Trente et un jours
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Trente et un jours
Trente et un jours
Tous les jours, à quatre heures et demi, j’attends, que les gosses aient fini l’école, on m’a dit que les gosses vont mieux, quand ils retournent vite à l’école.
Et puis je m’occupe d’eux, les soirs, ils se brossent bien les dents, bien fort, longtemps, tous crocs dehors, je les appelle mes p’tits requins, ils s’en foutent partout c’est marrant. Avant bouffer, aussi, ils se lavent bien les mains, je fais tout bien, c’est des gosses bien.
Je peux plus rentrer dans la chambre, le lit est là, beau, et tout fait, je m’y sens comme si j’étouffais, j’ai pris le canapé, ça va , c’est pas désagréable.
J’peux pas sans toi c’est pas possible
Je respire pas j’pleure c’est horrible
J’peux pas sans toi j’ai pas la force
Qu’est-ce qu’on va faire moi et les gosses ?
Depuis hier c’est les vacances, faudrait qu’on parte, c’est l’évidence, faut faire respirer les gosses, comme me l’a dit ton frère, au téléphone, hier, qu’a loué une baraque à la mer, jolie, aux Sables-d’or, c’est vrai, là-bas, les gosses adorent.
J’ai pas su refuser son offre, on part, ce soir
J’ai chargé les affaires dans l’coffre
Je crois qu’il va pleuvoir.
Dans la voiture sur l’autoroute
J’ai mis la radio pour les gosses
L’essuie-glace évacuait les gouttes
On écoutait Diana Ross
Tu sais « I will survive »
J’ai voulu changer la fréquence
Mais les gosses aimaient la chanson
Comme un con j’ai perdu patience
Et je leur ai coupé le son.
On arrive et le temps s’améliore, je suis mort et les gosses, font un cirque d’enfer pour qu’on aille de suite à la mer, je voudrais gueuler, silence merde ! Et sur le bas-côté, je vois une mouette déployer ses ailes, foutre le camp, là-haut, au ciel, et j’ai des envies de chialer.
J’ai foncé vers la mer pour avoir le silence.
Voilà.
La plage des sables d’or
Que j’ai vu pour la première fois un jour de septembre, où l’eau s’était retirée loin, et, où l’on voyait des gamins, faire de jolies venises en sable, dans les flaques d‘océans aux commissures blanches, et toi tu marchais pieds nus et le vent était incroyable…
On était là
Moi et les gosses, mais c’était la marée haute, et il commençait à faire chaud, on a pris les maillots et on est allés à l’estuaire
Où pendant les fortes marées, l’océan s’engouffre et forme
Un courant majestueux, obsédant et imperturbable.
J’ai laissé filer les gosses et je suis allé voir, là, tout au bord, il y avait tout un tas de touristes qui s’amusaient dans l’eau.
Je les voyais essayer
De nager à contre courant
Puis abandonner finalement
De guerre lasse.
Le courant les emportait loin, là où l’eau noire retrouve son calme.
C’était un jeu, tout le monde riait, mais moi, moi je les regardais
Ces petits vieux ou ces mômes
Ces ados, ces hommes,
Ou ces mères
Qui ont peut-être des lymphomes
Qui sont emportés par la mer
Qui sont des millions. Toute une foule. On leur tend la main
Mais ils coulent
Ils sont des millions, ils sont toi
Et je suis seul sur le rivage
Je peux gueuler la mer s’en fout !
Sous l’eau tout est indifférent…
Je pourrais m’endormir, c’est tout
Et puis laisser faire le courant…
Mais deux mains m’ont chopé dans l’dos
Deux autres arrivaient en courant
C’était mes gosses grimpant sur moi
Comme des p’tits macaques à un arbre, alors…
Alors ça vacille pas un arbre
Ça continue ça prend sur soi
Ça porte ses fruits jusqu’au bout
Et j’ai noué bien fort mes bras.
Je me suis éloigné du bord
Sentant s’agripper à mon corps
Nos deux gosses et les Sables d’or
Trente et un jours après ta mort.
pachyderme- Nombre de messages : 72
Age : 37
Date d'inscription : 10/12/2011
Re: Trente et un jours
Belle description du ressenti d'un père qui, grâce à ses enfants, arrivera à faire le deuil d'une mère décédée.
Emouvant et bien vu.
Pour la forme, je l'aurais mis côté prose, bien que certains passages soient des poèmes :
Je peux gueuler la mer s’en fout !
