Exo anonyme « L'attente » : La dernière cigarette
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Exo anonyme « L'attente » : La dernière cigarette
« Tu ressors ?
- Mmm…
- Le Havana sera fermé. Si t’en as pas, tape dans mon paquet. Tu me rendras plus tard !
-…
-Ahmed ? Faut pas être en retard au chantier demain. Tu ferais mieux de te coucher… »
Farid a replongé sous la couverture. C’est le raisonnable. Il a une quinzaine d’années de plus que moi. Devait déjà presque dormir. J’ai vu ses yeux myopes qui clignotaient. Entre eux, deux barres coupent son front, dures : son souci pour nous, pour moi, le fils de son frère. Rien d’étonnant avec la vie qu’on mène.
« Je serai à l’heure. Je vais juste faire un tour, me dégourdir. J’ai encore les jambes qui sautent...
- Où tu vas ?
- Comme d’habitude, le parc vers l’autoroute…
- Quand même, sois prudent.
-Mmm… Dors. Ne m’attends pas. »
Je me suis glissé à l’extérieur. Sept heures un mardi soir, même en hiver c’est tôt mais Farid est un gros dormeur. C’est d’ailleurs pour ça qu’il n’a pas voulu venir à la soirée, samedi . Il a haussé les épaules et je ne sais pas si sa grimace était plus triste que dégoûtée. « C’est pas pour moi ces trucs- là ! Plus de mon âge ! »
J’ai beau lui dire à chaque fois : « Trente- cinq ans c’est pas vieux, allez viens ! » Il était assis sur le lit, soutenait sa tête dans ses mains, ses coudes sur les cuisses :
« J’ai pas envie. Vas-y sans moi... »
Pour sortir, c'est toujours comme ça, il m'encourage . Et sa grande bouche sourit : « Allez, Mohamed, fais pas timide ! Vas-y ! » Mais quand j'insiste - je voudrais tant qu'il vienne, une fois, qu'il sorte, qu'il oublie combien tout pèse - c'est un rideau de froid qui tombe devant ses yeux : « J'ai pas envie. Laisse moi...Mektoub ! » « Mektoub » il le dit de plus en plus souvent, à tout bout de champ, et chaque fois ça me pince dedans. Je sais pas quoi répondre. Est-ce qu’il y a quelque chose à répondre ? Samedi dernier, il était sur le lit, aussi ; il a respiré fort. Vraiment un grand coup. Hoché la tête et regardé ses mains fendues, ravinées par le béton. Et il y avait tellement de choses dans le petit creux de son sourire ! J'ai replongé dans l'évier. On a beau manger des trucs réchauffés le soir, il y a des tonnes de vaisselle et ça encombre .
Mes mocassins, ceux de samedi , claquent sur le pavé luisant. Je suis entre deux eaux. Pourtant j'ai fini mes études. « Avec ton D.U.T. Pourquoi tu cherches pas un bon boulot ici, un boulot de français ? » C'est vrai que c'est idiot, « objectivement stupide » comme dirait le maître de stage mais voilà, j'ai décidé d'attendre un an et d'aller bosser avec Farid. J'attends. Je ne sais pas quoi mais j'attends. Un peu. On verra. Je veux qu'un jour quelque chose arrive. C'est idiot de sortir avec ce froid. Objectivement idiot, j'en suis de plus en plus convaincu. Mais après tout, c'est sa faute. Si Farid m'avait accompagné, l'autre soir, j'en serais pas là. Il ne m'aurait pas laissé rêver. Rêver, c'est dangereux et on n'y peut pas grand-chose : c'est la tête, c'est le cœur, tous ces trucs qu'on ne maîtrise pas... Torsion des matériaux, poussée, résistance du béton, mécanique, équilibre des contreforts, ça se calcule, ça s'achète et surtout ça se vend. Ca se travaille avec des formules mathématiques. Et les formules n'ont ni âge ni couleur ni sexe. Je ne dis pas que c'est rassurant ; souvent il y a des accidents, et encore on ne les connaît pas tous, il y a tellement de chantiers différents, mais je comprends comment ça marche et surtout, quand ça arrive, pourquoi ça ne marche pas . Tandis que les rêves, bien sûr ça tient chaud au cœur, ça pousse en avant mais finalement est-ce que ça sert vraiment ou bien ça fait seulement mal ?
Je n'ai jamais parlé comme ça à mon oncle parce que les siens se sont écrasés, miettes de gâteau rassis, et sur la fatigue qui ensable son visage, on suit chaque trace comme une petite mort. Je détourne les yeux. Si j'évite d'y penser, peut-être qu'elle m'oubliera , comme elle a oublié, dans la montagne, Aïcha, une tante ratatinée, qui sait, tout, qui ne vit pas, qui ne vit plus mais sait tout ce qui doit venir . Elle, est-ce qu'un jour elle a attendu quelque chose, quelqu'un ou bien seulement elle est là, depuis toujours, comme le morceau de la falaise au-dessus d'elle, semblable à l' un , minuscule, des grains qui glissent devant le pas de sa porte? Toutes ces pensées , inutiles. Devant les autres jamais je n'en avouerais une.
Depuis samedi , j'ai décidé de continuer à être bête : ça a mis du soleil à nos vitres, même celle de la cuisine qui donne sur la cour et le local à poubelles . Depuis, j'ai à l'intérieur quelque chose qui démange - dans ma gorge - et une sensation étrange. Je sais ce que c'est ou peut-être pas. Je fais semblant de m'en étonner , de m'agacer mais ça me fait du bien et je tiens. Depuis trois jours je n'ai pas fumé. J'aurais pu, hier en rentrant, acheter mon paquet au Havana. Ai ralenti, me suis arrêté devant les briquets en vitrine. A l'instant je les vois encore danser sur la demi- obscurité glissante des pavés, en cercle , fluos, alternés : deux blancs, deux verts, deux jaunes, deux rouges, un noir et une place vide. J'ai levé la tête et par dessus Gala, Voici et Ici Paris ; l'oeil étonné de Stéphane, l'employé, je ne l'ai pas rêvé. Je ne le dis pas à Farid parce que ça le ferait râler mais j'achète quelquefois un grattage, comme ça , c'est pas grand-chose mais ça transporte jusqu'aux pâturages de mon père et ça fait reculer un peu le désert, dans les rainures de la pièce, jusqu'à la prochaine fois. Depuis presque un an , j'achète mes cigarettes , un paquet tous les lundis au Havana. Stéphane sait que je suis prévoyant et que je n'achète pas ailleurs. Je me suis forcé pour ne pas sourire à son air ébahi. Je suis reparti comme si tout était normal mais je marchais au milieu des nuages et tout là-bas, au bout de la rue, je voyais mon cœur s'avancer comme au Corso fleuri de mai, par la rue Royale, celle avec les belles bordures de grès des trottoirs, qu'ils posent aussi le long de la promenade du fleuve.
