De la mauvaise délicatesse.

De ce que j'ai ressenti, et ressens toujours, comme une violence muette, rut de poésie (et, ahahah, o combien intellectuelle), énergie brusque, puissance qui dans ma gorge fait trembler tout ce qui devrait être dit, comme le ronron d'un vieux moteur, mais qui ne peut l'être ; de cette blessure pleine de silence - par métaphore : elle est une étendue limpide, immensité du désert, paysage spirituel qu'une flèche vient fendre d'un sillon parfait - ; de cette transmutation de l'éclaircie en dépression, ma parole se fait la travestie, la grossière travestie. J'ai conscience de son manque de clarté, de sa nature bouffonne, et c'est pourquoi je cède si facilement au silence, avouant par là mon impuissance à traduire, à m'exprimer sur cela qui fonde toutes mes réflexions personnelles. Je cède au silence donc, ou à la séduction de ma parole sur moi-même, sorte de complaisance égotique : je recompose alors le mouvement de la flèche, et chaque pan du paysage qu'elle traverse, avec la délicatesse, la préciosité, l'anachronique sérieux d'un peintre de la Renaissance italienne. Je scelle alors la violence dans un gemme trop pur, excessivement poli, un joyau qu'elle ne mérite pas, et qui de trop briller finit par taire l'émotion dont je devais donner l'image.

Une analyse très honnête et finement menée.
Avec de belles images poétiques, celle de la flèche notamment, et de la gemme (substantif féminin).
J'aime bien, beaucoup, à vrai dire..

Trop de maîtrise, mots de traitrise !
J'attends - avec une certaine curiosité impatiente - que tu te libères : ça devrait vraiment valoir le coup !

L'analyse est juste, pertinente, colle avec ce qui me retient d'aimer la plupart de tes textes. Ce retour sur soi témoigne d'un malaise, c'est bien que le premier existe pour purger le second, mais d'après moi ce n'est pas sain que le premier devienne le second, comme ici : "(et, ahahah, o combien intellectuelle)". De façon plus générale, je pense qu'il aurait fallu prendre la chose à rebours, essayer justement de contrecarrer le mécanisme dont tu t'accables, ne pas user de complaisance pour parler d'elle.