Test : Demain, c'est samedi
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Lizzie
Frédéric Prunier
Yali
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Test : Demain, c'est samedi
Demain, c'est samedi
Au nom du père
(Première partie)
Quelques signes sur un roman de 900 000 environ, en quatre partie : Au nom du père, du fils, du Saint Esprit et, Amen
Au nom du père
(Première partie)
Quelques signes sur un roman de 900 000 environ, en quatre partie : Au nom du père, du fils, du Saint Esprit et, Amen
Début du roman donc, pour recueillir quelques impressions.
*
*
Le Môme répétait « Demain, c’est samedi ! »
Le répétait indéfiniment.
— Demain, c’est samedi !
Depuis le temps qu’il se tenait sous la lumière barrée de métal carcéral-psychiatrique, sous celle électrique, distribuée avec parcimonie lorsqu’il sortait de sa cage pour s’attabler en salle d’interrogatoire, micros, caméras vidéo mis en marche, il répétait :
— Demain, c’est samedi !
Quantité de psys et autres spécialistes s’interrogeaient.
— Demain, c’est samedi !
Puis ne s’interrogèrent plus.
Éloignèrent le dossier d’un revers de main. Le rangèrent ailleurs faute de crédits, de temps, de patience, tandis que lui répétait encore :
— Demain, c’est samedi !
Mais de quel samedi s’agissait-il au juste?
Le Môme, arrivé là adolescent, allait sur ces quarante-trois ans.
Le jour de son anniversaire, il dit.
— Demain, c’est samedi !
Nous étions vendredi.
À l’extérieur, une pluie diluvienne battait la façade de ciment et de verre. Les arbres se balançaient sous les bourrasques d’un vent redoublant de force. Leurs épaisses frondaisons claquaient sous les rafales en des bruits secs. Leurs feuilles arrachées de leurs branches s’éparpillaient, virevoltaient au sol, bientôt chassées vers les grillages ceinturant les bâtiments. Elles s’y accrochaient un temps, avant de se disloquer puis de finalement se disséminer, végétaux épars, en direction du large.
Le Môme délaissa son poste de vigie d’où il observait les prémices de la tempête par l’étroite lucarne et descendit de son tabouret. Il prêta l’oreille, à l’intérieur le silence était absolu. Dans la paume de sa main mutilée, il recracha les deux gélules dissimulées sous sa langue. À ce jeu-là, il était fortiche, des années de pratique.
Sa cellule, hormis le tabouret et une table étroite était vide de meuble, carrelée de blanc du sol au plafond. Le peu de fringues qu’il possédait, s’alignaient en piles sur trois étagères encastrées dans le mur coté couloir. Côté opposé, s’élevait un lit de béton et de faïence sur lequel reposait un matelas nu. La pièce ne contenait aucun métal, pas même une visse. On savait de quoi le Môme était capable sitôt qu’il posait l’une de ses mains privées de phalanges sur un objet tranchant, aussi infime soit-il.
Encore une fois, il écouta le silence, corps aux aguets. Rassuré, il s’approcha du mur l’isolant de l’extérieur, s’agenouilla et ôta un carreau pour extraire d’une étroite cavité, une petite boîte de carton et en retirer le couvercle. Au fond, tournait en rond un cafard.
Le Môme saliva, reprit en bouche l’une des gélules, la fit tourner dans sa bouche un moment, puis il laissa s’écouler un filet de bave qui vint imbiber le fond de la boîte.
Le cafard s’en nourrit, zigzagua, puis stoppa toute activité.
Le Môme cracha les restes du mélange à même le sol et l’essuya du bout de sa manche afin qu’il ne reste nulle trace. Satisfait du nettoyage, il referma la boîte, la rangea, déposa à côté la seconde gélule parmi une quantité d’autres, remit le carreau en place et vint s’asseoir sur le bord de son lit.
Ce qui n’était pas bon pour Max, ne pouvait l’être pour lui. De ça il était certain.
— Demain, c’est samedi ! il dit. « Demain, c’est samedi ! », il répéta en contemplant ses phalanges manquantes.
Le Môme exécrait la saleté et il était fasciné par les doigts. À tel point qu’il avait coupé, puis mangé les siens.
Le répétait indéfiniment.
— Demain, c’est samedi !
Depuis le temps qu’il se tenait sous la lumière barrée de métal carcéral-psychiatrique, sous celle électrique, distribuée avec parcimonie lorsqu’il sortait de sa cage pour s’attabler en salle d’interrogatoire, micros, caméras vidéo mis en marche, il répétait :
— Demain, c’est samedi !
Quantité de psys et autres spécialistes s’interrogeaient.
— Demain, c’est samedi !
Puis ne s’interrogèrent plus.
Éloignèrent le dossier d’un revers de main. Le rangèrent ailleurs faute de crédits, de temps, de patience, tandis que lui répétait encore :
— Demain, c’est samedi !
Mais de quel samedi s’agissait-il au juste?
Le Môme, arrivé là adolescent, allait sur ces quarante-trois ans.
Le jour de son anniversaire, il dit.
— Demain, c’est samedi !
Nous étions vendredi.
À l’extérieur, une pluie diluvienne battait la façade de ciment et de verre. Les arbres se balançaient sous les bourrasques d’un vent redoublant de force. Leurs épaisses frondaisons claquaient sous les rafales en des bruits secs. Leurs feuilles arrachées de leurs branches s’éparpillaient, virevoltaient au sol, bientôt chassées vers les grillages ceinturant les bâtiments. Elles s’y accrochaient un temps, avant de se disloquer puis de finalement se disséminer, végétaux épars, en direction du large.
Le Môme délaissa son poste de vigie d’où il observait les prémices de la tempête par l’étroite lucarne et descendit de son tabouret. Il prêta l’oreille, à l’intérieur le silence était absolu. Dans la paume de sa main mutilée, il recracha les deux gélules dissimulées sous sa langue. À ce jeu-là, il était fortiche, des années de pratique.
Sa cellule, hormis le tabouret et une table étroite était vide de meuble, carrelée de blanc du sol au plafond. Le peu de fringues qu’il possédait, s’alignaient en piles sur trois étagères encastrées dans le mur coté couloir. Côté opposé, s’élevait un lit de béton et de faïence sur lequel reposait un matelas nu. La pièce ne contenait aucun métal, pas même une visse. On savait de quoi le Môme était capable sitôt qu’il posait l’une de ses mains privées de phalanges sur un objet tranchant, aussi infime soit-il.
Encore une fois, il écouta le silence, corps aux aguets. Rassuré, il s’approcha du mur l’isolant de l’extérieur, s’agenouilla et ôta un carreau pour extraire d’une étroite cavité, une petite boîte de carton et en retirer le couvercle. Au fond, tournait en rond un cafard.
Le Môme saliva, reprit en bouche l’une des gélules, la fit tourner dans sa bouche un moment, puis il laissa s’écouler un filet de bave qui vint imbiber le fond de la boîte.
Le cafard s’en nourrit, zigzagua, puis stoppa toute activité.
Le Môme cracha les restes du mélange à même le sol et l’essuya du bout de sa manche afin qu’il ne reste nulle trace. Satisfait du nettoyage, il referma la boîte, la rangea, déposa à côté la seconde gélule parmi une quantité d’autres, remit le carreau en place et vint s’asseoir sur le bord de son lit.
Ce qui n’était pas bon pour Max, ne pouvait l’être pour lui. De ça il était certain.
— Demain, c’est samedi ! il dit. « Demain, c’est samedi ! », il répéta en contemplant ses phalanges manquantes.
Le Môme exécrait la saleté et il était fasciné par les doigts. À tel point qu’il avait coupé, puis mangé les siens.
*
* *
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Une ribambelle de piafs se disputaient les quelques mètres de fils électriques tendus entre deux pylônes sur fond de touffeur, de bleu azuréen, tandis que Walt, de l’autre côté de la fenêtre, s’ingéniait, pieds posés sur son bureau, à ignorer les sonneries du téléphone. Le numéro entrant s’affichait, clignotait digital, et il ne le connaissait que trop.
Elle n’allait donc jamais le lâcher.
Il visa le calendrier accroché au mur : vendredi six. Pour la pension alimentaire, il avait du retard, mais bon Dieu, quand comprendrait-elle que jamais sa paye ne tombait en fin de semaine ni même au milieu. Le service comptable procédait toujours de la même manière, réglait le mois précèdent, le premier lundi du mois suivant. Elle était au courant, il en allait déjà ainsi lorsqu’ils vivaient ensemble. Pourquoi les choses auraient-elles changé sous prétexte qu’elle s’était tirée ?
Comme souvent, il repensa à leur dernière entrevue. En résultait le ressentiment, l’amertume de l’échec, celle de l’incompréhension.
L’échange avait été bref, elle bouclait ses valises pleines de ses affaires.
— Ce n’est pas moi que tu aimes, mais ton boulot, avait-elle dit, le ton chargé de mépris.
— N’était-ce pas ce qui te plaisait en moi, que je sois passionné ?
Elle n’avait pas trouvé nécessaire de répondre et avait appelé un taxi pour grimper dedans et s’en aller, elle et ses valises.
Depuis, Walt avait établi une théorie : les femmes vous quittent précisément pour les mêmes raisons qu’elles tombent amoureuses de vous. Il n’y avait pas à revenir là-dessus, le monde était ainsi fait fichu.
Le téléphone suspendit son agaçante mélodie pour la reprendre aussitôt.
Non, elle ne le lâcherait pas. Vaincu, il décrocha.
— Rebecca, je ne peux que te répéter ce que je t’ai dit le mois dernier, le mois d’avant, le mois précédent, le mois d’avant, le mois…
— Alors demande une avance. J’ai un loyer à payer, moi.
Il hésita à poursuivre l’échange, puis se ravisa. À quoi bon lui rappeler que si elle travaillait, elle n’aurait nul besoin d’une pension alimentaire. Ce qui la soulagerait elle, ce qui le soulagerait lui. Il anticipait la réponse pour l’avoir entendue maintes fois : si elle n’avait pas fait l’erreur de l’épouser, celle de le suivre dans les postes successifs qui avait émaillés les début de sa carrière, elle aurait poursuivi ses études et à son tour, elle serait devenue quelqu’un. Si elle n’avait pas consacré sa jeunesse à l’attendre, à attendre un époux qui n’avait pas d’horaire, pas de week-end, qui ne prenait pour ainsi dire jamais de vacances, elle aurait pu envisager un autre futur, un métier, et ne serait pas contrainte de lui demander l’aumône. Sans diplôme, sans expérience et à son âge que pouvait-elle espérer aujourd’hui, un boulot de caissière au supermarché… ou pire ?
— J’ai troqué ma jeunesse contre ta réussite, les études que j’aurais pu faire contre…
— OK, dit-il, et il raccrocha le combiné.
Quel gâchis, pensa-t-il. Et Dieu merci, ils n’avaient pas d’enfant, elle s’y était toujours refusé. Il n’avait pas insisté, davantage préoccupé par sa carrière que par le désir de fonder une famille. Au vu du désastre, c’était sans doute mieux ainsi.
Il se leva contrarié, enfila sa veste et prit la direction de la comptabilité.
Trois couloirs plus loin, une femme tirée à quatre épingles, lunette posées sur le nez et mine sévère, lui faisait remarquer que dans la mesure où sa demande était quasiment mensuelle, autant l’automatiser.
— Je ne préfère pas, il répondit.
Peu après, il franchit de nouveau la porte de son bureau, s’assit, ouvrit un dossier et s’y plongea : le travail comme remède à l’inconfort de vie.
En autant d’années d’expertises et de recherches, jamais il n’avait croisé un cas aussi atypique. Éka Nosdde, alias « Le Môme ».
Il faudrait que je lui rende visite, songea-t-il. Le Centre qui le détenait se trouvait à des centaines de kilomètres de là, un voyage qui au vu des éléments que Walt possédait se révélerait probablement infructueux, mais peut-être, et même si le Môme restait muet, pourrait-il apprendre d’une rencontre ce qu’un dossier ne pouvait livrer, aussi détaillé soit-il.
Il passa en revue les multiples interrogatoires, les centaines d’entretiens menés avec plus ou moins de pertinence. Le Môme, quelle que soit la question qu’on lui posait, répondait invariablement par une phrase unique : « Demain, c’est samedi ! »
Sur les vidéos, il en allait de même.
Le Môme avait été arrêté à dix-sept ans et avait alors dix-huit crimes à son actif, ce qui faisait de lui le plus meurtrier des tueurs en série à ce jour. Et ce qui faisait, cent quatre-vingt doigts coupés, soit trois milles deux cent quarante chairs de phalange ingérées. Son mode opératoire ne variait jamais d’un iota, il n’achevait ses victimes qu’après son repas, les contraignant au préalable à assister au festin.
Dix-huit meurtres, sans compter les deux infirmiers et gardiens du Centre qui avaient sous-estimé la dangerosité de leur pensionnaire.
Ces deux derniers, il n’avait pu leur manger les doigts.
Les yeux de Walt fatiguaient, il chercha dans les poches de sa veste ses lunettes, les trouva et les chaussa. Il n’aimait pas ça, n’aimait pas le sentiment que son corps le trahisse. Hier, il y voyait parfaitement et puis peu à peu sa vue avait décliné, lui faisant prendre conscience qu’il n’était plus un jeune homme, que le temps le rattrapait. Il n’aimait pas ça donc, et n’aimait pas davantage l’idée de vieillir avec pour seule compagnie, une paire de lunettes. Il soupira, écarta cette pensée et se replongea dans une série de tests psychométriques. Le Môme présentait un quotient intellectuel jamais atteint par un humain.
Sur un carnet, il nota l’adresse du praticien ayant effectué les derniers tests, il exerçait dans une clinique située dans le centre ville. Il referma son carnet en se demandant si les raisons qui avaient conduit un éminent scientifique si loin du Centre et de sa terre natale étaient d’ordre professionnelles ou privées ? Mais qu’importait les raisons, il projeta de lui rendre visite et bien que les faits remontaient à des lustres, avec un peu de chance, peut-être s’en souviendrait-il.
Il glissa son carnet dans la poche de son pantalon et se leva.
Dehors, les piafs s’était rangés en une ligne ordonnée, la nuit tombait sur la ville, écrasante de moiteur, avec elle, s’allumait les réverbères.
Passer au bistrot, boire un verre, plusieurs, se saouler comme chaque soir pour trouver le courage de dormir seul.
Refermant la porte de son bureau, il songea : « Demain, c’est samedi ! » Le Môme avait été arrêté un vendredi, alors peut-être que…
Elle n’allait donc jamais le lâcher.
Il visa le calendrier accroché au mur : vendredi six. Pour la pension alimentaire, il avait du retard, mais bon Dieu, quand comprendrait-elle que jamais sa paye ne tombait en fin de semaine ni même au milieu. Le service comptable procédait toujours de la même manière, réglait le mois précèdent, le premier lundi du mois suivant. Elle était au courant, il en allait déjà ainsi lorsqu’ils vivaient ensemble. Pourquoi les choses auraient-elles changé sous prétexte qu’elle s’était tirée ?
Comme souvent, il repensa à leur dernière entrevue. En résultait le ressentiment, l’amertume de l’échec, celle de l’incompréhension.
L’échange avait été bref, elle bouclait ses valises pleines de ses affaires.
— Ce n’est pas moi que tu aimes, mais ton boulot, avait-elle dit, le ton chargé de mépris.
— N’était-ce pas ce qui te plaisait en moi, que je sois passionné ?
Elle n’avait pas trouvé nécessaire de répondre et avait appelé un taxi pour grimper dedans et s’en aller, elle et ses valises.
Depuis, Walt avait établi une théorie : les femmes vous quittent précisément pour les mêmes raisons qu’elles tombent amoureuses de vous. Il n’y avait pas à revenir là-dessus, le monde était ainsi fait fichu.
Le téléphone suspendit son agaçante mélodie pour la reprendre aussitôt.
Non, elle ne le lâcherait pas. Vaincu, il décrocha.
— Rebecca, je ne peux que te répéter ce que je t’ai dit le mois dernier, le mois d’avant, le mois précédent, le mois d’avant, le mois…
— Alors demande une avance. J’ai un loyer à payer, moi.
Il hésita à poursuivre l’échange, puis se ravisa. À quoi bon lui rappeler que si elle travaillait, elle n’aurait nul besoin d’une pension alimentaire. Ce qui la soulagerait elle, ce qui le soulagerait lui. Il anticipait la réponse pour l’avoir entendue maintes fois : si elle n’avait pas fait l’erreur de l’épouser, celle de le suivre dans les postes successifs qui avait émaillés les début de sa carrière, elle aurait poursuivi ses études et à son tour, elle serait devenue quelqu’un. Si elle n’avait pas consacré sa jeunesse à l’attendre, à attendre un époux qui n’avait pas d’horaire, pas de week-end, qui ne prenait pour ainsi dire jamais de vacances, elle aurait pu envisager un autre futur, un métier, et ne serait pas contrainte de lui demander l’aumône. Sans diplôme, sans expérience et à son âge que pouvait-elle espérer aujourd’hui, un boulot de caissière au supermarché… ou pire ?
— J’ai troqué ma jeunesse contre ta réussite, les études que j’aurais pu faire contre…
— OK, dit-il, et il raccrocha le combiné.
Quel gâchis, pensa-t-il. Et Dieu merci, ils n’avaient pas d’enfant, elle s’y était toujours refusé. Il n’avait pas insisté, davantage préoccupé par sa carrière que par le désir de fonder une famille. Au vu du désastre, c’était sans doute mieux ainsi.
Il se leva contrarié, enfila sa veste et prit la direction de la comptabilité.
Trois couloirs plus loin, une femme tirée à quatre épingles, lunette posées sur le nez et mine sévère, lui faisait remarquer que dans la mesure où sa demande était quasiment mensuelle, autant l’automatiser.
— Je ne préfère pas, il répondit.
Peu après, il franchit de nouveau la porte de son bureau, s’assit, ouvrit un dossier et s’y plongea : le travail comme remède à l’inconfort de vie.
En autant d’années d’expertises et de recherches, jamais il n’avait croisé un cas aussi atypique. Éka Nosdde, alias « Le Môme ».
Il faudrait que je lui rende visite, songea-t-il. Le Centre qui le détenait se trouvait à des centaines de kilomètres de là, un voyage qui au vu des éléments que Walt possédait se révélerait probablement infructueux, mais peut-être, et même si le Môme restait muet, pourrait-il apprendre d’une rencontre ce qu’un dossier ne pouvait livrer, aussi détaillé soit-il.
Il passa en revue les multiples interrogatoires, les centaines d’entretiens menés avec plus ou moins de pertinence. Le Môme, quelle que soit la question qu’on lui posait, répondait invariablement par une phrase unique : « Demain, c’est samedi ! »
Sur les vidéos, il en allait de même.
Le Môme avait été arrêté à dix-sept ans et avait alors dix-huit crimes à son actif, ce qui faisait de lui le plus meurtrier des tueurs en série à ce jour. Et ce qui faisait, cent quatre-vingt doigts coupés, soit trois milles deux cent quarante chairs de phalange ingérées. Son mode opératoire ne variait jamais d’un iota, il n’achevait ses victimes qu’après son repas, les contraignant au préalable à assister au festin.
Dix-huit meurtres, sans compter les deux infirmiers et gardiens du Centre qui avaient sous-estimé la dangerosité de leur pensionnaire.
Ces deux derniers, il n’avait pu leur manger les doigts.
Les yeux de Walt fatiguaient, il chercha dans les poches de sa veste ses lunettes, les trouva et les chaussa. Il n’aimait pas ça, n’aimait pas le sentiment que son corps le trahisse. Hier, il y voyait parfaitement et puis peu à peu sa vue avait décliné, lui faisant prendre conscience qu’il n’était plus un jeune homme, que le temps le rattrapait. Il n’aimait pas ça donc, et n’aimait pas davantage l’idée de vieillir avec pour seule compagnie, une paire de lunettes. Il soupira, écarta cette pensée et se replongea dans une série de tests psychométriques. Le Môme présentait un quotient intellectuel jamais atteint par un humain.
Sur un carnet, il nota l’adresse du praticien ayant effectué les derniers tests, il exerçait dans une clinique située dans le centre ville. Il referma son carnet en se demandant si les raisons qui avaient conduit un éminent scientifique si loin du Centre et de sa terre natale étaient d’ordre professionnelles ou privées ? Mais qu’importait les raisons, il projeta de lui rendre visite et bien que les faits remontaient à des lustres, avec un peu de chance, peut-être s’en souviendrait-il.
Il glissa son carnet dans la poche de son pantalon et se leva.
Dehors, les piafs s’était rangés en une ligne ordonnée, la nuit tombait sur la ville, écrasante de moiteur, avec elle, s’allumait les réverbères.
Passer au bistrot, boire un verre, plusieurs, se saouler comme chaque soir pour trouver le courage de dormir seul.