« Triple idiot, bloque ton treuil, la manivelle , bloque ! tu vas te le prendre en pleine tronche, le retour ! T'es le roi des crétins, mon gars !Tu m'as fait peur...Fais gaffe Momo, c'est dangereux. Toujours se méfier ! »
Le patron a raison et Rachid aussi, sûrement. Vaudrait mieux que je n'y aille pas, pour ne pas me le prendre encore une fois en pleine tronche, mon cœur fleuri. Mais quelque chose me pousse, dedans, me pousse toujours et j'ai honte de le penser mais je le pense : je n'ai que vingt- deux ans et tout est possible. Pardon, Farid ! Je ralentis sur le pavé gras. Manquerait plus que je me casse la figure. J'aurais l'air fin ! Pourtant j'entends la petite voix qui me chuchote : « demi-tour...inutile de s'écorcher ! » Je continue à avancer. Mektoub ! Qui sait ? Aïcha avait peut-être raison quand elle a lu dans ma main... une rencontre ? Mais des rencontres, on n'arrête pas d'en faire ; quand est-ce qu'on sait que c'est la bonne ? Et puis c'est toujours si vague, les prédictions d'Aïcha... « ...une rencontre. Le jour où le cheval rira au-dessus de toi, toute ta vie sera là. » Je ne retournerai pas chez mon père, j'en suis sûr. J'avais eu beau la questionner, la supplier, elle n'avait rien ajouté. « Je ne vois rien de plus , fils. J'ai senti ça. A toi de comprendre... » Même les cornes de gazelle de la mère n'étaient pas venues à bout de son entêtement. Pourtant Aïcha était gourmande et ma mère excellente patissière. Je me rappelle le reproche dans sa voix : « Ahmed ! Je ne peux pas inventer pour te plaire. Je dis ce qu'il y a . Mektoub ! » Ses yeux qui avaient tant vu, tant vécu, étaient posés sur moi, un peu tristes. Le sable miroitait étrangement au bas de la falaise , mon père venait de perdre un poulain et j'avais brusquement compris. Chacun sa vie, si lourde qu'elle soit. C'est peut-être pour ça que, des années après, j'ai voulu travailler avec Farid au chantier, parce que ça , ça n'était pas dans l'ordre des choses, c'est moi tout seul qui l'ai désiré. Mais à présent, dans cette mer de brouillard où je dérivais je n'étais plus sûr de rien . Peut-être que c'était exactement ce qui était prévu pour moi...J'étais dans le noir parce que la nuit était tombée -je le savais- mais tout restait blanc, autour de moi, comme à l'hôpital quand on attend qu'arrive le chirurgien. Je me rappelle très distinctement avoir eu peur soudain, une peur qui montait du dedans.
Quand c'est comme ça, je repasse ma vie, ses faits - petits- ses espoirs -démesurés-, bref son ridicule. Rire, je n'ai jamais pu mais me foutre de moi, je sais ; ça m'a déjà sauvé.
Mon père élève quelques chevaux avec les dromadaires, juste avant le désert. Des pur-sang . Longtemps j'ai tendu l'oreille : je ne les ai jamais entendu rire . Mais j'ai encore, dans ce que je me rappelle de mes rêves, les longs hennissements tendres de Yana, l'Abbyan préférée de mon père et sa tête blanche, qui me cherche au pied du djebel Amour. J'aimais rêver dans l'ombre des roches, attendre, espérer que quelque chose arrive. Toi Yana, tu n'attendais que moi et je suis parti. Je ne voulais pas de cette vie... Je ne veux pas de celle d'ici non plus ; elle n'est pas meilleure.
«Une rencontre... » Avec le brouillard qui monte, je vais tomber sur un flic. « Bonsoir monsieur. Contrôle. Veuillez nous présenter s'il vous plaît... » Tu parles d'une rencontre ! Je commence à rire, en sourdine, mais mon écho se perd, absorbé par l'air cotonneux. Pourtant j'entends toujours mes semelles. Plutôt leur gémissement, endormi. Bizarre. « une rencontre... » Si c'était celle-là ? Cette fille a quelque chose. Je regrette presque le rendez-vous que je lui ai arraché. C'est Aziz qui m'a aidé. Il sait y faire, lui...Parler aux filles. .. A tout le monde d'ailleurs...Il a le sourire et tout le monde lui cède. Qu'est-ce que je suis venu faire ici ? Sinistre. Je m'arrête : tout se tait. Où est la statue ? Elle a dit Lafayette. J'ai vu ses yeux. Je sais lire les yeux. Ils ne mentaient pas. J'en suis sûr... Je me sens bizarre. Même la lumière qui tombe de ce lampadaire a l'air malade. D'ailleurs elle ne tombe pas. Elle reste accrochée là-haut. Peur de descendre ? Inutile de regarder ma montre. Je ne la verrais même pas. Je sais que je suis parti trop tôt. Je voudrais être endormi bien loin ou même entendre Farid ronfler. Tout plutôt que ce qui va venir. Pauvre Ahmed ! Pauvre con ! Je sais que, parti trop tôt, j'ai fait un long détour par les jardins de l'esplanade. Je suis passé derrière la tour et le château. Puis j'ai suivi les rails luisants du tramway et la sonnerie du dernier était claire. Il n'y avait pas autant de brouillard. J'avais encore envie de chanter à ce moment-là. Ne pas regarder l'heure. Elle est comme les autres. Aziz avait raison. Je suis presque adossé à la statue, au socle, et je sens que ça n'est plus la peine. « T'as trop rêvé les nuages mon gars ! » Une voiture passe. On ne voit que deux trouées blanches devant. Derrière, un trait rougeâtre s'efface lentement. Personne ne viendra. Même le clodo du parc est à l'abri. Elle doit bien rigoler avec ses copines ! Peut-être qu'elle ne rigole même pas.... Elle a complètement oublié ! Elle s'en fout !
Alors pourquoi tu restes là, Ahmed, pauvre crétin, tremblant près d'un cube de béton ? Te voilà à suivre du doigt, dans le brouillard, les grandes lettres sûrement dorées LA FAYETTE1757 – 1834. Si elle te trouve, comme ça, sur la pointe des pieds, le doigt en l'air, elle va te prendre pour un idiot. Mais le nez sur le béton du socle, tu te fais soudain la réflexion qu'il est mal lissé là. « Du travail de sagouin ! » comme dit le patron. Tu sais qu'elle ne te trouvera pas . Parce qu'elle n'a jamais eu envie de te trouver et c'est presque malgré toi que tu revois, par dessus le tourbillon enfumé de la salle, ce visage un peu grave qui t'a tant ému. Tu n'osais pas la serrer comme tu voyais que font tous les garçons à la faveur d'un slow et tu avais dans la gorge cette brûlure à avaler, qui refusait de descendre. Tu souriais avec au cœur un vol de papillons jaunes. Tu lui avais bien fait répéter le jour, l'heure, la statue, parce que Aziz t'avait prévenu : « Elles mentent toutes, surtout à nous... Pour une danse, c'est rien, on s'en fout. Prends ton kif et puis c'est tout. Va surtout pas te faire des idées. Rire et s'amuser , elles vous jamais plus loin...» Tu lèves la tête, tu plisses les yeux mais c'est toujours de la purée blanche. « La Fayette... me voilà ! » Ton chuchotement a été avalé . L'as-tu parlé ou seulement rêvé ? Tu lui avais redemandé et tu te rappelles son petit visage blanc, tiré de fatigue, indigné : « J'ai dit que je viendrai. Je ne mens jamais.» Cette nuit-là, c'était mieux que le soleil de la fantasia. C'était tout le soleil du monde et les lauriers de Belaïa en fleurs, au dessus du bord de mer...loin, si loin...
