Exo "L'hypothèse" : La girafe qui regardait par la fenêtre/Jusque dans ta peau/La Dîme
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Exo "L'hypothèse" : La girafe qui regardait par la fenêtre/Jusque dans ta peau/La Dîme
Et si on pouvait adopter des girafes
La Girafe qui regardait par la fenêtre
Souvent j'étends mon linge à son cou : Il sèche, tendis que la fenêtre ouverte vient souffler son pelage.
Elle ne bouge pas, elle est paisible. Son poil ondule entre deux ou trois tâches de soleil.
Je lui donne un peu de pop corn.
Elle tire une langue noire, remue la queue et fait tomber les cadres.
Elle cogne gentiment ses ossicônes caresse ma main, puis regarde dehors. Longtemps. Je lui ai mis un acacia dans la veranda, mais on dirait que ça ne lui suffit pas : elle s'ennuie.
J'ai fait venir un ami.
- Tu devrais lui prendre un poisson rouge.
- elle a le tournis.
- Mais non....
- Mais si, l'autre jour je l'ai retrouvée évanouie.
- Alors prends-lui une web cam
- Non, y a pas de wi fi dans la savane.
- Et euh... le câble, la chaine des animaux ?
- Je ne crois pas, elle va sentir que ce sont des acteurs.
- Oui... un chien ?
- Elle ne pourra pas aller le promener elle ne passe pas dans les escaliers. Et de toute façon c'est une grande solitaire.
- Un livre !!?
- Ils n'ont plus rien en girafien.
- Peut-être que tu devrais lui payer un voyage
- Où ?
- Un safari.
- C'est peut-être l'adoption qui la travaille. Elle voit qu'elle n'est pas comme toi.
- tu crois ?
- Oui
- Mais personne lui a dit...
- Un sixième sens...
- Tu as raison. Habille-la. Je vais faire sa valise.
- Tu lui dis pas ?
- Je lui parlerai sur le bateau.
Et si toutes les nuits de pleine lunes on se retrouvait dans la peau de son pire ennemi
Jusque dans ta peau
La lune te fait un peu mal aux yeux
tu dors, la fenêtre ouverte
tu as chaud, un peu trop
tu commences à transpirer
tu ne comprends pas pourquoi
je te suis
jusque dans ta peau.
Tu fermes les yeux tu n'arrives pas
à dormir,
tu fermes les yeux j'ouvre les miens
c'est comme un battement
je retiens tes paupières
closes et - c'est comme un battement -
je suis là
dans un debout dérangeant.
Et si toutes nos paroles étaient contenues dans les graines
La dîme
Elle referme la porte
d'une journée sombre : Dehors un grand champ gris.
- Tu en as ?
- Quelques-unes
- Combien ?
- Douze
- …
- On les garde pour demain ?
Elle hoche la tête. Un oui un peu contrarié, des yeux inquiets.
Sur la table un petit pot de verre. Elle fait glisser les graines. Cliquetis. Comme les gouttes d'un bâton de pluie.
Elle prépare le repas. Ils mangent dans un geste lent. Parfois elle fait volontairement un peu plus de bruit avec sa fourchette, pour habiter la brume sourde et écrasante.
En haut de la cheminée un fusil.
Elle y jette un regard. Il le surprend, elle a honte. Elle regarde son assiette. Elle y pense parfois. Les voisins en ont des silos pleins.
Elle baisse les yeux, mange une dernière bouchée. Elle ne veut plus.. Quelque chose gonfle gronde et cogne et
Elle pose une main sur le pot.
Il pose une main sur sa main. Et fait non de la tête.
Elle, le regard menaçant : dégage sa main, la sienne, et ramène le pot vers elle. Elle le regarde d'un air de défi. Ouvre le couvercle de manière sonore, sans le quitter des yeux. Elle prend une graine dans sa main, lentement, et la porte à sa bouche. Elle plaque sa main, puis la laisse glisser le long de sa robe. Comme de fatigue.
................. « - Ça te va de vivre en silence ?
Il ferme les paupières doucement, dans un mouvement qui veut dire « arrête ».
Elle le regarde déterminée.