Refermant la porte de son bureau, il songea : « Demain, c’est samedi ! » Le Môme avait été arrêté un vendredi, alors peut-être que…
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Yali- Nombre de messages : 8624
Age : 60
Date d'inscription : 12/12/2005
Re: Test : Demain, c'est samedi
Edgar gagna la baie vitrée. À l’extérieur, la pluie redoublait d’intensité, le vent forcissait, des branches arrachées de leurs troncs se plaquaient au grillage côté Nord, frétillaient telles des anguilles prises dans un filet. La tempête serait bientôt là, il lui fallait prendre les précautions adéquates, en premier lieu, vérifier l’état du groupe électrogène. Il enfila son ciré et par la porte principale. Vu de l’extérieur, le bâtiment semblait anodin, trois étages de verre et de béton formant un cube parfait ceinturé de douze piliers. Plus loin, s’élevaient les grillages qui ourlaient l’édifice en un carré tout aussi parfait. En son temps, la construction était considérée comme le must de l’hôpital psychiatrique, bien qu’à l’époque, on préférait dire « Centre d’expérimentation ». Avant, songea Edgar avec nostalgie. Le projet de départ était ambitieux, consistait a rassembler en un même lieu la folie sanguinaire afin de l’étudier, de comparer les différentes pathologies, de recueillir des données, de les croiser et en tirer des conclusions ; lesquelles conclusions aboutiraient à une amélioration sensible des pratiques thérapeutiques, voire à la découverte d’un remède préventif. Le projet de départ était ambitieux, avait compté nombre de spécialistes, nombre de sommités scientifiques et autant de personnel formé à garder la pire des engeances. Le projet de départ était ambitieux, mais devant l’absence de résultats concrets et immédiats, l’Administration avait revu les crédits à la baisse et les années passant, le Centre s’était dégarni de ses ambitions et de son personnel scientifique, se transformant peu à peu en une simple prison et voilà tout. À compter de ce moment, l’Administration avait considéré que le personnel ne devait pas être supérieur au nombre des détenus, ce qui déjà, était un grand effort de sa part comme lui rappelait le bureaucrate qu’Edgar avait au téléphone une fois par mois pour un semblant de rapport. À cette occasion, le gardien en chef pointait toutes les défaillances du système et les dégradations du matériel, mais invariablement, le bureaucrate rétorquait que tout se passait à merveille et qu’il n’y avait aucune raison que cela change. Deux fois l’an, des techniciens débarquaient pour réparer ceci, cela , et maintenir le système de sécurité en état, soit pour l’essentiel, le verrouillage des portes et des grilles. Système qui reposait entièrement sur l’alimentation électrique. Edgar, n’osait imaginer ce qui arriverait si le courant venait à manquer, si en cas de défaillance électrique la batterie ne prenait pas le relais dans les temps, compensant les quelques secondes dont le groupe électrogène avait besoin pour se lancer et réalimenter le bâtiment.
La pluie lui battait le visage, il luttait, marchait contre le vent en direction du second bâtiment : petit bloc de béton abritant le système de secours.
La vérité, était que les bureaucrates, les politiques, avaient oubliés jusqu’à l’existence même du Centre. Vingt-six années, c’est plus qu’il n’en fallait pour se distraire de la dangerosité. Il avait écrit à chacun d’eux pour leur rappeler quel genre de clientèle hébergeaient les lieux. Une cinquantaine de lettres pour une réponse unique, et celle-ci précisait que l’Administration avait d’autres préoccupations, des préoccupations autrement plus urgentes.
« Plus urgentes » marmonna Edgar en poussant la porte.
N’empêche que si la mémoire leur faisait défaut pour l’entretien, ils n’avaient pour autant pas oublié le nombre de cellules, car à chaque fois que l’un des patients décédait, un autre le remplaçait, et il ne fallait pas attendre longtemps pour qu’il débarque.
La vérité, c’est que les bureaucrates et les politiques oubliaient ce qui les arrangeaient, jamais le reste.
Au mot « Détenu » Edgar préférait le mot « Patient ». Il était présent à l’ouverture du Centre et n’avait jamais oublié sa vocation première. Et puis, il refusait de croire qu’un individu puisse tuer, recommencer à qui mieux mieux et en être tenu pour entièrement responsable. Si un homme, une femme ou un gosse comme cela avait été le cas du Môme, passait à l’acte et récidivait en employant le même mode opératoire, c’est que quelque chose ne tournait pas rond. Et les raisons de cette défaillance, à son idée, prenait souvent racine, pour ne pas dire tout le temps, dans le mépris qu’avait cette société pour ses enfants. La misère, l’inégalité sociale et l’humiliation qui en découlait, étaient les mamelles nourricières des monstres passés et à venir.
Cinq gardiens, dont trois infirmiers, et un homme à tout faire, voilà tout le personnel qui désormais travaillait ici. Et lui bien sûr, lui qui, davantage parce qu’il était là depuis des lustres que pour ses dons de meneur d’hommes, dirigeait ce petit monde-là.
Il pressa l’interrupteur, la lumière jaillit par une ampoule pendant nue au bout de son fil. Il prit soin de refermer la porte derrière lui et s’approcha du monstre de métal. L’engin était gigantesque, avait été conçu pour alimenter les trois étages du Centre et son sous-sol. Du bout du doigt, il tapota la jauge de carburant, l’aiguille sursauta et doucement alla se caler dans la zone verte, signe que les cuves étaient pleines ou presque. Cela suffisait amplement, d’autant plus amplement que tour à tour, le sous-sol, le premier, puis le deuxième étage avaient été condamnés. Ne restait en activité que le troisième abritant les cellules ; son couloir ; le sas, et le rez-de-chaussée, domaine de l’homme à tout faire, responsable des cuisines et de la blanchisserie.
Il délaissa le groupe électrogène pour s'intéresser à la batterie. Elles était censée compenser le faible délai entre le moment ou l’alimentation générale cessait et celui où le groupe électrogène prenait le relais : une poignée de secondes. Elle était recouverte de vert-de-gris et les fils l’alimentant partaient en lambeaux. Il l’épousseta, vérifia les niveaux et procéda au remplacement des pièces défectueuses.
Ceci fait, rassuré, il prit le chemin du retour. Il fit une halte pour un moment observer au travers des grillages, la ville qui au loin se couvrait de lourds nuages. Elle lui apparaissait comme un phare, lui donnant l’impression qu’il se tenait, lui, à bord d’un bateau si loin et à la fois si proche de la côte. Puis son regard s’accrocha à un petit pâté de maisons, celui dans lequel le personnel et leurs familles vivaient. Combien de fois Louise l’avait prié de démissionner et de se trouver un autre travail, un travail en ville par exemple. Un avec des horaires normaux. Il n’en fit pas le compte, l’exercice lui parut trop ardu, il reprit sa marche.
Quelques instants plus tard, il présentait son badge devant le lecteur électronique et composait un code pour déverrouiller la porte principale. Cela lui avait toujours paru étrange qu’il faille s’identifier pour entrer et qu’il suffise de pousser la porte pour sortir. Il avait signalé cette anomalie à l’Administration lorsque l’activité du Centre avait définitivement basculé dans le carcéral pur, mais là aussi, lettre morte.
D’un geste de la main, il salua le nouveau qui, assis sur une chaise, était plongé dans l’un des dossiers des six patients. Il en jaugea l’épaisseur, en conclut que : troisième étage, dernière porte sur la droite. Ce qui le fit sourire tandis qu’il rejoignait les cuisines où, comme à son habitude et à cette heure, Shoyu s’affairait à préparer le dîner des patients et celui des gardiens.
— Rien a signaler Chef !
— Tant mieux. Tu nous prépares quoi ?
— Poulet Tandoori. Et t’inquiètes pas, j’ai retiré tous les os de l’assiette du Môme. C’est pas ce soir qu’il se fabriquera un surin.
Edgar récupéra un tabouret et pris place non loin des fourneaux.
— Faudrait passer la tondeuse après la tempête, l’herbe est haute.
Shoyu leva la tête de sa marmite.
— Ce sera fait Chef. À ce qu’on dit, c’est pas un petit grain qui va nous tomber sur la gueule, ce serait un truc du genre plutôt costaud.
— Qui dit ça ?
En guise de réponse, Shoyu désigna du bout de sa cuillère en bois le poste radio qui trônait sur l’étagère où s’alignaient les épices.
— Costaud comment ? s’enquit Edgar.
— Costaud du style très costaud.
— Bha, ce n’est pas la première fois.
— Non ! Et pas la dernière non plus.
— Et à part ça, elle raconte quoi d’autre ta radio ?
Edgar ne lisait pas les journaux, n’écoutait pas les informations. Plus depuis qu’il avait compris que quels que soient les efforts qu’il déployait ou quelles que soient les émissions qu’il regardait, la synthèse se révélait être moins claire que celle que lui proposait Shoyu deux fois par jour lorsqu’il était de service.
— T’es bien assis, parce que m’est avis que sinon, tu devrais.
— Je suis assis.
Shoyu délaissa sa marmite, s’essuya les mains dans un chiffon d’une blancheur douteuse, sourire énigmatique collé aux lèvres et s’approcha pour se tenir de toute sa hauteur, chiffon désormais sur l’épaule et bras croisés.
— Tu pourrais être un brin moins théâtral ? fit remarquer Edgar.
— Non, je ne te livre pas ce genre d’info tous les quatre matins. En fait, en y réfléchissant plus avant, jamais !
— Qu’est-ce qu’elle a de si extraordinaire ton info ?
— Figures-toi qu’un tueur en série sévit en ville.
— La je ne vois rien d’autre qu’un fait très banal, malheureusement.
Shoyu pris le temps de tirer un tabouret du bout du pied jusqu’à lui, de s’asseoir dessus avant de lâcher.
— Ce serait en effet très banal, à un détail prés.
— Bon, tu as décidé de me faire perdre ma journée ou tu racontes ?
— Le mode opératoire qu’il emploie est rigoureusement identique à celui du Môme.
— Tu déconnes ?
— Pas d’un iota Chef !
— Il leur bouffe les doigts ?
— Ri-gou-reu-se-ment identique, je te dis. Et le mode opératoire tu Môme, je le connais. Souviens-toi, tu m’as obligé à lire le dossier.
— Et tu l’as lu en entier ?
— Tu es vexant, je suis consciencieux !
— Rigoureusement tu dis ?
— Autant que je puisse en juger d’après les infos que délivre la radio : Ri-gou-reu-se-ment identique.
— Ben merde.
— Comme tu dis. Et m’est avis que la flicaille va tourner en rond un moment avant de faire le rapprochement. Parce qu’à part nous six, qui se souvient de cette histoire ?
— À part nous sept, avec le Môme.
— Au fait, il est toujours là-haut ? Parce que s’il n’y est plus, pas la peine de chercher midi à quatorze heure.
Edgar se leva, ajouta :
— T’es con quand tu t’y mets !
— Exactement ce que me disait ma pauvre mère. N’empêche que tu vas aller vérifier ?
— Il en a tué combien ?
— Trois, pour l’instant.
Montant l’escalier, sachant pertinemment que la chose était impossible, une angoisse irraisonnée étreignait la poitrine d’Edgar, l’étreignait encore lorsqu’il souleva l’obturateur du judas, qu’il posait un œil contre l’œilleton.
Le Môme était à sa place, la place qu’il lui avait toujours connue. Assis sur le bord de son lit, mains mutilées posées sur ses genoux, regard fixe en direction du Sud.
Redescendant l’escalier, il espéra que l’imitateur ne disposait pas de l’intelligence de l’original parce que dans le cas contraire, le dépeuplement d’une partie de la planète allait aller bon train.
À l’extérieur du bâtiment, le vent redoublait de violence, la pluie s’abattaient contraignant les hautes herbes à se coucher davantage. Un grondement sourd se fit entendre, toute lumière s’éteignit, puis revint la seconde suivante.
Edgar stoppa sa descente et respira profondément. Que se passerait-il si la panne persistait songea-t-il, si elle se prolongeait ne serait-ce que de quelques secondes supplémentaires ?
La pluie lui battait le visage, il luttait, marchait contre le vent en direction du second bâtiment : petit bloc de béton abritant le système de secours.
La vérité, était que les bureaucrates, les politiques, avaient oubliés jusqu’à l’existence même du Centre. Vingt-six années, c’est plus qu’il n’en fallait pour se distraire de la dangerosité. Il avait écrit à chacun d’eux pour leur rappeler quel genre de clientèle hébergeaient les lieux. Une cinquantaine de lettres pour une réponse unique, et celle-ci précisait que l’Administration avait d’autres préoccupations, des préoccupations autrement plus urgentes.
« Plus urgentes » marmonna Edgar en poussant la porte.
N’empêche que si la mémoire leur faisait défaut pour l’entretien, ils n’avaient pour autant pas oublié le nombre de cellules, car à chaque fois que l’un des patients décédait, un autre le remplaçait, et il ne fallait pas attendre longtemps pour qu’il débarque.
La vérité, c’est que les bureaucrates et les politiques oubliaient ce qui les arrangeaient, jamais le reste.
Au mot « Détenu » Edgar préférait le mot « Patient ». Il était présent à l’ouverture du Centre et n’avait jamais oublié sa vocation première. Et puis, il refusait de croire qu’un individu puisse tuer, recommencer à qui mieux mieux et en être tenu pour entièrement responsable. Si un homme, une femme ou un gosse comme cela avait été le cas du Môme, passait à l’acte et récidivait en employant le même mode opératoire, c’est que quelque chose ne tournait pas rond. Et les raisons de cette défaillance, à son idée, prenait souvent racine, pour ne pas dire tout le temps, dans le mépris qu’avait cette société pour ses enfants. La misère, l’inégalité sociale et l’humiliation qui en découlait, étaient les mamelles nourricières des monstres passés et à venir.
Cinq gardiens, dont trois infirmiers, et un homme à tout faire, voilà tout le personnel qui désormais travaillait ici. Et lui bien sûr, lui qui, davantage parce qu’il était là depuis des lustres que pour ses dons de meneur d’hommes, dirigeait ce petit monde-là.
Il pressa l’interrupteur, la lumière jaillit par une ampoule pendant nue au bout de son fil. Il prit soin de refermer la porte derrière lui et s’approcha du monstre de métal. L’engin était gigantesque, avait été conçu pour alimenter les trois étages du Centre et son sous-sol. Du bout du doigt, il tapota la jauge de carburant, l’aiguille sursauta et doucement alla se caler dans la zone verte, signe que les cuves étaient pleines ou presque. Cela suffisait amplement, d’autant plus amplement que tour à tour, le sous-sol, le premier, puis le deuxième étage avaient été condamnés. Ne restait en activité que le troisième abritant les cellules ; son couloir ; le sas, et le rez-de-chaussée, domaine de l’homme à tout faire, responsable des cuisines et de la blanchisserie.
Il délaissa le groupe électrogène pour s'intéresser à la batterie. Elles était censée compenser le faible délai entre le moment ou l’alimentation générale cessait et celui où le groupe électrogène prenait le relais : une poignée de secondes. Elle était recouverte de vert-de-gris et les fils l’alimentant partaient en lambeaux. Il l’épousseta, vérifia les niveaux et procéda au remplacement des pièces défectueuses.
Ceci fait, rassuré, il prit le chemin du retour. Il fit une halte pour un moment observer au travers des grillages, la ville qui au loin se couvrait de lourds nuages. Elle lui apparaissait comme un phare, lui donnant l’impression qu’il se tenait, lui, à bord d’un bateau si loin et à la fois si proche de la côte. Puis son regard s’accrocha à un petit pâté de maisons, celui dans lequel le personnel et leurs familles vivaient. Combien de fois Louise l’avait prié de démissionner et de se trouver un autre travail, un travail en ville par exemple. Un avec des horaires normaux. Il n’en fit pas le compte, l’exercice lui parut trop ardu, il reprit sa marche.
Quelques instants plus tard, il présentait son badge devant le lecteur électronique et composait un code pour déverrouiller la porte principale. Cela lui avait toujours paru étrange qu’il faille s’identifier pour entrer et qu’il suffise de pousser la porte pour sortir. Il avait signalé cette anomalie à l’Administration lorsque l’activité du Centre avait définitivement basculé dans le carcéral pur, mais là aussi, lettre morte.
D’un geste de la main, il salua le nouveau qui, assis sur une chaise, était plongé dans l’un des dossiers des six patients. Il en jaugea l’épaisseur, en conclut que : troisième étage, dernière porte sur la droite. Ce qui le fit sourire tandis qu’il rejoignait les cuisines où, comme à son habitude et à cette heure, Shoyu s’affairait à préparer le dîner des patients et celui des gardiens.
— Rien a signaler Chef !
— Tant mieux. Tu nous prépares quoi ?
— Poulet Tandoori. Et t’inquiètes pas, j’ai retiré tous les os de l’assiette du Môme. C’est pas ce soir qu’il se fabriquera un surin.
Edgar récupéra un tabouret et pris place non loin des fourneaux.
— Faudrait passer la tondeuse après la tempête, l’herbe est haute.
Shoyu leva la tête de sa marmite.
— Ce sera fait Chef. À ce qu’on dit, c’est pas un petit grain qui va nous tomber sur la gueule, ce serait un truc du genre plutôt costaud.
— Qui dit ça ?
En guise de réponse, Shoyu désigna du bout de sa cuillère en bois le poste radio qui trônait sur l’étagère où s’alignaient les épices.
— Costaud comment ? s’enquit Edgar.
— Costaud du style très costaud.
— Bha, ce n’est pas la première fois.
— Non ! Et pas la dernière non plus.
— Et à part ça, elle raconte quoi d’autre ta radio ?
Edgar ne lisait pas les journaux, n’écoutait pas les informations. Plus depuis qu’il avait compris que quels que soient les efforts qu’il déployait ou quelles que soient les émissions qu’il regardait, la synthèse se révélait être moins claire que celle que lui proposait Shoyu deux fois par jour lorsqu’il était de service.
— T’es bien assis, parce que m’est avis que sinon, tu devrais.
— Je suis assis.
Shoyu délaissa sa marmite, s’essuya les mains dans un chiffon d’une blancheur douteuse, sourire énigmatique collé aux lèvres et s’approcha pour se tenir de toute sa hauteur, chiffon désormais sur l’épaule et bras croisés.
— Tu pourrais être un brin moins théâtral ? fit remarquer Edgar.
— Non, je ne te livre pas ce genre d’info tous les quatre matins. En fait, en y réfléchissant plus avant, jamais !
— Qu’est-ce qu’elle a de si extraordinaire ton info ?
— Figures-toi qu’un tueur en série sévit en ville.
— La je ne vois rien d’autre qu’un fait très banal, malheureusement.
Shoyu pris le temps de tirer un tabouret du bout du pied jusqu’à lui, de s’asseoir dessus avant de lâcher.
— Ce serait en effet très banal, à un détail prés.
— Bon, tu as décidé de me faire perdre ma journée ou tu racontes ?
— Le mode opératoire qu’il emploie est rigoureusement identique à celui du Môme.
— Tu déconnes ?
— Pas d’un iota Chef !
— Il leur bouffe les doigts ?
— Ri-gou-reu-se-ment identique, je te dis. Et le mode opératoire tu Môme, je le connais. Souviens-toi, tu m’as obligé à lire le dossier.
— Et tu l’as lu en entier ?
— Tu es vexant, je suis consciencieux !
— Rigoureusement tu dis ?
— Autant que je puisse en juger d’après les infos que délivre la radio : Ri-gou-reu-se-ment identique.
— Ben merde.
— Comme tu dis. Et m’est avis que la flicaille va tourner en rond un moment avant de faire le rapprochement. Parce qu’à part nous six, qui se souvient de cette histoire ?
— À part nous sept, avec le Môme.
— Au fait, il est toujours là-haut ? Parce que s’il n’y est plus, pas la peine de chercher midi à quatorze heure.
Edgar se leva, ajouta :
— T’es con quand tu t’y mets !
— Exactement ce que me disait ma pauvre mère. N’empêche que tu vas aller vérifier ?
— Il en a tué combien ?
— Trois, pour l’instant.
Montant l’escalier, sachant pertinemment que la chose était impossible, une angoisse irraisonnée étreignait la poitrine d’Edgar, l’étreignait encore lorsqu’il souleva l’obturateur du judas, qu’il posait un œil contre l’œilleton.
Le Môme était à sa place, la place qu’il lui avait toujours connue. Assis sur le bord de son lit, mains mutilées posées sur ses genoux, regard fixe en direction du Sud.
Redescendant l’escalier, il espéra que l’imitateur ne disposait pas de l’intelligence de l’original parce que dans le cas contraire, le dépeuplement d’une partie de la planète allait aller bon train.
À l’extérieur du bâtiment, le vent redoublait de violence, la pluie s’abattaient contraignant les hautes herbes à se coucher davantage. Un grondement sourd se fit entendre, toute lumière s’éteignit, puis revint la seconde suivante.
Edgar stoppa sa descente et respira profondément. Que se passerait-il si la panne persistait songea-t-il, si elle se prolongeait ne serait-ce que de quelques secondes supplémentaires ?
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Yali- Nombre de messages : 8624
Age : 60
Date d'inscription : 12/12/2005
Re: Test : Demain, c'est samedi
Suzane Ze, que chacun surnommait Suze, se mordit les lèvres à la vue du cadavre. Ce coup-ci, sûr que ça allait barder pour son matricule. Quatre victimes en un mois, les hautes sphères n’allaient pas apprécier. Ajouté à ça que la presse avait eu vent de l’affaire, et qu’elle n’avait pas un début de piste pour répondre à ses questions, pas même l’ombre d’un début, rien de rien…
Elle se pencha sur le jeune homme, une vingtaine d’années tout au plus. Comme aux trois autres, les deux premières phalanges des doigts lui manquaient et une au pouce. Bon Dieu, mais qu’est-ce que « il » ou « elle » pouvait en faire. Les collectionner ?
Elle s’écarta un instant, le temps de laisser le photographe prendre une série de clichés de la scène puis elle s’approcha de nouveau. Tout, dans les moindres détails, était identique aux scènes de crime précédentes. La victime était attablée, le couvert était dressé, son verre moitié rempli de vin, couteaux et fourchettes étaient disposés de chaque côtés de son assiette façon restaurant grand luxe, et sur ses genoux, reposait une serviette laissant à penser que le jeune homme s’apprêtait à déguster un bon repas. Il était vêtu sobrement, mais avec élégance, un peu comme si il avait eu un rendez-vous galant.
Les voisins avaient alerté le commissariat « À cause de l’odeur ! », sauf que l’odeur, comme dans les autres cas, n’émanait pas de la victime. De fait, celle-ci était en phase de décongélation. Le froid : condition nécessaire à la maintenir assise, coudes et avant-bras posés sur la table, cuisses serrées, chaussures à plat sur le sol..
Suze se redressa et s'interrogea à voix haute :
— Quel genre de dingue peut pousser le vice jusque là ?
— Tout sauf un demeuré !
Elle toisa son adjoint et le somma de s’expliquer.
