Cadavre exquis
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Cadavre exquis
J'ai besoin pour continuer à écrire le texte qui suit de vos aiguillons, sinon je n'avance pas (fainéant de la plume je suis). Vous pouvez influer sur la suite du texte par vos suggestions. Voici le sujet :
Le récit se passe à Rome dans les années 50. Le personnage principal est âgé de 10 ans, il se nomme Michel Dunard, son activité principale : détective privé. Il faut savoir que ce personnage est colérique et que son passe-temps favori est le parachutisme. Le thème principal de cette histoire est : le cadavre d’un inconnu git dans son appartement.
Le début du texte :
Le récit se passe à Rome dans les années 50. Le personnage principal est âgé de 10 ans, il se nomme Michel Dunard, son activité principale : détective privé. Il faut savoir que ce personnage est colérique et que son passe-temps favori est le parachutisme. Le thème principal de cette histoire est : le cadavre d’un inconnu git dans son appartement.
Le début du texte :
Je regagne mon domicile – ou plutôt celui de mes parents – après une journée harassante en longeant le Circus Maximus.
Houspillé par mon professeur de mathématiques, j’ai pété les plombs ; encore un problème de tuyauteries ! Décidément, le courant ne passe pas.
— Les robinets continueront à fuir sans moi : vous n’avez plus qu’à appeler le plombier.
Un silence tendu a suspendu la classe ; l’air ambiant était chargé d’électricité. D’un geste de tribun, il m’a montré la porte.
— Pas question de travailler comme un satyre*, lui ai-je dit en sortant.
Aujourd’hui, pas de couronne de laurier, de pompa circencis ni de musique stridente de flûtes et de tambourins. Seuls m’accompagnent le vrombissement incessant des moteurs et le son stridulant des klaxons. Un marchand de saucisses grillées force le passage en gueulant sa cantilène à tue-tête ; Rome a toujours été une ville bruyante.
Sur mon chemin, un cadran solaire battu par le vent, une rangée d’urnes dressées sur leurs socles, deux statues de marbre se faisant face par dessus la via del Circo Massimo. Devant l’entrée du bâtiment de la Polizia municipale, deux plantons à l’allure débonnaire somnolent. Je longe prestement le forum Boarium – l’ancien marché aux bœufs –, laisse sur ma droite le temple périptère d’Hercule Victor et traverse le ponte Palatino pour gagner le Trastevere, passe devant la basilique Santa Maria quand retentit le coup de canon qui donne le signal aux cloches des églises de sorte qu’elles ne sonnent pas chacune à des moments différents.
Me voici arrivé. J’habite une maison sise près de San Pietro in Montorio, aux cheminées dressées vers la liberté des toits et du plein air, et flanquée d’une volée de marches que je monte une à une, lentement.
Mais… je ne me suis pas présenté : mon nom est Dunard, Michel Dunard. J’ai 10 ans et suis né d’un père Français et d’une mère romaine.
…
« Ce que je fais dans la vie ? En dehors des périodes scolaires, je suis détective privé. »
…
« Une plaque ? Non, mon activité est confidentielle. Même mes parents l’ignorent (sage pour son âge, il sait que les secrets se répandent plus vite que la poussière dans le vent). Il faut dire qu’ils ne sont pas souvent présents. La gouvernante s’occupe de pourvoir à mes besoins. Sauf aujourd’hui… C’est son jour de relâche. »
Le ciel s’est soudainement couvert. Le tonnerre a grondé avec tant de force que les entrailles de la maison en ont frémi. Puis la pluie est tombée, en grosses larmes claquantes qui ont immédiatement redonné de la fraîcheur et de l’éclat à la ville. De lourdes gouttes s’abattent sur ma tête ; je les sens chacune séparément. Elles sont comme des notes de musique, des cordes que l’on aurait pincées une à une pour en tirer une mélodie enivrante. J’ai soudain perçu leur beauté et me suis demandé pourquoi je n’en avais pas pris conscience auparavant. Je me suis cependant dépêché de rentrer et précipité dans la salle de bains. Du dehors, me parvenant ténu, le brouhaha de la circulation enfle et diminue, ponctué de temps à autre par le hurlement assourdi d’une sirène. Les murs de la maison, faits de blocs de travertin, font presque entièrement disparaître les bruits de la ville.
* − Vx, région. (Provence). Travailler comme un satyre. Travailler dur, avec acharnement.
Aujourd’hui, il est là le petit garçon que j’étais à cinq ans, marchant en équilibre sur le rebord de la baignoire, nu comme un ver, décidé à s’enfuir pour rejoindre une troupe de cascadeurs. Il ne sait pas exactement ce que sont des cascadeurs, ni où les trouver, mais c’est une idée qu’il doit suivre. La voltige, l’équilibre, c’est son rêve. Voilà pourquoi il s’exerce sur le bord de la baignoire. Il touche au but… et glisse, tombe la tête la première, perd connaissance quelques instants, revient à lui.
J’ai cligné des yeux, me suis passé la tête sous l’eau pour effacer ce moment, et les images se sont dispersées. Je me souviens. Papa m’a dit un jour en constatant une de mes absences :
— Elle est sournoise la guerre que nous livre le passé. Il n’a de cesse qu’il ne t’ait attiré dans ses pièges…
Après un instant de silence, il a ajouté en riant :
— C’est à n’en pas douter un spécialiste de la prise d’otage.
Bien plus tard, je me suis dit que le parachutisme serait probablement plus approprié. Depuis, je n’ai eu de cesse d’importuner mes parents… enfin… quand ils sont là. Ils ont fini par consentir, « malgré mon jeune âge » m’ont-ils dit. C’est pourquoi je monte sans tarder au grenier pour parfaire mon entraînement.
Houspillé par mon professeur de mathématiques, j’ai pété les plombs ; encore un problème de tuyauteries ! Décidément, le courant ne passe pas.
— Les robinets continueront à fuir sans moi : vous n’avez plus qu’à appeler le plombier.
Un silence tendu a suspendu la classe ; l’air ambiant était chargé d’électricité. D’un geste de tribun, il m’a montré la porte.
— Pas question de travailler comme un satyre*, lui ai-je dit en sortant.
Aujourd’hui, pas de couronne de laurier, de pompa circencis ni de musique stridente de flûtes et de tambourins. Seuls m’accompagnent le vrombissement incessant des moteurs et le son stridulant des klaxons. Un marchand de saucisses grillées force le passage en gueulant sa cantilène à tue-tête ; Rome a toujours été une ville bruyante.
Sur mon chemin, un cadran solaire battu par le vent, une rangée d’urnes dressées sur leurs socles, deux statues de marbre se faisant face par dessus la via del Circo Massimo. Devant l’entrée du bâtiment de la Polizia municipale, deux plantons à l’allure débonnaire somnolent. Je longe prestement le forum Boarium – l’ancien marché aux bœufs –, laisse sur ma droite le temple périptère d’Hercule Victor et traverse le ponte Palatino pour gagner le Trastevere, passe devant la basilique Santa Maria quand retentit le coup de canon qui donne le signal aux cloches des églises de sorte qu’elles ne sonnent pas chacune à des moments différents.
Me voici arrivé. J’habite une maison sise près de San Pietro in Montorio, aux cheminées dressées vers la liberté des toits et du plein air, et flanquée d’une volée de marches que je monte une à une, lentement.
Mais… je ne me suis pas présenté : mon nom est Dunard, Michel Dunard. J’ai 10 ans et suis né d’un père Français et d’une mère romaine.
…
« Ce que je fais dans la vie ? En dehors des périodes scolaires, je suis détective privé. »
…
« Une plaque ? Non, mon activité est confidentielle. Même mes parents l’ignorent (sage pour son âge, il sait que les secrets se répandent plus vite que la poussière dans le vent). Il faut dire qu’ils ne sont pas souvent présents. La gouvernante s’occupe de pourvoir à mes besoins. Sauf aujourd’hui… C’est son jour de relâche. »
Le ciel s’est soudainement couvert. Le tonnerre a grondé avec tant de force que les entrailles de la maison en ont frémi. Puis la pluie est tombée, en grosses larmes claquantes qui ont immédiatement redonné de la fraîcheur et de l’éclat à la ville. De lourdes gouttes s’abattent sur ma tête ; je les sens chacune séparément. Elles sont comme des notes de musique, des cordes que l’on aurait pincées une à une pour en tirer une mélodie enivrante. J’ai soudain perçu leur beauté et me suis demandé pourquoi je n’en avais pas pris conscience auparavant. Je me suis cependant dépêché de rentrer et précipité dans la salle de bains. Du dehors, me parvenant ténu, le brouhaha de la circulation enfle et diminue, ponctué de temps à autre par le hurlement assourdi d’une sirène. Les murs de la maison, faits de blocs de travertin, font presque entièrement disparaître les bruits de la ville.
* − Vx, région. (Provence). Travailler comme un satyre. Travailler dur, avec acharnement.
***
Quand je suis dans la salle de bains, je me mets à rêver. Je peux rester de longs moments immobile devant la psyché, envahi par des ondes de pensées fugitives. Aujourd’hui, il est là le petit garçon que j’étais à cinq ans, marchant en équilibre sur le rebord de la baignoire, nu comme un ver, décidé à s’enfuir pour rejoindre une troupe de cascadeurs. Il ne sait pas exactement ce que sont des cascadeurs, ni où les trouver, mais c’est une idée qu’il doit suivre. La voltige, l’équilibre, c’est son rêve. Voilà pourquoi il s’exerce sur le bord de la baignoire. Il touche au but… et glisse, tombe la tête la première, perd connaissance quelques instants, revient à lui.
