Voyage

Fenêtres ouvertes
Le Matin - en dormant
J'entends des voix. Lueurs à travers ma paupière.
Une cloche est en branle à l'église Saint-Pierre.
Cris des baigneurs: "Plus près! plus loin! non, par ici!
Non, par là!" Les oiseaux gazouillent, Jeanne aussi.
Georges l'appelle. Chant des coqs. Une truelle
Racle un toit. Des chevaux passent dans la ruelle.
...
Vacarme de marteaux lointains dans une forge.
L'eau clapote. On entend haleter un steamer.
Une mouche entre. Souffle immense de la mer. (1870)
Victor Hugo (L'Art d'être grand-père)

j’ai vu, des feuillages comme nids à trésor
piécettes de lumière comme pièces d’or
qu’il est bon de flâner d’inutile élégance
il y a des instants qui n’ont pas d’importance

à travers la campagne un matin de voyage
ralentissant un peu le temps du paysage
des portes de granges devenues ateliers
ouvertes au silence, et de m’en imprégner

je dirai l’inventaire… et un chat qui traverse
en miaulant de frayeur et part à la renverse
bruit de freins, des graviers, je crois entendre hurler
et continue ma route au hasard échappé

un passage à niveau, une pause à nouveau
des filets de brumes s’échappent d’un ruisseau
innocentes vapeurs que l’on dirait de fées
au prochain village… je prendrai un café

Frédéric-Victor se bonifie aux approches de la cinquantaine
Me demande si je ne ne préfère pas ses vers à ceux de l'autre barbu
sans déconner

Beaucoup de choses ici, j'aime quand la poésie ne fait pas qu'observer, que penser ; j'aime qu'il y ait une dynamique, qu'elle raconte, vive et transforme.

Bon, je ne suis pas sûre que "piécettes de lumière comme pièces d’or" soit très heureux, un peu beaucoup voyant ce me semble.
En revanche, oui aux "vapeurs de fées", à l'oeil et à l'oreille.

'lut...

Le rythme est un vrai plaisir de lecture.
Il y a une science de la césure, qui m'échappera toujours,
mais que j'admire chez les autres.

Je me permets de garder ce texte pour le prochain Chocolitt'


(connaissez-pas le Chocolitt' ???
c'est deux fois par an, à la chocolaterie de par ici,
chez cette brave et honnête Lydie.
Le thème du 2 décembre prochain : "Dites pour quel voyage")


On n'oubliera pas de desserrer le frein à main....

Je n'ai pas apprécié. Je ne me suis pas senti touché. J'ai trouvé ça neutre, pour être précis, sans émotion.

"et continue ma route au hasard échappé" ceci me semble dénoter de l'ensemble.

Au futur de vous lire.

Me suis régalée et sentie bercée par votre itinéraire, et moi aussi vais faire une pause café pour le coup, ça m'évitera le meurtre d'un chat !

Ah que j'aime ces deux vers, d'une très jolie musicalité :

qu’il est bon de flâner d’inutile élégance
il y a des instants qui n’ont pas d’importance

qui, à mon sens, contiennent tous les autres.

Un voyage, de bruits, de senteurs et de lumières, dont j'ai suivi le chemin avec un réel plaisir.

J'ai une question pour toitu : pourquoi cette référence à Victor Hugo ? Je veux dire : quelle est l'utilité de citer son poème en référence ?

(à phylisse, pour tenter de lui répondre, et à tousVous, pour vous remercier !)

ce texte fait parti de mon petit florilège d'un suiveur de vers.
C'est une préface à mon petit recueil de grand oeuvre, dont j'essaie de convaincre qu'il faut absolument, etc... mais que cela n'a pas l'air si simple et que ça m'énerve, oui, ça m'énerve ...hahaha !!!
Donc, dans ces poèmes, parfois, c'est une suite du fond ou de l'histoire (du poème dezautres que je cite. Parfois, le rapport entre les deux s'est complètement perdu en route, parfois, c'est la forme, ou le rythme, la musique... ici, quand j'ai lu ce poème, je me suis dis....P'tain Victor, t'es un ingénieur du son... c'est le poème du J'ENTENDS. Alors, j'ai voulu écrire son pendant avec JE VOIS.
je sais, c'est peut-être à la limite du plagiat, mais je l'assume et même le revendique... c'est à la fois plus compliqué et plus facile à écrire. On a le dessin écrit comme un poncif (dans le sens technique du dessin, il apparaît en pointillé) (et il faut développer son univers poétique et ne pas paraître trop neu-neu... un peu comme faire un tour de circuit en suivant Lance Amstrong, dopé ou pas)

et ici, c'est un peu comme une montre à complication, ou le travail de l'indépendance des membres, pour un joueur de percus..
j'aime bien , rarement mais j'aime bien, écrire horizontal et vertical en même temps.

donc, je devrais même écrire en titre
musique et idée originale de Victor Hugo...paroles de Frédéric Prunier.