— Pas une empreinte, les lieux ont été nettoyés de fond en combles. On ne trouvera rien, aucun indice !
— Et pour l’odeur ?
— Quantité de suppositions, mais comme pour le reste aucune trace. On dirait bien qu’elle est éphémère.
— Une sorte de signal provisoire ?
— Je dirais que oui. À peine le temps d’inquiéter l’entourage, celui de composer le numéro du commissariat et elle s’envole.
— Autant dire que l’on navigue en plein néant.
— En résumé, oui !
— Je hais les samedis !
Elle se pencha sur le jeune homme, une vingtaine d’années tout au plus. Comme aux trois autres, les deux premières phalanges des doigts lui manquaient et une au pouce. Bon Dieu, mais qu’est-ce que « il » ou « elle » pouvait en faire. Les collectionner ?
Elle s’écarta un instant, le temps de laisser le photographe prendre une série de clichés de la scène puis elle s’approcha de nouveau. Tout, dans les moindres détails, était identique aux scènes de crime précédentes. La victime était attablée, le couvert était dressé, son verre moitié rempli de vin, couteaux et fourchettes étaient disposés de chaque côtés de son assiette façon restaurant grand luxe, et sur ses genoux, reposait une serviette laissant à penser que le jeune homme s’apprêtait à déguster un bon repas. Il était vêtu sobrement, mais avec élégance, un peu comme si il avait eu un rendez-vous galant.
Les voisins avaient alerté le commissariat « À cause de l’odeur ! », sauf que l’odeur, comme dans les autres cas, n’émanait pas de la victime. De fait, celle-ci était en phase de décongélation. Le froid : condition nécessaire à la maintenir assise, coudes et avant-bras posés sur la table, cuisses serrées, chaussures à plat sur le sol..
Suze se redressa et s'interrogea à voix haute :
— Quel genre de dingue peut pousser le vice jusque là ?
— Tout sauf un demeuré !
Elle toisa son adjoint et le somma de s’expliquer.
— Pas une empreinte, les lieux ont été nettoyés de fond en combles. On ne trouvera rien, aucun indice !
— Et pour l’odeur ?
— Quantité de suppositions, mais comme pour le reste aucune trace. On dirait bien qu’elle est éphémère.
— Une sorte de signal provisoire ?
— Je dirais que oui. À peine le temps d’inquiéter l’entourage, celui de composer le numéro du commissariat et elle s’envole.
— Autant dire que l’on navigue en plein néant.
— En résumé, oui !
— Je hais les samedis !
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Walt, de la pulpe du pouce, vérifia le tranchant de la lame d’un couteau. Satisfait, il pratiqua une série d’entailles en forme de croisillons sur deux magrets, recto-verso, et les plaça sur le fond d’une poêle chaude. Pendant qu’ils doraient, il lava, frotta, puis sécha dans un torchon les pommes de terre grenailles. Elles rejoignirent à leur tour une poêle, baignèrent dans un lit de graisse de canard. Cuisinant, retournant les magrets à cadence régulière, du coin de l’œil, il observait Charlie qui, attablée et jambes croisées haut, lisait le journal. Le mot jolie lui grimpa au cerveau, puis il l’oublia parce que la cuisine, plus que toute autre activité, ne souffrait pas la distraction, que les magrets étaient prêts, saignants à souhait. Il les retira du feux, disposa chacun d’eux sur une assiette, les accompagna de salade finement hachée et de deux rondelles d’orange. Enfin, il s’occupa de la sauce : trancha des échalotes grossièrement, les fit revenir dans la poêle des magrets jusqu’à ce qu’elles blondissent, versa le vinaigre balsamique, rassembla les sucs de cuisson à l’aide d’une cuillère de bois et ajouta deux cuillères de miel. Il porta le tout à ébullition une bonne minute, nappa la volaille avec le résultat, disposa autour les pommes de terre grenailles désormais persillées, aillées, et servit.
Charlie leva la tête et lui sourit en humant son assiette.
— C’est drôle, dit-elle.
— Qu’est-ce qui est drôle ?
— L’article dans le journal, il raconte une série de meurtres.
— Qu’y a t’il de drôle en ce cas ?
— Et bien si mes souvenirs sont bons, l’un de tes cours traite d’un sujet similaire.
— Tes souvenirs doivent être bons. Comme étudiante, il n y a pas plus brillante que toi, ni plus assidue. Fais voir.
Elle lui tendit le journal en lui désignant l’article. À l’issue de sa lecture, elle avait fini son assiette, le complimentait sur ses talents de cuisinier. Lui prononça un :
— Ben merde alors.
— C’est le même tueur ?
— Le mode opératoire est identique, sauf que le Môme est incarcéré depuis vingt-six ans et que, s’il s’était évadé, cela ferait probablement la Une des médias.
Il réfléchit en avalant son repas et demanda.
— Ça te dirait de rendre visite à un éminent praticien ?
— C’est en rapport avec les meurtres ?
— Indirectement, mais oui.
— J’avais envisagé une après-midi, disons plus amoureuse, mais nous avons le temps pour la bagatelle, alors pourquoi pas.
— Nous avons toute la vie, même si la mienne, mathématiquement s’entend, devrait s’éterniser un peu moins que la tienne. Et puis, j’ai besoin d’une assistante.
— Je ne sais pas si je peux accepter le poste.
— Pourquoi pas ?
— Parce que voilà quatre ans que je t’en fais la demande sans que tu daignes la prendre en considération. Que si j’accepte après cette nuit, j’aurais l’impression que ma soudaine promotion tient à d’autres compétences que celle que me procure mes diplômes.
Il vida son verre et se leva pour débarrasser.
— Diplômes obtenus avec mention, souligna-t-il.
— Effectivement mais…
— Écoute Charlie, le recteur me tanne depuis des lustres pour que je rentre dans les clous, alors je rentre dans les clous et pour se faire, je prends la meilleure et voilà tout. Et puis, tu peux en croire un homme d’expérience, les principes pourrissent la vie plus qu’ils ne l’embellissent.
— Nous verrons. Mais je t’accompagne volontiers.
— À quel titre ?
— Celui d’observateur dans un premier temps.
Charlie leva la tête et lui sourit en humant son assiette.
— C’est drôle, dit-elle.
— Qu’est-ce qui est drôle ?
— L’article dans le journal, il raconte une série de meurtres.
— Qu’y a t’il de drôle en ce cas ?
— Et bien si mes souvenirs sont bons, l’un de tes cours traite d’un sujet similaire.
— Tes souvenirs doivent être bons. Comme étudiante, il n y a pas plus brillante que toi, ni plus assidue. Fais voir.
Elle lui tendit le journal en lui désignant l’article. À l’issue de sa lecture, elle avait fini son assiette, le complimentait sur ses talents de cuisinier. Lui prononça un :
— Ben merde alors.
— C’est le même tueur ?
— Le mode opératoire est identique, sauf que le Môme est incarcéré depuis vingt-six ans et que, s’il s’était évadé, cela ferait probablement la Une des médias.
Il réfléchit en avalant son repas et demanda.
— Ça te dirait de rendre visite à un éminent praticien ?
— C’est en rapport avec les meurtres ?
— Indirectement, mais oui.
— J’avais envisagé une après-midi, disons plus amoureuse, mais nous avons le temps pour la bagatelle, alors pourquoi pas.
— Nous avons toute la vie, même si la mienne, mathématiquement s’entend, devrait s’éterniser un peu moins que la tienne. Et puis, j’ai besoin d’une assistante.
— Je ne sais pas si je peux accepter le poste.
— Pourquoi pas ?
— Parce que voilà quatre ans que je t’en fais la demande sans que tu daignes la prendre en considération. Que si j’accepte après cette nuit, j’aurais l’impression que ma soudaine promotion tient à d’autres compétences que celle que me procure mes diplômes.
Il vida son verre et se leva pour débarrasser.
— Diplômes obtenus avec mention, souligna-t-il.
— Effectivement mais…
— Écoute Charlie, le recteur me tanne depuis des lustres pour que je rentre dans les clous, alors je rentre dans les clous et pour se faire, je prends la meilleure et voilà tout. Et puis, tu peux en croire un homme d’expérience, les principes pourrissent la vie plus qu’ils ne l’embellissent.
— Nous verrons. Mais je t’accompagne volontiers.
— À quel titre ?
— Celui d’observateur dans un premier temps.
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Le Môme délaissa la position assise, approcha le tabouret de la lucarne et grimpa dessus pour se livrer à une observation assidue. L’arbre qui pliait sous les bourrasques de vent avait perdu sept branches, cinq cents cinquante-huit feuilles. Il savait que le compte était inexact dans la mesure où il ne pouvait pas appréhender le sujet de tous côtés, mais de son point d’observation, il l’était. La partie du grillage qu’il voyait : deux cents cinquante-quatre milles deux cents quatre-vingt trois mailles, de ce côté-là, rien n’avait changé. Le jeu le lassa bientôt, il descendit de son perchoir pour revenir à sa place. Une fois installé, il posa ses mains mutilées sur ses genoux et ouvrit dans sa bibliothèque cerveau l’un des multiples livres qu’il gardait en mémoire. C’était le premier qu’il avait lu enfant. Il ne l’avait jamais relu depuis, inutile. Il débuta sa lecture :
Paroles de l’Ecclésiaste, fils de David, roi de Jérusalem.
Vanité des vanités, dit l’Ecclésiaste, vanité des vanités, tout est vanité.
Quel avantage revient-il à l’homme de toute la peine qu’il se donne sous le soleil?
Une génération s’en va, une autre vient, et la terre subsiste toujours.
Le soleil se lève, le soleil se couche; il soupire après le lieu d’où il se lève de nouveau.
Le vent se dirige vers le midi, tourne vers le nord; puis il tourne encore, et reprend les mêmes circuits.
Tous les fleuves vont à la mer, et la mer n’est point remplie; ils continuent à aller vers le lieu où ils se dirigent.
Toutes choses sont en travail au delà de ce qu’on peut dire; l’œil ne se rassasie pas de voir, et l’oreille ne se lasse pas d’entendre.
Ce qui a été, c’est ce qui sera, et ce qui s’est fait, c’est ce qui se fera, il n’y a rien de nouveau sous le soleil.
S’il est une chose dont on dise: Vois ceci, c’est nouveau! cette chose existait déjà dans les siècles qui nous ont précédés.
On ne se souvient pas de ce qui est ancien; et ce qui arrivera dans la suite ne laissera pas de souvenir chez ceux qui vivront plus tard.
Moi, l’Ecclésiaste, j’ai été roi d’Israël à Jérusalem.
J’ai appliqué mon cœur à rechercher et à sonder par la sagesse tout ce qui se fait sous les cieux: c’est là une occupation pénible, à laquelle Dieu soumet les fils de l’homme.
J’ai vu tout ce qui se fait sous le soleil; et voici, tout est vanité et poursuite du vent.
…
Paroles de l’Ecclésiaste, fils de David, roi de Jérusalem.
Vanité des vanités, dit l’Ecclésiaste, vanité des vanités, tout est vanité.
Quel avantage revient-il à l’homme de toute la peine qu’il se donne sous le soleil?
Une génération s’en va, une autre vient, et la terre subsiste toujours.
Le soleil se lève, le soleil se couche; il soupire après le lieu d’où il se lève de nouveau.
Le vent se dirige vers le midi, tourne vers le nord; puis il tourne encore, et reprend les mêmes circuits.
Tous les fleuves vont à la mer, et la mer n’est point remplie; ils continuent à aller vers le lieu où ils se dirigent.
Toutes choses sont en travail au delà de ce qu’on peut dire; l’œil ne se rassasie pas de voir, et l’oreille ne se lasse pas d’entendre.
Ce qui a été, c’est ce qui sera, et ce qui s’est fait, c’est ce qui se fera, il n’y a rien de nouveau sous le soleil.
S’il est une chose dont on dise: Vois ceci, c’est nouveau! cette chose existait déjà dans les siècles qui nous ont précédés.
On ne se souvient pas de ce qui est ancien; et ce qui arrivera dans la suite ne laissera pas de souvenir chez ceux qui vivront plus tard.
Moi, l’Ecclésiaste, j’ai été roi d’Israël à Jérusalem.
J’ai appliqué mon cœur à rechercher et à sonder par la sagesse tout ce qui se fait sous les cieux: c’est là une occupation pénible, à laquelle Dieu soumet les fils de l’homme.
J’ai vu tout ce qui se fait sous le soleil; et voici, tout est vanité et poursuite du vent.
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Yali- Nombre de messages : 8624
Age : 60
Date d'inscription : 12/12/2005
Re: Test : Demain, c'est samedi
La commissaire Suze et son adjoint, assis de chaque côté du grand bureau, face à face, passaient pour la énième fois en revue tous les éléments dont ils disposaient : rapports d’autopsie, photographies des scènes de crimes, analyses diverses… Mais rien là-dedans n’indiquait autre chose que l’évidence :
— Des crimes parfaits, constata l’adjoint.
— Il semblerait, mais ce n’est pas le genre de conclusion que je peux livrer au directeur, même en l’emballant d’un sourire.
L’adjoint se retint de lui faire remarquer que de toute façon, elle ne souriait pas. Bientôt dix ans qu’il travaillait à ses côtés et jamais en ce laps de temps, il n’avait vu les muscles de son visage se détendre. Pas même l’ébauche d’un rictus de satisfaction. Ce n’était pourtant pas les occasions qui lui avaient manqué, après tout, elle avait résolu nombre d’affaires difficiles et de fait, grimper tous les échelons de la hiérarchie. Il se souvint de sa nomination au poste de patron de la criminelle, il était présent. Elle avait décroché le téléphone, avait discuté un moment, avait mis fin à la conversation par un « Mes respects monsieur le directeur. » puis elle s’était tournée vers lui pour l’informer de son avancement, mais son visage ne reflétait alors aucune satisfaction, aucun contentement. Il lui avait proposé d’aller fêter ça, elle avait répondu quelque chose comme « Je n’en vois pas la nécessité. » Être aussi jolie et aussi revêche, quel dommage, songea-t-il.
Elle le rappela à la réalité.
— Vous avez consulté le fichier central ?
— Bien entendu, mais je n’ai rien trouvé qui puisse s’apparenter de près ou de loin à ce genre de mise en scène.
— Reprenons, proposa-t-elle. Il leur découpe les phalanges alors qu’ils sont encore vivants.
— C’est ce qu’affirme le médecin légiste.
— On ne sait pas ce qu’il en fait, mais ensuite ?
— Et bien, si j’en crois les rapport d’autopsie, il leur plante une longue aiguille dans le cœur. La mort est instantanée et évite à la victime de se vider de son sang.
— Il est obsédé par la propreté ?
— Ou par la perfection. Mais ce pourrait être tout autre chose.
— Nous ne sommes pas plus avancés. Et puis ?
— Vraisemblablement, il les assied, les attable et les congèle.
— Cette partie de son mode opératoire est peut-être uniquement technique. Un corps congelé reste en position, ce qui facilite la mise en scène à venir.
— Outre le côté pratique, elle peut également révéler une obsession pour le froid ou que sais-je encore.
— C’est possible. dans tous les cas, on cherche donc un dingue disposant d’une chambre froide suffisamment grande pour contenir au moins une chaise et une table.
— Il existe des milliers de chambres froides de ce type en ville.
— Oui, mais celle-ci ne peut-être en activité. Enfin, je veux dire, elle ne peut pas servir à stoker des marchandises.
— Sauf si il est le seul à y entrer. Autant dire que ce pourrait être n’importe lequel des commerçants de la cité ou de la banlieue pour peu qu’il vende des produit surgelés.
— Ce qui fait beaucoup de monde.
— Quelque chose comme une dizaine de milliers d’individus, j’ai vérifié.
— Il doit y avoir une faille, il y en a toujours une.
— Dans n’importe quelle affaire j’aurai répondu oui, mais ici, j’ai planché sur le dossier une partie de la nuit et c’est comme si…
— Comme si ?
— Comme si il avait peaufiné chaque détails avant de passer à l’acte. Comme si, même si je mesure tout l’irrationnel de cette remarque, comme si il avait un coup d’avance, voire plusieurs.
Le commissaire Suze redoubla d’attention.
— Expliquez-vous.
— C’est une théorie qui flirte avec l’absurde.
— Dites toujours.
L’adjoint rassembla les pièces du dossier de façon machinale, les empila et poursuivit.
— Chaque fois qu’une faille se présente, qu’un tueur omet un détail, c’est pour une seule et même raison. Il ne peut tout régler à l’avance, il ne peut anticiper l’événement sous tous les angles, alors une infime partie de son plan ne fonctionne pas parce que le hasard s’en mêle, sauf si…
— Sauf si ?
— Sauf s’il élimine la notion de hasard parce qu’il connait parfaitement chaque rouage du mode opératoire.
— Vous êtes en train de me dire que si les crimes sont si parfaits, c’est parce qu’ils sont l’œuvre d’un récidiviste et que, de fait, connaissant parfaitement l’enchaînement des tâches, l’ordre dans lequel il doit procéder, il ne peut rien oublier, pas même une partie, aussi infime soit-elle ?
— Pour simplifier, oui ! Mais je vous l’ai dit, c’est une théorie absurde.
— Pas tant que ça. Je trouve que ça se tient, mais dans ce cas pourquoi le fichier central ne fait-il pas mention de crimes identiques ou en rapport ?
— Peut-être parce qu’il a été crée voici vingt-cinq ans.
La commissaire dévisagea son adjoint.
— L’âge moyen d’un tueur en série est d’une trentaine d’années, lui rappela-t-elle. Si l’on y ajoute les vingt-cinq ans du fichier, cela revient à dire que notre candidat au crime serait âgé d’au minimum cinquante-cinq ans, soit un âge ou l’on ne recense précisément aucun tueur en série.
— Il faut un début à tout.
Elle tourna son regard vers la fenêtre, fronça les sourcils, s’apprêta à ajouter un mot, peut-être deux. Le téléphone l’interrompit, elle décrocha dans un geste de lassitude excédée.
L’entretien dura un long moment et au fur et à mesure qu’elle échangeait avec son interlocuteur, son front se plissait davantage.
— Vous rappliquez et vite, on a besoin de vous ici ! conclut-elle avant de raccrocher. Puis elle se tourna vers son adjoint et confirma.
— Vous aviez en partie raison, le mode opératoire de notre tueur a un précédent. Qui est le plus vieux flic du commissariat ?
— Tête de con !
— Pardon ?
— Léon, tête de con. Il est au service des archives, et croyez-moi, il n’a pas volé son surnom.
— Convoquez-le.
— Maintenant ?
— Oui, maintenant ! Nous avons suffisamment perdu de temps.
L’adjoint s’exécuta. Cinq minutes plus tard se pointait un agent à la tenue débrayée, au regard mauvais, au surpoids encombrant, à la face ravagée qui en racontait long sur ses boissons favorites. Il entra sur un :
— Bonjour ma p’tite dame. Mon p’tit mossieur.
— Je préférerais Commissaire, si cela ne vous dérange pas trop.
Il se laissa tomber dans le siège qu’on ne lui proposait pas.
— Ce que vous préférez je m’en tape, répondit-il. Pour moi la r’traite c’est après-demain, alors voyez.
Elle ignora l’affront, se saisit d’une photographie de la dernière mise en scène de crime et la lui montra.
— Ça vous dit quelque chose ? demanda-t-elle.
Il s’en saisit, la reluqua plus qu’il ne la regarda.
— Ça m’dit que le Môme a repris du service, voilà c’que ça m’dit. T’ain, quatre semaines pour en arriver là, z’êtes toujours aussi nazes les gens d’en haut.
— Vous l’avez compris quand ?
— Ben au premier crime, pardi. Qu’est-ce vous croyez, qu’il est fini Léon ? En même temps ça peut pas êt’e lui vu qu’il est toujours là-bas au Centre, me suis renseigné.
— Vous auriez pu partager l’information.
Il se leva lourdement, d’un revers de manche il s’essuya un front perlant de sueur et enchaîna.
— Et pourquoi j’aurais filé un coup d’main à des gens qui m’ont envoyé au placard p’dant vingt piges. J’vous emmerde ma p’tite dame, puis lui aussi j’l’emmerde. Pour faire plus simp’, j’emmerde tout le monde dans cette barraque.
Et il sortit sans en avoir reçu l’ordre tandis que Suze la mine courroucée, décrochait le téléphone.
— Sans vous commander, ne faites pas ça, le pria l’adjoint.
— Et pourquoi donc ?
— Pour être con il est con le gros Léon, mais il la mérite, sa retraite. Il a perdu sa femme et ses gosses dans un accident de voiture.
— Ce n’est pas une raison.
— C’en est une, si l’on considère que ce soir là, il n’aurait pas dû être de service mais avec sa famille.
— C’est notre quotidien, les impératifs du métier.
— Ça l’est, sauf lorsque l’on devient la tête de turc d’un commissaire, votre prédécesseur, qui ne supportait pas les « nègres » comme il disait. Et pour les emmerder, il les collait de garde plus souvent qu’à leur tour.
Elle laissa retomber le combiné.
— La vie est moche, dit-elle.
— Pour certains, davantage que pour d’autres.
— Des crimes parfaits, constata l’adjoint.
— Il semblerait, mais ce n’est pas le genre de conclusion que je peux livrer au directeur, même en l’emballant d’un sourire.
L’adjoint se retint de lui faire remarquer que de toute façon, elle ne souriait pas. Bientôt dix ans qu’il travaillait à ses côtés et jamais en ce laps de temps, il n’avait vu les muscles de son visage se détendre. Pas même l’ébauche d’un rictus de satisfaction. Ce n’était pourtant pas les occasions qui lui avaient manqué, après tout, elle avait résolu nombre d’affaires difficiles et de fait, grimper tous les échelons de la hiérarchie. Il se souvint de sa nomination au poste de patron de la criminelle, il était présent. Elle avait décroché le téléphone, avait discuté un moment, avait mis fin à la conversation par un « Mes respects monsieur le directeur. » puis elle s’était tournée vers lui pour l’informer de son avancement, mais son visage ne reflétait alors aucune satisfaction, aucun contentement. Il lui avait proposé d’aller fêter ça, elle avait répondu quelque chose comme « Je n’en vois pas la nécessité. » Être aussi jolie et aussi revêche, quel dommage, songea-t-il.