J’ai cligné des yeux, me suis passé la tête sous l’eau pour effacer ce moment, et les images se sont dispersées. Je me souviens. Papa m’a dit un jour en constatant une de mes absences :
— Elle est sournoise la guerre que nous livre le passé. Il n’a de cesse qu’il ne t’ait attiré dans ses pièges…
Après un instant de silence, il a ajouté en riant :
— C’est à n’en pas douter un spécialiste de la prise d’otage.
Bien plus tard, je me suis dit que le parachutisme serait probablement plus approprié. Depuis, je n’ai eu de cesse d’importuner mes parents… enfin… quand ils sont là. Ils ont fini par consentir, « malgré mon jeune âge » m’ont-ils dit. C’est pourquoi je monte sans tarder au grenier pour parfaire mon entraînement.
Invité- Invité
Re: Cadavre exquis
La lecture de ce jet me donne envie de connaître la suite : voila mon soutien pour te motiver à poursuivre ton entreprise.Ce texte dénote ton aisance dans la construction d'un récit clair et cohérent, le développement de l'histoire reste une question de "perspiration" soit 20% d'inspiration et 80% de perspicacité selon Umberto Ecco à propos de l'inspiration.Bon courage.
Bakary- Nombre de messages : 36
Age : 75
Localisation : Montreuil_ France
Date d'inscription : 05/07/2013
Re: Cadavre exquis
C’est pourquoi je monte sans tarder au grenier pour parfaire mon entraînement.
Et ?
Cet arrêt sur image est cruel pour le lecteur qui attend la suite ! Paresse de la plume ou pas, il faut livrer la suite ! :-)
J'ai bien aimé les détails sur le paysage sonore.
Et ?
Cet arrêt sur image est cruel pour le lecteur qui attend la suite ! Paresse de la plume ou pas, il faut livrer la suite ! :-)
J'ai bien aimé les détails sur le paysage sonore.
Invité- Invité
Re: Cadavre exquis
Tout d'abord, merci à Iris d'avoir remonté le texte.
Pour le moment, ça fonctionne bien et je soutiens les choix du récit, à savoir Rome et surtout un tout jeune personnage principal, parce que je pense que ça va pimenter la narration en créant une certaine difficulté : trouver le ton juste sans verser dans un excès ou l'autre (ton trop puéril ou trop sérieux - pour le moment, on penche du côté de la deuxième option, mais il n'est pas inconcevable qu'un enfant précoce s'exprime ainsi...).
Et donc je suis curieuse de voir comment l'histoire va évoluer, à toi de jouer, Luluberlu !
Pour le moment, ça fonctionne bien et je soutiens les choix du récit, à savoir Rome et surtout un tout jeune personnage principal, parce que je pense que ça va pimenter la narration en créant une certaine difficulté : trouver le ton juste sans verser dans un excès ou l'autre (ton trop puéril ou trop sérieux - pour le moment, on penche du côté de la deuxième option, mais il n'est pas inconcevable qu'un enfant précoce s'exprime ainsi...).
Et donc je suis curieuse de voir comment l'histoire va évoluer, à toi de jouer, Luluberlu !
Invité- Invité
Re: Cadavre exquis
- Spoiler:
- J'ai besoin pour continuer à écrire le texte qui suit de vos aiguillons, sinon je n'avance pas (fainéant de la plume je suis). Vous pouvez influer sur la suite du texte par vos suggestions. Voici le sujet :
Le récit se passe à Rome dans les années 50. Le personnage principal est âgé de 10 ans, il se nomme Michel Dunard, son activité principale : détective privé. Il faut savoir que ce personnage est colérique et que son passe-temps favori est le parachutisme. Le thème principal de cette histoire est : le cadavre d’un inconnu git dans son appartement.
Le début du texte :Je regagne mon domicile – ou plutôt celui de mes parents – après une journée harassante en longeant le Circus Maximus.
Houspillé par mon professeur de mathématiques, j’ai pété les plombs ; encore un problème de tuyauteries ! Décidément, le courant ne passe pas.
— Les robinets continueront à fuir sans moi : vous n’avez plus qu’à appeler le plombier.
Un silence tendu a suspendu la classe ; l’air ambiant était chargé d’électricité. D’un geste de tribun, il m’a montré la porte.
— Pas question de travailler comme un satyre*, lui ai-je dit en sortant.
Aujourd’hui, pas de couronne de laurier, de pompa circencis ni de musique stridente de flûtes et de tambourins. Seuls m’accompagnent le vrombissement incessant des moteurs et le son stridulant des klaxons. Un marchand de saucisses grillées force le passage en gueulant sa cantilène à tue-tête ; Rome a toujours été une ville bruyante.
Sur mon chemin, un cadran solaire battu par le vent, une rangée d’urnes dressées sur leurs socles, deux statues de marbre se faisant face par dessus la via del Circo Massimo. Devant l’entrée du bâtiment de la Polizia municipale, deux plantons à l’allure débonnaire somnolent. Je longe prestement le forum Boarium – l’ancien marché aux bœufs –, laisse sur ma droite le temple périptère d’Hercule Victor et traverse le ponte Palatino pour gagner le Trastevere, passe devant la basilique Santa Maria quand retentit le coup de canon qui donne le signal aux cloches des églises de sorte qu’elles ne sonnent pas chacune à des moments différents.
Me voici arrivé. J’habite une maison sise près de San Pietro in Montorio, aux cheminées dressées vers la liberté des toits et du plein air, et flanquée d’une volée de marches que je monte une à une, lentement.
Mais… je ne me suis pas présenté : mon nom est Dunard, Michel Dunard. J’ai 10 ans et suis né d’un père Français et d’une mère romaine.
…
« Ce que je fais dans la vie ? En dehors des périodes scolaires, je suis détective privé. »
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« Une plaque ? Non, mon activité est confidentielle. Même mes parents l’ignorent (sage pour son âge, il sait que les secrets se répandent plus vite que la poussière dans le vent). Il faut dire qu’ils ne sont pas souvent présents. La gouvernante s’occupe de pourvoir à mes besoins. Sauf aujourd’hui… C’est son jour de relâche. »
Le ciel s’est soudainement couvert. Le tonnerre a grondé avec tant de force que les entrailles de la maison en ont frémi. Puis la pluie est tombée, en grosses larmes claquantes qui ont immédiatement redonné de la fraîcheur et de l’éclat à la ville. De lourdes gouttes s’abattent sur ma tête ; je les sens chacune séparément. Elles sont comme des notes de musique, des cordes que l’on aurait pincées une à une pour en tirer une mélodie enivrante. J’ai soudain perçu leur beauté et me suis demandé pourquoi je n’en avais pas pris conscience auparavant. Je me suis cependant dépêché de rentrer et précipité dans la salle de bains. Du dehors, me parvenant ténu, le brouhaha de la circulation enfle et diminue, ponctué de temps à autre par le hurlement assourdi d’une sirène. Les murs de la maison, faits de blocs de travertin, font presque entièrement disparaître les bruits de la ville.
* − Vx, région. (Provence). Travailler comme un satyre. Travailler dur, avec acharnement.***Quand je suis dans la salle de bains, je me mets à rêver. Je peux rester de longs moments immobile devant la psyché, envahi par des ondes de pensées fugitives.
Aujourd’hui, il est là le petit garçon que j’étais à cinq ans, marchant en équilibre sur le rebord de la baignoire, nu comme un ver, décidé à s’enfuir pour rejoindre une troupe de cascadeurs. Il ne sait pas exactement ce que sont des cascadeurs, ni où les trouver, mais c’est une idée qu’il doit suivre. La voltige, l’équilibre, c’est son rêve. Voilà pourquoi il s’exerce sur le bord de la baignoire. Il touche au but… et glisse, tombe la tête la première, perd connaissance quelques instants, revient à lui.
J’ai cligné des yeux, me suis passé la tête sous l’eau pour effacer ce moment, et les images se sont dispersées. Je me souviens. Papa m’a dit un jour en constatant une de mes absences :
— Elle est sournoise la guerre que nous livre le passé. Il n’a de cesse qu’il ne t’ait attiré dans ses pièges…
Après un instant de silence, il a ajouté en riant :
— C’est à n’en pas douter un spécialiste de la prise d’otage.
Bien plus tard, je me suis dit que le parachutisme serait probablement plus approprié. Depuis, je n’ai eu de cesse d’importuner mes parents… enfin… quand ils sont là. Ils ont fini par consentir, « malgré mon jeune âge » m’ont-ils dit. C’est pourquoi je monte sans tarder au grenier pour parfaire mon entraînement.
À mis pente, je réalise que j’ai oublié mon calepin à l’école. Cela m’agace immensément tout à coup, car c’est celui sur lequel je note tout ce qui concerne le parachutisme, les résultats des compétitions, mes progrès supposés, et bien d’autres choses encore. Je suis irrité d’être aussi tête en l’air. Partout où je passe, je sème. Je ne compte plus le nombre de stylos, carnets, écharpes, paquets de biscuits – et même, une fois, le cadeau destiné à mon amoureuse –, égarés ici ou là. J’ai une relation aux objets plutôt brouillonne… éparpillée en quelque sorte, et ils me le rendent bien. Dans la tête aussi, j’ai un chœur intérieur. Il y règne une véritable cacophonie. Chaque voix prétend être moi ; à la vérité, elles sont sœurs, mais question caractère elles n’ont rien en commun. Celle qui prend le pouvoir est, la plupart du temps, la plus colérique. Il existe une telle discorde quand elles se mettent à piailler en même temps que seule la voix la plus atrabilaire parvient à les maîtriser.
