Exo "La parole est aux objets" : Le plat d'argent

Le plat d'argent

Souffrez qu'un plat d'argent de fort belle apparence
Vous relate des faits tristes à en mourir,
Lecteurs trop émotifs, cœurs tendres s'abstenir !
Vous voilà prévenus, maintenant je commence :

Je veux vous dévoiler le douloureux martyre
De l’huître torturée un soir de réveillon
Qui en silence attend, stoïque et sans gémir,
Que giclent du citron les mortels postillons.
Une lame d’acier froide et impitoyable
L’avait sauvagement dénudée à moitié,
Et la main du bourreau, en un geste implacable
Avait meurtri ses chairs sans honte et sans pitié

On l’avait déposée aux côtés de ses sœurs
Sur moi, le plat d'argent, plein de glace pilée,
Tout près du pain de seigle entartiné de beurre,
Dont les tranches gisaient sur l’assiette empilées.
Elle a dû assister, rageuse et impuissante,
Aux froids préparatifs du festin inhumain,
Et, devant la vision de la tuerie sanglante,
Elle s'est lamentée en se tordant les mains.

On a vu le homard aller au sacrifice,
Coupé par le milieu d’un coup sec et précis,
La frêle langoustine et la vive écrevisse
Plonger dans l’eau bouillante et y perdre la vie,
On a vu violenter ses cousines les praires,
Décapiter l’oursin, éventrer les pétoncles,
Frire le calamar placide et débonnaire,
Et périr ses neveux ses tantes et ses oncles

La voilà maintenant sur moi, le plat d'argent
Livrée pieds et poings liés à la joyeuse troupe,
Élevant vers le ciel un regard implorant
Avant d’être gobée en un horrible “gloup”.
Ses dernières pensées, à l’heure de la mort,
Vont vers le fier belon qu’elle aimait tant et tant,
Là-bas, dans les eaux bleues de la Côte d’Armor
Bercées par le ressac doucement clapotant.

Et moi, le plat d'argent, lorsque l'on me lava,
Je sentis s'éloigner de moi toute colère :
Ce n'était, après tout, que quelques fruits de mer,
Vous n'allez pas, j'espère, en faire tout un plat

Erreur, je l'ai passé deux fois. Siouplait, la modération, supprimez le deuxième texte. Merci

J'ai particulièrement goûté ce poème digne d'un Monselet.
Merci beaucoup.

Albert,
J'en ai beaucoup écaillé, j'en ai même dragué dans le golfe du Morbihan avec mon beauf marin-pêcheur.
Sans le moindre état d'âme.
Mais la tirade de ton plat d'argent m'a rendu tout chose.

Dans un premier temps j'ai trouvé ces vers hugoliens, mais Legone a raison. Ils tiennent plutôt de Monselet (c'est meilleur)

Trop bon!

J'ai attendu, attendu, attendu... que la modération tienne compte de ma demande de rectification. J'avais passé deux fois à la suite le même texte, ce qui faisait un peu "tartine".

Si cette rectification est impossible ( ce qui m'étonnerait), au moins qu'on me le dise.

Bien entendu, ce (petit) coup de gueule ne m'empêche pas de remercier Tizef, Légone et Polixène




< C'est fait.
Pourriez-vous comprendre une bonne fois la raison pour laquelle rien n'a été fait jusqu'à présent ? Et que la modif aurait bien pu ne jamais être faite, même par la suite ?
Parce que c'est ICI qu'il faut le demander !
Ce n'est pas pour rien que la modération rabâche toujours les mêmes antiennes.
Impossible de tout lire et de tout suivre, n'est-ce pas ?
Aussi, regroupons les demandes, cela fait bien longtemps que ce fil existe et qu'on renvoie les demandeurs vers lui.
Prière donc de bien vouloir éviter à l'avenir ce genre de reproches vis à vis d'une modération aussi attentive qu'il lui est possible...
Merci de votre compréhension.
La Modération >
.

Ce plat d'argent n'avait pas attiré mon regard, Robert, quand tu l'as déposé sur la table de VE, et je le regrette.
Je viens de frémir à la lecture des atrocités que nous faisons subir à ces pauvres crustacés, et que tu dénonces...
Les gourmets sont des êtres cruels. Ton écriture excellente.