Elle le rappela à la réalité.
— Vous avez consulté le fichier central ?
— Bien entendu, mais je n’ai rien trouvé qui puisse s’apparenter de près ou de loin à ce genre de mise en scène.
— Reprenons, proposa-t-elle. Il leur découpe les phalanges alors qu’ils sont encore vivants.
— C’est ce qu’affirme le médecin légiste.
— On ne sait pas ce qu’il en fait, mais ensuite ?
— Et bien, si j’en crois les rapport d’autopsie, il leur plante une longue aiguille dans le cœur. La mort est instantanée et évite à la victime de se vider de son sang.
— Il est obsédé par la propreté ?
— Ou par la perfection. Mais ce pourrait être tout autre chose.
— Nous ne sommes pas plus avancés. Et puis ?
— Vraisemblablement, il les assied, les attable et les congèle.
— Cette partie de son mode opératoire est peut-être uniquement technique. Un corps congelé reste en position, ce qui facilite la mise en scène à venir.
— Outre le côté pratique, elle peut également révéler une obsession pour le froid ou que sais-je encore.
— C’est possible. dans tous les cas, on cherche donc un dingue disposant d’une chambre froide suffisamment grande pour contenir au moins une chaise et une table.
— Il existe des milliers de chambres froides de ce type en ville.
— Oui, mais celle-ci ne peut-être en activité. Enfin, je veux dire, elle ne peut pas servir à stoker des marchandises.
— Sauf si il est le seul à y entrer. Autant dire que ce pourrait être n’importe lequel des commerçants de la cité ou de la banlieue pour peu qu’il vende des produit surgelés.
— Ce qui fait beaucoup de monde.
— Quelque chose comme une dizaine de milliers d’individus, j’ai vérifié.
— Il doit y avoir une faille, il y en a toujours une.
— Dans n’importe quelle affaire j’aurai répondu oui, mais ici, j’ai planché sur le dossier une partie de la nuit et c’est comme si…
— Comme si ?
— Comme si il avait peaufiné chaque détails avant de passer à l’acte. Comme si, même si je mesure tout l’irrationnel de cette remarque, comme si il avait un coup d’avance, voire plusieurs.
Le commissaire Suze redoubla d’attention.
— Expliquez-vous.
— C’est une théorie qui flirte avec l’absurde.
— Dites toujours.
L’adjoint rassembla les pièces du dossier de façon machinale, les empila et poursuivit.
— Chaque fois qu’une faille se présente, qu’un tueur omet un détail, c’est pour une seule et même raison. Il ne peut tout régler à l’avance, il ne peut anticiper l’événement sous tous les angles, alors une infime partie de son plan ne fonctionne pas parce que le hasard s’en mêle, sauf si…
— Sauf si ?
— Sauf s’il élimine la notion de hasard parce qu’il connait parfaitement chaque rouage du mode opératoire.
— Vous êtes en train de me dire que si les crimes sont si parfaits, c’est parce qu’ils sont l’œuvre d’un récidiviste et que, de fait, connaissant parfaitement l’enchaînement des tâches, l’ordre dans lequel il doit procéder, il ne peut rien oublier, pas même une partie, aussi infime soit-elle ?
— Pour simplifier, oui ! Mais je vous l’ai dit, c’est une théorie absurde.
— Pas tant que ça. Je trouve que ça se tient, mais dans ce cas pourquoi le fichier central ne fait-il pas mention de crimes identiques ou en rapport ?
— Peut-être parce qu’il a été crée voici vingt-cinq ans.
La commissaire dévisagea son adjoint.
— L’âge moyen d’un tueur en série est d’une trentaine d’années, lui rappela-t-elle. Si l’on y ajoute les vingt-cinq ans du fichier, cela revient à dire que notre candidat au crime serait âgé d’au minimum cinquante-cinq ans, soit un âge ou l’on ne recense précisément aucun tueur en série.
— Il faut un début à tout.
Elle tourna son regard vers la fenêtre, fronça les sourcils, s’apprêta à ajouter un mot, peut-être deux. Le téléphone l’interrompit, elle décrocha dans un geste de lassitude excédée.
L’entretien dura un long moment et au fur et à mesure qu’elle échangeait avec son interlocuteur, son front se plissait davantage.
— Vous rappliquez et vite, on a besoin de vous ici ! conclut-elle avant de raccrocher. Puis elle se tourna vers son adjoint et confirma.
— Vous aviez en partie raison, le mode opératoire de notre tueur a un précédent. Qui est le plus vieux flic du commissariat ?
— Tête de con !
— Pardon ?
— Léon, tête de con. Il est au service des archives, et croyez-moi, il n’a pas volé son surnom.
— Convoquez-le.
— Maintenant ?
— Oui, maintenant ! Nous avons suffisamment perdu de temps.
L’adjoint s’exécuta. Cinq minutes plus tard se pointait un agent à la tenue débrayée, au regard mauvais, au surpoids encombrant, à la face ravagée qui en racontait long sur ses boissons favorites. Il entra sur un :
— Bonjour ma p’tite dame. Mon p’tit mossieur.
— Je préférerais Commissaire, si cela ne vous dérange pas trop.
Il se laissa tomber dans le siège qu’on ne lui proposait pas.
— Ce que vous préférez je m’en tape, répondit-il. Pour moi la r’traite c’est après-demain, alors voyez.
Elle ignora l’affront, se saisit d’une photographie de la dernière mise en scène de crime et la lui montra.
— Ça vous dit quelque chose ? demanda-t-elle.
Il s’en saisit, la reluqua plus qu’il ne la regarda.
— Ça m’dit que le Môme a repris du service, voilà c’que ça m’dit. T’ain, quatre semaines pour en arriver là, z’êtes toujours aussi nazes les gens d’en haut.
— Vous l’avez compris quand ?
— Ben au premier crime, pardi. Qu’est-ce vous croyez, qu’il est fini Léon ? En même temps ça peut pas êt’e lui vu qu’il est toujours là-bas au Centre, me suis renseigné.
— Vous auriez pu partager l’information.
Il se leva lourdement, d’un revers de manche il s’essuya un front perlant de sueur et enchaîna.
— Et pourquoi j’aurais filé un coup d’main à des gens qui m’ont envoyé au placard p’dant vingt piges. J’vous emmerde ma p’tite dame, puis lui aussi j’l’emmerde. Pour faire plus simp’, j’emmerde tout le monde dans cette barraque.
Et il sortit sans en avoir reçu l’ordre tandis que Suze la mine courroucée, décrochait le téléphone.
— Sans vous commander, ne faites pas ça, le pria l’adjoint.
— Et pourquoi donc ?
— Pour être con il est con le gros Léon, mais il la mérite, sa retraite. Il a perdu sa femme et ses gosses dans un accident de voiture.
— Ce n’est pas une raison.
— C’en est une, si l’on considère que ce soir là, il n’aurait pas dû être de service mais avec sa famille.
— C’est notre quotidien, les impératifs du métier.
— Ça l’est, sauf lorsque l’on devient la tête de turc d’un commissaire, votre prédécesseur, qui ne supportait pas les « nègres » comme il disait. Et pour les emmerder, il les collait de garde plus souvent qu’à leur tour.
Elle laissa retomber le combiné.
— La vie est moche, dit-elle.
— Pour certains, davantage que pour d’autres.
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Yali- Nombre de messages : 8624
Age : 60
Date d'inscription : 12/12/2005
Re: Test : Demain, c'est samedi
Edgar regardait le téléphone mural d’un air désabusé. « Rappliquer », elle en avait de bonne la commissaire. D’un autre côté, quitter le Centre quelques jours lui ferait du bien. Depuis combien de temps n’avait-il pas mis les pieds en ville ? Longtemps, trop longtemps pour se souvenir d’une date exacte. Il fouilla ses poches à la recherche de son carnet, le trouva, l’ouvrit et vérifia le planning. Le nouveau était de service ce soir, tout comme il aurait dû l’être lui. Par précaution, mieux valait adjoindre au novice une aide expérimentée. Raph ne refuserait pas de travailler une nuit de plus. Célibataire, il n’avait quasiment que ça à faire, travailler et le reste du temps s’ennuyer.
Il appela Raph qui s’empressa d’accepter, puis il prévint son épouse qu’il s’absentait quelques jours. Les enfants résidaient à demeure pour les vacances universitaires, et lorsqu’ils étaient présents, elle ne trouvait rien à redire à rien. Louise n’émit donc aucune objection à son départ précipité et qu’il redouble d’attention sur le trajet, avec ce temps…
Il passa par son bureau pour y récupérer le dossier du Môme, les enquêteurs auraient de la lecture pour quelques jours. Il chercha et trouva le nouveau dans les cuisines, assis derrière un café. Il l’informa du changement d’équipe, lui souhaita une bonne soirée et emprunta l’escalier pour se rendre au parking, seule partie encore utilisée des sous-sols.
Une fois installé derrière son volant, lançant le démarreur, passant tour à tour les hautes portes du Centre, qui automatiquement s’ouvraient devant la calandre de son véhicule, se refermaient derrière son passage, il se demanda qui se plaisait à copier le mode opératoire du Môme et dans quel but ?
La conduite n’était pas aisée, une pluie torrentielle se déversait sur le pare brise et les essuie-glaces peinaient à suivre la cadence. Il visa son compteur de vitesse et l’horloge du tableau de bord. À cette allure, il lui faudrait deux bonnes heures pour gagner la ville. Il arriverait à la tombée de la nuit, pas avant.
Il chercha une station de radio, la trouva. Les ondes ne parlaient que du tueur en série, du « Freezer ». Les journalistes, toujours prêts à dégotter les surnoms les plus absurdes, les raccourcis les plus simples, songea-t-il. Il se concentra sur la route qui se déroulait toute de goudron et d’eau, tandis que son esprit vagabondait du côté des jours anciens. Plus précisément du jour où le Môme était entré au Centre. Celui-ci n’était alors qu’un enfant au visage angélique et si Edgar n’avait lu son dossier, jamais il n’aurait pu accepter que l’être tout de grâce qu’il voyait au travers des caméras de surveillance, était le monstre qui avait défrayé la chronique et baladé la flicaille deux années durant. Et pour être franc, il était resté dubitatif jusqu’au jour où le Môme avait récupéré un crayon de couleur et s’en était servi pour massacrer l’un de ses gardiens. Il avait fallu qu’ils interviennent à six pour l’arracher de sa victime. Le Môme, malgré son petit gabarit, développait une force étonnante dans ces moments-là, un peu comme s’il entrait en transe.
Peu après que le Centre abandonne sa vocation médicale, le système vidéo avait défailli et l’Administration ne trouva pas les raisons d’engager les réparations. Trop couteux, pour seulement six détenus, lui avait-on répondu. Se rendre en ville, était également pour Edgar l’occasion d’attirer l’attention sur les faiblesses du Centre. Ne serait-ce que d’un point de vue sanitaire, dingues ou pas, on ne pouvait traiter des humains de cette manière. Certes les cellules restaient fonctionnelles, mais elles avaient été pensées avec l’esprit de l’époque. Esprit qui n’éprouvait aucune empathie pour les aliénés. Elles étaient carrelées, murs, plafond et sol, et leurs prisonniers pissaient et déféquaient ou bon leur semblaient. Quatre fois par jour, on ouvrait les vannes, de l’eau envahissaient la pièce puis elle s’échappait par un large siphon. Edgar ne respectait pas le règlement malgré les invectives de l’Administration, il doublait la fréquence des nettoyages. Pour la douche c’était une autre histoire. Il fallait entrer à trois, ceinturer le patient, le menotter, le bâillonner et le passer au jet. Pour le Môme il fallait être cinq, les douches, il n’aimait pas. Les ablutions des patients se déroulaient trois fois par semaine, bien que le règlement n’impose qu’une seule douche. « Une seule douche par semaine, c’est pas humain ! » Murmura-t-il pour lui-même. Sans parler des médicaments… Justement si, il allait leur en parler des médicaments parce que si ça ne posait aucun problème pour les autres, le Môme lui, repérait à coups sûr lorsqu’ils étaient dilués dans son repas, et il n’y touchait pas, même affamé. Il avait tout essayé, mais impossible de lui faire prendre à son insu. Comment faisait-il ? Edgar n’en savait rien, mais jamais il n’était parvenu à rouler le Môme. Alors il procédait de la même manière que pour les repas et sitôt que la trappe s’était refermée, il déverrouillait la grille et allait de visu, par le judas, constater que le Môme les avalait. Etrangement, le Môme se prêtait au jeu. Se tenait debout derrière l’œilleton, déposait les cachets sur sa langue et avalait une gorgée d’eau pour ensuite ouvrir la bouche en grand et s’approcher du judas. Aléatoirement, à l’occasion d’une douche, l’un des trois gardiens infirmiers lui faisait une prise de sang pour l’envoyer au laboratoire histoire de voir si le Môme ne trompait pas son monde. Les tests étaient toujours revenus positifs. Ce qui ne prouvait rien, le Môme sentait tant de choses, alors anticiper le jour de la prise de sang, pourquoi pas. Il ne souffrait de rien, les gélules étaient censées diminuer son hyper-activité cérébrale. Le Môme était répertorié dans les génies. « Classe A », lui avait confié un psychiatre. « Classe A » par défaut, parce qu’il n’existe aucune classe au-dessus. » avait-il ajouté.
Edgar croisa un camion, le premier véhicule depuis longtemps. Avec ce temps, nul n’était assez inconscient pour prendre la route.
Oui, il allait lui raconter au commissaire ce que le Centre était devenu, dans quel état de décrépitude il résidait désormais. Peut-être que si elle comprenait, elle trouverait le moyen d’intercéder auprès de l’Administration.
Il appela Raph qui s’empressa d’accepter, puis il prévint son épouse qu’il s’absentait quelques jours. Les enfants résidaient à demeure pour les vacances universitaires, et lorsqu’ils étaient présents, elle ne trouvait rien à redire à rien. Louise n’émit donc aucune objection à son départ précipité et qu’il redouble d’attention sur le trajet, avec ce temps…
Il passa par son bureau pour y récupérer le dossier du Môme, les enquêteurs auraient de la lecture pour quelques jours. Il chercha et trouva le nouveau dans les cuisines, assis derrière un café. Il l’informa du changement d’équipe, lui souhaita une bonne soirée et emprunta l’escalier pour se rendre au parking, seule partie encore utilisée des sous-sols.
Une fois installé derrière son volant, lançant le démarreur, passant tour à tour les hautes portes du Centre, qui automatiquement s’ouvraient devant la calandre de son véhicule, se refermaient derrière son passage, il se demanda qui se plaisait à copier le mode opératoire du Môme et dans quel but ?
La conduite n’était pas aisée, une pluie torrentielle se déversait sur le pare brise et les essuie-glaces peinaient à suivre la cadence. Il visa son compteur de vitesse et l’horloge du tableau de bord. À cette allure, il lui faudrait deux bonnes heures pour gagner la ville. Il arriverait à la tombée de la nuit, pas avant.
Il chercha une station de radio, la trouva. Les ondes ne parlaient que du tueur en série, du « Freezer ». Les journalistes, toujours prêts à dégotter les surnoms les plus absurdes, les raccourcis les plus simples, songea-t-il. Il se concentra sur la route qui se déroulait toute de goudron et d’eau, tandis que son esprit vagabondait du côté des jours anciens. Plus précisément du jour où le Môme était entré au Centre. Celui-ci n’était alors qu’un enfant au visage angélique et si Edgar n’avait lu son dossier, jamais il n’aurait pu accepter que l’être tout de grâce qu’il voyait au travers des caméras de surveillance, était le monstre qui avait défrayé la chronique et baladé la flicaille deux années durant. Et pour être franc, il était resté dubitatif jusqu’au jour où le Môme avait récupéré un crayon de couleur et s’en était servi pour massacrer l’un de ses gardiens. Il avait fallu qu’ils interviennent à six pour l’arracher de sa victime. Le Môme, malgré son petit gabarit, développait une force étonnante dans ces moments-là, un peu comme s’il entrait en transe.
Peu après que le Centre abandonne sa vocation médicale, le système vidéo avait défailli et l’Administration ne trouva pas les raisons d’engager les réparations. Trop couteux, pour seulement six détenus, lui avait-on répondu. Se rendre en ville, était également pour Edgar l’occasion d’attirer l’attention sur les faiblesses du Centre. Ne serait-ce que d’un point de vue sanitaire, dingues ou pas, on ne pouvait traiter des humains de cette manière. Certes les cellules restaient fonctionnelles, mais elles avaient été pensées avec l’esprit de l’époque. Esprit qui n’éprouvait aucune empathie pour les aliénés. Elles étaient carrelées, murs, plafond et sol, et leurs prisonniers pissaient et déféquaient ou bon leur semblaient. Quatre fois par jour, on ouvrait les vannes, de l’eau envahissaient la pièce puis elle s’échappait par un large siphon. Edgar ne respectait pas le règlement malgré les invectives de l’Administration, il doublait la fréquence des nettoyages. Pour la douche c’était une autre histoire. Il fallait entrer à trois, ceinturer le patient, le menotter, le bâillonner et le passer au jet. Pour le Môme il fallait être cinq, les douches, il n’aimait pas. Les ablutions des patients se déroulaient trois fois par semaine, bien que le règlement n’impose qu’une seule douche. « Une seule douche par semaine, c’est pas humain ! » Murmura-t-il pour lui-même. Sans parler des médicaments… Justement si, il allait leur en parler des médicaments parce que si ça ne posait aucun problème pour les autres, le Môme lui, repérait à coups sûr lorsqu’ils étaient dilués dans son repas, et il n’y touchait pas, même affamé. Il avait tout essayé, mais impossible de lui faire prendre à son insu. Comment faisait-il ? Edgar n’en savait rien, mais jamais il n’était parvenu à rouler le Môme. Alors il procédait de la même manière que pour les repas et sitôt que la trappe s’était refermée, il déverrouillait la grille et allait de visu, par le judas, constater que le Môme les avalait. Etrangement, le Môme se prêtait au jeu. Se tenait debout derrière l’œilleton, déposait les cachets sur sa langue et avalait une gorgée d’eau pour ensuite ouvrir la bouche en grand et s’approcher du judas. Aléatoirement, à l’occasion d’une douche, l’un des trois gardiens infirmiers lui faisait une prise de sang pour l’envoyer au laboratoire histoire de voir si le Môme ne trompait pas son monde. Les tests étaient toujours revenus positifs. Ce qui ne prouvait rien, le Môme sentait tant de choses, alors anticiper le jour de la prise de sang, pourquoi pas. Il ne souffrait de rien, les gélules étaient censées diminuer son hyper-activité cérébrale. Le Môme était répertorié dans les génies. « Classe A », lui avait confié un psychiatre. « Classe A » par défaut, parce qu’il n’existe aucune classe au-dessus. » avait-il ajouté.
Edgar croisa un camion, le premier véhicule depuis longtemps. Avec ce temps, nul n’était assez inconscient pour prendre la route.
Oui, il allait lui raconter au commissaire ce que le Centre était devenu, dans quel état de décrépitude il résidait désormais. Peut-être que si elle comprenait, elle trouverait le moyen d’intercéder auprès de l’Administration.
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— Walt Funchal, et voici mon assistante, Charlie, dit Walt.
— J’ai lu vos travaux, ils sont passionnants. Prenez place, je vous en prie.
Walt et Charlie s’installèrent dans deux fauteuils spacieux.
Le bureau du praticien était gigantesque, le mobilier élégant et très design. Chaque meuble, chaque objet respirait la réussite, jusqu’au costume que portait leur hôte sous sa blouse blanche. Il quitta ses lunettes, se passa une main dans une chevelure poivre et sel, posa ses avant bras sur le plateau de verre et attendit.
Walt laissa traîner son regard sur la pièce tandis que celui du praticien s’égarait sur les jambes de Charlie. J’aurais mieux fait d’opter pour cette voie-là, songea-t-il en remarquant le faste du cabinet, puis il reprit la parole..
— Je suis ici pour m’assurer d’avoir bien compris les résultats des tests du Môme.
— Le Môme ?
— Éka Nosdde.
Le praticien tressaillit et sourit à pleine dents.
Trop blanches pour être vraies, pensa Walt.
— Un cas unique de mémoire eidétique. Ou de mémoire absolue si vous préférez.
— Par eidétique vous entendez quoi ?
— La mémoire eidétique ou absolue est la capacité d’un individu à étudier une image pendant un court laps de temps et, une fois qu’elle a été soustraite de son regard, de maintenir une mémoire presque parfaite de cette image pour une courte durée comme si l’image était toujours là. Comme toute autre mémoire, bien sûr, l’intensité du souvenir dépend de plusieurs facteurs tels que la durée et la fréquence de l’exposition au stimulus, l’observation consciente, la pertinence de l’observateur…
— Je vois, et dans le cas du Môme ?
— Nous n’avons pas réussi à mesurer l’étendue de la mémoire de Éka. Je vais vous montrer, ce sera plus parlant si j’ose dire.
Il pressa l’un des bouton du boîtier de commande se trouvant sur son bureau, la lumière s’éteignit, les persiennes se fermèrent, plongeant la pièce dans le noir total.
Une seconde plus tard, un projecteur ronronnait affichant sur le mur une grille composée de carrés noirs et blancs. Le praticien reprit.
— Cette grille est composée de cents cases, observez-là durant trente secondes.
Ce qu’il firent.
Le praticien passa à une autre image.
— C’est la même, affirma Walt.
— On dirait bien, confirma Charlie.
— Pour un esprit comme les vôtres ou comme le mien, c’est la même. Mais en réalité sept carrés noirs sont désormais blancs.