Alors que je pose le pied sur l’ombre de la dernière marche, je perçois au travers du puits de jour la lumière fragile du dehors et un brouillon de pensée m’effleure. Dès que je rentre dans mes univers intérieurs je m’y perds. Mais j’aime laisser libre cours à ma fantaisie, « fictionner », créer des personnages, les zigouiller, influer sur leur devenir et savoir que, même si ce n’est que dans ma tête, je peux le refaire quand bon me semble. Parfois, lorsque j’évoque mes délires, on me regarde comme un phénomène. Je lis dans les yeux de mes auditeurs comme une envie mêlée d’effroi, un peu comme s'ils percevaient ceux qui sont en moi. Mais la plupart du temps, je préfère les enfouir. Parfois, même mes parents me regardent d’une manière étrange. J’ai surpris entre eux certains conciliabules qui laissent à penser que je suis… comment dire ? Un peu en dehors de la normalité. Papa m'a dit un jour : « l'anxiété est le fondement de l'existence humaine ». Je ne sais s'il parlait de moi ou si sa réflexion se voulait plus générale. Cependant, je ne m’en soucie pas. La perte de mon carnet est une chose bien plus importante car je ne sais pas ce que je pense tant que je ne l’ai pas écrit.
Alors que je pose le pied sur l’ombre de la dernière marche, je perçois au travers du puits de jour la lumière fragile du dehors et un brouillon de pensée m’effleure. Dès que je rentre dans mes univers intérieurs je m’y perds. Mais j’aime laisser libre cours à ma fantaisie, « fictionner », créer des personnages, les zigouiller, influer sur leur devenir et savoir que, même si ce n’est que dans ma tête, je peux le refaire quand bon me semble. Parfois, lorsque j’évoque mes délires, on me regarde comme un phénomène. Je lis dans les yeux de mes auditeurs comme une envie mêlée d’effroi, un peu comme s'ils percevaient ceux qui sont en moi. Mais la plupart du temps, je préfère les enfouir. Parfois, même mes parents me regardent d’une manière étrange. J’ai surpris entre eux certains conciliabules qui laissent à penser que je suis… comment dire ? Un peu en dehors de la normalité. Papa m'a dit un jour : « l'anxiété est le fondement de l'existence humaine ». Je ne sais s'il parlait de moi ou si sa réflexion se voulait plus générale. Cependant, je ne m’en soucie pas. La perte de mon carnet est une chose bien plus importante car je ne sais pas ce que je pense tant que je ne l’ai pas écrit.
Invité- Invité
Re: Cadavre exquis
Le profil psychologique du petit personnage se dessine, se précise. Je note une différence de style entre le premier épisode, plus dans l'action, et celui-ci. Mais je reste toujours dans l'attente de la suite. Je ne devrais pas dire "mais". Je le remplace donc par "et".
Invité- Invité
Re: Cadavre exquis
« car je ne sais pas ce que je pense tant que je ne l’ai pas écrit. », ha, ça c’est excellent !
bon, je ne perds pas de vue deux éléments annoncés en préambule : le petit monsieur est colérique et il a un cadavre sur le feu.
et ce n’est pas parce que j’ai failli manquer le nouveau passage que je ne suis pas… ;-)
bon, je ne perds pas de vue deux éléments annoncés en préambule : le petit monsieur est colérique et il a un cadavre sur le feu.
et ce n’est pas parce que j’ai failli manquer le nouveau passage que je ne suis pas… ;-)
Invité- Invité
Re: Cadavre exquis
D'accord avec Easter et j'ai aimé aussi le " brouillon de pensée" ( en ce moment, j'ai l'impression de ne pas arriver à mettre au propre !)
Pour être tout à fait franche, le début ne m'avait pas trop emballée et je trouve cette deuxième partie beaucoup plus intéressante ( pour moi)
mi pente
Pour être tout à fait franche, le début ne m'avait pas trop emballée et je trouve cette deuxième partie beaucoup plus intéressante ( pour moi)
mi pente
Invité- Invité
Re: Cadavre exquis
Je suis curieuse de voir comment le récit va se dérouler, c'est de la haute voltige. J'aime beaucoup l'idée de l'enfant comme personnage principal parce que ça va compliquer le récit. Sinon, j'aime toujours autant cette belle écriture.
Invité- Invité
Re: Cadavre exquis
Le récit se passe à Rome dans les années 50. Le personnage principal est âgé de 10 ans, il se nomme Michel Dunard, son activité principale : détective privé. Il faut savoir que ce personnage est colérique et que son passe-temps favori est le parachutisme. Le thème principal de cette histoire est : le cadavre d’un inconnu git dans son appartement.
Le début de l'histoire est masqué par le spoiler.
— « Vas-y, qu’est-ce que tu attends ? » me dit Miss Impatience.
— « Laissez-le. Tu vois bien qu’il est en pleine phase introspective » lui rétorque Miss Indulgence. « Ce qu’il lui faudrait à cet enfant, c’est une mère. »
— « Tu parles ! Toujours absente. » ajoute Miss Sarcasmes.
— Allez ! Ouste, du balai. Fichez-moi la paix. J’ai besoin…
Soudain, un cri interrompt Miss Colère et me fige avant que les coups portés contre une cloison ne se fassent entendre. Puis, c’est le choc sourd contre la porte du grenier, suivi de ce qui m’a semblé être un gémissement. Je reste là, en haut des marches, interdit et dans l’expectative. Inquiet aussi. J’entends des bruits de pas précipités et des chuchotis. C’est d’autant plus curieux que le grenier est mon domaine. Je suis le seul à en posséder la clef. Il est certes accessible par les toits puisqu’ouvert à la manière des soleilhous, cependant, jusqu’à ce jour, personne ne c’est risqué à y pénétrer par ce moyen.
Je m’approche de la porte et y colle mon oreille. Rien. C’est la sonnerie du téléphone qui me fait sursauter.
— Zut ! Le téléphone est en bas.
— Alors, tu vas répondre ?
Comme si les escaliers étaient minés, je suis descendu sur la pointe des pieds, me suis dirigé vers l’appareil qui fait toujours entendre sa sonnerie impatiente et aigrelette ; j’ai saisi le bigophone et entendu en fond sonore un morceau de jazz. Amateur, j’ai tout de suite pensé à Gil Evans et Miles Devis. Du jazz West Coast en tout cas.
— Michel Dunard ? fit soudain une voix aussi acide que la sonnerie.
— …
— Pas de commentaires, s’il vous plaît. Vous n’allez pas dans le grenier et laissez tout en l’état. Nous reviendrons faire le ménage dans 2 jours. Inutile d’avertir les carabiniers.
— …
Un clic caractéristique se fait entendre. Après un temps d’hésitation, je raccroche et ne puis m’empêcher d’aller pointer mon nez au grenier, même si j’ai peur, même si je me doute que ce n’est pas bon pour ma santé. Mais, que puis-je faire d’autre ? J’introduis la clef dans la serrure, la tourne et exerce la poussée normalement destinée à ouvrir la porte, sauf que celle-ci est bloquée. Perplexe, j’éprouve comme un curieux sentiment de dédoublement. Tout se fige ; les gestes, les pensées, les bruits me parvenant de la ville. Les secondes deviennent lentes, le temps pâteux. Seules mes voix se manifestent en un curieux ralenti :
— … Pouuusseeee pluuus fooort !
— … Iiiil n’aaaa queeee diix aanns.
***
Ce matin, en me réveillant, il fait sombre dans la chambre, comme si le soleil avait décidé de ne pas se lever. Je me traîne à poil jusqu’à la fenêtre pour scruter l’état du ciel. La ville est étrangement silencieuse. Une jeune femme aux longs cheveux noirs attachés en queue de cheval, les fesses moulées dans un minuscule short en toile, me tourne le dos, immobile. Je l’apostrophe :
— Hey ! Perché è cittadina così tranquilla?
Elle se retourne et son regard amusé s’attarde sur le gamin que je suis et sa minuscule érection. Elle rit et me dit :
— Non lo so. Lei finirà per svegliarsi... Come te. Ma è un po presto, non si può trovare ? *
Je m’enveloppe dans les rideaux, davantage par réflexe que par pudeur. Elle sourit et s’en va. Ensuite, avec le Polaroid offert par mon père pour mon dernier anniversaire, je passe une partie de la matinée à photographier dans le grenier tout ce qui peut sembler utile. Je dois faire vite à cause de l’odeur et parce que la gouvernante arrive à dix heures avec les journaux. Il faut que je lise les faits divers. Il sont à l’enquêteur ce que le poulailler est au renard et il me reste deux jours pour mener à bien mes recherches. Après, il faudra que j’informe la police. Par chance, mes parents reviennent dans une semaine et la gouvernante ne monte jamais fourrer son nez dans mes petites affaires.
Hier, j’ai réussi, au prix de gros efforts et à l’aide d’un levier récupéré à la cave, à entrouvrir la porte, un espace juste suffisant pour me permettre d’entrer. L’odeur qui se dégageait du corps affalé sur le sol m’a fait penser à une armagnacolepsie (papa est un grand amateur d’Armagnac). Le bonhomme avait une tronche de masque de cire, les paupières entrouvertes, les pupilles dilatées et fouettait salement de la carafe. Les coupures sur son crâne agrémentaient harmonieusement la raie mauve fluo d’iroquois qui le faisait ressembler à un coq. Question fringues, cuir, clous et les inévitables grolles montantes aux embouts ferraillés. En guise de présentation, il a émis une série de pets, signe du relâchement du corps et d’une mort récente. Inutile de consulter mon manuel de thanatologie pour m’en assurer. Il avait aussi pissé et chié sur lui et, l’odeur de merde mêlée à celle de l’Armagnac m’a laissé à penser que ce n’était pas du 12 ans d’âge en carafe prestige. Pas top comme idée cadeau. Il devait traîner pas mal de casseroles pour finir comme ça. En tout cas, il n’aurait pas besoin d’un thanatopracteur pour procéder à son embaumement. Deux jours à cohabiter avec un tel énergumène me semblaient au-dessus de mes forces. Ce n’est rien quand on est mort, mais long quand il s’agit de partager le même domicile.