Tu te souviens que tu as frissonné dans le brouillard mouillé. Tu as fini par regarder ta montre à la lueur d'un projecteur dirigé vers le haut, qui venait de s'allumer, dissipait un peu la brume.Tu ne voulais pas le voir, ce La Fayette que tu étais allé chercher dans le dictionnaire, ce La Fayette qui avait tout gagné sur deux continents, ce bienfaiteur . Quelque chose de bête et de fatigué, comme une envie de pleurer, t'a submergé. Le temps était dépassé, depuis une demi-heure qu'elle aurait dû être là. Et tu as sorti froissée, tire-bouchonnée, la dernière cigarette qui traînait dans la poche de ton blouson, depuis trois jours, et que tu caressais pour apprivoiser ton sacrifice. Tellement humide et chiffonnée que tu t'y es repris à quatre fois pour l'allumer. Tu as fumé, mal, avec dans la bouche ce mauvais goût dont elle te parlait samedi en souriant. « Moi ? Non, je ne fume pas … Et puis, c'est mauvais pour la santé ! Mon père est médecin... Vous devriez faire attention, je vous assure. »
« Pauvre con ! » Tu aurais voulu le crier, le cracher mais même l'injure s'étouffait comme la cigarette. Tu le disais à son père, au tien, à Farid, à toi, surtout à toi mais c'est vers La Fayette que tu as levé la tête quand elle s'est éteinte. Et là, dans la lumière blafarde du projecteur, tu l'as vue, la tête de son cheval cabré, échevelée, furieuse et méprisante qui te toisait, toi et toute ta vie, là.
- Mmm…
- Le Havana sera fermé. Si t’en as pas, tape dans mon paquet. Tu me rendras plus tard !
-…
-Ahmed ? Faut pas être en retard au chantier demain. Tu ferais mieux de te coucher… »
Farid a replongé sous la couverture. C’est le raisonnable. Il a une quinzaine d’années de plus que moi. Devait déjà presque dormir. J’ai vu ses yeux myopes qui clignotaient. Entre eux, deux barres coupent son front, dures : son souci pour nous, pour moi, le fils de son frère. Rien d’étonnant avec la vie qu’on mène.
« Je serai à l’heure. Je vais juste faire un tour, me dégourdir. J’ai encore les jambes qui sautent...
- Où tu vas ?
- Comme d’habitude, le parc vers l’autoroute…
- Quand même, sois prudent.
-Mmm… Dors. Ne m’attends pas. »
Je me suis glissé à l’extérieur. Sept heures un mardi soir, même en hiver c’est tôt mais Farid est un gros dormeur. C’est d’ailleurs pour ça qu’il n’a pas voulu venir à la soirée, samedi . Il a haussé les épaules et je ne sais pas si sa grimace était plus triste que dégoûtée. « C’est pas pour moi ces trucs- là ! Plus de mon âge ! »
J’ai beau lui dire à chaque fois : « Trente- cinq ans c’est pas vieux, allez viens ! » Il était assis sur le lit, soutenait sa tête dans ses mains, ses coudes sur les cuisses :
« J’ai pas envie. Vas-y sans moi... »
Pour sortir, c'est toujours comme ça, il m'encourage . Et sa grande bouche sourit : « Allez, Mohamed, fais pas timide ! Vas-y ! » Mais quand j'insiste - je voudrais tant qu'il vienne, une fois, qu'il sorte, qu'il oublie combien tout pèse - c'est un rideau de froid qui tombe devant ses yeux : « J'ai pas envie. Laisse moi...Mektoub ! » « Mektoub » il le dit de plus en plus souvent, à tout bout de champ, et chaque fois ça me pince dedans. Je sais pas quoi répondre. Est-ce qu’il y a quelque chose à répondre ? Samedi dernier, il était sur le lit, aussi ; il a respiré fort. Vraiment un grand coup. Hoché la tête et regardé ses mains fendues, ravinées par le béton. Et il y avait tellement de choses dans le petit creux de son sourire ! J'ai replongé dans l'évier. On a beau manger des trucs réchauffés le soir, il y a des tonnes de vaisselle et ça encombre .
Mes mocassins, ceux de samedi , claquent sur le pavé luisant. Je suis entre deux eaux. Pourtant j'ai fini mes études. « Avec ton D.U.T. Pourquoi tu cherches pas un bon boulot ici, un boulot de français ? » C'est vrai que c'est idiot, « objectivement stupide » comme dirait le maître de stage mais voilà, j'ai décidé d'attendre un an et d'aller bosser avec Farid. J'attends. Je ne sais pas quoi mais j'attends. Un peu. On verra. Je veux qu'un jour quelque chose arrive. C'est idiot de sortir avec ce froid. Objectivement idiot, j'en suis de plus en plus convaincu. Mais après tout, c'est sa faute. Si Farid m'avait accompagné, l'autre soir, j'en serais pas là. Il ne m'aurait pas laissé rêver. Rêver, c'est dangereux et on n'y peut pas grand-chose : c'est la tête, c'est le cœur, tous ces trucs qu'on ne maîtrise pas... Torsion des matériaux, poussée, résistance du béton, mécanique, équilibre des contreforts, ça se calcule, ça s'achète et surtout ça se vend. Ca se travaille avec des formules mathématiques. Et les formules n'ont ni âge ni couleur ni sexe. Je ne dis pas que c'est rassurant ; souvent il y a des accidents, et encore on ne les connaît pas tous, il y a tellement de chantiers différents, mais je comprends comment ça marche et surtout, quand ça arrive, pourquoi ça ne marche pas . Tandis que les rêves, bien sûr ça tient chaud au cœur, ça pousse en avant mais finalement est-ce que ça sert vraiment ou bien ça fait seulement mal ?
Je n'ai jamais parlé comme ça à mon oncle parce que les siens se sont écrasés, miettes de gâteau rassis, et sur la fatigue qui ensable son visage, on suit chaque trace comme une petite mort. Je détourne les yeux. Si j'évite d'y penser, peut-être qu'elle m'oubliera , comme elle a oublié, dans la montagne, Aïcha, une tante ratatinée, qui sait, tout, qui ne vit pas, qui ne vit plus mais sait tout ce qui doit venir . Elle, est-ce qu'un jour elle a attendu quelque chose, quelqu'un ou bien seulement elle est là, depuis toujours, comme le morceau de la falaise au-dessus d'elle, semblable à l' un , minuscule, des grains qui glissent devant le pas de sa porte? Toutes ces pensées , inutiles. Devant les autres jamais je n'en avouerais une.