Il ralluma la lumière et rouvrit les persiennes.
— Éka peut à coup sûr vous dire si même une seule case a été modifiée, constatant cela nous avons doublé les éléments composant la grille. Puis nous les avons triplés, puis multiplié par dix, par cent et finalement par mille et aucune fois Èka ne s’est trompé. Alors nous avons multiplié les événements changeant de la grille ultime de la même manière jusqu’à ce qu’aucun des éléments ne se trouvent être de la même teinte que le précédent.
— Et ?
— En trois heures, il la remis la grille en place, à l’exact de la précédente vue durant trente secondes.
— J’imagine que vous ne vous êtes pas arrêté là ? demanda Walt.
— Non, nous avons multiplier les couleurs, le résultat à été le même.
— Est-ce possible, s’enquit Charlie.
— En théorie non, ça ne l’était pas jusqu’à ce que nous rencontrions Éka. Mais ce n’est pas le plus ahurissant. Nous pouvons comprendre ce phénomène, mais pas sa temporalité.
— Sa temporalité ?
— Oui, trois ans plus tard Èka fut capable de recomposer la grille.
— Vous voulez dire, sans l’avoir revue ?
— Exactement, tout ce qui entre dans son cerveau n’en sort plus. Il crée et organise des sortes de bibliothèques ou il range chaque chose vue, lue, entendue, sentie ou touchée.
— Lue ?
— Oui. Si Éka ne parlait pas ou peu, il dessinait et écrivait avant qu’on le prive de crayon pour les raisons que vous connaissez.
Walt acquiesça, le praticien poursuivit.
— Nous avons trouvé dans sa cellule, la rédaction complète du livre de l’Ecclésiaste. Après de multiples vérifications nous avons constaté qu’il n’y manquait pas une virgule pas un point et qu’aucun mot n’avait été modifié, il était identique à l’édition original. Or, il ne possédait pas ce livre lorsqu’il a été arrêté et celui-ci n’est jamais entré dans sa cellule.
— Un système mnémotechnique ? avança Charlie.
— Bien davantage qu’un système, des séquences entières, probablement algorithmiques.
— Quelque chose m’échappe, dit Walt, si le Môme est à ce point génial, pour quelle raison a-t-on cessé de l’observer. Nous pourrions apprendre de lui, non ?
— Nous pourrions apprendre beaucoup. Mais le Centre qui l’hébergeait avait pour vocation de découvrir un remède contre la criminalité récidiviste, ou pour le moins, de la prévenir. Réalisant que l’objectif était impossible à attendre, les élus ont coupé les crédits. Lorsque nous nous sommes insurgés, que nous avons affirmés qu’il était nécessaire pour la science de poursuivre nos recherches avec Éka. Ils nous ont opposé que les familles des dix-huit victimes payaient leurs impôts et qu’il n’était pas bienséant que le meurtrier bénéficie d’un régime de faveur payé par lesdites familles.
— L’enfer est pavé de bonnes intentions.
— Oui, et les bonnes intentions refont toujours surface pendant les élections. Le Centre était devenu un argument de poids pour l’opposition.
— J’imagine le tableau, dit Walt en se levant et invitant Charlie à l’imiter.
— Encore une question professeur.
— Faites.
— Serait-il possible qu’il existe un autre esprit en tout point similaire à celui du Môme ?
— Possible, oui. Probable non. Vous faites allusion aux crimes perpétrés ces dernières semaines ?
— Oui.
Le praticien réfléchit quelques secondes.
— Je penche pour un imitateur, mais je sors de ma spécialité. La criminologie, c’est votre domaine pas le mien. Ce serait plutôt à vous d’établir le profil de l’assassin.
— C’est un peu tôt pour ça, objecta Walt. Merci.
— Je vous en prie.
Le praticien les raccompagna jusqu’à la porte de son cabinet, les salua et les regarda s’en aller sans oublier d’accrocher son regard au postérieur de Charlie.
— Je crois que tu lui plais, signala Walt alors qu’il descendait une volée de marches pour se retrouver sur un parking écrasé de soleil.
— Ce n’est pas réciproque. Tu as tout de même une idée à propos du profil de l’assassin ?
Il prit place derrière le volant d’une Jeep cinquantenaire tandis qu’elle s’asseyait côté passager.
— Soit ton vieux beau a raison, c’est un copiste et rien de plus.
— Soit ?
— Soit, il conçoit son plagiat comme une épreuve obligée pour accéder à son propre mode opératoire.
— Un genre de rituel avant sa transformation.
— Si c’est le cas, il voit ses crimes comme un hommage rendu à ses pairs avant de voler de ses propres ailes.
— Pourquoi commencerait-il par le plus difficile ?
— Qui te dit qu’il n’a pas commencé par le plus facile, qu’il n’a pas gravi un à un les échelons de la complexité ?
— Il faudrait vérifier.
— Exactement ce que je me disais.
— J’ai lu vos travaux, ils sont passionnants. Prenez place, je vous en prie.
Walt et Charlie s’installèrent dans deux fauteuils spacieux.
Le bureau du praticien était gigantesque, le mobilier élégant et très design. Chaque meuble, chaque objet respirait la réussite, jusqu’au costume que portait leur hôte sous sa blouse blanche. Il quitta ses lunettes, se passa une main dans une chevelure poivre et sel, posa ses avant bras sur le plateau de verre et attendit.
Walt laissa traîner son regard sur la pièce tandis que celui du praticien s’égarait sur les jambes de Charlie. J’aurais mieux fait d’opter pour cette voie-là, songea-t-il en remarquant le faste du cabinet, puis il reprit la parole..
— Je suis ici pour m’assurer d’avoir bien compris les résultats des tests du Môme.
— Le Môme ?
— Éka Nosdde.
Le praticien tressaillit et sourit à pleine dents.
Trop blanches pour être vraies, pensa Walt.
— Un cas unique de mémoire eidétique. Ou de mémoire absolue si vous préférez.
— Par eidétique vous entendez quoi ?
— La mémoire eidétique ou absolue est la capacité d’un individu à étudier une image pendant un court laps de temps et, une fois qu’elle a été soustraite de son regard, de maintenir une mémoire presque parfaite de cette image pour une courte durée comme si l’image était toujours là. Comme toute autre mémoire, bien sûr, l’intensité du souvenir dépend de plusieurs facteurs tels que la durée et la fréquence de l’exposition au stimulus, l’observation consciente, la pertinence de l’observateur…
— Je vois, et dans le cas du Môme ?
— Nous n’avons pas réussi à mesurer l’étendue de la mémoire de Éka. Je vais vous montrer, ce sera plus parlant si j’ose dire.
Il pressa l’un des bouton du boîtier de commande se trouvant sur son bureau, la lumière s’éteignit, les persiennes se fermèrent, plongeant la pièce dans le noir total.
Une seconde plus tard, un projecteur ronronnait affichant sur le mur une grille composée de carrés noirs et blancs. Le praticien reprit.
— Cette grille est composée de cents cases, observez-là durant trente secondes.
Ce qu’il firent.
Le praticien passa à une autre image.
— C’est la même, affirma Walt.
— On dirait bien, confirma Charlie.
— Pour un esprit comme les vôtres ou comme le mien, c’est la même. Mais en réalité sept carrés noirs sont désormais blancs.
Il ralluma la lumière et rouvrit les persiennes.
— Éka peut à coup sûr vous dire si même une seule case a été modifiée, constatant cela nous avons doublé les éléments composant la grille. Puis nous les avons triplés, puis multiplié par dix, par cent et finalement par mille et aucune fois Èka ne s’est trompé. Alors nous avons multiplié les événements changeant de la grille ultime de la même manière jusqu’à ce qu’aucun des éléments ne se trouvent être de la même teinte que le précédent.
— Et ?
— En trois heures, il la remis la grille en place, à l’exact de la précédente vue durant trente secondes.
— J’imagine que vous ne vous êtes pas arrêté là ? demanda Walt.
— Non, nous avons multiplier les couleurs, le résultat à été le même.
— Est-ce possible, s’enquit Charlie.
— En théorie non, ça ne l’était pas jusqu’à ce que nous rencontrions Éka. Mais ce n’est pas le plus ahurissant. Nous pouvons comprendre ce phénomène, mais pas sa temporalité.
— Sa temporalité ?
— Oui, trois ans plus tard Èka fut capable de recomposer la grille.
— Vous voulez dire, sans l’avoir revue ?
— Exactement, tout ce qui entre dans son cerveau n’en sort plus. Il crée et organise des sortes de bibliothèques ou il range chaque chose vue, lue, entendue, sentie ou touchée.
— Lue ?
— Oui. Si Éka ne parlait pas ou peu, il dessinait et écrivait avant qu’on le prive de crayon pour les raisons que vous connaissez.
Walt acquiesça, le praticien poursuivit.
— Nous avons trouvé dans sa cellule, la rédaction complète du livre de l’Ecclésiaste. Après de multiples vérifications nous avons constaté qu’il n’y manquait pas une virgule pas un point et qu’aucun mot n’avait été modifié, il était identique à l’édition original. Or, il ne possédait pas ce livre lorsqu’il a été arrêté et celui-ci n’est jamais entré dans sa cellule.
— Un système mnémotechnique ? avança Charlie.
— Bien davantage qu’un système, des séquences entières, probablement algorithmiques.
— Quelque chose m’échappe, dit Walt, si le Môme est à ce point génial, pour quelle raison a-t-on cessé de l’observer. Nous pourrions apprendre de lui, non ?
— Nous pourrions apprendre beaucoup. Mais le Centre qui l’hébergeait avait pour vocation de découvrir un remède contre la criminalité récidiviste, ou pour le moins, de la prévenir. Réalisant que l’objectif était impossible à attendre, les élus ont coupé les crédits. Lorsque nous nous sommes insurgés, que nous avons affirmés qu’il était nécessaire pour la science de poursuivre nos recherches avec Éka. Ils nous ont opposé que les familles des dix-huit victimes payaient leurs impôts et qu’il n’était pas bienséant que le meurtrier bénéficie d’un régime de faveur payé par lesdites familles.
— L’enfer est pavé de bonnes intentions.
— Oui, et les bonnes intentions refont toujours surface pendant les élections. Le Centre était devenu un argument de poids pour l’opposition.
— J’imagine le tableau, dit Walt en se levant et invitant Charlie à l’imiter.
— Encore une question professeur.
— Faites.
— Serait-il possible qu’il existe un autre esprit en tout point similaire à celui du Môme ?
— Possible, oui. Probable non. Vous faites allusion aux crimes perpétrés ces dernières semaines ?
— Oui.
Le praticien réfléchit quelques secondes.
— Je penche pour un imitateur, mais je sors de ma spécialité. La criminologie, c’est votre domaine pas le mien. Ce serait plutôt à vous d’établir le profil de l’assassin.
— C’est un peu tôt pour ça, objecta Walt. Merci.
— Je vous en prie.
Le praticien les raccompagna jusqu’à la porte de son cabinet, les salua et les regarda s’en aller sans oublier d’accrocher son regard au postérieur de Charlie.
— Je crois que tu lui plais, signala Walt alors qu’il descendait une volée de marches pour se retrouver sur un parking écrasé de soleil.
— Ce n’est pas réciproque. Tu as tout de même une idée à propos du profil de l’assassin ?
Il prit place derrière le volant d’une Jeep cinquantenaire tandis qu’elle s’asseyait côté passager.
— Soit ton vieux beau a raison, c’est un copiste et rien de plus.
— Soit ?
— Soit, il conçoit son plagiat comme une épreuve obligée pour accéder à son propre mode opératoire.
— Un genre de rituel avant sa transformation.
— Si c’est le cas, il voit ses crimes comme un hommage rendu à ses pairs avant de voler de ses propres ailes.
— Pourquoi commencerait-il par le plus difficile ?
— Qui te dit qu’il n’a pas commencé par le plus facile, qu’il n’a pas gravi un à un les échelons de la complexité ?
— Il faudrait vérifier.
— Exactement ce que je me disais.
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Yali- Nombre de messages : 8624
Age : 60
Date d'inscription : 12/12/2005
Re: Test : Demain, c'est samedi
Le môme grimpa de nouveau sur son perchoir, bascula son regard au travers de la lucarne, mais ce coup-ci il ne s’intéressa aucunement à répertorier la quantité de feuilles tombées, pas davantage à compter les mailles du grillage.
Le pluie tombait par paquets entier, le ciel s’était chargé de lourds nuages d’un noir profond, plus loin, entre les gouttes aussi serrées qu’un canevas nouvellement tissé, le soleil déclinait, rejoindrait bientôt la mer pour s’y fondre.
L’esprit du Môme se concentrait sur un nombre hautement composé, un nombre dont il recensait les diviseurs propres : un, deux, trois, quatre, six, ; un nombre pratique. N’ayant jamais étudié les mathématiques, il ne formulait pas les choses en ces termes mais son cerveau en comprenait la logique.
Il descendit du tabouret, douze était le nombre exact.
Il prêta l’oreille, au delà du silence du bâtiment, encore au delà des gouttes qui claquaient sur le toit, l’orage grondait, s’approchait.
Douze était le nombre exact, le nombre parfait. Il en avait fait le constat lors de la tempête précédente. Il y avait de cela six années, mais alors il n’était pas prêt.
Deux fois six : douze.
Il dégagea le carreau de faïence de sa cachette et en sorti la boîte de carton. Avec mille précautions il s’agenouilla et la renversa de façon à ce que l’un des coin se trouva contre le sol, puis il l’ouvrit. Max en sorti, hésita quelques instants, puis il rampa jusqu’au siphon et disparut.
Le Môme sourit.
Il n’avait pas souri depuis son arrestation.
Vingt-six ans déjà.
Vingt-six n’était pas un nombre pratique contrairement à vingt-quatre.
Vingt-quatre divisé par deux : douze.
Douze.
Nombre en tête, il alla reprendre sa place sur le bord de son lit.
Douze.
Manger.
Ou plutôt faire semblant.
Le môme rêvait d’un autre repas.
Le pluie tombait par paquets entier, le ciel s’était chargé de lourds nuages d’un noir profond, plus loin, entre les gouttes aussi serrées qu’un canevas nouvellement tissé, le soleil déclinait, rejoindrait bientôt la mer pour s’y fondre.
L’esprit du Môme se concentrait sur un nombre hautement composé, un nombre dont il recensait les diviseurs propres : un, deux, trois, quatre, six, ; un nombre pratique. N’ayant jamais étudié les mathématiques, il ne formulait pas les choses en ces termes mais son cerveau en comprenait la logique.
Il descendit du tabouret, douze était le nombre exact.
Il prêta l’oreille, au delà du silence du bâtiment, encore au delà des gouttes qui claquaient sur le toit, l’orage grondait, s’approchait.
Douze était le nombre exact, le nombre parfait. Il en avait fait le constat lors de la tempête précédente. Il y avait de cela six années, mais alors il n’était pas prêt.
Deux fois six : douze.
Il dégagea le carreau de faïence de sa cachette et en sorti la boîte de carton. Avec mille précautions il s’agenouilla et la renversa de façon à ce que l’un des coin se trouva contre le sol, puis il l’ouvrit. Max en sorti, hésita quelques instants, puis il rampa jusqu’au siphon et disparut.
Le Môme sourit.
Il n’avait pas souri depuis son arrestation.
Vingt-six ans déjà.
Vingt-six n’était pas un nombre pratique contrairement à vingt-quatre.
Vingt-quatre divisé par deux : douze.
Douze.
Nombre en tête, il alla reprendre sa place sur le bord de son lit.
Douze.
Manger.
Ou plutôt faire semblant.
Le môme rêvait d’un autre repas.
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Yali- Nombre de messages : 8624
Age : 60
Date d'inscription : 12/12/2005
Re: Test : Demain, c'est samedi
Le panneau de la ville apparut strié de pluie, rincé par la lumière d’un réverbère. Edgar ralentit et vira à gauche pour emprunter le périphérique. Il visa l’heure au tableau de bord, les aiguilles indiquaient que la nuit ne tarderait pas à tomber : trouver un hôtel en premier lieu. De ce qu’il se souvenait de la ville, de la situation géographique du commissariat principal, il lui semblait bien qu’à proximité, s’élevait l’une de ces bâtisses où l’on dormait pour pas très cher. Il se demanda si l’Administration rembourserait ses nuitées ? Sans doute, mais pour ça comme pour tout le reste, il lui faudrait remplir une quantité de paperasse tout bonnement impressionnante, y joindre les justificatifs, recommencer, patienter, recommencer…
Il en était là de ses réflexions lorsqu’il ressentit un malaise. Une angoisse lui étreignit soudain la poitrine. Il se gara sur la bande d’arrêt d’urgence, dégaina son portable et appela le Centre.
Le nouveau lui répondit. Tout allait pour le mieux, les patients avaient récupéré leurs plateaux repas et Raph et lui s’apprêtaient à passer à table.
Edgar pressa le bouton « Off » de son portable, rassuré, mais la gêne était toujours présente.
Quelque minutes plus tard, il se glissait entre deux tramways en direction du centre ville. Il roula ainsi un moment puis, trouvant ce qu’il cherchait, il s’engagea dans un parking souterrain. L’absence de pluie soudaine le fit se sentir mieux. Il se gara, descendit de voiture et prit la direction de l’ascenseur, dossier du Môme sous le bras. Une fois dans la cabine, il dégaina de nouveau son portable pour signaler au commissariat qui se trouvait à quelques mètres de là, qu’il se tenait à leur disposition. Il raccrocha en arrivant à la réception, paya sa nuitée d’avance et alla déposer le dossier du Môme dans le coffre-fort de la chambre. Assurément, ce n’était pas le genre de coffre prévu pour ce genre de colis, il y rentrait à peine. Ceci fait, il gagna la fenêtre pour y observer le ciel. Il se livra à un rapide calcul, si la tempête se transformait en cyclone, son œil cernerait la ville d’ici deux heures tout au plus, cernerait le Centre d’ici trois heures. Il haussa les épaules, les cyclones il en avait connu tellement. Des tendres sans conséquence et des ravageurs qui sur leur passage mettaient tout en miette, mais toujours l’homme reconstruisait. L’homme, cette étrange créature qui ne devait sa survie qu’à son implacable obstination. Il cessa toute réflexion, pour l’instant puisqu’il n’avait pas eu le temps de faire sa valise, il y avait plus pressant. S’acheter un caleçon, une paire de chaussettes, une chemise. L’homme, cette étrange créature qui même en pleine intempérie pense à son hygiène, à son paraître… Le magasin de l’hôtel devrait faire l’affaire. Par précaution, il ferma les volets métalliques et la fenêtre. Des vitres qui explosaient sous la pression du vent, il avait déjà vu ça. Puis il sortit.
Lorsqu’il revint, ses emplettes faites, une femme et un homme l’attendaient sur le pas de la porte et il ne fallait pas être un oracle pour deviner qu’ils faisaient partie de la flicaille.
Merde, ils ne perdaient pas de temps.
Il les salua tandis qu’ils lui présentaient leurs cartes respectives, les invita à entrer et à s’asseoir autour d’une table basse d’un standing douteux.
Sortant le dossier du Môme du coffre-fort, puis le posant devant eux, Edgar se contenta d’un « Voilà ».
La commissaire se pinça les lèvres, son adjoint siffla d’admiration.
— Je ne savais pas que nous étions capable d’autant, dit l’adjoint en soupesant le dossier.
— Vous ne l’êtes pas ! rétorqua Edgar.
— Qui alors ?
— Tout le monde. Les flics, très peu. Les psys, pas mal. Mais une grande partie du dossier repose sur des tests et autres rapports médicaux que l’Administration n’a pas eu le désir de récupérer lorsqu’elle a décidé de basculer le Centre du thérapeutique au carcéral. Ajoutez à cela vingt-six années d’observation d’un être en captivité, rédigée au jour le jour.
— Un être ? s’enquit la commissaire avec cette moue dédaigneuse qu’Edgar connaissait trop bien.
— Oui, le Môme est un monstre, mais par beaucoup de côtés, il est plus humain que vous ne le serez jamais, ou que je ne le serai jamais. Et puis, c’est un génie.
— Nous sommes au courant.
— Non, vous croyez l’être, c’est différent. Le génie c’est une idée vague, un mot dans un dico pour le plus grand nombre, rien de plus.
— Notre commissaire présente un QI bien supérieur à la moyenne, précisa l’adjoint.
Edgar sourit.
— Sauf que la moyenne n’intègre pas dans ses comptes le QI du Môme, parce que sinon, équilibre fait, sans vouloir vous manquez de respect Madame…
— Mademoiselle !
— Mademoiselle. Parce que sinon, équilibre fait et sauf votre respect disais-je, vous traineriez à l’âge du métal et moi à l’âge de pierre. Le môme absorbe tout ce qu’il voit, et, comment dire, intègre chaque sensation, la vôtre, la mienne, le Môme sait et sent toute chose.
L’adjoint remua sur son siège, dubitatif.
Edgar reprit.
— Je ne fais que confirmer les impressions des scientifiques, rien de plus. La possibilité d’un sixième sens…
— Et comment se manifeste ce sixième sens ? s’enquit la commissaire.
Edgar failli se lancer, mais il se ravisa. Il lui faudrait la nuit pour ça et la fatigue commençait à le gagner. Il se contenta de dire en désignant le dossier :
— Tout est là-dedans. Et si cela peut vous rassurer, toutes les notes que j’ai prises en vingt-six années ont été condensées, réécrites par Walt Funchal.
— Le criminologue ?
— Lui-même. Il s’intéresse au Môme. D’après ce que j’ai compris, il en a fait un sujet de cours, et dans la mesure où son cas ne captivait plus personne, l’Administration moins que quiconque, je n’ai pas vu d’objection à lui transmettre les copies de toutes les pièces.
L’évocation d’une pointure de le criminologie eut pour effet de raviver l’intérêt que lui portait les officiers de police.
—Laissons pour l’instant, Monsieur Funchal de côté. Quel est votre avis sur la série de meurtres ? demanda la commissaire.