* Je ne sais pas. Elle va bien finir par se réveiller… Comme vous. Mais il est un peu tôt, vous ne trouvez pas ?
Le début de l'histoire est masqué par le spoiler.
- Spoiler:
- Je regagne mon domicile – ou plutôt celui de mes parents – après une journée harassante en longeant le Circus Maximus.
Houspillé par mon professeur de mathématiques, j’ai pété les plombs ; encore un problème de tuyauteries ! Décidément, le courant ne passe pas.
— Les robinets continueront à fuir sans moi : vous n’avez plus qu’à appeler le plombier.
Un silence tendu a suspendu la classe ; l’air ambiant était chargé d’électricité. D’un geste de tribun, il m’a montré la porte.
— Pas question de travailler comme un satyre*, lui ai-je dit en sortant.
Aujourd’hui, pas de couronne de laurier, de pompa circencis ni de musique stridente de flûtes et de tambourins. Seuls m’accompagnent le vrombissement incessant des moteurs et le son stridulant des klaxons. Un marchand de saucisses grillées force le passage en gueulant sa cantilène à tue-tête ; Rome a toujours été une ville bruyante.
Sur mon chemin, un cadran solaire battu par le vent, une rangée d’urnes dressées sur leurs socles, deux statues de marbre se faisant face par dessus la via del Circo Massimo. Devant l’entrée du bâtiment de la Polizia municipale, deux plantons à l’allure débonnaire somnolent. Je longe prestement le forum Boarium – l’ancien marché aux bœufs –, laisse sur ma droite le temple périptère d’Hercule Victor et traverse le ponte Palatino pour gagner le Trastevere, passe devant la basilique Santa Maria quand retentit le coup de canon qui donne le signal aux cloches des églises de sorte qu’elles ne sonnent pas chacune à des moments différents.
Me voici arrivé. J’habite une maison sise près de San Pietro in Montorio, aux cheminées dressées vers la liberté des toits et du plein air, et flanquée d’une volée de marches que je monte une à une, lentement.
Mais… je ne me suis pas présenté : mon nom est Dunard, Michel Dunard. J’ai 10 ans et suis né d’un père Français et d’une mère romaine.
…
« Ce que je fais dans la vie ? En dehors des périodes scolaires, je suis détective privé. »
…
« Une plaque ? Non, mon activité est confidentielle. Même mes parents l’ignorent (sage pour son âge, il sait que les secrets se répandent plus vite que la poussière dans le vent). Il faut dire qu’ils ne sont pas souvent présents. La gouvernante s’occupe de pourvoir à mes besoins. Sauf aujourd’hui… C’est son jour de relâche. »
Le ciel s’est soudainement couvert. Le tonnerre a grondé avec tant de force que les entrailles de la maison en ont frémi. Puis la pluie est tombée, en grosses larmes claquantes qui ont immédiatement redonné de la fraîcheur et de l’éclat à la ville. De lourdes gouttes s’abattent sur ma tête ; je les sens chacune séparément. Elles sont comme des notes de musique, des cordes que l’on aurait pincées une à une pour en tirer une mélodie enivrante. J’ai soudain perçu leur beauté et me suis demandé pourquoi je n’en avais pas pris conscience auparavant. Je me suis cependant dépêché de rentrer et précipité dans la salle de bains. Du dehors, me parvenant ténu, le brouhaha de la circulation enfle et diminue, ponctué de temps à autre par le hurlement assourdi d’une sirène. Les murs de la maison, faits de blocs de travertin, font presque entièrement disparaître les bruits de la ville.
* − Vx, région. (Provence). Travailler comme un satyre. Travailler dur, avec acharnement.***Quand je suis dans la salle de bains, je me mets à rêver. Je peux rester de longs moments immobile devant la psyché, envahi par des ondes de pensées fugitives.
Aujourd’hui, il est là le petit garçon que j’étais à cinq ans, marchant en équilibre sur le rebord de la baignoire, nu comme un ver, décidé à s’enfuir pour rejoindre une troupe de cascadeurs. Il ne sait pas exactement ce que sont des cascadeurs, ni où les trouver, mais c’est une idée qu’il doit suivre. La voltige, l’équilibre, c’est son rêve. Voilà pourquoi il s’exerce sur le bord de la baignoire. Il touche au but… et glisse, tombe la tête la première, perd connaissance quelques instants, revient à lui.
J’ai cligné des yeux, me suis passé la tête sous l’eau pour effacer ce moment, et les images se sont dispersées. Je me souviens. Papa m’a dit un jour en constatant une de mes absences :
— Elle est sournoise la guerre que nous livre le passé. Il n’a de cesse qu’il ne t’ait attiré dans ses pièges…
Après un instant de silence, il a ajouté en riant :
— C’est à n’en pas douter un spécialiste de la prise d’otage.
Bien plus tard, je me suis dit que le parachutisme serait probablement plus approprié. Depuis, je n’ai eu de cesse d’importuner mes parents… enfin… quand ils sont là. Ils ont fini par consentir, « malgré mon jeune âge » m’ont-ils dit. C’est pourquoi je monte sans tarder au grenier pour parfaire mon entraînement.
[À mis pente, je réalise que j’ai oublié mon calepin à l’école. Cela m’agace immensément tout à coup, car c’est celui sur lequel je note tout ce qui concerne le parachutisme, les résultats des compétitions, mes progrès supposés, et bien d’autres choses encore. Je suis irrité d’être aussi tête en l’air. Partout où je passe, je sème. Je ne compte plus le nombre de stylos, carnets, écharpes, paquets de biscuits – et même, une fois, le cadeau destiné à mon amoureuse –, égarés ici ou là. J’ai une relation aux objets plutôt brouillonne… éparpillée en quelque sorte, et ils me le rendent bien. Dans la tête aussi, j’ai un chœur intérieur. Il y règne une véritable cacophonie. Chaque voix prétend être moi ; à la vérité, elles sont sœurs, mais question caractère elles n’ont rien en commun. Celle qui prend le pouvoir est, la plupart du temps, la plus colérique. Il existe une telle discorde quand elles se mettent à piailler en même temps que seule la voix la plus atrabilaire parvient à les maîtriser.
Alors que je pose le pied sur l’ombre de la dernière marche, je perçois au travers du puits de jour la lumière fragile du dehors et un brouillon de pensée m’effleure. Dès que je rentre dans mes univers intérieurs je m’y perds. Mais j’aime laisser libre cours à ma fantaisie, « fictionner », créer des personnages, les zigouiller, influer sur leur devenir et savoir que, même si ce n’est que dans ma tête, je peux le refaire quand bon me semble. Parfois, lorsque j’évoque mes délires, on me regarde comme un phénomène. Je lis dans les yeux de mes auditeurs comme une envie mêlée d’effroi, un peu comme s'ils percevaient ceux qui sont en moi. Mais la plupart du temps, je préfère les enfouir. Parfois, même mes parents me regardent d’une manière étrange. J’ai surpris entre eux certains conciliabules qui laissent à penser que je suis… comment dire ? Un peu en dehors de la normalité. Papa m'a dit un jour : « l'anxiété est le fondement de l'existence humaine ». Je ne sais s'il parlait de moi ou si sa réflexion se voulait plus générale. Cependant, je ne m’en soucie pas. La perte de mon carnet est une chose bien plus importante car je ne sais pas ce que je pense tant que je ne l’ai pas écrit.
***
— « Vas-y, qu’est-ce que tu attends ? » me dit Miss Impatience.
— « Laissez-le. Tu vois bien qu’il est en pleine phase introspective » lui rétorque Miss Indulgence. « Ce qu’il lui faudrait à cet enfant, c’est une mère. »
— « Tu parles ! Toujours absente. » ajoute Miss Sarcasmes.
— Allez ! Ouste, du balai. Fichez-moi la paix. J’ai besoin…
Soudain, un cri interrompt Miss Colère et me fige avant que les coups portés contre une cloison ne se fassent entendre. Puis, c’est le choc sourd contre la porte du grenier, suivi de ce qui m’a semblé être un gémissement. Je reste là, en haut des marches, interdit et dans l’expectative. Inquiet aussi. J’entends des bruits de pas précipités et des chuchotis. C’est d’autant plus curieux que le grenier est mon domaine. Je suis le seul à en posséder la clef. Il est certes accessible par les toits puisqu’ouvert à la manière des soleilhous, cependant, jusqu’à ce jour, personne ne c’est risqué à y pénétrer par ce moyen.
Je m’approche de la porte et y colle mon oreille. Rien. C’est la sonnerie du téléphone qui me fait sursauter.
— Zut ! Le téléphone est en bas.
— Alors, tu vas répondre ?
Comme si les escaliers étaient minés, je suis descendu sur la pointe des pieds, me suis dirigé vers l’appareil qui fait toujours entendre sa sonnerie impatiente et aigrelette ; j’ai saisi le bigophone et entendu en fond sonore un morceau de jazz. Amateur, j’ai tout de suite pensé à Gil Evans et Miles Devis. Du jazz West Coast en tout cas.
— Michel Dunard ? fit soudain une voix aussi acide que la sonnerie.
— …
— Pas de commentaires, s’il vous plaît. Vous n’allez pas dans le grenier et laissez tout en l’état. Nous reviendrons faire le ménage dans 2 jours. Inutile d’avertir les carabiniers.
— …
Un clic caractéristique se fait entendre. Après un temps d’hésitation, je raccroche et ne puis m’empêcher d’aller pointer mon nez au grenier, même si j’ai peur, même si je me doute que ce n’est pas bon pour ma santé. Mais, que puis-je faire d’autre ? J’introduis la clef dans la serrure, la tourne et exerce la poussée normalement destinée à ouvrir la porte, sauf que celle-ci est bloquée. Perplexe, j’éprouve comme un curieux sentiment de dédoublement. Tout se fige ; les gestes, les pensées, les bruits me parvenant de la ville. Les secondes deviennent lentes, le temps pâteux. Seules mes voix se manifestent en un curieux ralenti :
— … Pouuusseeee pluuus fooort !
