Le cupide et les gogos

Le cupide et les gogos

Il est une fable de Monsieur de la Fontaine qui commence ainsi :
Un astrologue un jour se laissa choir
Au fond d’un puits. On lui dit : « Pauvre bête,
Tandis qu’à peine à tes pieds tu peux voir,
Penses-tu lire au-dessus de ta tête ? »

De l’astrologue à l’astronome la distance ne se mesure pas en années-lumière et il arrive assez souvent que le dernier ressemble au premier, peu conscient des réalités, à tant fréquenter les étoiles !

Ainsi Jean-Dominique Cassini, dit Cassini 1er, astronome émérite, appelé en France par Colbert pour organiser l’observatoire de Paris, voulut utiliser ce bâtiment, construit sur un puits de 28 m de profondeur, comme grande lunette verticale. La cavité se prolongeant d’autant sur toute la hauteur de la construction, il fit placer l’oculaire dans les caves et l’objectif sur l’ouverture du toit en terrasse.
Sans doute l’entreprise était-elle louable pour cette époque (1669) et de tout temps les chercheurs firent des tentatives insensées dont certaines furent fructueuses, mais, en l’occurrence, Monsieur Cassini fut bien déçu de ne pas voir grand-chose depuis le fond de son trou.

Cela se sut. Une rumeur désapprobatrice naquit, grossit à vue d’œil, alimentée par les jaloux, car tout élu est la cible de détracteurs.

Or, le concierge des lieux, petit futé peu scrupuleux, sut tirer parti de cette situation. Il fit savoir très vite que cette installation fonctionnait parfaitement et que l’on pouvait même voir une étoile en plein jour ! Sous sa houlette, en échange de quelques monnaies bien sonnantes, ses « visiteurs- clients » descendaient sous l’observatoire pour admirer ce point lumineux…créé par une fissure dans la terrasse !

Il va sans dire que, comme le précise C.Wolf dans son « Histoire de l’observatoire de Paris » en citant Etienne Arago, « un peu de plâtre coupa court à ses mystifications. »

Une anecdote amusante. L'idée en soi n'était pas idiote (enfin, je trouve :-).

Un rappel de certains événements contemporains ? ;-)

Bon, déjà, Embellie, ton anecdote est contée dans un style châtié fort agréable à l'oreille.
Et puis la rouerie (est-ce le mot qu'il faut ?) est très amusante.

Amusant. J'ai d'abord supposé que l'anecdote du puits était pure imagination; mais non, il a bel et bien existé, voir l'extrait ci-dessous:
"La dernière partie de l'exposition met à l'honneur aussi deux instruments chers à Cassini: la méridienne de Paris ainsi que ces fameuses "lunettes sans tuyaux" grâce auxquelles il observa Saturne. Tout au long de leur parcours, les visiteurs peuvent contempler "le puits zénithal" constitué d'ouvertures superposées à tous les niveaux du bâtiment Perrault, depuis les caves jusqu'à la terrasse supérieure, il mesure au total 55 mètres . Ce puits " fait pour l'observation des étoiles verticales" fut présenté au Roi en 1682, il traverse encore aujourd'hui tous les niveaux du bâtiment."
L' introduction du concierge cupide, en revanche, est de ton cru?

eh oui, l'appât du gain ne date pas d'aujourd'hui.
je balance entre me dire que le texte en dit assez ou aurait gagné à être un peu développé (je dois avouer plus d'une lecture pour avoir parfaitement saisi, mais n'ai pas l'esprit porté à la technique, je visualise mal).
néanmoins, j'admire comment tu décris les circonstances, ça n'a pas dû être simple à formuler, à mes yeux un vrai défi en soi ("[...] voulut utiliser ce bâtiment, construit sur un puits de 28 m de profondeur, comme grande lunette verticale. La cavité se prolongeant d’autant sur toute la hauteur de la construction, il fit placer l’oculaire dans les caves et l’objectif sur l’ouverture du toit en terrasse. ")

Oui, l'anecdote est bien réelle.Je l'ai trouvée relatée dans un ancien numéro de la revue "Ciel et espace", avec dessins de l'époque à l'appui, et apparemment l'histoire du concierge est réelle aussi, d'après des écrits d'Arago. Merci muzzo pour le complément d'information.

Easter, je n'ai pas su en faire un texte plus long par manque d'éléments supplémentaires. Ça pourrait faire une bonne nouvelle...
En fait, c'est un article journalistique que j'avais écrit pour le bulletin que faisait paraître l'association d'astronomes amateurs toulousains dont nous faisions partie, piqueboufigue et moi, il y a quelques années.

Merci de vos lectures et commentaires.

Réjouissant ! Comme toujours ma chère Embellie, ta plume se trempe avec bonheur dans tous les encriers.
Je profite de cet aparté... pour te féliciter... eh oui ! il en faut du talent et des heures, les mains dans la glaise pour réussir... ton avatar !!!

L'histoire revisitée de bien jolie manière. J'aime les points d'humour et les détails que tu ajoutes de ci de là à cette vérité bien donne à dire et à lire. Le format me convient dans la mesure où ça fait ressortir la cupidité en qualité de sentiment hautement universel sans qu'il soit besoin de trop en dire pour asseoir ce haut fait de l'humanité.

voilà le contre-exemple absolu. Le texte qu'on lit en se disant : c'est clair, c'est fluide, enrichissant. On se prend pas le chou et on est content. Rhaaaaaaaaaa, ça fait du bien par où ça passe ! Et je me coucherai un peu moins condescendu ce souar en ayant appris quelque chose. Merci mille fois, chère embellie. Je t'aime :o)