— Le même que le vôtre sans doute, nous avons affaire à un contrefacteur.
— Oui, mais qui cela peut-il être ?
Edgar n’eut pas besoin de réfléchir, cette question, il se l’était posée des centaines de fois.
— N’importe qui ayant accès aux journaux de l’époque. La presse a traité et retraité, décrit et redécrit le mode opératoire du Môme. Elle en a fait des pages et des pages, des éditions spéciales, j’en passe et des plus descriptives. N’importe qui ayant accès a une bibliothèque, la sienne ou un endroit publique, c’est-à-dire à peu près tout le monde.
— N’importe qui disposant d’un accès à une bibliothèque et disposant d’une chambre froide. Voilà qui réduit la liste des suspects, même s’il en reste des milliers.
— Et d’une cuisine d’un genre professionnel.
— D’une cuisine ?
— À cause des doigts !
— Je ne vous suis pas. Que fait-il des doigts ?
Edgar prit un air éberlué.
— Nos archives ne datent que de vingt-cinq ans, s’excusa la commissaire.
Foutue Administration, il pensa avant de reprendre.
— Il les cuisine et il les mange ! Voilà ce qu’il en fait. Avec les restes, les os des phalanges, il joue aux osselets. Cette dernière affirmation est une déduction toute personnelle car en réalité nous n’en savons rien. Les seules phalanges que nous avons récupérées étaient celles de sa dernière victime. Il les avaient rangées dans des boîtes, par lot de cinq et un de trois. Alors si ce n’est pour jouer, je ne vois pas.
Un rictus de dégoût passa sur le visage des officiers.
La commissaire se ressaisit tandis que son adjoint demanda où se trouvait les toilettes.
— Vous… vous dites qu’il les cuisine ?
Edgar sentit qu’il était temps de reprendre depuis le début.
Le Môme est issu de l’orphelinat et a été placé en apprentissage dès l’âge de quinze ans.
— Apprenti cuisinier ?`
— Vous y êtes.
— Et puis ?
— Et puis rien, aucun des patrons auprès desquels il a appris le métier, n’a eu à se plaindre de ses services, bien au contraire. Il suffisait au Môme d’assister à la préparation d’un plat pour qu’il le reproduise à l’identique, puis qu’il l’améliore. « Que du bonheur ce Môme ! », disaient pas mal d’entre eux avant qu’ils ne réalisent à qui ils avaient eu affaire. C’est à la suite de son apprentissage qu’il a commencé à tuer, sauf qu’au préalable, il s’est coupé les phalanges, les a préparées, et les a mangées.
— Vous plaisantez ?
— En ai-je l’air ?
La commissaire acquiesça la moue passablement effarée tandis que son adjoint revenait des toilettes en s’essuyant la bouche d’un revers de manche.
— Est-ce cela que vous qualifiez d’Humain ?
Edgar chercha ses mots un moment. Comment expliquer une dimension humaine et morale à la fois si simple et si complexe ?
— « Aime ton prochain comme toi-même. », cette phrase le Môme a dû l’entendre des quantités de fois dans l’institution religieuse où il a grandi.
— Je ne vois pas le rapport.
— Dit autrement : « Ne fais pas aux autres ce que tu ne voudrais pas qu’on te fasse. ». C’est ce que l’on nomme « L’étique de réciprocité ».
— Bordel de Dieu, jura l’adjoint en reprenant sa place.
La commissaire toisa le jureur. Edgar s’amusa à lire dans son regard quelques chose comme « Si c’est pour dire des conneries, autant s’abstenir. L’adjoint toussa, gêné, et se tint coi.
— Si je vous comprends bien, reprit la commissaire, il s’est préalablement dédouané des atrocités qu’il s’apprêtait à commettre en commençant par lui-même.
— Quelque chose comme ça.
— Ce qui revient à dire que notre copiste, s’il en est vraiment un, s’est mutilé les mains. Cela réduit considérablement nos recherches.
— J’aimerais que cela soit aussi simple, mais j’en doute sincèrement. Pour l’esprit du Môme il n’y avait aucune autre voie possible. Mais le contrefacteur, même s’il imite son mode opératoire à la perfection, n’est pas le Môme. Et aucun tueur en série ne pense ou ne réagit à l’identique. Leurs modes opératoires naissent de lents processus qui puisent leurs racines dans l’enfance ou l’adolescence, souvent les deux, dans les échecs comme dans les réussites, dans les joies comme dans les peines. Mais ça, vous le savez déjà.
— OK. Quelle est votre idée alors ?
— Une idée ? Disons plutôt une impression, et ce n’est que celle d’un gardien.
— Un gardien qui fréquente au jour le jour des détenus faisant partie de la pire des engeances et ce depuis vingt-six ans si j’en crois…
— Des patients.
— Pardon ?
— Ce sont des patients, pas des détenus. Pour eux, il n’y aura pas de remise de peine et aucun d’eux ne tire de gloire de ce qu’il est, tous en souffrent et, croyez-moi, ce n’est pas le genre de souffrance qui les laisse en repos ne serait-ce qu’une seconde. Leur punition, c’est d’être ce qu’ils sont, pas ce que nous leur infligeons au jour le jour, même s’il y aurait beaucoup à redire sur nos méthodes.
— Poursuivez.
— Mon impression, c’est que notre contrefacteur s’essaye.
— S’essaye ?
— C’est un fruit vert en phase de mûrissement, je ne trouve rien de plus juste comme image. Pour l’instant, il imite, mais il n’en restera pas là. Tôt ou tard il trouvera son propre mode opératoire. Je crois que Walt ne désapprouverait pas cette impression. Vous devriez vous adjoindre ses services.
— Je devrais, mais vous connaissez l’Administration.
— Je la connais. Encore un meurtre et elle vous accordera tous les crédits nécessaires. Une arrestation et elle coupera le robinet. L’Administration dispense ses fonds en fonction des médias et des élections à venir.
La commissaire Suze sourit, en voilà un au moins qui connaît parfaitement les rouages, songea-t-elle. Mais une multitude de questions se pressaient sous sa jolie caboche.
— Si nos confrères en leur temps sont parvenus à coincer le Môme, pourquoi ne pas procéder de la même manière. Quelle était cette manière ? demanda-t-elle.
— De quelle manière parlez-vous ?
— De celle qu’ils ont employées pour tracer le Môme, le retrouver et l’arrêter.
Edgar se leva, s’approcha de la fenêtre. Le rideau de métal se bombait sous les rafales de vent. Au travers des fentes, il contempla la place publique en contrebas, elle était vide, chacun s’était réfugié chez soi. Ne restaient debout que les réverbères qui marquaient le pavé rincé de ronds de lumière, et quelques éléments de mobiliers urbains arrachés, trimballés ici et là, se pliant aux caprices du vent.
— Personne n’a trouvé la manière comme vous dîtes, l’arrestation du Môme est du au plus pur des hasard. J’imagine que sinon, il tuerait encore.
— Racontez-nous ça.
Edgar revint s’asseoir. La soirée promettait d’être longue. Il décrocha le téléphone trônant sur la table basse et appela la réception pour commander trois verres de quelque chose de fort. L’adjoint esquissa un sourire de satisfaction, le visage de la commissaire resta impassible. Il l’ignora et tenta de se remémorer ce qu’il avait lu maintes fois.
— Cela tient en peu de mots. Une patrouille routière trouva anormal qu’un adolescent se trouve au volant d’un camion. Elle le pria de se ranger sur le bas côté, ce que le Môme fit avant de se verrouiller à l’intérieur et de passer à l’arrière.
— Pourquoi à l’arrière ?
— Côté cuisines et côté chambre froide.
— Il a ouvert ?
— Non. Comme il le fait toujours, il a préparé et mangé les doigts de sa victime tandis que celle-ci assistait au repas. Une fois fini, il l’a congelé et il a finalisé sa mise en scène pendant que les flics tentaient de forcer l’entrée. En fin de compte, ils y sont parvenus pour découvrir le Môme sagement assis face au cadavre apprêté, mains posées sur ses genoux.
La commissaire fouilla dans sa serviette pour en sortir une photographie qu’elle tendit à Edgar.
— Par acquit de conscience,, précisa-t-elle.
Edgar chaussa ses lunettes et se plongea dans chaque détail du cliché. Après quoi, il leva la tête et rendit la photographie.
— Si je ne savais pas que le Môme se trouve actuellement entre quatre murs, je vous dirais sans hésiter qu’il est à l’origine de ça.
— Y avait-il un point commun entre les victimes ?
— Des points communs ! Elles avaient entre vingt et vingt-cinq ans, toutes étaient des hommes et toutes étaient de condition modeste. Toutes travaillaient et menaient une vie sans éclat, pour ne pas dire terne. Pas d’enfant, pas de famille proche, pas d’amis ni de fréquentations assidues.
— Des gens discrets !
— Un peu à son image. Des orphelins de la vie, et j’imagine que c’est également les critères de sélection du contrefacteur ?
L’adjoint acquiesça. Osa avancer que sans doute le contrefacteur, tout comme le Môme en son temps, devait se livrer à une observation appliquée de ses victimes avant de passer à l’acte.
— Non seulement des victimes, mais de leur environnement : quartier calme, pas de poste de police à proximité, pas de bistrot, pas de salle de concert ni rien de festif, non, rien qui soit susceptible d’engendrer une fréquentation augmentée. Le Môme ne supporte pas l’imprévu. C’est sans doute pour cette raison qu’il l’anticipe.
— Aussi infimes soient-elles, il doit bien y avoir des différences entre l’original et le copiste.
— Si j’en crois la radio, il en existe au moins une, commissaire.
Dans les yeux de la commissaire, passa une lueur d’espoir. Elle se pencha en avant, mais l’on frappait à la porte.
Quelques secondes plus tard, Edgar déposait trois verres sur la table basse et se rasseyait. Il porta le sien à ses lèvres et le bu d’un trait, puis il fit claquer sa langue satisfait.
La commissaire, poussa son verre vers lui.
— Jamais pendant le service ! précisa-t-elle.
— Autant dire jamais, répondit Edgar en se saisissant du verre qu’il fit tourner entre ses doigts. Le bruit des glaçons l’apaisait, il en avait toujours été ainsi.
— Nous sommes très peu à connaître la seule phrase que le Môme ait prononcé et prononce depuis son arrestation, reprit-il, : « Demain, c’est samedi ! »
— Il ne prononce que celle-ci ?
— Uniquement celle-là.
— Et le copiste tue les samedis, jamais un autre jour !
— C’est là que réside la différence. Je ne sais comment le contrefacteur a eu vent de cette phrase, mais il se trompe sur le sens qu’il faut lui donner, si toutefois il en tient compte. Parce que si le Môme a tué les samedis, il a également tué tous les jours de la semaine… à l’exception du dimanche toutefois.
Edgar choqua son verre contre celui de l’adjoint, il ne voulait pas boire seul et il sentait bien que c’était le genre de type à qui il fallait donner la permission, si l’un de ses supérieurs se tenait à ses côtés.
L’adjoint leva son verre et but deux gorgées sans bouder son plaisir.
— Résumons, fit la commissaire. Notre copiste tue uniquement les samedis, mais au vu de ses imitations parfaites, de sa connaissance du mode opératoire du Môme, il ne peut ignorer qu’il y déroge ?
— Il s’émancipe, dit l’adjoint, après avoir avalé son verre.
— Je n’aurais pas dit mieux, confirma Edgar. Il enclenche son propre mode opératoire tout en veillant à garder l’essentiel, soit la perfection de celui du Môme plus son grain de sel à lui. Un grain de sel qui le conduira bientôt à commettre une erreur.
— Pourquoi en commettrait-il une ?
L’alcool imprégnait désormais les méninges d’Edgar. Non pas qu’il les embuait ni ne les troublait, non, il les désinhibait. À présent, il n’éprouvait aucune gêne à dire ce qu’il pensait. La hiérarchie, l’Administration, qu’importait.
— Parce qu’il n’est pas le Môme, que nul ne peut l’être.
— Vous l’admirez ?
— Par certains côtés, oui !
Il ouvrit le dossier, chercha rapidement, trouva et déplia un A4 qui devint un A2, demanda en se levant et en le présentant grand ouvert :
— Que voyez-vous ?
— Une grille avec des cases de couleur.
— Un millions de cases !
— Un million ! Et alors ?
— C’est un test. Un psy a fait voir cette grille une seule fois au Môme, trois ans plus tard il lui demandait de la reproduire.
— Il l’a reproduite ?
— Le résultat du test dit ceci : « Reproduction exacte mais ajouts de variations colorées ». Ce qui en d’autres termes veut dire que le Môme a parfaitement reproduit la grille mais qu’il a prit quelques libertés avec les nuances. Il a plus ou moins appuyés sur les crayons de couleur.
— Où voulez vous en venir ?
Edgar se recula et vint se poster près de la fenêtre.
— Et maintenant ?
— Des cases un peu plus floues et voilà tout.
— Nom de Dieu, lâcha l’adjoint.
— Oui, confirma Edgar, il faut avoir bu un peu pour voir, il faut que l’esprit se relâche.
— C’est le sien ?
— Non, ce n’est pas le sien.
— Celui de qui alors ?
— Je ne sais pas.
— C’est le sien quoi ? lâcha la commissaire agacée.
L’adjoint se tourna vers elle, ne trouva rien de plus clair à dire que :
— Le portrait là, c’est un portrait. La combinaison des cases, c’est un portrait, et précis encore.
— J’ai mis vingt et un ans à le comprendre. À comprendre que le seul test du Môme qui se révélait inexact en partie, contenait un message.
La commissaire plissa les yeux, recommença : rien. Elle décrocha le téléphone et commanda un triple.
Un peu plus tard, elle se permettait de jurer, de recommencer et de convoquer par téléphone, le dessinateur chargé des portraits robots du commissariat.
À l’autre bout de la ville, tandis que la tempête se muait en cyclone, celui-ci raccrocha en se demandant pourquoi on venait de lui demander si l’alcool ne le dérangeait pas au petit déjeuner ?
Il en était là de ses réflexions lorsqu’il ressentit un malaise. Une angoisse lui étreignit soudain la poitrine. Il se gara sur la bande d’arrêt d’urgence, dégaina son portable et appela le Centre.
Le nouveau lui répondit. Tout allait pour le mieux, les patients avaient récupéré leurs plateaux repas et Raph et lui s’apprêtaient à passer à table.
Edgar pressa le bouton « Off » de son portable, rassuré, mais la gêne était toujours présente.
Quelque minutes plus tard, il se glissait entre deux tramways en direction du centre ville. Il roula ainsi un moment puis, trouvant ce qu’il cherchait, il s’engagea dans un parking souterrain. L’absence de pluie soudaine le fit se sentir mieux. Il se gara, descendit de voiture et prit la direction de l’ascenseur, dossier du Môme sous le bras. Une fois dans la cabine, il dégaina de nouveau son portable pour signaler au commissariat qui se trouvait à quelques mètres de là, qu’il se tenait à leur disposition. Il raccrocha en arrivant à la réception, paya sa nuitée d’avance et alla déposer le dossier du Môme dans le coffre-fort de la chambre. Assurément, ce n’était pas le genre de coffre prévu pour ce genre de colis, il y rentrait à peine. Ceci fait, il gagna la fenêtre pour y observer le ciel. Il se livra à un rapide calcul, si la tempête se transformait en cyclone, son œil cernerait la ville d’ici deux heures tout au plus, cernerait le Centre d’ici trois heures. Il haussa les épaules, les cyclones il en avait connu tellement. Des tendres sans conséquence et des ravageurs qui sur leur passage mettaient tout en miette, mais toujours l’homme reconstruisait. L’homme, cette étrange créature qui ne devait sa survie qu’à son implacable obstination. Il cessa toute réflexion, pour l’instant puisqu’il n’avait pas eu le temps de faire sa valise, il y avait plus pressant. S’acheter un caleçon, une paire de chaussettes, une chemise. L’homme, cette étrange créature qui même en pleine intempérie pense à son hygiène, à son paraître… Le magasin de l’hôtel devrait faire l’affaire. Par précaution, il ferma les volets métalliques et la fenêtre. Des vitres qui explosaient sous la pression du vent, il avait déjà vu ça. Puis il sortit.
Lorsqu’il revint, ses emplettes faites, une femme et un homme l’attendaient sur le pas de la porte et il ne fallait pas être un oracle pour deviner qu’ils faisaient partie de la flicaille.
Merde, ils ne perdaient pas de temps.
Il les salua tandis qu’ils lui présentaient leurs cartes respectives, les invita à entrer et à s’asseoir autour d’une table basse d’un standing douteux.
Sortant le dossier du Môme du coffre-fort, puis le posant devant eux, Edgar se contenta d’un « Voilà ».
La commissaire se pinça les lèvres, son adjoint siffla d’admiration.
— Je ne savais pas que nous étions capable d’autant, dit l’adjoint en soupesant le dossier.
— Vous ne l’êtes pas ! rétorqua Edgar.
— Qui alors ?
— Tout le monde. Les flics, très peu. Les psys, pas mal. Mais une grande partie du dossier repose sur des tests et autres rapports médicaux que l’Administration n’a pas eu le désir de récupérer lorsqu’elle a décidé de basculer le Centre du thérapeutique au carcéral. Ajoutez à cela vingt-six années d’observation d’un être en captivité, rédigée au jour le jour.
— Un être ? s’enquit la commissaire avec cette moue dédaigneuse qu’Edgar connaissait trop bien.
— Oui, le Môme est un monstre, mais par beaucoup de côtés, il est plus humain que vous ne le serez jamais, ou que je ne le serai jamais. Et puis, c’est un génie.
— Nous sommes au courant.
— Non, vous croyez l’être, c’est différent. Le génie c’est une idée vague, un mot dans un dico pour le plus grand nombre, rien de plus.
— Notre commissaire présente un QI bien supérieur à la moyenne, précisa l’adjoint.
Edgar sourit.
— Sauf que la moyenne n’intègre pas dans ses comptes le QI du Môme, parce que sinon, équilibre fait, sans vouloir vous manquez de respect Madame…
— Mademoiselle !
— Mademoiselle. Parce que sinon, équilibre fait et sauf votre respect disais-je, vous traineriez à l’âge du métal et moi à l’âge de pierre. Le môme absorbe tout ce qu’il voit, et, comment dire, intègre chaque sensation, la vôtre, la mienne, le Môme sait et sent toute chose.
L’adjoint remua sur son siège, dubitatif.
Edgar reprit.
— Je ne fais que confirmer les impressions des scientifiques, rien de plus. La possibilité d’un sixième sens…
— Et comment se manifeste ce sixième sens ? s’enquit la commissaire.
Edgar failli se lancer, mais il se ravisa. Il lui faudrait la nuit pour ça et la fatigue commençait à le gagner. Il se contenta de dire en désignant le dossier :
— Tout est là-dedans. Et si cela peut vous rassurer, toutes les notes que j’ai prises en vingt-six années ont été condensées, réécrites par Walt Funchal.
— Le criminologue ?
— Lui-même. Il s’intéresse au Môme. D’après ce que j’ai compris, il en a fait un sujet de cours, et dans la mesure où son cas ne captivait plus personne, l’Administration moins que quiconque, je n’ai pas vu d’objection à lui transmettre les copies de toutes les pièces.
L’évocation d’une pointure de le criminologie eut pour effet de raviver l’intérêt que lui portait les officiers de police.
—Laissons pour l’instant, Monsieur Funchal de côté. Quel est votre avis sur la série de meurtres ? demanda la commissaire.
— Le même que le vôtre sans doute, nous avons affaire à un contrefacteur.
— Oui, mais qui cela peut-il être ?
Edgar n’eut pas besoin de réfléchir, cette question, il se l’était posée des centaines de fois.
— N’importe qui ayant accès aux journaux de l’époque. La presse a traité et retraité, décrit et redécrit le mode opératoire du Môme. Elle en a fait des pages et des pages, des éditions spéciales, j’en passe et des plus descriptives. N’importe qui ayant accès a une bibliothèque, la sienne ou un endroit publique, c’est-à-dire à peu près tout le monde.
— N’importe qui disposant d’un accès à une bibliothèque et disposant d’une chambre froide. Voilà qui réduit la liste des suspects, même s’il en reste des milliers.
— Et d’une cuisine d’un genre professionnel.
— D’une cuisine ?
— À cause des doigts !
— Je ne vous suis pas. Que fait-il des doigts ?
Edgar prit un air éberlué.
— Nos archives ne datent que de vingt-cinq ans, s’excusa la commissaire.
Foutue Administration, il pensa avant de reprendre.
— Il les cuisine et il les mange ! Voilà ce qu’il en fait. Avec les restes, les os des phalanges, il joue aux osselets. Cette dernière affirmation est une déduction toute personnelle car en réalité nous n’en savons rien. Les seules phalanges que nous avons récupérées étaient celles de sa dernière victime. Il les avaient rangées dans des boîtes, par lot de cinq et un de trois. Alors si ce n’est pour jouer, je ne vois pas.
Un rictus de dégoût passa sur le visage des officiers.
La commissaire se ressaisit tandis que son adjoint demanda où se trouvait les toilettes.
— Vous… vous dites qu’il les cuisine ?
Edgar sentit qu’il était temps de reprendre depuis le début.
Le Môme est issu de l’orphelinat et a été placé en apprentissage dès l’âge de quinze ans.
— Apprenti cuisinier ?`
— Vous y êtes.
— Et puis ?
— Et puis rien, aucun des patrons auprès desquels il a appris le métier, n’a eu à se plaindre de ses services, bien au contraire. Il suffisait au Môme d’assister à la préparation d’un plat pour qu’il le reproduise à l’identique, puis qu’il l’améliore. « Que du bonheur ce Môme ! », disaient pas mal d’entre eux avant qu’ils ne réalisent à qui ils avaient eu affaire. C’est à la suite de son apprentissage qu’il a commencé à tuer, sauf qu’au préalable, il s’est coupé les phalanges, les a préparées, et les a mangées.