Elle agite les graines au fond du pot, le regardant toujours, et prenant une deuxième :
................. - tu vas rester là ? les bras croisés ? là à attendre qu'on crève comme ça
(une troisième)
................. - qu'on crève à égrainer le temps qu'il reste avant que
(une quatrième)
................. - la terre mangée par la plantation intensive les restrictions les
(une cinquième)
................. - pillages le marché noir les incendies l'eau contaminée les agressions
(une sixième)
.................- les cercles qui se referment les enfants qui crient ceux qui n'essaient même plus
(une septième)
.................- qui ne veulent plus, qu'on dénude de syllabes et le silence des rues la place mourante du
(une huitième)
................. - marché les gens qui ne savent plus comment nuancer leur regard et le langage des
(une neuvième)
.................- yeux brouillés par l’inquiétude, tu les entends et la fatigue des corps qui voudraient
(une onzième)
................. - hurler habillés de silence on les a murés onnousamurés
(une douzième)
................. - ettoituquoi ?tuvoudraisquej'arrêtedecognersurlesbriquestu »
Il la regarde. Avec amour mais résignation.
Il l'embrasse sur la tempe, empile doucement les assiettes. Il la regarde encore, et dépose - au sommet et sans un bruit - la fourchette.
La Girafe qui regardait par la fenêtre
Souvent j'étends mon linge à son cou : Il sèche, tendis que la fenêtre ouverte vient souffler son pelage.
Elle ne bouge pas, elle est paisible. Son poil ondule entre deux ou trois tâches de soleil.
Je lui donne un peu de pop corn.
Elle tire une langue noire, remue la queue et fait tomber les cadres.
Elle cogne gentiment ses ossicônes caresse ma main, puis regarde dehors. Longtemps. Je lui ai mis un acacia dans la veranda, mais on dirait que ça ne lui suffit pas : elle s'ennuie.
J'ai fait venir un ami.
- Tu devrais lui prendre un poisson rouge.
- elle a le tournis.
- Mais non....
- Mais si, l'autre jour je l'ai retrouvée évanouie.
- Alors prends-lui une web cam
- Non, y a pas de wi fi dans la savane.
- Et euh... le câble, la chaine des animaux ?
- Je ne crois pas, elle va sentir que ce sont des acteurs.
- Oui... un chien ?
- Elle ne pourra pas aller le promener elle ne passe pas dans les escaliers. Et de toute façon c'est une grande solitaire.
- Un livre !!?
- Ils n'ont plus rien en girafien.
- Peut-être que tu devrais lui payer un voyage
- Où ?
- Un safari.
- C'est peut-être l'adoption qui la travaille. Elle voit qu'elle n'est pas comme toi.
- tu crois ?
- Oui
- Mais personne lui a dit...
- Un sixième sens...
- Tu as raison. Habille-la. Je vais faire sa valise.
- Tu lui dis pas ?
- Je lui parlerai sur le bateau.
Et si toutes les nuits de pleine lunes on se retrouvait dans la peau de son pire ennemi
Jusque dans ta peau
La lune te fait un peu mal aux yeux
tu dors, la fenêtre ouverte
tu as chaud, un peu trop
tu commences à transpirer
tu ne comprends pas pourquoi
je te suis
jusque dans ta peau.
Tu fermes les yeux tu n'arrives pas
à dormir,
tu fermes les yeux j'ouvre les miens
c'est comme un battement
je retiens tes paupières
closes et - c'est comme un battement -
je suis là
dans un debout dérangeant.
Et si toutes nos paroles étaient contenues dans les graines
La dîme
Elle referme la porte
d'une journée sombre : Dehors un grand champ gris.
- Tu en as ?
- Quelques-unes
- Combien ?
- Douze
- …
- On les garde pour demain ?
Elle hoche la tête. Un oui un peu contrarié, des yeux inquiets.
Sur la table un petit pot de verre. Elle fait glisser les graines. Cliquetis. Comme les gouttes d'un bâton de pluie.
Elle prépare le repas. Ils mangent dans un geste lent. Parfois elle fait volontairement un peu plus de bruit avec sa fourchette, pour habiter la brume sourde et écrasante.
