Exo "Péchés capitaux" : Grosse fatigue

Cet homme, quatre-vingts kilos, je le tenais au dessus du vide et j'avais bien envie de desserrer l'étreinte de mes mains sur ses poignets, histoire de voir ce que ça fait, un enfoiré qui vole.

J'ai fait valdinguer son portable parce que ça m'entaillait la chair. Quand il a marmonné putain Anna, un téléphone à cinq cents euros ! J'ai senti se réveiller l'animal noir, sauvage, que je connais bien et qui sommeille au fond de moi.
Calme, calme-toi.

Mon œil a machinalement enregistré le voisin d'en face, torse nu fenêtres grandes ouvertes, penché sur quelque chose et je me suis brusquement vue lovée dans son canapé devant un bon vieux western en mangeant un énorme steak tartare frites, mon plat préféré. Mes muscles étaient bandés à l'extrême et tout me faisait mal. Je ne doutais pas que ce gars solide et velu saurait comment me manipuler. Je commençais à convoquer des images précises et salées quand la voix de l'autre au bout de mes bras – l'extrémité de ses pieds étaient fichée dans une étroite saignée de la façade – m'a ramenée ici et maintenant.

T'arrête de mater ce blaireau ? T'as pas encore compris que c'est un pauvre type doté d'un QI de grenouille ? T'as tout ce qu'il faut à la maison , ha ! ha ! Et tu craches pas dessus que je sache ! (je voyais ses mauvaises dents et pouvais sentir son haleine de dromadaire).

Bon qu'est-ce qu'on fait ?
Une grande fatigue m'a envahie, une envie de buller dans l'herbe mûrissante avec mon voisin, de lui passer un vieux mégot en écoutant le bruit de la mer, j'ai dit bof, écoute, je suis un peu crevée.

Hein ?

Et j'ai lâché.