— Vous plaisantez ?
— En ai-je l’air ?
La commissaire acquiesça la moue passablement effarée tandis que son adjoint revenait des toilettes en s’essuyant la bouche d’un revers de manche.
— Est-ce cela que vous qualifiez d’Humain ?
Edgar chercha ses mots un moment. Comment expliquer une dimension humaine et morale à la fois si simple et si complexe ?
— « Aime ton prochain comme toi-même. », cette phrase le Môme a dû l’entendre des quantités de fois dans l’institution religieuse où il a grandi.
— Je ne vois pas le rapport.
— Dit autrement : « Ne fais pas aux autres ce que tu ne voudrais pas qu’on te fasse. ». C’est ce que l’on nomme « L’étique de réciprocité ».
— Bordel de Dieu, jura l’adjoint en reprenant sa place.
La commissaire toisa le jureur. Edgar s’amusa à lire dans son regard quelques chose comme « Si c’est pour dire des conneries, autant s’abstenir. L’adjoint toussa, gêné, et se tint coi.
— Si je vous comprends bien, reprit la commissaire, il s’est préalablement dédouané des atrocités qu’il s’apprêtait à commettre en commençant par lui-même.
— Quelque chose comme ça.
— Ce qui revient à dire que notre copiste, s’il en est vraiment un, s’est mutilé les mains. Cela réduit considérablement nos recherches.
— J’aimerais que cela soit aussi simple, mais j’en doute sincèrement. Pour l’esprit du Môme il n’y avait aucune autre voie possible. Mais le contrefacteur, même s’il imite son mode opératoire à la perfection, n’est pas le Môme. Et aucun tueur en série ne pense ou ne réagit à l’identique. Leurs modes opératoires naissent de lents processus qui puisent leurs racines dans l’enfance ou l’adolescence, souvent les deux, dans les échecs comme dans les réussites, dans les joies comme dans les peines. Mais ça, vous le savez déjà.
— OK. Quelle est votre idée alors ?
— Une idée ? Disons plutôt une impression, et ce n’est que celle d’un gardien.
— Un gardien qui fréquente au jour le jour des détenus faisant partie de la pire des engeances et ce depuis vingt-six ans si j’en crois…
— Des patients.
— Pardon ?
— Ce sont des patients, pas des détenus. Pour eux, il n’y aura pas de remise de peine et aucun d’eux ne tire de gloire de ce qu’il est, tous en souffrent et, croyez-moi, ce n’est pas le genre de souffrance qui les laisse en repos ne serait-ce qu’une seconde. Leur punition, c’est d’être ce qu’ils sont, pas ce que nous leur infligeons au jour le jour, même s’il y aurait beaucoup à redire sur nos méthodes.
— Poursuivez.
— Mon impression, c’est que notre contrefacteur s’essaye.
— S’essaye ?
— C’est un fruit vert en phase de mûrissement, je ne trouve rien de plus juste comme image. Pour l’instant, il imite, mais il n’en restera pas là. Tôt ou tard il trouvera son propre mode opératoire. Je crois que Walt ne désapprouverait pas cette impression. Vous devriez vous adjoindre ses services.
— Je devrais, mais vous connaissez l’Administration.
— Je la connais. Encore un meurtre et elle vous accordera tous les crédits nécessaires. Une arrestation et elle coupera le robinet. L’Administration dispense ses fonds en fonction des médias et des élections à venir.
La commissaire Suze sourit, en voilà un au moins qui connaît parfaitement les rouages, songea-t-elle. Mais une multitude de questions se pressaient sous sa jolie caboche.
— Si nos confrères en leur temps sont parvenus à coincer le Môme, pourquoi ne pas procéder de la même manière. Quelle était cette manière ? demanda-t-elle.
— De quelle manière parlez-vous ?
— De celle qu’ils ont employées pour tracer le Môme, le retrouver et l’arrêter.
Edgar se leva, s’approcha de la fenêtre. Le rideau de métal se bombait sous les rafales de vent. Au travers des fentes, il contempla la place publique en contrebas, elle était vide, chacun s’était réfugié chez soi. Ne restaient debout que les réverbères qui marquaient le pavé rincé de ronds de lumière, et quelques éléments de mobiliers urbains arrachés, trimballés ici et là, se pliant aux caprices du vent.
— Personne n’a trouvé la manière comme vous dîtes, l’arrestation du Môme est du au plus pur des hasard. J’imagine que sinon, il tuerait encore.
— Racontez-nous ça.
Edgar revint s’asseoir. La soirée promettait d’être longue. Il décrocha le téléphone trônant sur la table basse et appela la réception pour commander trois verres de quelque chose de fort. L’adjoint esquissa un sourire de satisfaction, le visage de la commissaire resta impassible. Il l’ignora et tenta de se remémorer ce qu’il avait lu maintes fois.
— Cela tient en peu de mots. Une patrouille routière trouva anormal qu’un adolescent se trouve au volant d’un camion. Elle le pria de se ranger sur le bas côté, ce que le Môme fit avant de se verrouiller à l’intérieur et de passer à l’arrière.
— Pourquoi à l’arrière ?
— Côté cuisines et côté chambre froide.
— Il a ouvert ?
— Non. Comme il le fait toujours, il a préparé et mangé les doigts de sa victime tandis que celle-ci assistait au repas. Une fois fini, il l’a congelé et il a finalisé sa mise en scène pendant que les flics tentaient de forcer l’entrée. En fin de compte, ils y sont parvenus pour découvrir le Môme sagement assis face au cadavre apprêté, mains posées sur ses genoux.
La commissaire fouilla dans sa serviette pour en sortir une photographie qu’elle tendit à Edgar.
— Par acquit de conscience,, précisa-t-elle.
Edgar chaussa ses lunettes et se plongea dans chaque détail du cliché. Après quoi, il leva la tête et rendit la photographie.
— Si je ne savais pas que le Môme se trouve actuellement entre quatre murs, je vous dirais sans hésiter qu’il est à l’origine de ça.
— Y avait-il un point commun entre les victimes ?
— Des points communs ! Elles avaient entre vingt et vingt-cinq ans, toutes étaient des hommes et toutes étaient de condition modeste. Toutes travaillaient et menaient une vie sans éclat, pour ne pas dire terne. Pas d’enfant, pas de famille proche, pas d’amis ni de fréquentations assidues.
— Des gens discrets !
— Un peu à son image. Des orphelins de la vie, et j’imagine que c’est également les critères de sélection du contrefacteur ?
L’adjoint acquiesça. Osa avancer que sans doute le contrefacteur, tout comme le Môme en son temps, devait se livrer à une observation appliquée de ses victimes avant de passer à l’acte.
— Non seulement des victimes, mais de leur environnement : quartier calme, pas de poste de police à proximité, pas de bistrot, pas de salle de concert ni rien de festif, non, rien qui soit susceptible d’engendrer une fréquentation augmentée. Le Môme ne supporte pas l’imprévu. C’est sans doute pour cette raison qu’il l’anticipe.
— Aussi infimes soient-elles, il doit bien y avoir des différences entre l’original et le copiste.
— Si j’en crois la radio, il en existe au moins une, commissaire.
Dans les yeux de la commissaire, passa une lueur d’espoir. Elle se pencha en avant, mais l’on frappait à la porte.
Quelques secondes plus tard, Edgar déposait trois verres sur la table basse et se rasseyait. Il porta le sien à ses lèvres et le bu d’un trait, puis il fit claquer sa langue satisfait.
La commissaire, poussa son verre vers lui.
— Jamais pendant le service ! précisa-t-elle.
— Autant dire jamais, répondit Edgar en se saisissant du verre qu’il fit tourner entre ses doigts. Le bruit des glaçons l’apaisait, il en avait toujours été ainsi.
— Nous sommes très peu à connaître la seule phrase que le Môme ait prononcé et prononce depuis son arrestation, reprit-il, : « Demain, c’est samedi ! »
— Il ne prononce que celle-ci ?
— Uniquement celle-là.
— Et le copiste tue les samedis, jamais un autre jour !
— C’est là que réside la différence. Je ne sais comment le contrefacteur a eu vent de cette phrase, mais il se trompe sur le sens qu’il faut lui donner, si toutefois il en tient compte. Parce que si le Môme a tué les samedis, il a également tué tous les jours de la semaine… à l’exception du dimanche toutefois.
Edgar choqua son verre contre celui de l’adjoint, il ne voulait pas boire seul et il sentait bien que c’était le genre de type à qui il fallait donner la permission, si l’un de ses supérieurs se tenait à ses côtés.
L’adjoint leva son verre et but deux gorgées sans bouder son plaisir.
— Résumons, fit la commissaire. Notre copiste tue uniquement les samedis, mais au vu de ses imitations parfaites, de sa connaissance du mode opératoire du Môme, il ne peut ignorer qu’il y déroge ?
— Il s’émancipe, dit l’adjoint, après avoir avalé son verre.
— Je n’aurais pas dit mieux, confirma Edgar. Il enclenche son propre mode opératoire tout en veillant à garder l’essentiel, soit la perfection de celui du Môme plus son grain de sel à lui. Un grain de sel qui le conduira bientôt à commettre une erreur.
— Pourquoi en commettrait-il une ?
L’alcool imprégnait désormais les méninges d’Edgar. Non pas qu’il les embuait ni ne les troublait, non, il les désinhibait. À présent, il n’éprouvait aucune gêne à dire ce qu’il pensait. La hiérarchie, l’Administration, qu’importait.
— Parce qu’il n’est pas le Môme, que nul ne peut l’être.
— Vous l’admirez ?
— Par certains côtés, oui !
Il ouvrit le dossier, chercha rapidement, trouva et déplia un A4 qui devint un A2, demanda en se levant et en le présentant grand ouvert :
— Que voyez-vous ?
— Une grille avec des cases de couleur.
— Un millions de cases !
— Un million ! Et alors ?
— C’est un test. Un psy a fait voir cette grille une seule fois au Môme, trois ans plus tard il lui demandait de la reproduire.
— Il l’a reproduite ?
— Le résultat du test dit ceci : « Reproduction exacte mais ajouts de variations colorées ». Ce qui en d’autres termes veut dire que le Môme a parfaitement reproduit la grille mais qu’il a prit quelques libertés avec les nuances. Il a plus ou moins appuyés sur les crayons de couleur.
— Où voulez vous en venir ?
Edgar se recula et vint se poster près de la fenêtre.
— Et maintenant ?
— Des cases un peu plus floues et voilà tout.
— Nom de Dieu, lâcha l’adjoint.
— Oui, confirma Edgar, il faut avoir bu un peu pour voir, il faut que l’esprit se relâche.
— C’est le sien ?
— Non, ce n’est pas le sien.
— Celui de qui alors ?
— Je ne sais pas.
— C’est le sien quoi ? lâcha la commissaire agacée.
L’adjoint se tourna vers elle, ne trouva rien de plus clair à dire que :
— Le portrait là, c’est un portrait. La combinaison des cases, c’est un portrait, et précis encore.
— J’ai mis vingt et un ans à le comprendre. À comprendre que le seul test du Môme qui se révélait inexact en partie, contenait un message.
La commissaire plissa les yeux, recommença : rien. Elle décrocha le téléphone et commanda un triple.
Un peu plus tard, elle se permettait de jurer, de recommencer et de convoquer par téléphone, le dessinateur chargé des portraits robots du commissariat.
À l’autre bout de la ville, tandis que la tempête se muait en cyclone, celui-ci raccrocha en se demandant pourquoi on venait de lui demander si l’alcool ne le dérangeait pas au petit déjeuner ?
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Yali- Nombre de messages : 8624
Age : 60
Date d'inscription : 12/12/2005
Re: Test : Demain, c'est samedi
n'ayant jamais rien lu de vous,
j'me suis dit, allez hop, faut voir
...
ça m'a l'air un peu long et compliquée votre affaire,
après faut voir quand ça bouge
j'ai noté des répétitions bizarres je sais plus où
et pour les longueurs, en exemple... est-il nécessaire de détailler au millimètre la façon de faire cuire les magrets de canard ?
...j'ai pas lu jusqu'au bout mais j'en ai lu une bonne moitié
ça me fait penser à un mix d'Esprits criminels et de Mentalist...
bon, sinon,
en tout cas, bravo pour le boulot et bonne chance !
j'me suis dit, allez hop, faut voir
...
ça m'a l'air un peu long et compliquée votre affaire,
après faut voir quand ça bouge
j'ai noté des répétitions bizarres je sais plus où
et pour les longueurs, en exemple... est-il nécessaire de détailler au millimètre la façon de faire cuire les magrets de canard ?
...j'ai pas lu jusqu'au bout mais j'en ai lu une bonne moitié
ça me fait penser à un mix d'Esprits criminels et de Mentalist...
bon, sinon,
en tout cas, bravo pour le boulot et bonne chance !
Re: Test : Demain, c'est samedi
bon... j'ai tout lu de ces premiers extraits.
ça commence fort, avec le personnage du Môme et son coup de (du) cafard, bonne accroche.
et tu as coupé l'extrait juste là où ça devient en effet très intéressant avec l'histoire du portrait.
vrai que ça rappelle pas mal ces séries dont je suis fan.
suis bonne spectatrice du genre, bonne lectrice, bonne cliente, j’achète.
sinon, pareil que Fred pour le magret, c'est un peu trop détaillé.
et deux passages qui me semblent à revoir :
Il l’épousseta, vérifia les niveaux et procéda au remplacement des pièces défectueuses.
Ceci fait, rassuré, il prit le chemin du retour.
me semble un peu rondement menée cette affaire.
— Non. Comme il le fait toujours, il a préparé et mangé les doigts de sa victime tandis que celle-ci assistait au repas. Une fois fini, il l’a congelé et il a finalisé sa mise en scène pendant que les flics tentaient de forcer l’entrée. En fin de compte, ils y sont parvenus pour découvrir le Môme sagement assis face au cadavre apprêté, mains posées sur ses genoux.
là, je ne comprends pas pourquoi, comment les flics n'ont pas réussi à forcer le camion avant, comment le criminel a eu le temps de faire tout ça.
ça commence fort, avec le personnage du Môme et son coup de (du) cafard, bonne accroche.
et tu as coupé l'extrait juste là où ça devient en effet très intéressant avec l'histoire du portrait.
vrai que ça rappelle pas mal ces séries dont je suis fan.
suis bonne spectatrice du genre, bonne lectrice, bonne cliente, j’achète.
sinon, pareil que Fred pour le magret, c'est un peu trop détaillé.
et deux passages qui me semblent à revoir :
Il l’épousseta, vérifia les niveaux et procéda au remplacement des pièces défectueuses.
Ceci fait, rassuré, il prit le chemin du retour.
me semble un peu rondement menée cette affaire.
— Non. Comme il le fait toujours, il a préparé et mangé les doigts de sa victime tandis que celle-ci assistait au repas. Une fois fini, il l’a congelé et il a finalisé sa mise en scène pendant que les flics tentaient de forcer l’entrée. En fin de compte, ils y sont parvenus pour découvrir le Môme sagement assis face au cadavre apprêté, mains posées sur ses genoux.
là, je ne comprends pas pourquoi, comment les flics n'ont pas réussi à forcer le camion avant, comment le criminel a eu le temps de faire tout ça.
Invité- Invité
Re: Test : Demain, c'est samedi
ah oui, je voulais mentionner l'importance de ce générateur, les indices distillés, c'est presque un personnage à part entière ; m'est avis qu'il va avoir son rôle (crucial) à jouer.
aussi quelques "clichés" sur les personnages, mais je sais que c'est délibéré, n'ai pas jugé utile d'entrer dans le détail.
aussi quelques "clichés" sur les personnages, mais je sais que c'est délibéré, n'ai pas jugé utile d'entrer dans le détail.
Invité- Invité
Re: Test : Demain, c'est samedi
Notes au fil de ma lecture :
Bonne accroche, j’aime bien l’idée du cafard dans sa boite. En partant d’une image déjà connue (ne pas avaler les gélules), tu en fais quelque chose de particulier, avec Max.
C’est peut-être très idiot ou terre à terre, comme remarque, mais là :
Soit c’étaient quelques doigts uniquement, soit les uns après les autres (il aurait été soigné entre), mais telle que la phrase est écrite, moi, je comprends en une seule séance, et du coup, je ne vois pas trop comment. Crus ? Il se coupe les doigts et les mange l’un après l’autre ? en les tenant avec la paume ?
Bon, j’arrête, ça doit venir de moi…
***
Je trouve un peu descriptive la scène suivante. J’ai tiqué à « Et Dieu merci, ils n’avaient pas d’enfant, elle s’y était toujours refusé. » J’aurais préféré découvrir tout ça au fur et à mesure.
Mis à part ce détail, le personnage est très « clair », on le visualise bien. Aucune zone d’ombre, du moins dans cette présentation, aucune menace ne semble pouvoir venir de ce « toubib » (même si fonction exacte / rôle pas encore clairs pour moi).
***
Question : postes-tu des extraits piochés dans ton roman (moments clés ou pas, d’ailleurs), ou un extrait en continu qui comprendrait plusieurs chapitres ? (je demande ça pour l’enchainement du récit) ?
Réponse en lisant la suite : ce sont des extraits piochés ici et là, c’est ça ?
***
J’espère que c’est une fausse piste ?
J’aime bien les dialogues qui suivent, entre Edgar et le cuisinier.
Pour le moment, c’est mon extrait préféré : moins d’historique sur la vie des personnages, on sent monter le suspens, il y a de l’humour, c’est clair et tu présentes bien les faits.
***
Dis-donc, faut une super chambre froide, pour congeler un type en position assise ! :-)
(ah, les magrets sanguinolants, inspirants chez toi également ?)
Hou là, il a bien changé, Walt… il est passé du statut de divorcé looser (« amertume de l’échec », « vaincu, il décrocha », « que son corps le trahisse » « se saouler comme chaque soir pour trouver le courage de dormir seul ».) à celui de prof qui se tape son élève (séduisant, donc) : bon cuisinier, actif, souriant, décidé à imposer son élève. Ah, l’amour ! Je suppose que les passages intermédiaires traduisent les étapes du changement de personnalité ?
Sinon, dialogues toujours ok.
***
RAS sur le passage du Môme surdoué.
***
j’en suis là… suite à demain ! mais ça donne envie de lire… y compris entre les extraits présentés. Les personnages paraissent assez « classiques », mais ça fonctionne bien.
Bonne accroche, j’aime bien l’idée du cafard dans sa boite. En partant d’une image déjà connue (ne pas avaler les gélules), tu en fais quelque chose de particulier, avec Max.
C’est peut-être très idiot ou terre à terre, comme remarque, mais là :
L’horreur de l’image vire immédiatement à l’incrédulité : comment peut-on se couper tous les doigts et les cuisiner dans la foulée ???À tel point qu’il avait coupé, puis mangé les siens.
Soit c’étaient quelques doigts uniquement, soit les uns après les autres (il aurait été soigné entre), mais telle que la phrase est écrite, moi, je comprends en une seule séance, et du coup, je ne vois pas trop comment. Crus ? Il se coupe les doigts et les mange l’un après l’autre ? en les tenant avec la paume ?
Bon, j’arrête, ça doit venir de moi…
***
Je trouve un peu descriptive la scène suivante. J’ai tiqué à « Et Dieu merci, ils n’avaient pas d’enfant, elle s’y était toujours refusé. » J’aurais préféré découvrir tout ça au fur et à mesure.
Mis à part ce détail, le personnage est très « clair », on le visualise bien. Aucune zone d’ombre, du moins dans cette présentation, aucune menace ne semble pouvoir venir de ce « toubib » (même si fonction exacte / rôle pas encore clairs pour moi).
***
Question : postes-tu des extraits piochés dans ton roman (moments clés ou pas, d’ailleurs), ou un extrait en continu qui comprendrait plusieurs chapitres ? (je demande ça pour l’enchainement du récit) ?
Réponse en lisant la suite : ce sont des extraits piochés ici et là, c’est ça ?
***
Edgar, n’osait imaginer ce qui arriverait si le courant venait à manquer, si en cas de défaillance électrique la batterie ne prenait pas le relais dans les temps, compensant les quelques secondes dont le groupe électrogène avait besoin pour se lancer et réalimenter le bâtiment.
J’espère que c’est une fausse piste ?
J’aime bien les dialogues qui suivent, entre Edgar et le cuisinier.
Pour le moment, c’est mon extrait préféré : moins d’historique sur la vie des personnages, on sent monter le suspens, il y a de l’humour, c’est clair et tu présentes bien les faits.
***
Dis-donc, faut une super chambre froide, pour congeler un type en position assise ! :-)
(ah, les magrets sanguinolants, inspirants chez toi également ?)
Hou là, il a bien changé, Walt… il est passé du statut de divorcé looser (« amertume de l’échec », « vaincu, il décrocha », « que son corps le trahisse » « se saouler comme chaque soir pour trouver le courage de dormir seul ».) à celui de prof qui se tape son élève (séduisant, donc) : bon cuisinier, actif, souriant, décidé à imposer son élève. Ah, l’amour ! Je suppose que les passages intermédiaires traduisent les étapes du changement de personnalité ?
Sinon, dialogues toujours ok.
***
RAS sur le passage du Môme surdoué.
***
j’en suis là… suite à demain ! mais ça donne envie de lire… y compris entre les extraits présentés. Les personnages paraissent assez « classiques », mais ça fonctionne bien.
Lizzie- Nombre de messages : 1162
Age : 58
Localisation : Face à vous, quelle question !
Date d'inscription : 30/01/2011
Re: Test : Demain, c'est samedi
Bon je vois que le tir de barrage de commentaires a commencé, je vais donc ouvrir le feu à mon tour.
Tout d’abord, je tiens à préciser que, contrairement aux deux premiers tireurs, les séries américaines style « Mentalist », c’est pas, mais alors pas du tout ma tasse de thé. J’y trouve les personnages stéréotypés, voire caricaturaux, les intrigues, derrière l’apparente sophistication, banales, sinon indigentes et quand aux dialogues et à la réalisation, ils me paraissent tout simplement nuls, à de rare exceptions près. C’est bien simple, quand par hasard, je tombe sur une de ces séries, je zappe, écoeuré, au bout de cinq minutes.
