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Quand Patrizio se réveilla...

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Quand Patrizio se réveilla... Empty Quand Patrizio se réveilla...

Message  Frédéric Prunier Sam 17 Nov 2012 - 16:31

ceci est un extrait d'un trucmuche en cours... je tiens à préciser que c'est un roman... les mots prononcés n'engagent que les personnages....-)))



....
..... Quand Patrizio se réveilla, le lendemain matin, le jour était levé. Il s'habilla et se fit servir son petit déjeuner. Il descendit ensuite dans la salle commune pour payer son dû. L'aubergiste lui fit son compte en ajoutant comme prévu ce que devaient les français.
- Il sont déjà partis vos protégés, et sans vous remercier, c'était à prévoir.
Patrizio préféra ne pas s’aventurer dans un débat inutile. Il paya et demanda que l'on prépare son cheval. L'aubergiste continuait sa réflexion et parlait à voix haute :
- Il y a quelques années, quand les français traversaient le pays, ils dépensaient leur argent en jouant les grands seigneurs. Quand ils arrivaient à l'auberge, ils étaient en terrain conquis. Ils nous considéraient comme des sauvages et nous parlaient comme à des chiens. Et aujourd'hui, il faudrait quoi ? Qu'on les nourrisse et qu'on les soigne gratuitement ? Moi, je dis que c'est à cause d’eux que la région est à feu et à sang. Ils fuient comme des rats leur navire, et la moitié d’entre eux ne sont rien d’autres que des brigands sans foi ni loi. Ils savent faire semblant, pour mieux nous entourlouper. Ce qu’ils veulent, c’est le gite et le couvert, gratuit, et pourquoi pas une petite rente en plus. On a pas besoin d’eux, au contraire.
.... L'aubergiste était remonté comme une horloge, il essuyait la table pour la dixième fois. Patrizio avait déjà eu droit au même refrain la veille au soir et il se demandait comment il pouvait prendre congé sans trop montrer de désaccord. Il acquiesçait de la tête sans réellement répondre.
.... Juste à ce moment, l’apprenti entra dans la pièce complètement affolé :
- Les français ! Les français !
L’aubergiste habitué à le commander, l’arrêta tout net.
- Quoi les français ?
- Ils sont morts.
- Où ça ? Ils ne sont plus dans la grange.
- Ils sont pendus au grand chêne, derrière le lavoir.
- De toute façon, cela devait arriver. A force…
Patrizio sentait une angoisse lui nouer la gorge, il demanda :
- Et l’enfant ?
- L’enfant aussi…
-Mais c’est l’horreur absolue ! Le monde est devenu fou !!
Il s’était levé d’un bond et une colère inhabituelle se lisait sur son visage. Il se précipita dehors, précédé par l’apprenti qui se retournait vers lui sans cesse, tout en courant, impressionné par une réaction aussi brusque et soudaine.
- Seigneur Bruelli, vous verrez, c’est horrible. Leur chariot est tout renversé, les coffres sont éventrés, tous leurs vêtements sont éparpillés par terre et ils ont volé leur mulet.

...... Quand ils arrivèrent près du lavoir, un attroupement de curieux était déjà là, immobile, devant les trois victimes qui pendaient toujours aux branches du grand chêne. Ils étaient tous comme pétrifiés, regardant leur propre mort à travers ces corps inertes, comme dans un miroir.
Patrizio cria :
- Mais vous n’allez quand même pas attendre que leur poids les déchire pour qu’ils se détachent tout seuls ?
Un homme juste à côté de lui répondit, sans le regarder :
- Ça porte malheur de toucher un pendu.
Patrizio approcha. Il avait les larmes aux yeux :
- Vous avez bien un couteau ? Il faut une échelle… Mais faîtes quelque chose… !
Personne n’osait s’approcher. Les secondes qui suivirent parurent une éternité. Tout à coup, une femme réagit. Elle prit la serpe que son voisin portait à la ceinture et elle s’approcha de l’arbre.
Patrizio n’en croyait pas ses yeux, c’était Yasmina. Sans s’occuper de lui, elle se hissa tout naturellement à travers les branchages et trancha les cordes. Il réceptionna le petit corps dans ses bras.
Lui qui criait si fort était maintenant sans voix et cherchait un endroit ou déposer l’enfant mort. Il ne voulait pas le laisser à même le sol.
..... Tout le monde, maintenant, essayait d’être utile. Les affaires qui étaient éparpillées avaient été regroupées et on avait redressé la carriole pour y allonger les cadavres. On fit signe à Patrizio de placer le petit entre ses deux parents. Personne ne parlait. Il semblait qu’à cet instant, la seule communication possible entre tous les témoins de ce drame n’était faite que de gestes ou de regards.