— … Iiiil n’aaaa queeee diix aanns.
***
Ce matin, en me réveillant, il fait sombre dans la chambre, comme si le soleil avait décidé de ne pas se lever. Je me traîne à poil jusqu’à la fenêtre pour scruter l’état du ciel. La ville est étrangement silencieuse. Une jeune femme aux longs cheveux noirs attachés en queue de cheval, les fesses moulées dans un minuscule short en toile, me tourne le dos, immobile. Je l’apostrophe :
— Hey ! Perché è cittadina così tranquilla?
Elle se retourne et son regard amusé s’attarde sur le gamin que je suis et sa minuscule érection. Elle rit et me dit :
— Non lo so. Lei finirà per svegliarsi... Come te. Ma è un po presto, non si può trovare ? *
Je m’enveloppe dans les rideaux, davantage par réflexe que par pudeur. Elle sourit et s’en va. Ensuite, avec le Polaroid offert par mon père pour mon dernier anniversaire, je passe une partie de la matinée à photographier dans le grenier tout ce qui peut sembler utile. Je dois faire vite à cause de l’odeur et parce que la gouvernante arrive à dix heures avec les journaux. Il faut que je lise les faits divers. Il sont à l’enquêteur ce que le poulailler est au renard et il me reste deux jours pour mener à bien mes recherches. Après, il faudra que j’informe la police. Par chance, mes parents reviennent dans une semaine et la gouvernante ne monte jamais fourrer son nez dans mes petites affaires.
Hier, j’ai réussi, au prix de gros efforts et à l’aide d’un levier récupéré à la cave, à entrouvrir la porte, un espace juste suffisant pour me permettre d’entrer. L’odeur qui se dégageait du corps affalé sur le sol m’a fait penser à une armagnacolepsie (papa est un grand amateur d’Armagnac). Le bonhomme avait une tronche de masque de cire, les paupières entrouvertes, les pupilles dilatées et fouettait salement de la carafe. Les coupures sur son crâne agrémentaient harmonieusement la raie mauve fluo d’iroquois qui le faisait ressembler à un coq. Question fringues, cuir, clous et les inévitables grolles montantes aux embouts ferraillés. En guise de présentation, il a émis une série de pets, signe du relâchement du corps et d’une mort récente. Inutile de consulter mon manuel de thanatologie pour m’en assurer. Il avait aussi pissé et chié sur lui et, l’odeur de merde mêlée à celle de l’Armagnac m’a laissé à penser que ce n’était pas du 12 ans d’âge en carafe prestige. Pas top comme idée cadeau. Il devait traîner pas mal de casseroles pour finir comme ça. En tout cas, il n’aurait pas besoin d’un thanatopracteur pour procéder à son embaumement. Deux jours à cohabiter avec un tel énergumène me semblaient au-dessus de mes forces. Ce n’est rien quand on est mort, mais long quand il s’agit de partager le même domicile.
* Je ne sais pas. Elle va bien finir par se réveiller… Comme vous. Mais il est un peu tôt, vous ne trouvez pas ?
Invité- Invité
Re: Cadavre exquis
Bon, je suis encore dubitative sur la maturité excessive du gamin, sinon ça suit toujours. On a maintenant le cadavre, what next?
Trois remarques :
-j'aime bien et préfère les passages en italique.
-concernant les passages en italien, si je peux me permettre :
— Hey ! Perché è la cittadina così tranquilla?
— Non lo so. Finirà per svegliarsi... Come te. Ma è un po presto, non trovi? ( à cause du "Come te" qui précède, "trovi" étant la conjugaison de la 2ème personne du singulier, alors que "non si può trovare" est une tournure passive correspondant au "on" français. En revanche, si l'on veut utiliser le "vous" de politesse, on dira : "Come lei" et "non trova". Désolée si j'enfonce le clou grammatical.
-"puisqu’ouvert à la manière des soleilhous, cependant, jusqu’à ce jour, personne ne c’est risqué à y pénétrer par ce moyen". ( "soleilhou" ou "soleillou" ? Et "personne ne s'est risqué").
Trois remarques :
-j'aime bien et préfère les passages en italique.
-concernant les passages en italien, si je peux me permettre :
— Hey ! Perché è la cittadina così tranquilla?
— Non lo so. Finirà per svegliarsi... Come te. Ma è un po presto, non trovi? ( à cause du "Come te" qui précède, "trovi" étant la conjugaison de la 2ème personne du singulier, alors que "non si può trovare" est une tournure passive correspondant au "on" français. En revanche, si l'on veut utiliser le "vous" de politesse, on dira : "Come lei" et "non trova". Désolée si j'enfonce le clou grammatical.
-"puisqu’ouvert à la manière des soleilhous, cependant, jusqu’à ce jour, personne ne c’est risqué à y pénétrer par ce moyen". ( "soleilhou" ou "soleillou" ? Et "personne ne s'est risqué").
Invité- Invité
Re: Cadavre exquis
D’accord sur l’âge. 10 ans c’est trop jeune. Je change la règle : disons 13/14. C’est bien la fiction, on peut vieillir d’un coup. :-)))
Soleilhou est la bonne orthographe. On trouve ce type de grenier dans le Lot et aux environs.
OK pour l'italien. Je corrige. Je vais me plaindre à Google.
« Et “personne ne s’est risqué” : '(c'est) récurrent chez moi.
« — j’aime bien et préfère les passages en italique. » : je vais tout écrire en italique. :-))
Merci
Soleilhou est la bonne orthographe. On trouve ce type de grenier dans le Lot et aux environs.
OK pour l'italien. Je corrige. Je vais me plaindre à Google.
« Et “personne ne s’est risqué” : '(c'est) récurrent chez moi.
« — j’aime bien et préfère les passages en italique. » : je vais tout écrire en italique. :-))
Merci
Invité- Invité
Re: Cadavre exquis
Merci à toi luluberlu pour "soleilhou", je ne connaissais pas ce terme et viens en fait d'en trouver une définition sur internet.
Pour l'italique, oui, ça va de soi, dans le présent contexte :-)
Pour l'italique, oui, ça va de soi, dans le présent contexte :-)
Invité- Invité
Re: Cadavre exquis
Un enfant détective, pourquoi pas ? C'est original.
L'enfant, enquêteur romain, n'aime guère s'acharner, comme un « satyre », lorsqu'il s'agit de résoudre des problèmes mathématiques, il préfère résoudre d'autres sortes de problèmes. Les fuites de tuyauteries l'ennuient, mais la résolution des énigmes criminelles le passionne.
« Détective privé », ainsi qu'il se présente, il ne l'est pas par vocation, mais le devient à la faveur des circonstances. Ses rêves le dirigent plutôt vers la pratique du saut dans le vide, « La voltige, l’équilibre, c’est son rêve », vers le "parachutisme". La chute, mais la chute maîtrisée, contrôlée, l'attire. Comment affronter le vide ? Comment le traverser sans mal ? C'est plutôt à ces questions qu'il veut apporter réponse.
Dans sa salle de bain, comme dans les cours de math, les robinets qui coulent et qui fuient le repoussent, de même que l'eau, dans laquelle il ne souhaite pas plonger ; il cherche plutôt l'équilibre entre le vide et l'eau.
L'eau qui coule, ou l'eau qui tombe, est triste. Ainsi l'eau qui tombe en pluie est un pleur, « la pluie est tombée, en grosses larmes claquantes », même s'il découvre subitement la mélodie de la pluie, la beauté des gouttes semblables à des notes de musique lorsqu'elles frappent la tête, comme si elles frappaient les touches d'un piano.
Difficile équilibre donc celui que l'enfant cherche à trouver : avancer sans chuter entre les larmes et le vide. Vide que laisse probablement l'absence des parents, « Il faut dire qu’ils ne sont pas souvent présents ».
Il lui faut se construire, construire son identité, malgré le vide, malgré l'absence.
Il lui faut grandir, voler de ses propres ailes, et ne pas rester prisonnier du passé, de l'enfance, dans les « pièges » du passé comme dit le père, dans ses filets. S'ouvrir au présent et à l'avenir suppose qu'on se libère de ce passé, qu'on lutte contre lui qui nous fait « la guerre ». Le passé cherche à tuer le présent, le passé ne veut pas passer. Toujours selon les mots du père, le passé est un « preneur d'otage ». Il ne libère ce qu'il retient, qu'à la condition d'en payer le prix.
La prise d'otage, par ailleurs, appartient à la catégorie des crimes et des délits, et son auteur doit être trouvé et condamné. Voilà qui incite encore l'enfant à mener l'enquête, à se faire détective, pour trouver quel est ce passé qui empêche de grandir.
Détective il sera, et ses enquêtes le mettront dans un même temps en quête de lui-même, de son identité.
Celle-ci lui fait pour l'instant problème.
Il se vit, en effet, non dans l'unité d'une personne, mais dans la pluralité : « Dans la tête aussi, j’ai un chœur intérieur. Il y règne une véritable cacophonie. Chaque voix prétend être moi ; à la vérité, elles sont sœurs, mais question caractère elles n’ont rien en commun. » Quel est le moi authentique entre ces voix discordantes qui se partagent et se disputent sa vie intérieure ?
Une analogie est faite entre le rapport aux choses et le rapport à soi. Le rapport aux choses est de perte, d'égarement, d'oubli ; le rapport à soi est donc aussi de perte, l'enfant se sent perdu et égaré, il doit se trouver comme il doit retrouver les objets qu'il a perdus, ce qu'il reconnaît « Dès que je rentre dans mes univers intérieurs je m’y perds ».
