Exo « À chacun son bonbon » : Le kig-ha-farz

Je n’ai jamais aimé les bonbons. Ni même les pâtisseries. Même loupiot. Certes le caramel et le far aux pruneaux échappaient à cette aversion qui frisait l’anormalité. Mais pas au point de déclencher la machine à souvenirs.

En revanche, la seule odeur du kig-ha-farz a sur mon inconscient des vertus magiques.

Le voyage dans le temps se précise dès la première bouchée. Je me retrouve à Kerfelgar, dans la ferme de Prosper et Francine, les cousins de maman qui nous accueillent depuis que Brest est bombardée.
La salle commune sent en permanence cette robuste variante de la potée, devenue le plat emblématique des Bretons.

J’ai trois ans. Je dors avec Alfred, qui en a largement quatre, dans son lit-clos près de la cheminée. Une nuit, dans son sommeil il m’a heurté le pif. Qui depuis est un peu de traviole.
Dans la journée, ses sœurs me hissent sur un cheval qui me semble gigantesque.

Dès la libération nous rentrerons à Lambézellec* dans le char-à-banc de Prosper. L’église est en ruines, comme la plupart des maisons du bourg.

Mais notre vieil immeuble est encore debout. Juste à côté il y a une fête et la sono diffuse en boucle “C’est une fleur de Paris”.

Maintenant que j’y pense, ce week-end je me m’offrirais bien un bon kig-ha-farz. Et si le fantöme de Marcel Proust s’invite, on lui proposera des madeleines.

* banlieue de Brest




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Agréable surprise de lire sous ta plume un texte plus personnel que ceux que tu produis à l'accoutumée.
Parsemé de plus, de repères temporels, spatiaux et affectifs (référence à la famille).
Et je repars en chantonnant la chanson évoquée.

J'adore ce Tizef inhabituel-souvenirs bretons. Lu et approuvé. Alors comme ça t'as le pif de traviole ? Le Prosper tu lui as refait le portrait j'espère ?

C'est joli, c'est intime. J'aime beaucoup.
Vu mon âge cela me pousse à dire pourquoi je ne peux participer à cet exercice.
Aucun bonbon ne me rappelle des souvenirs d'enfance; je n'en mangeais pas.
Ma petite enfance s'est déroulée pendant la guerre ( pas de bonbons,c'est à peine si nous mangions) et longtemps après la guerre j'ai été privée de ces fantaisies, réservées aux enfants de riches.
Pas grave, mes madeleines à moi sont faites de couleurs, de senteurs, de sensations qui viennent parfois me surprendre...

j'ai beaucoup aimé moi aussi te lire dans ce style sobre plus personnel: c'est rare d'y accéder, donc voilà...!
peu de lignes, mais qui s'étendent amplement pour en décrire beaucoup plus, et c'est fort ce qui s'en dégage.
vraiment très chouette.

Ah Lambézellec et sa grosse qui sentait du bec et n'eut pas d' chance avec Jean, son premier mari...
Joli texte, qui sent l'ajonc, le varech et le Tizef nouveau.

coline Dé a écrit:Ah Lambézellec et sa grosse qui sentait du bec et n'eut pas d' chance avec Jean, son premier mari....

"brave homme, mais pauvre d'esprit, qui dans son grenier se pendit..."
Coline, nous avons les mêmes références :o)
Merci les amis.
"Plat de pauvre", le kig ha farz a connu un réel engouement lors de la vague celtique (styvell & co) dans les années 70. C'est un pot au feu au lard et au jarret de porc(kig) dans lequel on cuit dans un sac de la pâte de sarrazin (farz).

Super, j'apprécie beaucoup aussi ce registre plus personnel - mais pas collant pour autant -

Toute Bretonne que je sois, j'en n'ai jamais mangé !
j'ai une recette, j'ai envie d'essayer

un texte presque brut, presque uniquement rempli de souvenirs, de nostalgie même. Une autre facette, surprenante et touchante, que je découvre de toi, en plus du kig-ha-farz, qui, après recherche, me donne bien envie.

Hé bien voilà, je suis conquise par ce bonbon-là tellement original qu'il m'a donné envie de m'y essayer mais où trouver le petit sac ?

Trop top ! 100% breton et 100% étonnée par ce texte intimiste !
moi itou l'aimerais bien en goûter de ce... quoi déjà ?

Tizef a écrit:
"Plat de pauvre", le kig ha farz a connu un réel engouement lors de la vague celtique (styvell & co) dans les années 70. C'est un pot au feu au lard et au jarret de porc(kig) dans lequel on cuit dans un sac de la pâte de sarrazin (farz).

Mon sang de flamande aime ce fumet d'un mets que je ne connais pas...