J'entends des voix. Lueurs à travers ma paupière..................j’ai vu, des feuillages comme nids à trésor
Une cloche est en branle à l'église Saint-Pierre.....................piécettes de lumière comme pièces d’or
Cris des baigneurs. Plus près ! plus loin ! non, par ici !............qu’il est bon de flâner d’inutile élégance
Non, par là ! Les oiseaux gazouillent, Jeanne aussi.................il y a des instants qui n’ont pas d’importance

Georges l'appelle. Chant des coqs. Une truelle......................à travers la campagne un matin de voyage
Racle un toit. Des chevaux passent dans la ruelle.................ralentissant un peu le temps du paysage
Grincement d'une faux qui coupe le gazon...........................des portes de granges devenues ateliers
Chocs. Rumeurs. Des couvreurs marchent sur la maison.........ouvertes au silence, et de m’en imprégner

Bruits du port. Sifflement des machines chauffées................je dirai l’inventaire… et un chat qui traverse
Musique militaire arrivant par bouffées...............................en miaulant de frayeur et part à la renverse
Brouhaha sur le quai. Voix françaises. Merci........................bruit de freins, des graviers, je crois entendre hurler
Bonjour. Adieu. Sans doute il est tard, car voici..................et continue ma route au hasard échappé

Que vient tout près de moi chanter mon rouge-gorge..........un passage à niveau, une pause à nouveau
Vacarme de marteaux lointains dans une forge...................des filets de brumes s’échappent d’un ruisseau
L'eau clapote. On entend haleter un steamer.....................innocentes vapeurs que l’on dirait de fées
Une mouche entre. Souffle immense de la mer....................au prochain village… je prendrai un café

Tu as raison, Frédéric. A gauche j'entends, à droite je vois. Et c'est drôlement bien fait.
Intéressant parallèle. Il fallait y penser ! Procédé qui pourrait être utile à qui veut progresser en versification.
Ce n'est pas du plagiat, loin de là. Moi je vois là comme un exercice, improvisation sur un thème donné,
ou écrire le reflet, l'autre face de ce que vous avez lu...
en miaulant de frayeur et part à la renverse
bruit de freins, des graviers, je crois entendre hurler
Une remarque : à mon sens ces deux vers sont trop j'entends, et pas assez je vois
pour une réussite totale de l'entreprise.
Mais tout de même, chapeau !

Merci pour cette explication,
Tes tournures de phrases, très prunières, au bord du charabia (mais sans y tomber) comme le funambule est au bord du vide donnent beaucoup de charme au truc.

Mais, pardon de vouloir te tirer par le haut, le résultat serait encore meilleur si, tout en conservement précieusement ce style, tu adoptais la même prosodie que tonton Victor.
Je connais tes arguments, tu revendiques ta liberté. Mais songe un poil aux lecteurs.

Cisèle un poil ton texte pour un faire un joyau.
Il ne coûte rien d'essayer

Très joli sauf le deuxième vers comme le souligne Easter.

J'hésitais à poser la question concernant la référence à Victor Hugo, je suis finalement contente de l'avoir posée.

Parce que l'explication que tu donnes sur la manière dont tu t'en es inspiré est vraiment superbe. J'adore cette idée d'avoir su prendre un angle différent tout en gardant l'esprit du texte d'origine, et cela mériterait presque une suite avec un autre sens comme le toucher. Je vais voir si ça m'inspire...

Cela me fait penser à un poème que j'avais écrit et publié sur VE :

http://www.vosecrits.com/t9276-je-sais-seulement-que-je-reste

Exercice intéressant, c'est vrai, performant, réussi.
Je crois que je vais en faire autant et aller picorer les œuvres des poètes pour en faire des poèmes.
Seulement, voilà, j'ai horreur de la poésie...