La relation aux choses est qualifiée de « brouillonne », « éparpillée », il en est donc de même, en vertu de l'analogie effectuée, de la relation à soi, « brouillonne » sans clarté, sans netteté, sans déterminations précises, simple esquisse d'un Moi encore à conquérir et à parfaire ; « éparpillée », dispersée entre des forces internes et des identifications multiples et antagonistes. Son univers intérieur, désigné au pluriel, « mes univers intérieurs », renforce l'idée de dispersion et de division intérieure, d'une identité en quête d'unité.
Ainsi il aime créer des personnages, dont il maîtrise le destin et le devenir, quand sa propre personne en devenir, il ne s'en éprouve pas le maître. Son manque de maîtrise de soi est compensé par la maîtrise des personnages fictifs de son invention. A travers la fiction, il s'exerce à l'invention de soi et au contrôle sur soi.
Un dialogue est rapporté qui illustre la dispersion intérieure et les conflits internes. Chaque voix est personnifiée : « Miss impatience », « Miss indulgence », « Miss sarcasmes ». Chacune indique qui il faut être, ramené à ce qu'il faut faire. Chacune, dans cette tête masculine, est une personne au féminin. L'une de ces voix féminines, qui sont aussi des voies à suivre, ne manque pas de signaler ce dont elles sont le substitut, mais insuffisant : la voix de la mère, « Ce qu’il lui faudrait à cet enfant, c’est une mère. » Le rôle de la mère dans la construction de soi fait défaut.
C'est au grenier, lieu étonnant, que l'enfant s'exerce au parachutisme. Le grenier est tout en haut de la maison, il faut bien se placer sur les hauteurs pour apprendre à sauter.
Mais en ce lieu le plus élevé de la maison, lieu le plus intime, lieu fermé aux autres, « le grenier est mon domaine. Je suis le seul à en posséder la clef », point d'apprentissage pour parer les chutes, et grandir, là un meurtre est commis. La mort n'est pas seulement en bas, quand le saut est raté, quand le contact avec la réalité du sol est brutal, il est aussi en haut, au point de départ du saut. Le para- chute doit être aussi para-mort.
Quelqu'un est mort là-haut. Un inconnu.
Ce n'est pas un drame, juste un mystère, une énigme à résoudre.
Pas de panique chez l'enfant, qui pourtant vit seul ( ses parents sont encore absents pour la semaine ). Bien sûr, il a peur, mais ses craintes sont mises à distance, intellectualisées, « même si j’ai peur, même si je me doute que ce n’est pas bon pour ma santé. »
Le lendemain de l'événement mystérieux survenu au grenier, il se lève sans angoisse, sans avoir fait de cauchemars pendant la nuit. D'humeur badine, il apostrophe même une jeune femme dans la rue.
L'enquête est menée avec une froideur clinique, sans émotion, sans tremblements, avec sang-froid ; il procède comme un détective chevronné, qui en a vu d'autres, et que la mort ne perturbe pas.
La suite nous dira ce qu'il en est vraiment.
Un récit bien engagé, qui mêle à l'action des moments réflexifs et poétiques, et dont on aimerait connaître la suite.
L'enfant, enquêteur romain, n'aime guère s'acharner, comme un « satyre », lorsqu'il s'agit de résoudre des problèmes mathématiques, il préfère résoudre d'autres sortes de problèmes. Les fuites de tuyauteries l'ennuient, mais la résolution des énigmes criminelles le passionne.
« Détective privé », ainsi qu'il se présente, il ne l'est pas par vocation, mais le devient à la faveur des circonstances. Ses rêves le dirigent plutôt vers la pratique du saut dans le vide, « La voltige, l’équilibre, c’est son rêve », vers le "parachutisme". La chute, mais la chute maîtrisée, contrôlée, l'attire. Comment affronter le vide ? Comment le traverser sans mal ? C'est plutôt à ces questions qu'il veut apporter réponse.
Dans sa salle de bain, comme dans les cours de math, les robinets qui coulent et qui fuient le repoussent, de même que l'eau, dans laquelle il ne souhaite pas plonger ; il cherche plutôt l'équilibre entre le vide et l'eau.
L'eau qui coule, ou l'eau qui tombe, est triste. Ainsi l'eau qui tombe en pluie est un pleur, « la pluie est tombée, en grosses larmes claquantes », même s'il découvre subitement la mélodie de la pluie, la beauté des gouttes semblables à des notes de musique lorsqu'elles frappent la tête, comme si elles frappaient les touches d'un piano.
Difficile équilibre donc celui que l'enfant cherche à trouver : avancer sans chuter entre les larmes et le vide. Vide que laisse probablement l'absence des parents, « Il faut dire qu’ils ne sont pas souvent présents ».
Il lui faut se construire, construire son identité, malgré le vide, malgré l'absence.
Il lui faut grandir, voler de ses propres ailes, et ne pas rester prisonnier du passé, de l'enfance, dans les « pièges » du passé comme dit le père, dans ses filets. S'ouvrir au présent et à l'avenir suppose qu'on se libère de ce passé, qu'on lutte contre lui qui nous fait « la guerre ». Le passé cherche à tuer le présent, le passé ne veut pas passer. Toujours selon les mots du père, le passé est un « preneur d'otage ». Il ne libère ce qu'il retient, qu'à la condition d'en payer le prix.
La prise d'otage, par ailleurs, appartient à la catégorie des crimes et des délits, et son auteur doit être trouvé et condamné. Voilà qui incite encore l'enfant à mener l'enquête, à se faire détective, pour trouver quel est ce passé qui empêche de grandir.
Détective il sera, et ses enquêtes le mettront dans un même temps en quête de lui-même, de son identité.
Celle-ci lui fait pour l'instant problème.
Il se vit, en effet, non dans l'unité d'une personne, mais dans la pluralité : « Dans la tête aussi, j’ai un chœur intérieur. Il y règne une véritable cacophonie. Chaque voix prétend être moi ; à la vérité, elles sont sœurs, mais question caractère elles n’ont rien en commun. » Quel est le moi authentique entre ces voix discordantes qui se partagent et se disputent sa vie intérieure ?
Une analogie est faite entre le rapport aux choses et le rapport à soi. Le rapport aux choses est de perte, d'égarement, d'oubli ; le rapport à soi est donc aussi de perte, l'enfant se sent perdu et égaré, il doit se trouver comme il doit retrouver les objets qu'il a perdus, ce qu'il reconnaît « Dès que je rentre dans mes univers intérieurs je m’y perds ».
La relation aux choses est qualifiée de « brouillonne », « éparpillée », il en est donc de même, en vertu de l'analogie effectuée, de la relation à soi, « brouillonne » sans clarté, sans netteté, sans déterminations précises, simple esquisse d'un Moi encore à conquérir et à parfaire ; « éparpillée », dispersée entre des forces internes et des identifications multiples et antagonistes. Son univers intérieur, désigné au pluriel, « mes univers intérieurs », renforce l'idée de dispersion et de division intérieure, d'une identité en quête d'unité.
Ainsi il aime créer des personnages, dont il maîtrise le destin et le devenir, quand sa propre personne en devenir, il ne s'en éprouve pas le maître. Son manque de maîtrise de soi est compensé par la maîtrise des personnages fictifs de son invention. A travers la fiction, il s'exerce à l'invention de soi et au contrôle sur soi.
Un dialogue est rapporté qui illustre la dispersion intérieure et les conflits internes. Chaque voix est personnifiée : « Miss impatience », « Miss indulgence », « Miss sarcasmes ». Chacune indique qui il faut être, ramené à ce qu'il faut faire. Chacune, dans cette tête masculine, est une personne au féminin. L'une de ces voix féminines, qui sont aussi des voies à suivre, ne manque pas de signaler ce dont elles sont le substitut, mais insuffisant : la voix de la mère, « Ce qu’il lui faudrait à cet enfant, c’est une mère. » Le rôle de la mère dans la construction de soi fait défaut.
C'est au grenier, lieu étonnant, que l'enfant s'exerce au parachutisme. Le grenier est tout en haut de la maison, il faut bien se placer sur les hauteurs pour apprendre à sauter.
Mais en ce lieu le plus élevé de la maison, lieu le plus intime, lieu fermé aux autres, « le grenier est mon domaine. Je suis le seul à en posséder la clef », point d'apprentissage pour parer les chutes, et grandir, là un meurtre est commis. La mort n'est pas seulement en bas, quand le saut est raté, quand le contact avec la réalité du sol est brutal, il est aussi en haut, au point de départ du saut. Le para- chute doit être aussi para-mort.
Quelqu'un est mort là-haut. Un inconnu.
Ce n'est pas un drame, juste un mystère, une énigme à résoudre.
Pas de panique chez l'enfant, qui pourtant vit seul ( ses parents sont encore absents pour la semaine ). Bien sûr, il a peur, mais ses craintes sont mises à distance, intellectualisées, « même si j’ai peur, même si je me doute que ce n’est pas bon pour ma santé. »
Le lendemain de l'événement mystérieux survenu au grenier, il se lève sans angoisse, sans avoir fait de cauchemars pendant la nuit. D'humeur badine, il apostrophe même une jeune femme dans la rue.
L'enquête est menée avec une froideur clinique, sans émotion, sans tremblements, avec sang-froid ; il procède comme un détective chevronné, qui en a vu d'autres, et que la mort ne perturbe pas.
La suite nous dira ce qu'il en est vraiment.
Un récit bien engagé, qui mêle à l'action des moments réflexifs et poétiques, et dont on aimerait connaître la suite.
