Il faut appeler un chat un chat

Dans la série : « Apprenons l’origine des expressions de la langue française aux enfants », voici :

Il faut appeler un chat un chat !

Génèse (Traduction par André Chouraqui)

19 « IHVH-Adonaï Elohîms forme de la glèbe tout animal du champ, tout volatile des ciels, il les fait venir vers le glébeux pour voir ce qu'il leur criera. Tout ce que le glébeux crie à l'être vivant, c'est son nom. »


- Bon, tu es prêt Adam, on peut démarrer ?
- Si vous voulez, c’est vous le patron, hein ?
- On va commencer par les insectes, On gardera les grosses bêtes pour plus tard.
- Ainsi soit-il !
- Pardon ? Que dis-tu ?
- Non, rien, j’opine simplement.
Le sourcil légèrement froncé, l’Eternel commença à faire surgir de sa divine auréole la litanie des bêtes qu’il Lui plaisait de bien vouloir créer.
-Commençons par celui-ci ; quel nom as-tu choisi ?
-Moustique, ô Tout Puissant Eternel !
Oui, au début, pour rattraper son effronterie initiale, Adam ne lésina pas sur la formule de politesse
- Mouche tsé-tsé Divin Maître, suivant !
- Chikungunya , au suivant …
- Doryphore …Coccinelle…Hanneton…
….Et il en fut ainsi, pendant des semaines et des mois. Mais, Adam, jamais n’osa se plaindre de la monotonie de sa tâche. Il lui arrivait parfois d’hésiter avant de formuler un nom qui lui parût convenable ou original. Chrysomèle de l’aulne lui donna beaucoup de mal, grand bombyle le fit sourire, et ptycoptère albimane laissa l’Eternel interloqué, et Il se dit in petto en soulevant sa belle barbe blanche d’un revers de sa main de fer pas encore gantée de velours puisque celui-ci n’avait pas encore été créé : « Mais où va-t-il chercher tout ça ? Bon, c’est vrai que c’est Moi qui l’ai créé, qui lui insuffle les réponses, mais il y a des jours où je M’étonne Moi-même !
Vint le tour des volatiles. Adam suggéra prudemment l’opportunité d’une pose, mais l’absence du syndicat dont il eût été évidemment le seul membre ne lui permit pas de pousser plus avant cette modeste revendication. Il tenta :
-Nous avons l’éternité devant nous, ô Maître.
- Moi oui, mais, pour toi… heu !
Et l’Eternel eut du mal à cacher un petit sourire narquois, presque inquiétant, qu’Adam ne sut interpréter puisqu’il n’avait pas encore acquis la connaissance des notions de Bien et de Mal.
-Bon, allons-y.
Et de son chapeauréole Il fit surgir, tantôt avec fracas, tantôt dans un doux bruissement d’ailes, des centaines d’oiseaux qu’imperturbablement, Adam nommait presque sans hésiter :
- Balbuzard, albatros aux ailes de géant, avocette, bécassine bretonne, gypaète barbu, pitpit du gazon, pouillot, vautour chauve, poule au pot …
La plume commençait à voleter de partout dans ce qu’on appellerait plus tard « le Paradis » ; la place dans les deux seuls arbres du lieu (l’arbre de la connaissance du Bien et du Mal et l’arbre de la Vie / N.D.L.R.) allait se révéler insuffisante. « Après tout, ce n’est pas mon problème, ricana Adam, il va falloir qu’Il rallonge les branches, ou qu’Il plante d’autres arbres ! »
- En effet, occupe-toi de tes oignons – au fait, Je ne me souviens pas si Je les ai déjà créés, mais on verra plus tard – et n’oublie pas que J’entends tout ce que tu penses !
Regarde le suivant !
-Je mate, je mate : va pour tarier pâtre, et celui-ci le syrrhapte paradoxal, hein, fallait le trouver !
Et je Vous ferais remarquer que je n’utilise pas Wikipédia, c’est tout là, dit-il en se frappant le front de l’index tendu. Mais l’Eternel le sait bien puisque c’est Lui qui est à l’origine de tout ; c’est d’ailleurs pourquoi je m’étonne que On ait besoin de mes services vocaux d’identification alors qu’un simple transfert de données, genre copier-coller,de Son Divin Disque Dur vers mon modeste neurone eût suffi . Mais bon, Charbonnier est maître chez Lui.
-Je vais t’en fournir du « charbonnier » ; regarde la suite.
- Je mate, mais je ne vois rien apparaître, sauf la poussière dorée divine qui poudroie et l’herbe toute neuve qui verdoie.
- Voilà – t-il pas qu’il se prend pour sœur Anne ! Quel talent d’anticipation !
Si tu ne vois plus rien c’est qu’on a fini les volatiles. On va passer aux mammifères, es-tu prêt ?
-Oui, mais je mangerais bien quelque chose avant d’attaquer, Vous n’auriez pas au moins un chewing-gum ? Merci ô Eternel ; Vous n’avez pas d’autre parfum ? Bon, va pour myrrhe et encens ; allons-y. Pull !
Et Adam, tout en mâchouillant sa gomme, continua l’attribution des noms tels qu’ils lui étaient soufflés par le Tout-Puissant, la mastication ayant cependant pour effet de modifier un peu son élocution.
-Regarde, celui-ci ?
-La Chirafe.
-Mais non, la girafe!
-Ch’est bien che que ch’ai dit !
- Regarde la suite.
-Pull : le jien .
-Le chien ! tu le fais exprès ? Regarde là !
- Où ? Je mate où ? … Cha, ch’est un chat !
-Tu es chûr, pas le jat ? le chat ? mate où ! Tu m’embrouilles et tu m'énerves à la fin avec ton accent ridicule ; on dirait un Auvergnat.
- Oui Eternel, je chuis chûr , ch’est un chat !
- Qu’il en soit ainsi conclut l’Eternel, on appellera donc un chat un chat.
Ainsi fut fait.
P.S : Adam , pendant qu'il y était, aurait souhaité nommer aussi les poissons, mais, IHVH, l’Eternel, n’ayant pas prévu cela dans sa célèbre Genèse, il n’en fut pas question. C’est pourquoi les poissons portent des noms aussi cons que sardine, morue ou maquereau ; telle fut la volonté du Tout-Puissant.