...... Et c’est pratiquement sans un mot que le triste cortège se rendit jusqu’à la porte de l’église. Patrizio regardait de temps en temps pour voir si Yasmina les suivait. Elle était là, elle aussi, qui marchait la tête baissée, comme tous les autres. On aurait pu croire que tous ces gens étaient de la famille, ou tout au moins, du même village que les défunts.
..... Les trois victimes furent disposés sous le porche, et on couvrit leur visage tuméfié d’un de leurs habits. L’apprenti du maréchal ferrant proposa d’aller chercher le curé qui se trouvait aujourd’hui dans le village voisin, car les deux bourgs étaient regroupés par une même paroisse. Quelques femmes commencèrent à réciter des prières à haute voix.
.... Après avoir longtemps hésité, Patrizio s’approcha de Yasmina et lui dit à voix basse :
- Le corps de votre fils repose dans le parc de ma propriété, près de la petite chapelle.
Elle lui répondit sans lever la tête.
- Je sais.
Après un court instant de silence, il reprit :
- Si vous désirez l’enterrer dans un autre endroit, je peux demander à mes gens de se charger de son transport.
- Non.
- Vous pouvez venir sur sa tombe, autant de fois que vous le voulez.
- Vos gens me chasseront ou me dénonceront aux juges.
La voix de Yasmina était mélangée de chagrin et de haine, elle semblait un peu hagarde et regardait les trois corps allongés par terre.
- Présentez-vous et demandez-moi. Je ferai le nécessaire, personne ne vous dénoncera.
Elle ne répondit pas.
Le cercle qui s’était formé s’écarta pour laisser passer le maréchal ferrant. Dans le village, c’était lui qui habituellement était chargé de la fabrication des cercueils.
- Je vous préviens, s’il n’y a plus d’argent dans leurs poches, je ne fournirais pas les planches. Et ce n’est pas la peine de me regarder comme un sale commerçant égoïste et sans cœur, je ne suis pas plus inhumain que vous autres. Si on les a détroussés et qu’ils n’ont pas de quoi payer, on les enterrera dans un sac.
Il semblait avoir oublié la présence du Maître de musique et prenait les affaires en main, comme à son habitude dans le village. Patrizio était juste derrière lui. Il lui coupa la parole d’un ton pourtant tranquille :
- Je vous paierai votre travail.
.... Le maréchal se retourna furtivement, mais il avait déjà reconnu la voix de Patrizio. Tout en grommelant, il se mit à calculer la taille des futurs cercueils, en s’aidant de la longueur de sa main comme d’une toise.
- Ils ont de la chance dans leur malheur, j’ai des planches taillées d’hier. Les boîtes seront prêtes quand le curé arrivera.
Il s’apprêtait à repartir vers sa forge quand il aperçut Yasmina :
- Qu’est-ce qu’elle fait là, celle-là ? … On t’a déjà dit de ne plus mettre les pieds dans le village. Et ces trois là, par terre, ils faisaient partie de ta bande ou c’est elle qui les a zigouillés ?
Yasmina lui faisait face. Elle était prête à se battre. Patrizio reconnut l’animal sauvage qu’il avait observé lors du réquisitoire de l’accusateur public, au tribunal. L’agressivité remplaçait les mots qu’elle ne savait pas prononcer.
.... La présence du musicien gênait le maréchal, mais il assura pourtant que cette garce ne lui faisait pas peur et qu’il avait dressé des pouliches bien plus sauvages et plus puissantes qu’elle. Il recula malgré tout et se remit au calcul des dimensions des cercueils.

