Kwashiorkor
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Kwashiorkor
Une faim d'errance et de goûter me tiraille à mon réveil. C'est presque un malheur, tout bien considéré, que de profiter de la mollesse d'un matelas et de l'ombre d'un plafond. Elles rappellent que je dois me vêtir d'hygiène et mettre en marche le quotidien. En bon locataire, j'arpente les pièces habitées et distribue les salamalecs habituels au voisinage. La toilette faite, le petit déjeuner ingurgité, rien ne me retient de partir à mon rendez-vous avec l'échec.
Ce monde est trop véloce pour que je remplisse, sans maladresse, une fonction. Lorsque je ne suis pas à l'avant-garde des convois infantiles, je fais une ronde autour de Dakar, tel un vigile retraité et piqué de nostalgie. Avec les enfants, je me laisse aller à l'engouement suscité par la fuite d'un mobile — un ballon ou une camionnette en ferraille. Mais privé de cette gaieté contagieuse, ramené à la solitude d'une patrouille, un instinct de parenté m'expose à la hauteur d'affichettes décollées, et à la tentation de les raccrocher à leurs supports. Ainsi se terminent souvent mes matinées, épuisées dans des tentatives de rénovation improbable.
Presque tous les quartiers de Dakar sont encombrés d'arbres à palabre, où sont juchés la folie, le chômage, la vieillesse et la jeunesse oisives. Ce sont des oasis de rêve pour s'abriter du soleil de plomb des après-midi. Les nomades que j'y retrouve, lassés de calomnier et de médire sur les passants, s'enivrent de grains haschisch et de chapelet. Ici, les noms d'Allah sont égrenés, au moins dix mille fois, dans l'ivresse de l'appréhension.
Le soir me ramène à mes pas, sur mon balcon. Le panorama est fidèle comme la mémoire. Il me plait d'unir ces deux-là dans une polyphonie, où la ville noctambule entraîne la ballerine diurne dans une valse...
Ce monde est trop véloce pour que je remplisse, sans maladresse, une fonction. Lorsque je ne suis pas à l'avant-garde des convois infantiles, je fais une ronde autour de Dakar, tel un vigile retraité et piqué de nostalgie. Avec les enfants, je me laisse aller à l'engouement suscité par la fuite d'un mobile — un ballon ou une camionnette en ferraille. Mais privé de cette gaieté contagieuse, ramené à la solitude d'une patrouille, un instinct de parenté m'expose à la hauteur d'affichettes décollées, et à la tentation de les raccrocher à leurs supports. Ainsi se terminent souvent mes matinées, épuisées dans des tentatives de rénovation improbable.
Presque tous les quartiers de Dakar sont encombrés d'arbres à palabre, où sont juchés la folie, le chômage, la vieillesse et la jeunesse oisives. Ce sont des oasis de rêve pour s'abriter du soleil de plomb des après-midi. Les nomades que j'y retrouve, lassés de calomnier et de médire sur les passants, s'enivrent de grains haschisch et de chapelet. Ici, les noms d'Allah sont égrenés, au moins dix mille fois, dans l'ivresse de l'appréhension.
Le soir me ramène à mes pas, sur mon balcon. Le panorama est fidèle comme la mémoire. Il me plait d'unir ces deux-là dans une polyphonie, où la ville noctambule entraîne la ballerine diurne dans une valse...
Docteur Banania- Nombre de messages : 22
Age : 79
Date d'inscription : 22/05/2013
Re: Kwashiorkor
J'ai préféré la deuxième partie, l'ambiance, le quotidien de Dakar...
Ce qui précède m'a laissé l'impression d'une distance, du narrateur qui se met en scène sans s'impliquer vraiment, c'est à mon avis assez sensible dans le deuxième paragraphe.
Ces minimes réserves n'enlèvent, quoi qu'il en soit, rien à la qualité de l'écriture ; cela en soi est un plaisir.
Ce qui précède m'a laissé l'impression d'une distance, du narrateur qui se met en scène sans s'impliquer vraiment, c'est à mon avis assez sensible dans le deuxième paragraphe.
Ces minimes réserves n'enlèvent, quoi qu'il en soit, rien à la qualité de l'écriture ; cela en soi est un plaisir.
Invité- Invité
Re: Kwashiorkor
J'avais aimé ton (votre?) premier texte.
La qualité de l'écriture se confirme, ici.
Au plaisir de vous relire ! (plaisir qui ne se refuse pas, avec sa dose de dépaysement !)
La qualité de l'écriture se confirme, ici.
Au plaisir de vous relire ! (plaisir qui ne se refuse pas, avec sa dose de dépaysement !)
Invité- Invité
Re: Kwashiorkor
Elle est plaisante, cette lecture. Différente. Encore ?
Lucy- Nombre de messages : 3411
Age : 46
Date d'inscription : 31/03/2008
Re: Kwashiorkor
Je trouve ça génial. Et je pèse mes mots. Et je connais Dakar, aussi...
Gobu- Nombre de messages : 2400
Age : 70
Date d'inscription : 18/06/2007
Re: Kwashiorkor
Je me connecte juste pour dire que je découvre ces deux textes (le premier et celui-là)
et que j'en suis très heureuse
à suivre !
hop
Janis- Nombre de messages : 13490
Age : 63
Date d'inscription : 18/09/2011
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