Vénus anadyomène (moderne)

à une Simonetta Vespucci moderne


Vénus anadyomène,
Ses traits sont froids
Et sa lèvre amère.

La larme qui promène
Sur ses joues le sel,
Comme sur la soie,
Fragile, une perle
De tristesse...

Elle se brisera bientôt
Sur les lames du parquet.

Ses cheveux blonds,
Emmélés, qui ne sont
Pas battus par les vents,
Et son appartement
Sont la preuve d'un soin négligent.

Elle se brisera bientôt
Sur les lames du parquet.

Nous n'avons pour mer,
Dans ce triste décor,
Qu'une large baignoire
Et pour ciel, ces débris de miroir
Qui jonche le sol et la déflore...

Prostrée au milieu du calcin
Vulgaire qui griffe son sein,
La nue pleure sans effort
Et goûte ce qui la dévore :

Une irrésistible colère,
Qui est montée comme la mer,
Qui de sa blanche chair
A fait un flot destructeur.

D'écume rosée,
Douleur méritée,
La belle au poignée tailladé
Suffoque encore.

Il est délicat de prétendre traiter de façon moderne Vénus Anadyomène surtout quand on pense à l'audace avec laquelle Rimbaud s'est emparé du sujet à seize ans.
Le poème est bien mené, l'univers est intéressant, peut-être traité de façon un peu trop banale. Le rapport entre adjectif et substantif : "traits froids", "soin négligent", "triste décor", "irrésistible colère" manquent d'audace poétique, on sent bien l'intention, mais l'intention est étouffée par un usage commode de la langue. Je pense notamment à la trouvaille surréaliste dans le manifeste de Breton : "C’est du rapprochement en quelque sorte fortuit des deux termes qu’a jailli une lumière particulière, lumière de l’image, à laquelle nous nous montrons infiniment sensibles. La valeur de l’image dépend de la beauté de l’étincelle obtenue ; elle est, par conséquent, fonction de la différence de potentiel entre les deux conducteurs. Lorsque cette différence existe à peine comme dans la comparaison, l’étincelle ne se produit pas."
Le langage poétique, à mon sens (mais c'est là un sujet discutable), n'a pas à nommer, c'est-à-dire à s'embarrasser d'un souci de nuance "soin négligent", "irrésistible colère", mais à suggérer autrement, c'est-à-dire au biais de cette "lumière particulière" des images. Sans quoi, on ne peut pas réellement prétendre à la modernité. On reste, en dépit de la façon générale d'aborder un thème, plus ou moins classique (dans la conception de la langue poétique).

manque*

Je ne suis pas emballée par votre texte.
Le premier tercet est étrange dans sa description clinique, et tout à l'avenant.
Autant les "que" "qui" de la version de Rimbaud s'inscrivent dans la fluidité du vers, autant ils semblent ici parfois inutiles, ou simplement là pour caler le vers sur le bon pied :

humpf a écrit: Prostrée au milieu du calcin
Vulgaire qui griffe son sein,
La nue pleure sans effort
Et goûte ce qui la dévore :

Une irrésistible colère,
Qui est montée comme la mer,
Qui de sa blanche chair
A fait un flot destructeur.

Maintenant, je salue l'exercice.
J'ai posté, il y a quelques mois, sur le forum, un texte inspiré de La Naissance de Vénus de Botticelli, une version moderne parisienne : Vénus et Chloris au Café de Flore.

"Le poème est bien mené, l'univers est intéressant," par Art.Ri. Amen!

Je regrette seulement que vous ayez cédé à des facilités sentimentales : la larme, la soie les perle; les cheveux blonds.

Petites remarques:
"La belle au poignée tailladé" je suppose qu'il s'agit du poignet
cheveux emmêlés