...... En rejoignant son atelier, il se rappela la dernière réunion de la milice. Les ordres étaient clairs : Pas d’affrontement isolé, pas d’initiative. En cas d’incident ou d’attentat dans son village, on devait prévenir le château au plus vite et surtout éviter à tout pris de fanfaronner et d’approuver publiquement si un étranger était assassiné. L’heure n’était pas encore à l’action au grand jour. Pour l’instant, on ne revendiquait aucun attentat. Il était plus intéressant de voir germer l’insécurité chronique et de laisser l’opinion générale accuser les bandes de pillards de toutes ces tueries. En plus, cette putain de bohémienne avait l’air de plaire au maître de musique, alors pas d’esclandre, et si le nettoyage des français était un coup en douce de la milice, il le saurait très vite.
.... Il chercha dans son tas de bois les plus mauvaises de ses planches. Pour aller pourrir à dix pieds sous terre, elles n’avaient pas besoin d’être sans défaut. De toute façon, ce n’était pas la famille de ces charognes de français qui porterait plainte. Il se mit au travail en se répétant que trois de moins, c’était toujours ça de gagné.

.....
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Message  Invité Sam 17 Nov 2012 - 17:26

En règle générale, je ne suis pas portée sur les récits/romans historiques, ou alors il faut que je plonge très vite dans l'histoire, que je m'attache rapidement aux protagonistes.
C'est le cas ici, il y a quelque chose de familier, d'immédiat qui fait qu'on accroche d'entrée bien que ne sachant pas grand-chose de l'époque ni du lieu où ça se déroule.
Le passage se lit bien, sans heurt ni accroc, l'écriture est fluide et il y a des personnages forts, un passé esquissé, une tension sous-jacente, bref, ça roule.

Juste une remarque sur "les Français" (majuscule pour nom de nationalité).

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Message  Pascal-Claude Perrault Sam 17 Nov 2012 - 20:39

Une très belle écriture du sieur Frederico Prunieri !

Bonne idée que de poster cet extrait complètement isolé de son contexte. Ça fait extrait de film.
Je dirais même que c'est la scène du maréchal-ferrant.
(on est plus en France apparemment ?)

Petite remarque pour éviter à tout pris => prix
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Message  Invité Lun 19 Nov 2012 - 10:05

Arrivée au terme de la lecture, je ne peux demander qu'une chose : la suite !

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Message  Lizzie Lun 19 Nov 2012 - 15:48

Je ne suis pas adepte des romans historiques, donc, pour le contexte, pas d’avis.
Pour l’écriture, elle est claire et fonctionne bien. J’ai lu d’une traite jusqu’au bout. Les dialogues sont naturels, et on sent que les personnages ont une épaisseur.

Deux trois passages qui me semblent moins fluides, moins fondus avec le tout :
« Il s'habilla et se fit servir… L'aubergiste lui fit son compte » : la répétition se voit, je trouve.
« -Mais c’est l’horreur absolue ! Le monde est devenu fou !! » : pas naturel pour moi.
« Leur chariot est tout renversé, les coffres sont éventrés, tous leurs vêtements sont éparpillés par terre et ils ont volé leur mulet. » En dialogue, à haute voix, je me demande s’il ne faudrait pas couper cette phrase en deux ?
« Lui qui criait si fort était maintenant sans voix »… « Tout le monde, maintenant, essayait d’être utile » la répétition.
« En rejoignant son atelier, il se rappela la dernière réunion de la milice. » : Pas compris de suite qui était le « il ». Du coup, je sors du texte pour réfléchir, c’est épuisant…^^
« l’insécurité chronique » : je trouve ce terme anachronique. D’autres aussi, mais je ne les ai pas relevés (zigouiller, par exemple). Mais bon, en même temps, je ne sais pas vraiment quand se passe l’action, donc ma remarque est peut-être à côté de la plaque.

