Exo « Que faire à manger ? » : Le bordeaux supérieur

– Le bordeaux supérieur est au bordeaux ordinaire ce que le caporal-chef est au simple caporal, décrète l’académicien en reposant son verre à pied.
– Qu’est-ce qu’il ne faut pas entendre comme conneries, commente sobrement sa compagne.

Elle ressemble à Gainsbourg. Lui à Depardieu. Ils se retrouvent d’ailleurs pour saluer le geste du proscrit. Elle parce qu’elle est anar, lui parce qu’il est contre les impôts.

Pourquoi ai-je invité ces deux guignols ?

J’ai connu l’académicien lors de mon service militaire dans le Génie. Il avait déjà une grande gueule et le sens de l’aphorisme à la noix. Mais n’a jamais dépassé le grade de seconde classe. Apparemment, il m’en veut toujours d’être passé caporal.

– Tes goûts en matière de pinard sont très cohérents. Tu n’as pas le niveau grand cru, mais tu vaux mieux que le bordeaux ordinaire.
– Excusez-le, depuis qu’il préside son académie de billard, il a pété un plomb.
– Pas de souci, je connais l’oiseau et j’ai le sens de l’humour.

On s’est rencontrés en fin d’après-midi sur le parking de l’Hyper. C’est lui qui m’a reconnu. Paraît que je n’ai pas changé. Lui si.

Comme un con, je les ai invités à boire un pot à la maison. Ça fait deux plombes qu’il me rase en éclusant ma réserve de bordeaux supérieur et que sa nana enfume mon petit F1. J’ai toussoté, j’ai entrouvert la fenêtre… bref j’ai essayé toutes les stratégies qu’emploie le non-fumeur qui tient à rester courtois. En vain. Madame est anarchiste et ne souffre pas qu’on attente à sa chère liberté.

Je commence à avoir la dalle.

– Que fais-tu à manger ce soir ?

Alerte rouge. Une giclée d’adrénaline active mes neurones et me souffle un pieux mensonge.

– Désolé, j’ai une réunion. Je suis déjà à la bourre. Je suis obligé de vous mettre à la porte.
– Si tu as du sauciflard et du frometon au frigo et s’il te reste du bordeaux supérieur, on peut t’attendre.

Bien que j’en brûle d’envie, je ne peux tout de même pas les assassiner. Ce serait tomber de Charybde en Scylla.

C'est chouette, mais tu me mets en appétit et je reste sur ma faim.
Car la grande question qui à présent me turlupine est : vont-ils rester ou va-t-il les flanquer à la porte ?
Croquignolette ton anar ! Elle me plait bien.

L ’Académie de billard ! :-)))))

Et alors ? Raconte la suite ! Les as-tu tués ? Leur as-tu refilé du sauciflard à la cigüe ? Ou les subis-tu encore et toujours, en grinçant des dents ?

Ah, j'adore ! Il y a un parfum de vécu, un arôme de mitonné maison Tizef et on est sûr que ça ne restera pas sur l'estomac !
C'est vrai qu'une suite serait bienvenue...

Ben, y en a qui se gênent pas et tu es vraiment trop bon, Tizef.
Oui, concocte-nous une suite bien vengeresse.

Marrant cet académicien et ses aphorismes à la gomme. C'est bien écrit, vivant mais t'aurais ptêtre pu être un poil plus méchant.

C'est vrai que la chute est un peu cheap. Mais c'est pour rester dans les 2000.
Sinon, je peux la remplacer par celle-ci.

Spoiler:

Cette fin est délectable !

J'adore !

avec la deuxième fin, c'est encore plus mieux
Ce ton te va très bien au teint !

On s'y croirait vraiment jusqu'au confit qui m'a régalé bien plus qu'il ne devrait ... Tiens, je change d'avatar en son honneur !

Tizef

Signes : 2045 (ça passe un peu juste !)
Première personne du singulier.
Ça commence très mal avec “décrète l’académicien“? Ça continue très mal avec “commente sobrement sa compagne“.
Disons que ce n'est qu'une introduction pour caser académicien et femme anarchiste. Ça le fait. On avance.
Première personne du singulier. Avant ça, ça le fait pas. “Pourquoi ai-je invité ces deux guignols ?“

Thème : Que faire à manger ce soir ? Le coup du Que fais-tu à manger ce soir ? qui remplace le Que faire est bien vu et permet l'utilisation en chute afin de ne pas se faire chier trop tôt avec le thème pour picoler peinard.

L'académicien : le coup de l'académie de billard en chute centrale dans le texte est bien trouvé. Ça répond à la question que se pose inéluctablement le lecteur : comment un troufion incapable de dépasser le grade de seconde classe à-t-il bien pu devenir académicien ? Je pensais personnellement que tous les académiciens étaient des réformés. Mais je n'y connais pas grand chose à la chose militaire.

La femme anarchiste : alors là, d'accord. Bien que fumeur moi même (un peu), je ne supporte pas les femmes qui fument, sauf les belges ! (rire)

Remarque sérieuse ; je ne comprends pas ça : “Bien que j’en brûle d’envie, je ne peux tout de même pas les assassiner. Ce serait tomber de Charybde en Scylla.“ Qu'est-ce que tu veux dire en fait ?

Je constate que tu te lâches un peu avec les contraintes, mais à mon avis pas encore assez.

En tous cas, bon exercice pour réviser ses grades de l'armée. Et puis tant que tu tues que des vilains, ça va.
Blague à part, je préfère aussi la deuxième fin.

Tizef a écrit:C'est vrai que la chute est un peu cheap. Mais c'est pour rester dans les 2000.
Sinon, je peux la remplacer par celle-ci.

Spoiler:

Ah ! La suite que tous réclamaient !
Super !
Juste un détail : une anarchiste qui minaude ? J'ai du mal à imaginer ça !

L'anar fait un peu potiche, sinon la deuxième fin sait tenir les papilles en attente.

Hé hé, j'ai bien ri !
D'abord avec le "commente sobrement sa compagne" qui sonne comme une claque et puis la suite, tout cela semble absurde et réaliste à la fois, presque du vécu (? :-)
J'ai pris du plaisir à te lire, un texte en verve qui file le sourire et ces deux crampons alors, bravo !

La suite est bien aussi. La toute dernière phrase ne me paraît pas indispensable, je me serais bien arrêtée au dessert parce que justement, ça conclut bien un texte-repas :-)