Exo anonyme « Ce que je fais » : Monique

Ce que je fais ? Je murmure à l’oreille du vent pour calmer sa colère et me laisser remercier d’une brise apaisante.
—Mais qu’est ce qu’elle a encore à gueuler sur le vent ? 40 ans qu’elle est toulousaine et elle ne sait toujours pas que même les fous n’ont pas eu raison de l’Autan ?

Ce que je fais ? Je lui donne mon âme habillée de jarretelles et d’un exquis mouvement de cœur, je déshabille son regard médusé de tant d’ardeur.
—Oh putain mais c’est quoi c’t’accoutrement ? On dirait un rôti de porc boudiné d’avoir manqué de ficelle ? Ça déborde de partout et ça gigote comme de la gelée. J’ai le mal de ma mère qui était si belle que mon père en pleurait. Et j’ai mal au cœur. Aussi.

Ce que je fais ? Je l’érige en Dieu unique d’une vie qu’il a rendue si claire, d’un battement de cil, d’une caresse effleurée, d’un regard complice.
—Mais c’est pas vrai qu’est ce qu’elle est collante ! Elle me regarde comme une vache se caressant devant un train. Et ses œillades semblables à une crise d’épilepsie oculaire… je ne sais même pas ce qu’elle veut. Un sourire ? Une parole ? Une claque au cul ?

Ce que je fais ? Je l’attends encore et toujours devant un bourguignon à la sauce figée que je saurai réchauffer alors qu’il n’en voudra plus.
—Oulah ç’qu’on s’est mis avec les collègues ! La tronche de la douairière quand je me suis pointé la trogne couverte du rouge à lèvre de la Sandrine ! Bon et puis chargé comme je l’étais, j’ai cru que j’allais lui faire l’étalage du menu directement dans l’assiette de son bœuf bouilli.

Ce que je fais ? Je touche la mort avec un grand A. je saupoudre de mes espoirs perdus les vestiges d’un mariage qui n’est plus. Je saupoudre de mépris mon orgueil de femme blessée. Trompée. Je saupoudre de larmes mes désirs évanouis. Je saupoudre d’arsenic aussi. A mort, l’amor !
—Ah tiens, de la Paëlla. Comme j’ai pas vu la Sandrine tout à l’heure, je vais lui planter ma banderille à l’autre, ça lui fera plaisir et ça me fera pas de mal. Olé, Monique, tu vas vibrer ibérique ce soir ! Elle est laide, idiote et en plus cuisine avec les pieds. Elle sent bizarre la crevette. Et pourquoi elle ne mange pas cette gourdasse ? Et cet air imbécile qui me coupe tous moyens... Pour la peine, elle peut rêver, ce soir, ce sera télé : Barça / réal !

Mais qu’est-ce qu’elle a fait. Pourquoi elle…
Pourquoi je…
Non…
Monique ?

Le double monologue en écho est un procédé très réussi et amusant. La fin est un peu convenue (l'arsenic, c'est d'un commun !).

J'ai du relire tout de même pour comprendre.
La présentation ne permet pas de suite de piger qu'il y a deux personnages.
Je pensais au départ un procédé sur ce que je fais/ ce que je pense en vrai, mais ça ne collait pas alors que c'est une confrontation sur le mode de pensée de chacun des membres d'un couple. J'aurais mis des tirets pour bien séparer les protagonistes .
bonne idée, je viens de le faire, merci Rebecca
Marrant sinon : j'ai ri à la crise d'épilepsie oculaire entre autres. Mais un peu trop caricatural.

J'aime assez le système de narration, manque un brin de folie à mon goût.

je m'y suis reprise aussi à deux fois mais j'ai apprécié le style enlevé, mordant, l'ironie du propos. Peut-être le portrait du mari verse-t-il un peu dans la caricature, mais c'est pas grave.

En effet le procédé est chouette

Et si c'était vraiment un texte à quatre mains ? Un quatre mains de proximité ? Si c'est le cas, ils ont dû bien s'amuser, ces deux-là. En tout cas, la lecture du texte est très agréable, grâce à ce procédé.

passionnée de poésie, j'ai apprécié celle de "Monique", que l'on retrouve moins dès qu'elle parle mariage ...
Belle idée ce décalage entre Elle et Lui. et quel décalage !
La consigne est respectée et un peu adaptée pour les besoins de l'histoire.

le texte en fait peut-être un peu trop, la brute trop brute, la douce trop douce, encore qu'elle se réveille bien et devient la tueuse, cependant que la brute n'aura rien compris.

les 4 dernières lignes ne me semblent pas claires:
je me perds dans les "elle".
à part ça cette fin qui me laisse un peu en suspens, ça fonctionne très bien.

encore un texte à deux voix, finalement tiens,
il y en a qui ont eu envie de reprendre l'idée et c'est bien.

Je suis séduit par l'hypothèse d'un couple qui s'est amusé à écrire ça. Mais je n'y crois pas vraiment. En revanche deux plumes, ça oui. Ce qui donne en écriture une sorte d'équivalent au contrepoint musical, au “répons“ (http://fr.wikipedia.org/wiki/R%C3%A9pons), et ce serait une super exercice que de faire ça avec pour thème un truc genre “une engeulade“ en répons. Une engeulade orchestrée en quelque sorte. Ce serait marrant. Mais entre amis, attention !