Depuis samedi , j'ai décidé de continuer à être bête : ça a mis du soleil à nos vitres, même celle de la cuisine qui donne sur la cour et le local à poubelles . Depuis, j'ai à l'intérieur quelque chose qui démange - dans ma gorge - et une sensation étrange. Je sais ce que c'est ou peut-être pas. Je fais semblant de m'en étonner , de m'agacer mais ça me fait du bien et je tiens. Depuis trois jours je n'ai pas fumé. J'aurais pu, hier en rentrant, acheter mon paquet au Havana. Ai ralenti, me suis arrêté devant les briquets en vitrine. A l'instant je les vois encore danser sur la demi- obscurité glissante des pavés, en cercle , fluos, alternés : deux blancs, deux verts, deux jaunes, deux rouges, un noir et une place vide. J'ai levé la tête et par dessus Gala, Voici et Ici Paris ; l'oeil étonné de Stéphane, l'employé, je ne l'ai pas rêvé. Je ne le dis pas à Farid parce que ça le ferait râler mais j'achète quelquefois un grattage, comme ça , c'est pas grand-chose mais ça transporte jusqu'aux pâturages de mon père et ça fait reculer un peu le désert, dans les rainures de la pièce, jusqu'à la prochaine fois. Depuis presque un an , j'achète mes cigarettes , un paquet tous les lundis au Havana. Stéphane sait que je suis prévoyant et que je n'achète pas ailleurs. Je me suis forcé pour ne pas sourire à son air ébahi. Je suis reparti comme si tout était normal mais je marchais au milieu des nuages et tout là-bas, au bout de la rue, je voyais mon cœur s'avancer comme au Corso fleuri de mai, par la rue Royale, celle avec les belles bordures de grès des trottoirs, qu'ils posent aussi le long de la promenade du fleuve.
« Triple idiot, bloque ton treuil, la manivelle , bloque ! tu vas te le prendre en pleine tronche, le retour ! T'es le roi des crétins, mon gars !Tu m'as fait peur...Fais gaffe Momo, c'est dangereux. Toujours se méfier ! »
Le patron a raison et Rachid aussi, sûrement. Vaudrait mieux que je n'y aille pas, pour ne pas me le prendre encore une fois en pleine tronche, mon cœur fleuri. Mais quelque chose me pousse, dedans, me pousse toujours et j'ai honte de le penser mais je le pense : je n'ai que vingt- deux ans et tout est possible. Pardon, Farid ! Je ralentis sur le pavé gras. Manquerait plus que je me casse la figure. J'aurais l'air fin ! Pourtant j'entends la petite voix qui me chuchote : « demi-tour...inutile de s'écorcher ! » Je continue à avancer. Mektoub ! Qui sait ? Aïcha avait peut-être raison quand elle a lu dans ma main... une rencontre ? Mais des rencontres, on n'arrête pas d'en faire ; quand est-ce qu'on sait que c'est la bonne ? Et puis c'est toujours si vague, les prédictions d'Aïcha... « ...une rencontre. Le jour où le cheval rira au-dessus de toi, toute ta vie sera là. » Je ne retournerai pas chez mon père, j'en suis sûr. J'avais eu beau la questionner, la supplier, elle n'avait rien ajouté. « Je ne vois rien de plus , fils. J'ai senti ça. A toi de comprendre... » Même les cornes de gazelle de la mère n'étaient pas venues à bout de son entêtement. Pourtant Aïcha était gourmande et ma mère excellente patissière. Je me rappelle le reproche dans sa voix : « Ahmed ! Je ne peux pas inventer pour te plaire. Je dis ce qu'il y a . Mektoub ! » Ses yeux qui avaient tant vu, tant vécu, étaient posés sur moi, un peu tristes. Le sable miroitait étrangement au bas de la falaise , mon père venait de perdre un poulain et j'avais brusquement compris. Chacun sa vie, si lourde qu'elle soit. C'est peut-être pour ça que, des années après, j'ai voulu travailler avec Farid au chantier, parce que ça , ça n'était pas dans l'ordre des choses, c'est moi tout seul qui l'ai désiré. Mais à présent, dans cette mer de brouillard où je dérivais je n'étais plus sûr de rien . Peut-être que c'était exactement ce qui était prévu pour moi...J'étais dans le noir parce que la nuit était tombée -je le savais- mais tout restait blanc, autour de moi, comme à l'hôpital quand on attend qu'arrive le chirurgien. Je me rappelle très distinctement avoir eu peur soudain, une peur qui montait du dedans.
Quand c'est comme ça, je repasse ma vie, ses faits - petits- ses espoirs -démesurés-, bref son ridicule. Rire, je n'ai jamais pu mais me foutre de moi, je sais ; ça m'a déjà sauvé.
Mon père élève quelques chevaux avec les dromadaires, juste avant le désert. Des pur-sang . Longtemps j'ai tendu l'oreille : je ne les ai jamais entendu rire . Mais j'ai encore, dans ce que je me rappelle de mes rêves, les longs hennissements tendres de Yana, l'Abbyan préférée de mon père et sa tête blanche, qui me cherche au pied du djebel Amour. J'aimais rêver dans l'ombre des roches, attendre, espérer que quelque chose arrive. Toi Yana, tu n'attendais que moi et je suis parti. Je ne voulais pas de cette vie... Je ne veux pas de celle d'ici non plus ; elle n'est pas meilleure.
«Une rencontre... » Avec le brouillard qui monte, je vais tomber sur un flic. « Bonsoir monsieur. Contrôle. Veuillez nous présenter s'il vous plaît... » Tu parles d'une rencontre ! Je commence à rire, en sourdine, mais mon écho se perd, absorbé par l'air cotonneux. Pourtant j'entends toujours mes semelles. Plutôt leur gémissement, endormi. Bizarre. « une rencontre... » Si c'était celle-là ? Cette fille a quelque chose. Je regrette presque le rendez-vous que je lui ai arraché. C'est Aziz qui m'a aidé. Il sait y faire, lui...Parler aux filles. .. A tout le monde d'ailleurs...Il a le sourire et tout le monde lui cède. Qu'est-ce que je suis venu faire ici ? Sinistre. Je m'arrête : tout se tait. Où est la statue ? Elle a dit Lafayette. J'ai vu ses yeux. Je sais lire les yeux. Ils ne mentaient pas. J'en suis sûr... Je me sens bizarre. Même la lumière qui tombe de ce lampadaire a l'air malade. D'ailleurs elle ne tombe pas. Elle reste accrochée là-haut. Peur de descendre ? Inutile de regarder ma montre. Je ne la verrais même pas. Je sais que je suis parti trop tôt. Je voudrais être endormi bien loin ou même entendre Farid ronfler. Tout plutôt que ce qui va venir. Pauvre Ahmed ! Pauvre con ! Je sais que, parti trop tôt, j'ai fait un long détour par les jardins de l'esplanade. Je suis passé derrière la tour et le château. Puis j'ai suivi les rails luisants du tramway et la sonnerie du dernier était claire. Il n'y avait pas autant de brouillard. J'avais encore envie de chanter à ce moment-là. Ne pas regarder l'heure. Elle est comme les autres. Aziz avait raison. Je suis presque adossé à la statue, au socle, et je sens que ça n'est plus la peine. « T'as trop rêvé les nuages mon gars ! » Une voiture passe. On ne voit que deux trouées blanches devant. Derrière, un trait rougeâtre s'efface lentement. Personne ne viendra. Même le clodo du parc est à l'abri. Elle doit bien rigoler avec ses copines ! Peut-être qu'elle ne rigole même pas.... Elle a complètement oublié ! Elle s'en fout !