En haut de la cheminée un fusil.
Elle y jette un regard. Il le surprend, elle a honte. Elle regarde son assiette. Elle y pense parfois. Les voisins en ont des silos pleins.
Elle baisse les yeux, mange une dernière bouchée. Elle ne veut plus.. Quelque chose gonfle gronde et cogne et
Elle pose une main sur le pot.
Il pose une main sur sa main. Et fait non de la tête.
Elle, le regard menaçant : dégage sa main, la sienne, et ramène le pot vers elle. Elle le regarde d'un air de défi. Ouvre le couvercle de manière sonore, sans le quitter des yeux. Elle prend une graine dans sa main, lentement, et la porte à sa bouche. Elle plaque sa main, puis la laisse glisser le long de sa robe. Comme de fatigue.
................. « - Ça te va de vivre en silence ?
Il ferme les paupières doucement, dans un mouvement qui veut dire « arrête ».
Elle le regarde déterminée.
Elle agite les graines au fond du pot, le regardant toujours, et prenant une deuxième :
................. - tu vas rester là ? les bras croisés ? là à attendre qu'on crève comme ça
(une troisième)
................. - qu'on crève à égrainer le temps qu'il reste avant que
(une quatrième)
................. - la terre mangée par la plantation intensive les restrictions les
(une cinquième)
................. - pillages le marché noir les incendies l'eau contaminée les agressions
(une sixième)
.................- les cercles qui se referment les enfants qui crient ceux qui n'essaient même plus
(une septième)
.................- qui ne veulent plus, qu'on dénude de syllabes et le silence des rues la place mourante du
(une huitième)
................. - marché les gens qui ne savent plus comment nuancer leur regard et le langage des
(une neuvième)
.................- yeux brouillés par l’inquiétude, tu les entends et la fatigue des corps qui voudraient
(une onzième)
................. - hurler habillés de silence on les a murés onnousamurés
(une douzième)
................. - ettoituquoi ?tuvoudraisquej'arrêtedecognersurlesbriquestu »
Il la regarde. Avec amour mais résignation.
Il l'embrasse sur la tempe, empile doucement les assiettes. Il la regarde encore, et dépose - au sommet et sans un bruit - la fourchette.
Re: Exo "L'hypothèse" : La girafe qui regardait par la fenêtre/Jusque dans ta peau/La Dîme
Fantaisie, poésie, inventivité.
Merci pour cette agréable lecture !
Merci pour cette agréable lecture !
Invité- Invité
Re: Exo "L'hypothèse" : La girafe qui regardait par la fenêtre/Jusque dans ta peau/La Dîme
J'ai eu un grand hurlement silencieux avec la dîme. Un vrai.
Invité- Invité
Re: Exo "L'hypothèse" : La girafe qui regardait par la fenêtre/Jusque dans ta peau/La Dîme
Tu me le prêtes pour mon blog ?
Invité- Invité
Re: Exo "L'hypothèse" : La girafe qui regardait par la fenêtre/Jusque dans ta peau/La Dîme
La fantaisie bat son plein dans tes trois textes, le dernier coupe le sifflet! Bravo!
Invité- Invité
Re: Exo "L'hypothèse" : La girafe qui regardait par la fenêtre/Jusque dans ta peau/La Dîme
J'ai beaucoup aimé la fantaisie légère de la girafe domestique. Ce registre semble facile sous ta plume.
Le second me convainc moins, même si je suis restée admirative de:
Le dernier est vraiment très bon. En peu de mots, poétiques, tu m'embarques dans un monde futuriste et angoissant. Le "elle" est un peu trop présent pour mon goût, mais je comprends l'intention. En tout cas, bravo !
Le second me convainc moins, même si je suis restée admirative de:
c'est comme un battement
je retiens tes paupières
closes et - c'est comme un battement -
je suis là
dans un debout dérangeant.
Le dernier est vraiment très bon. En peu de mots, poétiques, tu m'embarques dans un monde futuriste et angoissant. Le "elle" est un peu trop présent pour mon goût, mais je comprends l'intention. En tout cas, bravo !
Lizzie- Nombre de messages : 1162
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