Louis- Nombre de messages : 458
Age : 69
Date d'inscription : 28/10/2009
Re: Cadavre exquis
Peu vraisemblables les reflexions du narrateur censé être petit garçon ou ado précoce car sa connaissance du jazz et ses remarques en thanatompraxis relèvent du narrateur-auteur les deux points de vue se chevauchent et ne permettent pas de construire le héros bien que personnage
inutile, à mon avis, la scène avec la ragazza effet de réalité pour justifier le lieu ou info sur sa puberté? On attend de savoir si ce passage sera motivé dans le récit suspense ...what else?
inutile, à mon avis, la scène avec la ragazza effet de réalité pour justifier le lieu ou info sur sa puberté? On attend de savoir si ce passage sera motivé dans le récit suspense ...what else?
amarilys- Nombre de messages : 6
Age : 76
Date d'inscription : 05/07/2013
Re: Cadavre exquis
C'est pourquoi l'âge du narrateur a changé : 14 ans devrait convenir.amarilys a écrit:Peu vraisemblables les reflexions du narrateur censé être petit garçon ou ado précoce car sa connaissance du jazz et ses remarques en thanatompraxis relèvent du narrateur-auteur les deux points de vue se chevauchent et ne permettent pas de construire le héros bien que personnage
inutile, à mon avis, la scène avec la ragazza effet de réalité pour justifier le lieu ou info sur sa puberté? On attend de savoir si ce passage sera motivé dans le récit suspense ...what else?
Invité- Invité
Re: Cadavre exquis
- Spoiler:
- J'ai besoin pour continuer à écrire le texte qui suit de vos aiguillons, sinon je n'avance pas (fainéant de la plume je suis). Vous pouvez influer sur la suite du texte par vos suggestions. Voici le sujet :
Le récit se passe à Rome dans les années 50. Le personnage principal est âgé de 14 ans (âge modifié), il se nomme Michel Dunard, son activité principale : détective privé. Il faut savoir que ce personnage est colérique et que son passe-temps favori est le parachutisme. Le thème principal de cette histoire est : le cadavre d’un inconnu git dans son appartement.
Le début du texte :Je regagne mon domicile – ou plutôt celui de mes parents – après une journée harassante en longeant le Circus Maximus.
Houspillé par mon professeur de mathématiques, j’ai pété les plombs ; encore un problème de tuyauteries ! Décidément, le courant ne passe pas.
— Les robinets continueront à fuir sans moi : vous n’avez plus qu’à appeler le plombier.
Un silence tendu a suspendu la classe ; l’air ambiant était chargé d’électricité. D’un geste de tribun, il m’a montré la porte.
— Pas question de travailler comme un satyre*, lui ai-je dit en sortant.
Aujourd’hui, pas de couronne de laurier, de pompa circencis ni de musique stridente de flûtes et de tambourins. Seuls m’accompagnent le vrombissement incessant des moteurs et le son stridulant des klaxons. Un marchand de saucisses grillées force le passage en gueulant sa cantilène à tue-tête ; Rome a toujours été une ville bruyante.
Sur mon chemin, un cadran solaire battu par le vent, une rangée d’urnes dressées sur leurs socles, deux statues de marbre se faisant face par dessus la via del Circo Massimo. Devant l’entrée du bâtiment de la Polizia municipale, deux plantons à l’allure débonnaire somnolent. Je longe prestement le forum Boarium – l’ancien marché aux bœufs –, laisse sur ma droite le temple périptère d’Hercule Victor et traverse le ponte Palatino pour gagner le Trastevere, passe devant la basilique Santa Maria quand retentit le coup de canon qui donne le signal aux cloches des églises de sorte qu’elles ne sonnent pas chacune à des moments différents.
Me voici arrivé. J’habite une maison sise près de San Pietro in Montorio, aux cheminées dressées vers la liberté des toits et du plein air, et flanquée d’une volée de marches que je monte une à une, lentement.
Mais… je ne me suis pas présenté : mon nom est Dunard, Michel Dunard. J’ai 14 ans et suis né d’un père Français et d’une mère romaine.
…
« Ce que je fais dans la vie ? En dehors des périodes scolaires, je suis détective privé. »
…
« Une plaque ? Non, mon activité est confidentielle. Même mes parents l’ignorent (sage pour son âge, il sait que les secrets se répandent plus vite que la poussière dans le vent). Il faut dire qu’ils ne sont pas souvent présents. La gouvernante s’occupe de pourvoir à mes besoins. Sauf aujourd’hui… C’est son jour de relâche. »
Le ciel s’est soudainement couvert. Le tonnerre a grondé avec tant de force que les entrailles de la maison en ont frémi. Puis la pluie est tombée, en grosses larmes claquantes qui ont immédiatement redonné de la fraîcheur et de l’éclat à la ville. De lourdes gouttes s’abattent sur ma tête ; je les sens chacune séparément. Elles sont comme des notes de musique, des cordes que l’on aurait pincées une à une pour en tirer une mélodie enivrante. J’ai soudain perçu leur beauté et me suis demandé pourquoi je n’en avais pas pris conscience auparavant. Je me suis cependant dépêché de rentrer et précipité dans la salle de bains. Du dehors, me parvenant ténu, le brouhaha de la circulation enfle et diminue, ponctué de temps à autre par le hurlement assourdi d’une sirène. Les murs de la maison, faits de blocs de travertin, font presque entièrement disparaître les bruits de la ville.
* − Vx, région. (Provence). Travailler comme un satyre. Travailler dur, avec acharnement.***Quand je suis dans la salle de bains, je me mets à rêver. Je peux rester de longs moments immobile devant la psyché, envahi par des ondes de pensées fugitives.
Aujourd’hui, il est là le petit garçon que j’étais à cinq ans, marchant en équilibre sur le rebord de la baignoire, nu comme un ver, décidé à s’enfuir pour rejoindre une troupe de cascadeurs. Il ne sait pas exactement ce que sont des cascadeurs, ni où les trouver, mais c’est une idée qu’il doit suivre. La voltige, l’équilibre, c’est son rêve. Voilà pourquoi il s’exerce sur le bord de la baignoire. Il touche au but… et glisse, tombe la tête la première, perd connaissance quelques instants, revient à lui.
J’ai cligné des yeux, me suis passé la tête sous l’eau pour effacer ce moment, et les images se sont dispersées. Je me souviens. Papa m’a dit un jour en constatant une de mes absences :
— Elle est sournoise la guerre que nous livre le passé. Il n’a de cesse qu’il ne t’ait attiré dans ses pièges…
Après un instant de silence, il a ajouté en riant :
— C’est à n’en pas douter un spécialiste de la prise d’otage.
Bien plus tard, je me suis dit que le parachutisme serait probablement plus approprié. Depuis, je n’ai eu de cesse d’importuner mes parents… enfin… quand ils sont là. Ils ont fini par consentir, « malgré mon jeune âge » m’ont-ils dit. C’est pourquoi je monte sans tarder au grenier pour parfaire mon entraînement.
À mi-pente, je réalise que j’ai oublié mon calepin à l’école. Cela m’agace immensément tout à coup, car c’est celui sur lequel je note tout ce qui concerne le parachutisme, les résultats des compétitions, mes progrès supposés, et bien d’autres choses encore. Je suis irrité d’être aussi tête en l’air. Partout où je passe, je sème. Je ne compte plus le nombre de stylos, carnets, écharpes, paquets de biscuits – et même, une fois, le cadeau destiné à mon amoureuse –, égarés ici ou là. J’ai une relation aux objets plutôt brouillonne… éparpillée en quelque sorte, et ils me le rendent bien. Dans la tête aussi, j’ai un chœur intérieur. Il y règne une véritable cacophonie. Chaque voix prétend être moi ; à la vérité, elles sont sœurs, mais question caractère elles n’ont rien en commun. Celle qui prend le pouvoir est, la plupart du temps, la plus colérique. Il existe une telle discorde quand elles se mettent à piailler en même temps que seule la voix la plus atrabilaire parvient à les maîtriser.
Alors que je pose le pied sur l’ombre de la dernière marche, je perçois au travers du puits de jour la lumière fragile du dehors et un brouillon de pensée m’effleure. Dès que je rentre dans mes univers intérieurs je m’y perds. Mais j’aime laisser libre cours à ma fantaisie, « fictionner », créer des personnages, les zigouiller, influer sur leur devenir et savoir que, même si ce n’est que dans ma tête, je peux le refaire quand bon me semble. Parfois, lorsque j’évoque mes délires, on me regarde comme un phénomène. Je lis dans les yeux de mes auditeurs comme une envie mêlée d’effroi, un peu comme s'ils percevaient ceux qui sont en moi. Mais la plupart du temps, je préfère les enfouir. Parfois, même mes parents me regardent d’une manière étrange. J’ai surpris entre eux certains conciliabules qui laissent à penser que je suis… comment dire ? Un peu en dehors de la normalité. Papa m'a dit un jour : « l'anxiété est le fondement de l'existence humaine ». Je ne sais s'il parlait de moi ou si sa réflexion se voulait plus générale. Cependant, je ne m’en soucie pas. La perte de mon carnet est une chose bien plus importante car je ne sais pas ce que je pense tant que je ne l’ai pas écrit.***
— Vas-y, qu’est-ce que tu attends ? me dit Miss Impatience.
— Laissez-le. Tu vois bien qu’il est en pleine phase introspective, lui rétorque Miss Indulgence. Ce qu’il lui faudrait à cet enfant, c’est une mère.
— Tu parles ! Toujours absente, ajoute Miss Sarcasmes.