Alors pourquoi tu restes là, Ahmed, pauvre crétin, tremblant près d'un cube de béton ? Te voilà à suivre du doigt, dans le brouillard, les grandes lettres sûrement dorées LA FAYETTE1757 – 1834. Si elle te trouve, comme ça, sur la pointe des pieds, le doigt en l'air, elle va te prendre pour un idiot. Mais le nez sur le béton du socle, tu te fais soudain la réflexion qu'il est mal lissé là. « Du travail de sagouin ! » comme dit le patron. Tu sais qu'elle ne te trouvera pas . Parce qu'elle n'a jamais eu envie de te trouver et c'est presque malgré toi que tu revois, par dessus le tourbillon enfumé de la salle, ce visage un peu grave qui t'a tant ému. Tu n'osais pas la serrer comme tu voyais que font tous les garçons à la faveur d'un slow et tu avais dans la gorge cette brûlure à avaler, qui refusait de descendre. Tu souriais avec au cœur un vol de papillons jaunes. Tu lui avais bien fait répéter le jour, l'heure, la statue, parce que Aziz t'avait prévenu : « Elles mentent toutes, surtout à nous... Pour une danse, c'est rien, on s'en fout. Prends ton kif et puis c'est tout. Va surtout pas te faire des idées. Rire et s'amuser , elles vous jamais plus loin...» Tu lèves la tête, tu plisses les yeux mais c'est toujours de la purée blanche. « La Fayette... me voilà ! » Ton chuchotement a été avalé . L'as-tu parlé ou seulement rêvé ? Tu lui avais redemandé et tu te rappelles son petit visage blanc, tiré de fatigue, indigné : « J'ai dit que je viendrai. Je ne mens jamais.» Cette nuit-là, c'était mieux que le soleil de la fantasia. C'était tout le soleil du monde et les lauriers de Belaïa en fleurs, au dessus du bord de mer...loin, si loin...
Tu te souviens que tu as frissonné dans le brouillard mouillé. Tu as fini par regarder ta montre à la lueur d'un projecteur dirigé vers le haut, qui venait de s'allumer, dissipait un peu la brume.Tu ne voulais pas le voir, ce La Fayette que tu étais allé chercher dans le dictionnaire, ce La Fayette qui avait tout gagné sur deux continents, ce bienfaiteur . Quelque chose de bête et de fatigué, comme une envie de pleurer, t'a submergé. Le temps était dépassé, depuis une demi-heure qu'elle aurait dû être là. Et tu as sorti froissée, tire-bouchonnée, la dernière cigarette qui traînait dans la poche de ton blouson, depuis trois jours, et que tu caressais pour apprivoiser ton sacrifice. Tellement humide et chiffonnée que tu t'y es repris à quatre fois pour l'allumer. Tu as fumé, mal, avec dans la bouche ce mauvais goût dont elle te parlait samedi en souriant. « Moi ? Non, je ne fume pas … Et puis, c'est mauvais pour la santé ! Mon père est médecin... Vous devriez faire attention, je vous assure. »
« Pauvre con ! » Tu aurais voulu le crier, le cracher mais même l'injure s'étouffait comme la cigarette. Tu le disais à son père, au tien, à Farid, à toi, surtout à toi mais c'est vers La Fayette que tu as levé la tête quand elle s'est éteinte. Et là, dans la lumière blafarde du projecteur, tu l'as vue, la tête de son cheval cabré, échevelée, furieuse et méprisante qui te toisait, toi et toute ta vie, là.
Dernière édition par Modération le Dim 24 Mar 2013 - 19:22, édité 1 fois
Modération- Nombre de messages : 1362
Age : 18
Date d'inscription : 08/11/2008
Re: Exo anonyme « L'attente » : La dernière cigarette
Ce récit m'a captivée. Par moments (par moments seulement, lorsque l'on décrit la fatigue de l'oncle) j'ai revu des scènes du film d'Abdellatif Kechiche, La graine et le mulet. Et puis aussi la poursuite d'un rêve. Et les désillusions.
Merci pour cette agréable lecture.
Merci pour cette agréable lecture.
Invité- Invité
Re: Exo anonyme « L'attente » : La dernière cigarette
Ça serait du Septembre que je ne serais pas plus étonné que ça.
Invité- Invité
Re: Exo anonyme « L'attente » : La dernière cigarette
Sublime!
Comment fais-tu?
Comment fais-tu?
jfmah- Nombre de messages : 38
Age : 51
Date d'inscription : 03/03/2013
Re: Exo anonyme « L'attente » : La dernière cigarette
Un trés beau texte dont on ne sort pas tout à fait indemne parce qu'il pose les deux ou trois questions essentielles :
qui es tu, où vas tu, avec quels rêves ?
qui es tu, où vas tu, avec quels rêves ?
Rebecca- Nombre de messages : 12502
Age : 65
Date d'inscription : 30/08/2009
Re: Exo anonyme « L'attente » : La dernière cigarette
Beau texte émouvant et sensible. Ce que j'ai lu de mieux pour l'instant de cet exo.
"Et il y avait tellement de choses dans le petit creux de son sourire !"
"Et il y avait tellement de choses dans le petit creux de son sourire !"
Re: Exo anonyme « L'attente » : La dernière cigarette
Très beau, et chapeau de tenir la longueur, aussi.
On le verrait bien s'insérer dans un tout, ce texte. Il ouvre plein de portes sur des mondes.
Ça me fait penser, peut-être juste pour le titre, à ce livre de pasolini : Le Rêve d'une chose, pour cette espèce de désillusion qui court en creux.
Janis- Nombre de messages : 13490
Age : 63
Date d'inscription : 18/09/2011
Re: Exo anonyme « L'attente » : La dernière cigarette
j'aime énormément la chute qui est vraiment très bien amenée, et qui fait retomber ce long texte parfaitement sur ses pattes. pour ça, chapeau!
il est vraiment bon cet exo, oui.
mais j'avoue que dans toutes les circonvolutions de détails, j'ai eu la lecture ici et là un peu flemmarde, à la limite du décrochage ou de l'impatience, je ne saurais dire plus précisément.
il faudra que je relise pour savoir si c'est le texte ou si c'est moi...
je crois qu'il me manque un peu plus d'habillage au personnage d'Ahmed, quelque chose qui l'étoffe davantage: on est dans sa tête, on voit à travers ses yeux, mais je ne sais pas il manque une aura, un corps, plus appuyés que ça et qui feraient vivre plus fort cette "différence".
enfin ça m'a en tout cas empêchée d'entrer vraiment dans son histoire, pour me l'approprier.
il y a une petite coquille ici "Rire et s'amuser , elles vous jamais plus loin..."
il est vraiment bon cet exo, oui.
mais j'avoue que dans toutes les circonvolutions de détails, j'ai eu la lecture ici et là un peu flemmarde, à la limite du décrochage ou de l'impatience, je ne saurais dire plus précisément.
il faudra que je relise pour savoir si c'est le texte ou si c'est moi...
je crois qu'il me manque un peu plus d'habillage au personnage d'Ahmed, quelque chose qui l'étoffe davantage: on est dans sa tête, on voit à travers ses yeux, mais je ne sais pas il manque une aura, un corps, plus appuyés que ça et qui feraient vivre plus fort cette "différence".
enfin ça m'a en tout cas empêchée d'entrer vraiment dans son histoire, pour me l'approprier.
il y a une petite coquille ici "Rire et s'amuser , elles vous jamais plus loin..."
Invité- Invité
Re: Exo anonyme « L'attente » : La dernière cigarette
Igloo a raison : il y a une coquille!