En tout cas, une lecture agréable, merci.

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Message  Frédéric Prunier Lun 19 Nov 2012 - 16:42

merci lizzie pour avoir soulevé quelques points de détails... et je viens de me précipiter pour vérifier...et... corriger.....
surtout pour celle-là:

Une fois les mesures bien en tête, il rejoignit son atelier. (comme ça y'a pas d'ambiguïté..

juste cette remarque que je n'ai pas compris: « Lui qui criait si fort était maintenant sans voix »… « Tout le monde, maintenant, essayait d’être utile » la répétition.........quelle répétition...???

.................

pour la gestion des anachronismes, de certaines expressions, ce sera pour moi, le défit, la figure de style... faire passer ces anachronismes... mais il est certain que de temps en temps le lecteur va faire "TILT"... alors que d'autres fois non...
j'essaie de m'expliquer;
le problème des anachronismes, dans ce récit, c'est même toute l'histoire qui est une sorte d'anachronisme ... et j'essaie d'en jouer... c'est à dire effleurer l'analogie entre les époques, celle du récit, celle de la lecture..

d'ailleurs plus anachronique encore, dans ce passage, c'est ce qui suit :

- Il y a quelques années, quand les Français traversaient le pays, ils dépensaient leur argent en jouant les grands seigneurs. Quand ils arrivaient à l'auberge, ils étaient en terrain conquis. Ils nous considéraient comme des sauvages et nous parlaient comme à des chiens. Et aujourd'hui, il faudrait quoi ? Qu'on les nourrisse et qu'on les soigne gratuitement ? Moi, je dis que c'est à cause d’eux que la région est à feu et à sang. Ils fuient comme des rats leur navire, et la moitié d’entre eux ne sont rien d’autres que des brigands sans foi ni loi. Ils savent faire semblant, pour mieux nous entourlouper. Ce qu’ils veulent, c’est le gite et le couvert, gratuit, et pourquoi pas une petite rente en plus. On a pas besoin d’eux, au contraire.

(par contre zigouiller vient d'un mot de dialecte régional...c'est pas parce qu'il a été à la mode maintenant, qu'il n'existait pas avant, non ?)

disons, que je ne l'écris pas comme un roman historique,
je décale une histoire dans un autre temps, plutôt...

Après, est-ce que ça passera en comité de lecture....?....ça...c'est une ôtre istoire !
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Message  Frédéric Prunier Lun 19 Nov 2012 - 16:42

et merci à tous les autres !!!!!!!!!
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Message  Lizzie Lun 19 Nov 2012 - 17:35

La répétition:
« Lui qui criait si fort était maintenant sans voix »… « Tout le monde, maintenant, essayait d’être utile »

L'anachronisme: c'est donc ce que je pensais: en n'ayant qu'un extrait, on doit se fier au vocabulaire pour situer l'action. Donc, je suis peut-être dans un récit futuriste post-apocalyptique... ce qui rend ma remarque caduque ! ("gratuitement", par exemple, c'est un mot bizarre à côté de "carriole" ou de "brigand" ).
Ne connaissant pas l'ensemble du projet, je ne veux pas m'aventurer sur ce terrain. Et puis, ce n'est pas l'essentiel, les autres lecteurs n'ont pas relevé ce détail, me semble-t-il.
Bon courage pour l'entreprise, en tout cas.

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Message  Invité Mar 20 Nov 2012 - 8:31

Une bon extrait, certes, pas à la hauteur de "Enfin une bonne nouvelle" en ce qui concerne la langue, mais qui se lit aisément et avec plaisir.

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