la myopie du petit rêveur

petit garçon serrait contre sa poitrine
de vastes étendues désertes
le vent froid battait contre son coeur
son coeur battait contre la nuit
la nuit battait contre ses tempes
il était las de n'être nul part et partout à la fois
las de penser à la tornade du temps
las de sautiller comme un lionceau dans les traces de pas de son destin
las de s'exprimer las de s'expliquer
il avait les orteilles les doigts la bouche les yeux le coeur gelés
il souffrait d'une myopie terrible
que les docteurs appelaient
la myopie du fantôme
ou du rêveur
celui qui est là sans être là
celui qui voit autre chose sans le voir

le voilà condamné à errer d'un rêve à l'autre
un jour il fait semblant de se réveiller et se dit
le soleil est une loupe sans verre
tous mes regards y reposent
fermés éblouis solitaires hors du monde
toutes mes soifs y vont boire le lait brûlant d'une autre vie

soudain petit garçon pleure! pleure!
frappe contre les murs de ses rêves
s'érafle les paumes
s'arrache les cheveux
se cogne et se recogne la tête
désaccorde tous les accords de ses cris
mais ses sanglots demeurent trop doux
ses mains trop frêles
petit garçon saigne et ne saigne pas
petit garçon devient-il fou?
pourra-t-il un jour retrouver le monde?
et qu'est-ce que c'est que le monde d'abord?
petit garçon ne se réveillera pas
mais il se pose de si terribles
de si lucides questions!

petit garçon serrait contre sa poitrine
de vastes étendues désertes

J'aime beaucoup ça !

j'aime beaucoup les six premières lignes!

Très sympathique évocation des troubles, souvent des craintes de l'enfance.
Hélas, je trouve qu'à force de vouloir tout dire et répéter le propos manque de force.

"petit garçon ne se réveillera pas" qu'est ce à dire?

Une expression résolument simple pour évoquer cet enfant. Un poème efficace.
je me suis demandée si "nul part" ne s'écrivait pas "nulle part". La fin est un petit peu trop insistante à mon avis.