Il y a de la recherche, pour la chute, c'est vrai.
J'ai aussi un peu la flemme de relire ... Alors je reprendrai cette tranche de vie quand j'aurai un peu plus de temps.
Peut-être gagnerait-elle à être élaguée?
Il y a de la recherche, pour la chute, c'est vrai.
J'ai aussi un peu la flemme de relire ... Alors je reprendrai cette tranche de vie quand j'aurai un peu plus de temps.
Peut-être gagnerait-elle à être élaguée?
obi- Nombre de messages : 574
Date d'inscription : 24/02/2013
Re: Exo anonyme « L'attente » : La dernière cigarette
Je reviendrai, je dois relire... Bel écrit mais un peu long... la densité ne nuit pas à la force.
Invité- Invité
Re: Exo anonyme « L'attente » : La dernière cigarette
Au premier abord, la longueur pourrait repousser mais non, il faut dépasser cet a priori et aucun regret une fois le dernier mot englouti. Des destinées évoquées avec tendresse, empathie et en même temps, un certain détachement nécessaire au propos, qui permet d'en mesurer toutes les difficultés; la vie n'est pas simple mais elle pourrait être si belle, parfois. C'est vraiment bien mené et j'apprécie tout particulièrement le fait que l'émotion soit si présente tout en étant parfaitement contenue; c'est subtil et réussi.
Sahkti- Nombre de messages : 31659
Age : 50
Localisation : Suisse et Belgique
Date d'inscription : 12/12/2005
Re: Exo anonyme "l'attente" : La dernière cigarette
Un beau récit sensible que je relis avec plaisir.
Invité- Invité
Re: Exo anonyme « L'attente » : La dernière cigarette
Deux ouvriers du bâtiment, le neveu et son oncle, Ahmed et Farid.
Deux ouvriers immigrés et leur dure destinée.
Farid s’est résigné à sa dure condition de travailleur du bâtiment, il accepte sa situation avec fatalisme, c’est son destin, Mektoub, qu’y faire ? Il n’attend rien, et se plie au sort qui lui est réservé, à sa solitude, à son exil, à ses dures conditions de travail. Sa destinée, il la lit immédiatement dans les sillons creusés dans ses mains par le dur labeur : « regardé ses mains fendues, ravinées par le béton ». Destin de béton. Qui pourrait le forcer ?
Si Farid n’attend plus rien, Ahmed vit encore dans l’attente. Il sort le soir, force sa condition de travailleur, force « le raisonnable », cette autre part du destin, qui le condamnent au travail et au seul repos récupérateur de forces le soir, pour être en mesure d’assurer sa lourde tâche du lendemain.
Cette attente, il l’a choisie, « ça , ça n'était pas dans l'ordre des choses, c'est moi tout seul qui l'ai désiré. » Cette page de sa vie, il semble vouloir l’écrire. Pourtant, ce qu’il choisit, c’est l’emploi de maçon et non un emploi en rapport avec ses compétences ( il possède un diplôme universitaire), et c’est surtout une attente, « j'ai décidé d'attendre un an (…) Je ne sais pas quoi mais j'attends. Un peu. On verra. Je veux qu'un jour quelque chose arrive. ». Attendre qu’un événement qui ne dépend pas de lui survienne ; attendre donc un événement que le mektoub lui réserve, une manifestation du destin ; attendre une rencontre.
Semblant d’abord vouloir forcer le destin, il s’en remet finalement à lui.
C’est le rêve qu’il a fait un soir, qui semble mener Ahmed à l’événement attendu. La force du destin a pris la voie du rêve, s’exprime en lui. Du rêve, en effet, nul n’en est le maître ; il est plutôt l’une des forces auxquelles nous sommes soumis, « Rêver, c'est dangereux et on n'y peut pas grand-chose : c'est la tête, c'est le cœur, tous ces trucs qu'on ne maîtrise pas... ». Ahmed compare le rêve à la maçonnerie, on ne fabrique pas les songes comme l’on fabrique des bâtiments. Si l’on peut maîtriser, et en partie prévoir les mécanismes et le fonctionnement des matériaux de construction, si l’on peut en connaître les lois et effectuer des calculs, on ne peut connaître les matériaux du songe et les lois de leur fonctionnement. Les rêves s’imposent à nous sans que l’on puisse s’imposer à eux. Seraient-ils une ruse du destin, quand « ça pousse en avant » ?
Le rêve est espérance ; il attend que son espérance se réalise, il attend une rencontre espérée. Sa vieille tante, Aïcha, avait prédit cette rencontre, elle l’avait lue dans les lignes de sa main. « Aïcha avait peut-être raison quand elle a lu dans ma main... une rencontre ? ...une rencontre. Le jour où le cheval rira au-dessus de toi, toute ta vie sera là. »
La rencontre espérée lui semble être une jeune femme. Une fille au visage blanc et grave avec laquelle il a dansé le samedi soir.
Mais au rendez-vous fixé, au pied de la statue de La Fayette, elle n’est pas là. La jeune femme n’est pas venue, mais le destin est au rendez-vous, au jour et au lieu prédits, sous le cheval de La Fayette, « le jour où le cheval rira au-dessus de toi... ». Ruse du destin : sous l’apparence d’une jeune fille, par la séduction du rêve et de l’espérance, il a trouvé la voie de son accomplissement.
Il y eut une autre « rencontre » auparavant. Une rencontre choc, violente et brutale, le retour d’une manivelle sur un chantier, en pleine tête, en plein visage, une manivelle comme une roue du destin, et son état maladif ensuite, le traumatisme, et « tout restait blanc, autour de moi, comme à l'hôpital quand on attend qu'arrive le chirurgien. ».
La manivelle, un mauvais tour du destin, et sous l’apparence d’une jeune femme au visage si blanc qui n’est pas venue, se dissimule la mort, fidèle au rendez-vous. Implacable mektoub.
Un texte poignant, une tragédie à l’image des grandes tragédies grecques.
Beau texte, dont un paragraphe au moins, un peu confus, me semble devoir être tout de même retravaillé, celui où il est question de Aïcha. Mais un souffle tragique puissant traverse le texte, dans une réalité sociale d’aujourd’hui.
Deux ouvriers immigrés et leur dure destinée.
Farid s’est résigné à sa dure condition de travailleur du bâtiment, il accepte sa situation avec fatalisme, c’est son destin, Mektoub, qu’y faire ? Il n’attend rien, et se plie au sort qui lui est réservé, à sa solitude, à son exil, à ses dures conditions de travail. Sa destinée, il la lit immédiatement dans les sillons creusés dans ses mains par le dur labeur : « regardé ses mains fendues, ravinées par le béton ». Destin de béton. Qui pourrait le forcer ?
Si Farid n’attend plus rien, Ahmed vit encore dans l’attente. Il sort le soir, force sa condition de travailleur, force « le raisonnable », cette autre part du destin, qui le condamnent au travail et au seul repos récupérateur de forces le soir, pour être en mesure d’assurer sa lourde tâche du lendemain.