Sous l’eau tout est indifférent…
Je pourrais m’endormir, c’est tout
Et puis laisser faire le courant…
Je n'apprécie pas trop ce mélange prose-poésie, mais ce n'est que mon goût.
Je trouve l'ensemble un peu long, bavard. Il me semble qu'une écriture plus resserrée aurait donné plus de force, d'intensité aux sentiments exprimés.
Une remarque : 13 fois le mot "gosse" dans ce texte, cela me paraît un peu trop, bien qu'ils aient
un rôle prépondérant dans l'histoire.
Emouvant et bien vu.
Pour la forme, je l'aurais mis côté prose, bien que certains passages soient des poèmes :
Je peux gueuler la mer s’en fout !
Sous l’eau tout est indifférent…
Je pourrais m’endormir, c’est tout
Et puis laisser faire le courant…
Je n'apprécie pas trop ce mélange prose-poésie, mais ce n'est que mon goût.
Je trouve l'ensemble un peu long, bavard. Il me semble qu'une écriture plus resserrée aurait donné plus de force, d'intensité aux sentiments exprimés.
Une remarque : 13 fois le mot "gosse" dans ce texte, cela me paraît un peu trop, bien qu'ils aient
un rôle prépondérant dans l'histoire.
Invité- Invité
Re: Trente et un jours
Perso c'est ce que j'adore, le mélange prose poésie
Une histoire qui tient debout et des mots choisis, posés pour résonner en écho,et pour rythmer le flux des émotions.
Images, musiques, le film peut commencer...
Film familial, j'vois bien un 8mm, images un peu sépia, cadre incertain, images tremblées, personnages entre fugue et déraison...entre résistance et défaillance.
Beaucoup de charme dans ce récit de départ en vacances à la fois pragmatique et nostalgique...Merci pour cette séquence émotion sans pathos outrancier.
En revanche moi aussi le trop de "gosses" m'a gênée.
Il y a aussi les mômes, les gnomes, les nains de jardin, les moutards, les chiards, les chieurs.
Mais macaques, ou ouistitis, c'est aussi trés bien.
Une histoire qui tient debout et des mots choisis, posés pour résonner en écho,et pour rythmer le flux des émotions.
Images, musiques, le film peut commencer...
Film familial, j'vois bien un 8mm, images un peu sépia, cadre incertain, images tremblées, personnages entre fugue et déraison...entre résistance et défaillance.
Beaucoup de charme dans ce récit de départ en vacances à la fois pragmatique et nostalgique...Merci pour cette séquence émotion sans pathos outrancier.
En revanche moi aussi le trop de "gosses" m'a gênée.
Il y a aussi les mômes, les gnomes, les nains de jardin, les moutards, les chiards, les chieurs.
Mais macaques, ou ouistitis, c'est aussi trés bien.
Rebecca- Nombre de messages : 12502
Age : 65
Date d'inscription : 30/08/2009
Re: Trente et un jours
Tout d'abord il y a parfois un ton "à la Renaud" que j'apprécie tout particulièrement, ensuite le thème de l'absence et des conséquences du vide, m'est très cher.
Par contre le mot "gosse" est, à mon goût, trop répété.
Ton texte m'a ému à plein d'égards. J'ai particulièrement aimé le fait de ne saisir l'ampleur des 2 premières phrases qu'en y revenant dessus à la fin de ma lecture.
Un texte humain, maladroit parfois, douloureux... Mais un texte Humain.
Merci.
Par contre le mot "gosse" est, à mon goût, trop répété.
Ton texte m'a ému à plein d'égards. J'ai particulièrement aimé le fait de ne saisir l'ampleur des 2 premières phrases qu'en y revenant dessus à la fin de ma lecture.
Un texte humain, maladroit parfois, douloureux... Mais un texte Humain.
Merci.
Re: Trente et un jours
Sans oublier les gluants, les lardons, les morpions...Rebecca a écrit:
En revanche moi aussi le trop de "gosses" m'a gênée.
Il y a aussi les mômes, les gnomes, les nains de jardin, les moutards, les chiards, les chieurs.
Mais macaques, ou ouistitis, c'est aussi trés bien.
Bien aimé ce mélange prose et vers. La fin m'a ému, je ne m'y attendais pas. Peut-être élaguer un peu, effectivement.
Pascal-Claude Perrault- Nombre de messages : 5422
Age : 63
Localisation : Paris, ah Paris, ses ponts, ses monuments et ses merdes de chiens !
Date d'inscription : 20/02/2012
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