La Genèse selon muzzo
Plus marrante et plus détaillée que l'officielle
Non content d'inventer les animaux, Adam invente auchi le parler auvergnat
Cha ch'est très chubtil
et la sute a la pesse chute a la pêche

merchi pour cha

Chais pas si c’est de l’auvergnat, mais le chewing-gum a indubitablement beaucoup à voir dans ces histoires de créationnisme made in america...

Un peu long en son milieu (le texte), un chouïa resserré et d'autant plus pertinent, à mon avis.

Ah oui, ça m'a fait rire !!! Bravo Muzzo !

coline Dé a écrit:Ah oui, ça m'a fait rire !!! Bravo Muzzo !

Merci Coline Dé et Tizef; je me suis écrit cette histoire pour moi tout seul, en égoïste timide. Et puis j'ai cédé aux démons de l'égocentrisme et je l'ai déposée sur les fonds baptismaux de V.E. J'avoue être totalement hermétique "au créationnisme made in America"dont parle Easter Island.
A bientôt

j'ai lu d'un bout à l'autre avec un large sourire,
merci pour ce détour distrayant, drôle, léger du côté de chez Dieu!
je suis contente de commencer ainsi la journée.
(j'ai attendu la notonecte et le phasme, mais non... :-)

Je suis revenue m'en reprendre une petite tranche pour le plaisir !

Igloo, le phasme est un phantasme raccourci !

mais c'est aussi une bestiole assez magique à observer, un insecte tout en grâce sais-tu?...Coquinette que tu es! ;-)

J'ai bien aimé le texte.
Si on peut suggérer, je dirais que pour l'effet ça m'a semblé un peu long.
Il faut que ça passe très très vite ce genre de truc, sinon je me prends les pieds dans les "incohérences" et je perds le plaisir (e.g. pourquoi Il fait répété si Il sait déjà ce que pense Adam? et si on n'y penses bien, dans la Genèse c'est la parole elle-même qui est créatrice, c'est le fait même de nommer, alors Il ne donnerait pas ce boulot à Adam. ensuite...)
Ah, et je n'ai pas tellement aimé le "mate" et le "mate où".

N'empêche, c'est joli et rigolo. Bien aimé, donc!

Mais quelle belle idée que la création des noms d’animaux !
(J’avoue avoir souri en lisant Chikungunya parce que bon, c’est vrai quoi, faut bien avoir eu un jour l’idée, l’envie, la science de nommer les bêtes par leur petit nom et il fallait y penser).

J’ai un petit coup de cœur pour ce passage plein de bon sens: "Mais l’Eternel le sait bien puisque c’est Lui qui est à l’origine de tout ; c’est d’ailleurs pourquoi je m’étonne que On ait besoin de mes services vocaux d’identification alors qu’un simple transfert de données, genre copier-coller,de Son Divin Disque Dur vers mon modeste neurone eût suffi . Mais bon, Charbonnier est maître chez Lui."

Un chouette texte clin d'oeil qui donne le sourire (ce qui n'est jamais superflu), merci !