Cette attente, il l’a choisie, « ça , ça n'était pas dans l'ordre des choses, c'est moi tout seul qui l'ai désiré. » Cette page de sa vie, il semble vouloir l’écrire. Pourtant, ce qu’il choisit, c’est l’emploi de maçon et non un emploi en rapport avec ses compétences ( il possède un diplôme universitaire), et c’est surtout une attente, « j'ai décidé d'attendre un an (…) Je ne sais pas quoi mais j'attends. Un peu. On verra. Je veux qu'un jour quelque chose arrive. ». Attendre qu’un événement qui ne dépend pas de lui survienne ; attendre donc un événement que le mektoub lui réserve, une manifestation du destin ; attendre une rencontre.
Semblant d’abord vouloir forcer le destin, il s’en remet finalement à lui.
C’est le rêve qu’il a fait un soir, qui semble mener Ahmed à l’événement attendu. La force du destin a pris la voie du rêve, s’exprime en lui. Du rêve, en effet, nul n’en est le maître ; il est plutôt l’une des forces auxquelles nous sommes soumis, « Rêver, c'est dangereux et on n'y peut pas grand-chose : c'est la tête, c'est le cœur, tous ces trucs qu'on ne maîtrise pas... ». Ahmed compare le rêve à la maçonnerie, on ne fabrique pas les songes comme l’on fabrique des bâtiments. Si l’on peut maîtriser, et en partie prévoir les mécanismes et le fonctionnement des matériaux de construction, si l’on peut en connaître les lois et effectuer des calculs, on ne peut connaître les matériaux du songe et les lois de leur fonctionnement. Les rêves s’imposent à nous sans que l’on puisse s’imposer à eux. Seraient-ils une ruse du destin, quand « ça pousse en avant » ?
Le rêve est espérance ; il attend que son espérance se réalise, il attend une rencontre espérée. Sa vieille tante, Aïcha, avait prédit cette rencontre, elle l’avait lue dans les lignes de sa main. « Aïcha avait peut-être raison quand elle a lu dans ma main... une rencontre ? ...une rencontre. Le jour où le cheval rira au-dessus de toi, toute ta vie sera là. »
La rencontre espérée lui semble être une jeune femme. Une fille au visage blanc et grave avec laquelle il a dansé le samedi soir.
Mais au rendez-vous fixé, au pied de la statue de La Fayette, elle n’est pas là. La jeune femme n’est pas venue, mais le destin est au rendez-vous, au jour et au lieu prédits, sous le cheval de La Fayette, « le jour où le cheval rira au-dessus de toi... ». Ruse du destin : sous l’apparence d’une jeune fille, par la séduction du rêve et de l’espérance, il a trouvé la voie de son accomplissement.
Il y eut une autre « rencontre » auparavant. Une rencontre choc, violente et brutale, le retour d’une manivelle sur un chantier, en pleine tête, en plein visage, une manivelle comme une roue du destin, et son état maladif ensuite, le traumatisme, et « tout restait blanc, autour de moi, comme à l'hôpital quand on attend qu'arrive le chirurgien. ».
La manivelle, un mauvais tour du destin, et sous l’apparence d’une jeune femme au visage si blanc qui n’est pas venue, se dissimule la mort, fidèle au rendez-vous. Implacable mektoub.
Un texte poignant, une tragédie à l’image des grandes tragédies grecques.
Beau texte, dont un paragraphe au moins, un peu confus, me semble devoir être tout de même retravaillé, celui où il est question de Aïcha. Mais un souffle tragique puissant traverse le texte, dans une réalité sociale d’aujourd’hui.
Louis- Nombre de messages : 458
Age : 69
Date d'inscription : 28/10/2009
Re: Exo anonyme « L'attente » : La dernière cigarette
Un vraiment beau texte !
Je ne vois pas quoi dire d'autre qui ne soit très en dessous ... !
Je ne vois pas quoi dire d'autre qui ne soit très en dessous ... !
Invité- Invité
Re: Exo anonyme « L'attente » : La dernière cigarette
ha! ce n'était pas le texte, mais bien la pleine lune et moi.
j'y suis donc revenue, et:
ah oui, vraiment, la classe...!
déjà, chapeau pour tenir sur la durée, comme disait Janis je crois.
ensuite,
je ne relève pas tout mais:
"et sur la fatigue qui ensable son visage, on suit chaque trace comme une petite mort."
"Depuis samedi , j'ai décidé de continuer à être bête : ça a mis du soleil à nos vitres, même celle de la cuisine qui donne sur la cour et le local à poubelles ."[/i]
des formulations comme ça que j'adore, et il y en a d'autres.
le passage sur Aïcha n'est pas assez clairement agencé, je trouve.
une chose qui me semble un peu floue:
"C'est peut-être pour ça que, des années après, j'ai voulu travailler avec Farid au chantier, parce que ça , ça n'était pas dans l'ordre des choses, c'est moi tout seul qui l'ai désiré."
et une chose que je n'ai pas compris:
"Rire, je n'ai jamais pu mais me foutre de moi, je sais"
suivi de
"Je commence à rire, en sourdine"
c'est un texte impressionnant...!
- le sujet peu couramment traité, teinté d'exotisme,
- la maîtrise du déroulement, qui maintient la lecture (enfin j'ai tout de même fait des mini sorties de route mais ici encore, ce doit être plus moi que le texte)
- des formulations poétiques
- et la fin, de toute virtuosité, où l'on retrouve à la fois:
le titre, et la prédiction.
une fin située dans cet instant point d'orgue où "Momo" grille enfin une cigarette, lève la tête en crachant la fumée, et dans la lumière du réverbère, se fige la dernière image -ça c'est fort!- de la prédiction d'Aïcha.
une prédiction froide, implacable comme une statue.
tout tourne autour d'un paquet de cigarettes, ce petit axe discret du quotidien, fossé aussi entre Momo et son "rendez-vous", qu'on imagine se vider à mesure que l'histoire se déroule, non mais là j'extrapole je pense!
bravissimo!
j'y suis donc revenue, et:
ah oui, vraiment, la classe...!
déjà, chapeau pour tenir sur la durée, comme disait Janis je crois.
ensuite,
je ne relève pas tout mais:
"et sur la fatigue qui ensable son visage, on suit chaque trace comme une petite mort."
"Depuis samedi , j'ai décidé de continuer à être bête : ça a mis du soleil à nos vitres, même celle de la cuisine qui donne sur la cour et le local à poubelles ."[/i]
des formulations comme ça que j'adore, et il y en a d'autres.
le passage sur Aïcha n'est pas assez clairement agencé, je trouve.
une chose qui me semble un peu floue:
"C'est peut-être pour ça que, des années après, j'ai voulu travailler avec Farid au chantier, parce que ça , ça n'était pas dans l'ordre des choses, c'est moi tout seul qui l'ai désiré."
et une chose que je n'ai pas compris:
"Rire, je n'ai jamais pu mais me foutre de moi, je sais"
suivi de
"Je commence à rire, en sourdine"
c'est un texte impressionnant...!
- le sujet peu couramment traité, teinté d'exotisme,
- la maîtrise du déroulement, qui maintient la lecture (enfin j'ai tout de même fait des mini sorties de route mais ici encore, ce doit être plus moi que le texte)
- des formulations poétiques
- et la fin, de toute virtuosité, où l'on retrouve à la fois:
le titre, et la prédiction.
une fin située dans cet instant point d'orgue où "Momo" grille enfin une cigarette, lève la tête en crachant la fumée, et dans la lumière du réverbère, se fige la dernière image -ça c'est fort!- de la prédiction d'Aïcha.
une prédiction froide, implacable comme une statue.
tout tourne autour d'un paquet de cigarettes, ce petit axe discret du quotidien, fossé aussi entre Momo et son "rendez-vous", qu'on imagine se vider à mesure que l'histoire se déroule, non mais là j'extrapole je pense!
bravissimo!
