la personne qui choisit d'avoir ce regard plus que sur le monde tel qu'il est réellement.
Il faudrait croiser plusieurs regards de nature differentes pour avoir une chance d'approcher un peu la réalité.

Car dans les villes on peut choisir aussi de voir les gens formidables, qui montent des associations pour partager une valeur, une activité, une passion, d'aplaudir ou de participer aux initiatives des uns ou des autres pour rendre la ville plus belle plus solidaire plus écologique plus vivante, on peut choisir de voir et remercier les personnes qui par leur métier sont au service d'autrui, on peut choisir de célébrer les réseaux d'amitié, de solidarité, on peut admirer le génie des architectes, se féliciter de la convivialité des terrasses de café, apprécier les manifestations artistiques diverses, bref si on le décide on peut ne voir dans la ville que beauté et volupté :-)))

Ou vilennie stupre et obscénité, s'tun choix.

Sinon comme d'hab c'est fort bien écrit ; et ça a le mérite de pousser un peu le lecteur à réagir et à se positionner :-)))

Une vision bien sombre de tout ce qui n'honore pas l'être humain.

Ce que tu décris là se retrouve dans toutes les villes, plus ou moins selon les régions et l'importance des villes. En fait, la ville est un prétexte, un support.
Ce que tu fustiges, c'est une certaine catégorie d'individus, leur façon de vivre, de considérer (ou de ne pas, plutôt) les autres, leur égoïsme et leur mépris.
Ce n'est pas une vision gaie, mais elle est juste, et la façon de l'exprimer à mes yeux impeccable.

J'aime bien le parti pris manichéen, dans la mesure où il est dans le genre du texte, un texte noir comme certaines gravures du 19 ième siècle.

Excessif et manichéen, mais de ce fait même, tout à fait réjouissant.

Certes on peut voir les côtés ensoleillés.
Ou les ruelles suintantes.
Ou les deux.
... finalement, ça dépend surtout des moments !
Et j'ai apprécié ce trait noirci, anguleux, incisif.