Ce n’est certes pas le cas avec ton histoire. J’ai tout lu, d’une traite, et avec intérêt. Ca démarre fort ; le serial killer est aussi complexe qu’inquiétant. Les autres protagonistes de l’action sont amenés de façon méthodique et intelligente. Leur background social et professionnel est évoqué avec suffisamment de détails pour qu’on s’intéresse à eux et le puzzle de l’intrigue se met en place à la manière d’une machine infernale dont on a envie de savoir où et quand elle va exploser. Et qui elle va bousiller. Même le passage sur le magret de canard ne me gêne pas (même si moi, j’aurais rajouté dans le déglaçage une cuillère de fond de canard et l’aurais monté au beurre, mais je suis un lipidovore invétéré) je trouve qu’il est bon de saupoudrer le texte de ces petits éléments qui renforcent le facteur humain.
Maintenant j’ai tout de même deux réserves, l’une sur la forme, et l’autre sur le fond.
Sur la forme, je trouve que si tu situes bien tes personnages, en revanche, ils restent un peu abstraits parce que tu ne les décris pas assez. J’aime, quand un nouveau personnage apparaît, que l’auteur lui attribue une ou plusieurs caractéristique physiques remarquables, un tic de langage ou d’habillement, des comportements récurrents insolites ou cocasses, etc… bref qu’il soient caractérisés, au sens littéral du terme. Si j’avais un effort à te recommander au moment de remanier ton texte, c’est cet aspect-là que je te suggèrerais d’approfondir.
Sur le fond, c’est une autre affaire. En ce qui me concerne – et je précise bien que c’est personnel – je suis stupéfait du pourcentage extraordinairement élevé de polars (qu’il s’agisse de romans ou de films) qui mettent en scène des serial killers, alors que dans la réalité, les crimes dont ils sont coupables ne représentent qu’une infime partie du total des homicides enregistrés chaque année. Bien entendu, les côtés sensationnel, inhabituel et sanglant de ces affaires constituent un puissant ressort dramatique et font tout leur attrait pour le lecteur (ou le spectateur). Il y a sans doute d’autres facteurs plus troubles, tels que l’intérêt pour l’ « anormalité », le plaisir de frissonner de peur face à l’indicible, quand ce n’est pas la fascination morbide pour la cruauté gratuite et la folie meurtrière.
Mais c’est justement là que le bât blesse. Ce qui plaît au public justement – en plus des frissons – c’est que – ouf ! – ces aliénés meurtriers sont par essence tellement différents d’eux qu’ils les confortent dans leur « normalité », leur bonté naturelle, quand ce n’est pas leur conviction qu’une justice plus tranchante (suivez mon regard, à droite toute) mettrait fin à ces horreurs. Par contre, lorsque leur voisin du dessus étrangle sa femme durant sa énième crise de délirium, lorsque leur cousine Marcelle empoisonne son mari à héritage, lorsque leur neveu surine une vioque pour lui piquer son sac à main, voire quand leur propre gamin bastonne à mort son camarade de pupitre pour le punir de ne pas lui avoir cédé son blouson, alors là ils ne pigent plus et ils veulent pas en entendre parler. Et encore moins dans des œuvres de fiction. C’a été la noblesse de Simenon, mais aussi de Chandler, d’Hamett, de Manchette, d’Izzo et tant d’autres grands du polar de replacer leurs intrigues criminelles dans un environnement social et culturel réaliste, et j’ai l’impression que cette exigence a tendance à disparaître, au profit d’une approche beaucoup plus racoleuse – et sans doute plus rentable – du roman policier.
Attention, il ne s’agit là nullement d’une critique personnelle. Je te répète, qu’en dehors des réserves sur la forme que j’ai exprimées, je trouve ton texte passionnant et remarquablement construit, et d’ailleurs je te crois capable de détourner les codes de ce genre et nous amener des surprises. Mais il fallait que je dise tout cela.
Avec tout mon respect pour ton travail,
Gobu
Tout d’abord, je tiens à préciser que, contrairement aux deux premiers tireurs, les séries américaines style « Mentalist », c’est pas, mais alors pas du tout ma tasse de thé. J’y trouve les personnages stéréotypés, voire caricaturaux, les intrigues, derrière l’apparente sophistication, banales, sinon indigentes et quand aux dialogues et à la réalisation, ils me paraissent tout simplement nuls, à de rare exceptions près. C’est bien simple, quand par hasard, je tombe sur une de ces séries, je zappe, écoeuré, au bout de cinq minutes.
Ce n’est certes pas le cas avec ton histoire. J’ai tout lu, d’une traite, et avec intérêt. Ca démarre fort ; le serial killer est aussi complexe qu’inquiétant. Les autres protagonistes de l’action sont amenés de façon méthodique et intelligente. Leur background social et professionnel est évoqué avec suffisamment de détails pour qu’on s’intéresse à eux et le puzzle de l’intrigue se met en place à la manière d’une machine infernale dont on a envie de savoir où et quand elle va exploser. Et qui elle va bousiller. Même le passage sur le magret de canard ne me gêne pas (même si moi, j’aurais rajouté dans le déglaçage une cuillère de fond de canard et l’aurais monté au beurre, mais je suis un lipidovore invétéré) je trouve qu’il est bon de saupoudrer le texte de ces petits éléments qui renforcent le facteur humain.
Maintenant j’ai tout de même deux réserves, l’une sur la forme, et l’autre sur le fond.
Sur la forme, je trouve que si tu situes bien tes personnages, en revanche, ils restent un peu abstraits parce que tu ne les décris pas assez. J’aime, quand un nouveau personnage apparaît, que l’auteur lui attribue une ou plusieurs caractéristique physiques remarquables, un tic de langage ou d’habillement, des comportements récurrents insolites ou cocasses, etc… bref qu’il soient caractérisés, au sens littéral du terme. Si j’avais un effort à te recommander au moment de remanier ton texte, c’est cet aspect-là que je te suggèrerais d’approfondir.
Sur le fond, c’est une autre affaire. En ce qui me concerne – et je précise bien que c’est personnel – je suis stupéfait du pourcentage extraordinairement élevé de polars (qu’il s’agisse de romans ou de films) qui mettent en scène des serial killers, alors que dans la réalité, les crimes dont ils sont coupables ne représentent qu’une infime partie du total des homicides enregistrés chaque année. Bien entendu, les côtés sensationnel, inhabituel et sanglant de ces affaires constituent un puissant ressort dramatique et font tout leur attrait pour le lecteur (ou le spectateur). Il y a sans doute d’autres facteurs plus troubles, tels que l’intérêt pour l’ « anormalité », le plaisir de frissonner de peur face à l’indicible, quand ce n’est pas la fascination morbide pour la cruauté gratuite et la folie meurtrière.
Mais c’est justement là que le bât blesse. Ce qui plaît au public justement – en plus des frissons – c’est que – ouf ! – ces aliénés meurtriers sont par essence tellement différents d’eux qu’ils les confortent dans leur « normalité », leur bonté naturelle, quand ce n’est pas leur conviction qu’une justice plus tranchante (suivez mon regard, à droite toute) mettrait fin à ces horreurs. Par contre, lorsque leur voisin du dessus étrangle sa femme durant sa énième crise de délirium, lorsque leur cousine Marcelle empoisonne son mari à héritage, lorsque leur neveu surine une vioque pour lui piquer son sac à main, voire quand leur propre gamin bastonne à mort son camarade de pupitre pour le punir de ne pas lui avoir cédé son blouson, alors là ils ne pigent plus et ils veulent pas en entendre parler. Et encore moins dans des œuvres de fiction. C’a été la noblesse de Simenon, mais aussi de Chandler, d’Hamett, de Manchette, d’Izzo et tant d’autres grands du polar de replacer leurs intrigues criminelles dans un environnement social et culturel réaliste, et j’ai l’impression que cette exigence a tendance à disparaître, au profit d’une approche beaucoup plus racoleuse – et sans doute plus rentable – du roman policier.
Attention, il ne s’agit là nullement d’une critique personnelle. Je te répète, qu’en dehors des réserves sur la forme que j’ai exprimées, je trouve ton texte passionnant et remarquablement construit, et d’ailleurs je te crois capable de détourner les codes de ce genre et nous amener des surprises. Mais il fallait que je dise tout cela.
Avec tout mon respect pour ton travail,
Gobu
Gobu- Nombre de messages : 2400
Age : 70
Date d'inscription : 18/06/2007
Re: Test : Demain, c'est samedi
Tout lu la suite... et envie d'en savoir davantage, donc bravo pour le suspens, l'écriture, tout ça.
Même remarque qu'Easter sur la première arrestation du Môme: pas compris le temps écoulé dans le camion: le type était-il déjà congelé et les doigts mangés depuis longtemps ? J'ai trouvé que cette scène était un peu rapide.
Donc, finalement, sur cette première lecture, j'ai surtout buté sur:
- le personnage de Walt qui me semble fort différent entre la toute première scène et la suite, (et c'est pourquoi je pensais qu'il me manquait des passages, que tu n'avais pas posté à la suite)
- les doigts du Môme. Ton explication sur ce qu'il a fait, c'est à dire les couper puis les cuisiner avant de les manger, je ne sais pas, mais je ne visualise pas. Ou alors, et de là vient peut-être ma confusion, préciser qu'il ne coupe que la première phalange, ce qui lui laisse une certaine autonomie de mouvements ? Je suis sans doute obtuse, mais je veux bien tes explications sur ce qui est coupé et comment...
Sur le fait que ton histoire ne soit pas linéaire, aucun pb, au contraire, ça donne du rythme et ça reste parfaitement compréhensible.
Même remarque qu'Easter sur la première arrestation du Môme: pas compris le temps écoulé dans le camion: le type était-il déjà congelé et les doigts mangés depuis longtemps ? J'ai trouvé que cette scène était un peu rapide.
Donc, finalement, sur cette première lecture, j'ai surtout buté sur:
- le personnage de Walt qui me semble fort différent entre la toute première scène et la suite, (et c'est pourquoi je pensais qu'il me manquait des passages, que tu n'avais pas posté à la suite)
- les doigts du Môme. Ton explication sur ce qu'il a fait, c'est à dire les couper puis les cuisiner avant de les manger, je ne sais pas, mais je ne visualise pas. Ou alors, et de là vient peut-être ma confusion, préciser qu'il ne coupe que la première phalange, ce qui lui laisse une certaine autonomie de mouvements ? Je suis sans doute obtuse, mais je veux bien tes explications sur ce qui est coupé et comment...
Sur le fait que ton histoire ne soit pas linéaire, aucun pb, au contraire, ça donne du rythme et ça reste parfaitement compréhensible.
Lizzie- Nombre de messages : 1162
Age : 58
Localisation : Face à vous, quelle question !
Date d'inscription : 30/01/2011
Re: Test : Demain, c'est samedi
Je pourrais reprendre presque mot pour mot ce que vient d'écrire Gobu.
J'ai lu, j'ai reconnu ta patte mais je n'arrive pas à m'intéresser à ce genre de personnage qui me parait totalement artificiel ( fils illégitime d'Hannibal Lecter ?)
Peut-être par la suite vais-je changer d'avis ( je lirai parce que c'est toi, sinon je suis assez allergique à ce genre)
Je me dis que tu n'as pas pu écrire un pareil nombre de signes sans te régaler, dons peut-être que ça va me gagner...
J'ai lu, j'ai reconnu ta patte mais je n'arrive pas à m'intéresser à ce genre de personnage qui me parait totalement artificiel ( fils illégitime d'Hannibal Lecter ?)
Peut-être par la suite vais-je changer d'avis ( je lirai parce que c'est toi, sinon je suis assez allergique à ce genre)
Je me dis que tu n'as pas pu écrire un pareil nombre de signes sans te régaler, dons peut-être que ça va me gagner...
Invité- Invité
Re: Test : Demain, c'est samedi
Poursuivrai la lecture demain, pour l'instant, ça fonctionne. Ai repéré quelques coquilles, mais n'ai pas fait de relevé. M'a l'air d'être un bon petit policier, même si je ne suis pas branchée par ce type de romans (il n'y a que les romans à suspense que j'arrive à suivre). Cependant, d'après mes restes de recherches sur ces bouquins, je dirais que t'es dans la bonne direction.
Lucy- Nombre de messages : 3411
Age : 47
Date d'inscription : 31/03/2008
Re: Test : Demain, c'est samedi
Est-il bien utile de venir polluer le fil stérilement, en disant que j'ai entrepris la lecture, y ai trouvé du plaisir, et compte poursuivre ultérieurement ?
Invité- Invité
Re: Test : Demain, c'est samedi
Je pars un peu dans le sens de Gobu pour les séries mentionnées plus haut. Pas fan. Ce que cela amène, en revanche, et que j'identifie aux policiers U.S. c'est l'ambiance : je ne sais pas si je me trouve dans un récit français ou "made in USA".
Les lieux décrits, la tempête, certains noms et le tueur ainsi que le copycat ont des saveurs d'ailleurs. Du coup, j'ai été un peu larguée par ça. C'est en partie pour ça que j'ai choisi de prendre une pause dans le fil de cette lecture.
En résumé :
Où se déroule l'action ?
Des coquilles pas mal présentes
Ça fonctionne pas mal du tout comme histoire, mais je veux plus de "Yali" dans le ton
Qu'est-ce qui ferait la différence avec ce type de romans, sinon ta patte ?
Nous livreras-tu une suite ou des passages ?
J'espère avoir pu t'aider en faisant en sorte d'être franche. Désolée de ne pas rentrer plus dans l'analyse de texte, mais ce n'est pas mon truc de fonctionner comme ça.
Les lieux décrits, la tempête, certains noms et le tueur ainsi que le copycat ont des saveurs d'ailleurs. Du coup, j'ai été un peu larguée par ça. C'est en partie pour ça que j'ai choisi de prendre une pause dans le fil de cette lecture.
En résumé :
Où se déroule l'action ?
Des coquilles pas mal présentes
Ça fonctionne pas mal du tout comme histoire, mais je veux plus de "Yali" dans le ton
Qu'est-ce qui ferait la différence avec ce type de romans, sinon ta patte ?
Nous livreras-tu une suite ou des passages ?
J'espère avoir pu t'aider en faisant en sorte d'être franche. Désolée de ne pas rentrer plus dans l'analyse de texte, mais ce n'est pas mon truc de fonctionner comme ça.
Lucy- Nombre de messages : 3411
Age : 47
Date d'inscription : 31/03/2008
Re: Test : Demain, c'est samedi
je tiens à préciser que Mentalist ou Esprit Criminels
moije
ça ne me dérangerait pas pour en écrire un scénar en sous-marin !!!
et que faut pas confondre avachi devant la télé
et écriture d'un Packaging bien ficelé efficace et haletant.
je m'arrête derrière ce dernier mot...haletant
puisque c'est un polar avec la question centrale qui est:..... est-ce le tueur qui est en tôle derrière les manettes de tout cela ??? le Môme ???
( ..... sans rire, dans esprit criminel... les curieux et ceux qui bouffent comme moi du chocolat d'une main, qui écrive des coms sur Ve de l'autre, et qui regarde la téloche du coin de l'oeil.... Il y a dans plusieurs épisodes un psychopate qui tire les ficelles de derrière les barreaux... et pour le Mentalist... c'est que le Môme il est très fort de tout enregistré sur la mémoire interne sans jamais rien effacé...)
donc, il y a une question, une énigme, un tueur et des meurtres... c'est un polar
et les deux séries que j'ai cité son des références efficaces !!!
après, puisque l'on commente,
ici
le côté haletant, je ne suis pas Encore persuadé que la mayonnaise soit prise, c'est tout...
....et cela ne veut pas dire que je n'ai pas aimé le Pourquoi Pas de l'Histoire !!!
Amitié cher Yali, même si je sais que venant de ma part, ça t'agace, tu me l'as déjà écrit
moije
ça ne me dérangerait pas pour en écrire un scénar en sous-marin !!!
et que faut pas confondre avachi devant la télé
et écriture d'un Packaging bien ficelé efficace et haletant.
je m'arrête derrière ce dernier mot...haletant
puisque c'est un polar avec la question centrale qui est:..... est-ce le tueur qui est en tôle derrière les manettes de tout cela ??? le Môme ???
( ..... sans rire, dans esprit criminel... les curieux et ceux qui bouffent comme moi du chocolat d'une main, qui écrive des coms sur Ve de l'autre, et qui regarde la téloche du coin de l'oeil.... Il y a dans plusieurs épisodes un psychopate qui tire les ficelles de derrière les barreaux... et pour le Mentalist... c'est que le Môme il est très fort de tout enregistré sur la mémoire interne sans jamais rien effacé...)
donc, il y a une question, une énigme, un tueur et des meurtres... c'est un polar
et les deux séries que j'ai cité son des références efficaces !!!
après, puisque l'on commente,
ici
le côté haletant, je ne suis pas Encore persuadé que la mayonnaise soit prise, c'est tout...
....et cela ne veut pas dire que je n'ai pas aimé le Pourquoi Pas de l'Histoire !!!
Amitié cher Yali, même si je sais que venant de ma part, ça t'agace, tu me l'as déjà écrit
Re: Test : Demain, c'est samedi
(le flegme de fredo me fait rire, mais on ne commente pas les...)
Je précise que j'aime les séries, mais plutôt britanniques justement, ou du Nord, avec des paysages et des routes toute droites entre les champs.
J'ai beaucoup apprécié l'accroche, effrayante et super efficace !
Un petit côté Hannibal Lecter, ton Mome
La construction, impeccable, ces pièces de puzzle qui se mettent en place et commencent à former un tout (comme les carrés forment un portrait).
Je suis d'accord, les personnages devraient être plus caractérisés, qu'on s'y retrouve et qu'on s'y attache. Le plus réussi est le Mome, bien sûr !
Je ne suis pas fan des longues suites dialoguées, mais ça fonctionne bien (je crains toujours le remplissage, ou l'explicatif, comme dans les films, mais là, ma foi, non)
Ha oui, outre pas mal de fautes mais j'ai la flemme et ne suis pas hyper pro, la phrase "les victimes étaient toutes des hommes" m'a fait éclater de rire. C'est le toutes des hommes. Le féminin/masculin. Oui, bon.
Une heure pour lire, et une autre ou presque pour pondre un petit com !
Nous sommes plusieurs à dire que les personnages manquent un peu de corps. Ce serait sûrement un point à retravailler.
Sinon, j'aime lire les polars, je ne cracherais pas sur celui-là !
Je précise que j'aime les séries, mais plutôt britanniques justement, ou du Nord, avec des paysages et des routes toute droites entre les champs.
J'ai beaucoup apprécié l'accroche, effrayante et super efficace !
Un petit côté Hannibal Lecter, ton Mome
La construction, impeccable, ces pièces de puzzle qui se mettent en place et commencent à former un tout (comme les carrés forment un portrait).
Je suis d'accord, les personnages devraient être plus caractérisés, qu'on s'y retrouve et qu'on s'y attache. Le plus réussi est le Mome, bien sûr !
Je ne suis pas fan des longues suites dialoguées, mais ça fonctionne bien (je crains toujours le remplissage, ou l'explicatif, comme dans les films, mais là, ma foi, non)
Ha oui, outre pas mal de fautes mais j'ai la flemme et ne suis pas hyper pro, la phrase "les victimes étaient toutes des hommes" m'a fait éclater de rire. C'est le toutes des hommes. Le féminin/masculin. Oui, bon.
Une heure pour lire, et une autre ou presque pour pondre un petit com !
Nous sommes plusieurs à dire que les personnages manquent un peu de corps. Ce serait sûrement un point à retravailler.
Sinon, j'aime lire les polars, je ne cracherais pas sur celui-là !
Janis- Nombre de messages : 13490
Age : 63
Date d'inscription : 18/09/2011
Re: Test : Demain, c'est samedi
Jamais je ne pourrais écrire un roman, je mourrais d'épuisement avant. Il faut une sacré ténacité. Sur celui-ci, je vais être franc, je n'ai pas tout lu car c'est très long ! J'ai pioché ici et là des passages et, ma foi, on dirait de la belle ouvrage. L'écriture est solide, la trame se tient et les personnages bien campés. De toute évidence vous savez où vous allez.
Sinon ce genre de thriller psychologique n'est pas ma tasse de thé, j'ai l'impression qu'ils se ressemblent tous. Il faut beaucoup d'imagination pour parvenir à se démarquer et proposer quelque chose d'original, soit par le style, soit par l'intrigue. Ma référence en la matière, mais c'est un film, reste "Seven" de David Fincher.
Sinon ce genre de thriller psychologique n'est pas ma tasse de thé, j'ai l'impression qu'ils se ressemblent tous. Il faut beaucoup d'imagination pour parvenir à se démarquer et proposer quelque chose d'original, soit par le style, soit par l'intrigue. Ma référence en la matière, mais c'est un film, reste "Seven" de David Fincher.
Jano- Nombre de messages : 1000
Age : 55
Date d'inscription : 06/01/2009
Re: Test : Demain, c'est samedi
oui mais yali a expliqué dans Discussion qu'il nous avait tous piégés, le chameau
Janis- Nombre de messages : 13490
Age : 63
Date d'inscription : 18/09/2011
Re: Test : Demain, c'est samedi
J'ai lu avec plaisir, le texte s'engage sur son tracé. Je n'ai que peu d'inquiétude sur la cohérence du tout. Littérature script.
Je ne lirai pas la suite, c'est, pour ma préférence, sévèrement encadré par les codes du genre et , connaissant le sérieux de ton boulot, assurément ceux du roman en général.
Je ne lirai pas la suite, c'est, pour ma préférence, sévèrement encadré par les codes du genre et , connaissant le sérieux de ton boulot, assurément ceux du roman en général.
Invité- Invité
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