Qui se souviens d'un sketche de Jean Yanne où un routier écoute de la musique classique à la radio dans son camion et fait des commentaires dans sa tête ? C'est déjà loin, mais il me semble que c'était un truc dans ce genre. Lourdingue comme toujours Jean Yanne, mais pas mal drôle quand même…

Oh là là ! C'edt bien meilleur que ce dont je me souvenais ! Je retire le “lourdingue“.

J’ai lu.
Simplement, c’est pas un texte pour moi. Alors je me tais.

j'ai bien aimé le procédé, cela me rappelle ce sketch dansé avec Bedos et... (j'ai un trou...)...
je ne comprends pas la fin

Voilà qui me fait penser à une pub télé pour je ne sais plus quelle chaîne de resto où on assiste à un tel dialogue silencieux, chacun rythmant ses propos dans un parfait décalage avec l'autre. C'est ne général assez drôle et c'est le cas ici, même je trouve cependant qu'il manque un brin de folie ou d'absurdité dans tout cela; ça manque de mordant. Mais l'idée est plaisante, rien à redire là-dessus.

PS: j'ignorais que les vaches se caressaient devant les trains, je serai plus attentive à l'avenir !

lu.

Bedos et Sophie Daumier le sketch.

J'aime beaucoup l'idée, ces pensées qui se répondent en écho, et séparément j'aime les deux, la poésie de l'une, le vulgaire de l'autre, malheureusement, pour moi, mettre les 2 côte à côte empêche d'y croire, elles sont trop dissemblables pour que je puisse imaginer une seconde un couple, même un qui se déchire.

Astucieuse la forme alternée pour rendre le grand écart des monologues intérieurs.
A l'arsenic ou au saumon, pour moi ces vengeances ont un nom...

Pour moi ça fonctionne tout à fait la poésie de l'un et le côté vulgaire de l'autre : quand ça va mal dans un couple, chacun accentue sa différence. Deux petits bémols : l'un sur l'arsenic ( ça met trop longtemps à tuer, je déconseille !!!) l'autre sur le côté un peu trop appuyé là : Ah tiens, de la Paëlla. Comme j’ai pas vu la Sandrine tout à l’heure, je vais lui planter ma banderille à l’autre, ça lui fera plaisir et ça me fera pas de mal. Olé, Monique, tu vas vibrer ibérique ce soir ! Elle est laide, idiote et en plus cuisine avec les pieds. Elle sent bizarre la crevette. Et pourquoi elle ne mange pas cette gourdasse ?
En revanche Barça/Real à la place d’ollé ollé : très drôle !

Ce que je fais ? Je murmure à l’oreille du vent pour calmer sa colère et me laisser remercier d’une brise apaisante.
—Mais qu’est ce qu’elle a encore à gueuler sur le vent ? 40 ans qu’elle est toulousaine et elle ne sait toujours pas que même les fous n’ont pas eu raison de l’Autan ?

D’entrée je suis scotché car murmurer à l’oreille du vent est encore plus fort que murmurer à l’oreille d’un cheval quand on sait que le vent d’Autan rend fou. Bravo donc.

Puis, autant cette dualité (Autan ?)…

L’alternance du propos est ici tel l’atome d’hydrogène avec son proton (le cœur) et son électron gravitant. C’est un dualisme, antagonisme complémentaire tels le Yin et le Yang.

Cette combinaison dialectique évolue ensuite selon son mouvement naturel.

Ce texte, pour moi n’est facile d’accès qu’après imprégnation du texte lui-même en mon faible esprit.

Beaucoup de maturité dans tout cela. Or je ne puis m’empêcher de sourire car tout cela est formellement amusant.

Bien que je sache désormais que l’auteur est Polgara, cela ne change rien pour moi.

Décidément vous me sciez, les Véliens.

C'est bien grâce à la liste de " Schindler " révélée en ces lieux que j'ai réussi à identifier Polgara.

Pourra-t-on la sauver ?

^^

En relisant, bon sang mais c'est bien sûr !

tu te fais trop rare à lire, polagaràtesfesses

à la relecture, ce texte fonctionne toujours bien, et je crois qu'il ne doit pas être si facile d'intercaler efficacement un deux voix.
je sais maintenant ce qui m'a perturbé pour les 4 dernières lignes:

c'est l'home qui parle en italique tout du long,
et à la fin il n'y a plus l'italique.
du coup je ne savais plus qui parlait. mais si on met ces 4 dernières lignes en italique, ça le fait tout à fait!

Une "nouveauté" pour moi, n'étant pas encore totalement familiarisée avec ton style, ce qui va me valoir une petite virée-découverte au catalogue :-)

Poétique, ensuite un brin lubrique et finalement tragique :-)
Tu nous amènes en pente douce au dénouement.
J'aime bien ces textes à deux voix et celui-ci est bien ficelé :-)