Exo « Anonyme » : Encore un peu

J'ai pensé au film La Forêt de Mogari (Lu-k sera sûrement d'accord avec moi). Mogari signifie le lieu de deuil ou le temps nécessaire au deuil. Ici le deuil est organique et son accomplissement fait corps avec la terre, la forêt. La lumière qui ondule entre les cimes des arbres, la pluie qui tombe comme autant de petits symboles, de grandes incarnations, un système ouvert dans lequel chaque ligne de chaque contient et diffuse du sens. La forêt n’est pas hostile et s’y perdre signifie y retrouver quelque chose. C’est un sanctuaire dans lequel on peut déposer des symboles, comme de simples objets. Un lieu sensible qui agît comme un révélateur et qui soulage les peines enfouies. Car il existe, inévitablement, des choses à résoudre. La mort, la perte d’un autre, muette, à porter sur le dos. Ne pas dire pour mieux englober, pour être entier ; car la douleur du deuil ne se dissèque pas, elle ne se précise pas à travers des événements. Elle est simplement quelque chose de viscéral, de somatique à l’extrême, c’est une sensation alourdie qui ne transparaît que dans les corps, les gestes ou l’absence de geste. La parole ne peut rien à cela. On se demande « suis-je vivant ? » et il n’existe pas d’autre réponse que celle du sensible. Et la douleur… Celle que l’on consigne dans des carnets années après années. Celle que l’on enfouit sous terre. Celle qui clignote en plein jour comme la lumière à travers les feuilles. On la porte sur le dos. On se crée des petits talismans pour vivre. Et la pluie rince. La terre soulage. L’arbre tends vers le ciel. La forêt accueille la souffrance des hommes et la résorbe car toutes choses ne sont pas si éloignées et se rejoignent dans des rituels inconscients. Ainsi, le vent pousse quelques fantômes entre les branches. Tout est animé. Et la peine comme un flux : on ne sait pas où elle va.