Invité- Invité
Re: Exo anonyme « L'attente » : La dernière cigarette
une autre petite chose, un petit doute: je ne suis pas sûre qu'Ahmed et Mohamed soient le même prénom. et donc pas sûre qu'Ahmed puisse s'appeler Momo...mais peut être que si, enfin je ne sais pas.
Invité- Invité
Re: Exo anonyme « L'attente » : La dernière cigarette
beau texte sensible qui raconte toute une (courte) vie
c'est peut-être le seul reproche que je peux lui faire justement, il raconte trop vite ou trop, j'aurais aimé qu'il prenne plus le temps de parler de l'enfance, du là-bas, ou alors au contraire moins l'évoquer et ramasser plus
ça se tient comme ça aussi mais, sur certains passages, j'ai eu un goût de trop peu, impressions fugitives, envolées à peine saisies, ou, au contraire, impressions pesantes, de tours et détours empruntés avant que d'aller au rendez-vous
je ne sais pas si je suis claire
mais belle lecture
c'est peut-être le seul reproche que je peux lui faire justement, il raconte trop vite ou trop, j'aurais aimé qu'il prenne plus le temps de parler de l'enfance, du là-bas, ou alors au contraire moins l'évoquer et ramasser plus
ça se tient comme ça aussi mais, sur certains passages, j'ai eu un goût de trop peu, impressions fugitives, envolées à peine saisies, ou, au contraire, impressions pesantes, de tours et détours empruntés avant que d'aller au rendez-vous
je ne sais pas si je suis claire
mais belle lecture
elea- Nombre de messages : 4894
Age : 51
Localisation : Au bout de mes doigts
Date d'inscription : 09/04/2010
Re: Exo anonyme « L'attente » : La dernière cigarette
Mon préféré, assurément. C'est vraiment bon ! (D'ailleurs, Narbah, je suis flattée que vous m'ayez cru capable d'écrire un tel texte, mais non !). Je ne sais pas quoi ajouter, tout ce que le texte veut dire est dit (puis, pour le reste, Louis a fait un beau commentaire).
(ah si, quelques erreurs de typographie qui parfois viennent gêner la lecture).
(ah si, quelques erreurs de typographie qui parfois viennent gêner la lecture).
Re: Exo anonyme « L'attente » : La dernière cigarette
après tout ce temps, je ne sais toujours pas quoi dire ni comment le dire... alors je vais faire simple : j'ai trouvé ce texte très très très bien écrit, et très très très beau... il m'a émue... voilà, c'est dit.
Pussicat- Nombre de messages : 4846
Age : 57
Localisation : France
Date d'inscription : 17/02/2012
Merci
Iris,moi aussi, après coup, je me suis dit : ça ressemble un peu à l'atmosphère de ce film. Je l'avais beaucoup aimé(un peu trop long peut-être)
Narbah, attribuer ce texte à Septembre (dont j'apprécie autant que toi la qualité d'écriture) est un honneur pour moi. Et Septembre, merci du compliment!
jfmah, ton adjectif que je ne pense pas mériter a mis mon ego à l'aise (mais ça lui met aussi une grosse, grosse pression pour l'avenir!)
Rebecca, Arielle, Sahkti,je cherche justement dans mes textes à émouvoir les lecteurs. Que vous l'ayez reçu ainsi me comble.
Janis, elea, "trop court" ce n'est pas, loin de là, la première fois qu'on me fait cette remarque mais pour l'instant, je reste incapable de tenir sur une longueur plus grande. Alors je me contente de faire ce que je peux. Je pense qu'il vaut mieux une nouvelle trop pleine qu'un roman vide ou verbeux.
Igloo, c'est délicieux de te voir revenir après la pleine lune!!! Merci beaucoup ainsi qu'à Coline ,dusha, Chrystie.
Louis, tes commentaires(j'en ai lu plusieurs) font mes délices. J'ai découvert dans mon texte des choses que j'ignorais y avoir mises. "à l'image des grandes tragédies grecques"! je ne sais pas si je vais m'en remettre;D!
Je vais me pencher sur le paragraphe confus quand j'aurai le temps. Hélas, je suis souvent incapable de retravailler ce que j'ai ...pondu (Pâques oblige)
Mais non, je n'ai pas oublié le Pussi chat qui, encore hier soir, a ajouté un petit mot très très très émouvant pour moi.
Merci infiniment à tous! Vous me faites beaucoup de bien: je retrouve, avec l'envie d'écrire, l'envie d'avoir envie...
Narbah, attribuer ce texte à Septembre (dont j'apprécie autant que toi la qualité d'écriture) est un honneur pour moi. Et Septembre, merci du compliment!
jfmah, ton adjectif que je ne pense pas mériter a mis mon ego à l'aise (mais ça lui met aussi une grosse, grosse pression pour l'avenir!)
Rebecca, Arielle, Sahkti,je cherche justement dans mes textes à émouvoir les lecteurs. Que vous l'ayez reçu ainsi me comble.
Janis, elea, "trop court" ce n'est pas, loin de là, la première fois qu'on me fait cette remarque mais pour l'instant, je reste incapable de tenir sur une longueur plus grande. Alors je me contente de faire ce que je peux. Je pense qu'il vaut mieux une nouvelle trop pleine qu'un roman vide ou verbeux.
Igloo, c'est délicieux de te voir revenir après la pleine lune!!! Merci beaucoup ainsi qu'à Coline ,dusha, Chrystie.
Louis, tes commentaires(j'en ai lu plusieurs) font mes délices. J'ai découvert dans mon texte des choses que j'ignorais y avoir mises. "à l'image des grandes tragédies grecques"! je ne sais pas si je vais m'en remettre;D!
Je vais me pencher sur le paragraphe confus quand j'aurai le temps. Hélas, je suis souvent incapable de retravailler ce que j'ai ...pondu (Pâques oblige)
Mais non, je n'ai pas oublié le Pussi chat qui, encore hier soir, a ajouté un petit mot très très très émouvant pour moi.
Merci infiniment à tous! Vous me faites beaucoup de bien: je retrouve, avec l'envie d'écrire, l'envie d'avoir envie...
obi- Nombre de messages : 574
Date d'inscription : 24/02/2013
Yali- Nombre de messages : 8624
Age : 60
Date d'inscription : 12/12/2005
Re: Exo anonyme « L'attente » : La dernière cigarette
Compact : trop, et captivant.Yali a écrit:Compactivant.
Précise-je.
Yali- Nombre de messages : 8624
Age : 60
Date d'inscription : 12/12/2005
Re: Exo anonyme « L'attente » : La dernière cigarette
Malgré la longueur du texte, je viens de le relire avec délectation.
Obi, si tu publies (ou as publié), fais-le nous savoir. J'achète !
Obi, si tu publies (ou as publié), fais-le nous savoir. J'achète !
Invité- Invité
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