— Allez ! Ouste, du balai. Fichez-moi la paix. J’ai besoin…
Soudain, un cri interrompt Miss Colère et me fige avant que les coups portés contre une cloison ne se fassent entendre. Puis, c’est le choc sourd contre la porte du grenier, suivi de ce qui m’a semblé être un gémissement. Je reste là, en haut des marches, interdit et dans l’expectative. Inquiet aussi. J’entends des bruits de pas précipités et des chuchotis. C’est d’autant plus curieux que le grenier est mon domaine. Je suis le seul à en posséder la clef. Il est certes accessible par les toits puisqu’ouvert à la manière des soleilhous, cependant, jusqu’à ce jour, personne ne s’est risqué à y pénétrer par ce moyen.
Je m’approche de la porte et y colle mon oreille. Rien. C’est la sonnerie du téléphone qui me fait sursauter.
— Zut ! Le téléphone est en bas.
— Miss Impatience : « Alors, tu vas répondre ? »
Comme si les escaliers étaient minés, je suis descendu sur la pointe des pieds, me suis dirigé vers l’appareil qui fait toujours entendre sa sonnerie impatiente et aigrelette ; j’ai saisi le bigophone et entendu en fond sonore un morceau de jazz. Amateur, j’ai tout de suite pensé à Gil Evans et Miles Devis. Du jazz West Coast en tout cas.
— Michel Dunard ? fit soudain une voix aussi acide que la sonnerie.
— …
— Pas de commentaires, s’il vous plaît. Vous n’allez pas dans le grenier et laissez tout en l’état. Nous reviendrons faire le ménage dans 2 jours. Inutile d’avertir les carabiniers.
— …
Un clic caractéristique se fait entendre. Après un temps d’hésitation, je raccroche et ne puis m’empêcher d’aller pointer mon nez au grenier, même si j’ai peur, même si je me doute que ce n’est pas bon pour ma santé. Mais, que puis-je faire d’autre ? J’introduis la clef dans la serrure, la tourne et exerce la poussée normalement destinée à ouvrir la porte, sauf que celle-ci est bloquée. Perplexe, j’éprouve comme un curieux sentiment de dédoublement. Tout se fige ; les gestes, les pensées, les bruits me parvenant de la ville. Les secondes deviennent lentes, le temps pâteux. Seules mes voix se manifestent en un curieux ralenti :
— Miss Impatience : « Pouuusseeee pluuus fooort ! »
— Miss Indulgence : « Iiiil n’aaaa queeee quaatoorzaanns. »***
Ce matin, en me réveillant, il fait sombre dans la chambre, comme si le soleil avait décidé de ne pas se lever. Je me traîne à poil jusqu’à la fenêtre pour scruter l’état du ciel. La ville est étrangement silencieuse. Une jeune femme aux longs cheveux noirs attachés en queue de cheval, les fesses moulées dans un minuscule short en toile, me tourne le dos, immobile.
Je l’apostrophe :
— Hey ! Perché è la cittadina così tranquilla?
Elle se retourne et son regard amusé s’attarde sur le gamin que je suis et sa minuscule érection. Elle rit et me dit :
— Non lo so. Finirà per svegliarsi... Come te. Ma è un po presto, non trovi ? *
Je m’enveloppe dans les rideaux, davantage par réflexe que par pudeur. Elle sourit et s’en va. Ensuite, avec le Polaroid offert par mon père pour mon dernier anniversaire, je passe une partie de la matinée à photographier dans le grenier tout ce qui peut sembler utile. Je dois faire vite à cause de l’odeur et parce que la gouvernante arrive à dix heures avec les journaux. Il faut que je lise les faits divers. Ils sont à l’enquêteur ce que le nid des oiseaux est à la belette et il me reste deux jours pour mener à bien mes recherches. Après, il faudra que j’informe la police. Par chance, mes parents reviennent dans une semaine et la gouvernante ne monte jamais fourrer son nez dans mes petites affaires.
Hier, j’ai réussi, au prix de gros efforts et à l’aide d’un levier récupéré à la cave, à entrouvrir la porte, un espace juste suffisant pour me permettre d’entrer. L’odeur qui se dégageait du corps affalé sur le sol m’a fait penser à une armagnacolepsie (papa est un grand amateur d’Armagnac). Le bonhomme avait une tronche de masque de cire, les paupières entrouvertes, les pupilles dilatées et fouettait salement de la carafe. Les coupures sur son crâne agrémentaient harmonieusement la raie mauve fluo d’iroquois qui le faisait ressembler à un coq. Question fringues, cuir, clous et les inévitables grolles montantes aux embouts ferraillés. En guise de présentation, il a émis une série de pets, signe du relâchement du corps et d’une mort récente. Inutile de consulter mon manuel de thanatologie pour m’en assurer. Il avait aussi pissé et chié sur lui et, l’odeur de merde mêlée à celle de l’Armagnac m’a laissé à penser que ce n’était pas du 12 ans d’âge en carafe prestige. Pas top comme idée cadeau. Il devait traîner pas mal de casseroles pour finir comme ça. En tout cas, il n’aurait pas besoin d’un thanatopracteur pour procéder à son embaumement. Deux jours à cohabiter avec un tel énergumène me semblaient au-dessus de mes forces. Ce n’est rien quand on est mort, mais long quand il s’agit de partager le même domicile.
* Je ne sais pas. Elle va bien finir par se réveiller… Comme toi. Mais il est un peu tôt, tu ne trouves pas ?
Le nez dans le Corriere della Sera, entre un papier sur les juges et certains hommes politiques (Miss Sarcasmes : « ces cons de juges vont finir par foutre en l’air un gouvernement irréprochable. ») et un autre sur l’usage de la tapette à mouches (Miss Sarcasmes : « tapette ou répulsif : question d’éthique ? »), figure un article sur les méfaits connus et supposés des voyous :Le voyou est la plaie de Rome*
Plus de 30 000 délinquants contre 8 000 carabiniers, c’est la plaie de Rome. Nous démontrons plus loin que, depuis quelques années, les crimes de sang ont augmenté dans d’invraisemblables proportions. On évalue aujourd’hui à au moins 70 000 le nombre de rôdeurs — presque tous des jeunes gens de quinze à vingt ans — qui terrorisent la capitale. Et, en face de cette armée encouragée au mal par la faiblesse des lois répressives et l’indulgence inouïe des tribunaux, que voyons-nous ?... 8 000 carabiniers et un millier à peine d’inspecteurs pour les services dits de sûreté. Ces effectifs qui depuis quinze ans n’ont guère été modifiés sont absolument insuffisants pour une population qui atteint le chiffre énorme de 2 millions d’habitants.
Hier soir, le capitaine de brigade Martini interrogeait une bande de jeunes voyous qui, depuis quelque temps, ensanglantait Rome par ses rixes et ses déprédations et semait la terreur. Les carabiniers, enfin, dans un magistral coup de filet, avait réussi à prendre la plus grande partie de la bande, et les malandrins, au nombre d’une douzaine, avaient été amenés au poste où le « panier à salade » allait bientôt venir les prendre pour les mener au Dépôt. En attendant, les gredins subissaient un premier interrogatoire. Aux questions du capitaine, le chef de la bande, une jeune « Terreur » de dix-huit ans, répondait avec un cynisme et une arrogance extraordinaires. Il énumérait complaisamment ses hauts faits et ceux de ses compagnons, expliquait avec une sorte d’orgueil les moyens employés par lui et par ses acolytes pour dévaliser les magasins, surprendre les promeneurs attardés et les alléger de leur bourse ; les ruses de guerre, dont il usait contre une bande rivale avec laquelle lui et les siens étaient en lutte ouverte. Il faisait de ses exploits une description si pittoresque, empreinte d’une satisfaction si sauvage…
— Miss Curiosité : « C’est bien connu : si la perfection ennuie, l’inconnu excite. »
— Zut ! Tais-toi ! Le journaliste, c’est un ami de papa.
— Miss Impatience : « Alors ! Qu’est-ce que tu attends pour aller le voir ? C’est pas un carabinier. »
— Miss Raison : « Il pourrait t’aider ? Un conseil n’est jamais superflu. En plus, il doit savoir des choses qui ne sont pas dans le journal. »
Quand je cède à l’angoisse, je ne sais plus ce qu’il convient de faire ou dire. J’ai peur du jugement des autres et essaie de ne rien laisser paraître ; et quand je veux me présenter à quelqu’un, qu’elle qu’en soit la raison – besoin, désir de connaître –, mes folles prennent le dessus, je raconte n’importe quoi, débite des absurdités et j’ai du mal à supporter d’être là et qui je suis. Mais aujourd’hui, je les trouve plus raisonnables qu’à l’accoutumée.
* Inspiré du « Petit journal illustré » de 1907***J’ai erré longtemps avant de trouver les bureaux du journal. J’espère que le journaliste aura eu la gentillesse de m’attendre. J’ai bien téléphoné avant de partir ; il m’a indiqué le chemin à suivre et je l’ai noté, mais le sens de l’orientation m’est totalement étranger, au moins autant que de formuler une pensée cohérente avant de l’avoir écrite. Je m’égare dans la ville comme je me perds dans la vie. Je ne saurais même pas esquisser le plan de mon parcours parce qu’à chaque coin de rue j’ai l’impression de sortir d’une couleur pour entrer dans une autre.
Elles seules me permettent d’identifier et de m’approprier un lieu. Petit, j’aimais déjà jouer avec. Plus tard, et encore maintenant, j’ai systématiquement attribué une teinte à un quartier ou une couleur à un édifice. La maison du Trastevere est blanche parce qu’elle mélange la lumière de tous mes souvenirs.
— Miss Curiosité : « le blanc, une couleur ? »
— Pfffff ! Tu m’agaces. Je sais que le blanc n’est pas une couleur.
L’église où parfois – quand mes parents sont là – on se rend à la messe (ma mère y tient) est jaune comme l’or qui pare ses mosaïques.
— Miss Sarcasmes : « et l’école ? »
J’ai éclaté de rire. Les passants m’ont dévisagé avec curiosité, mais j’ai l’habitude. J’ai tendance à penser que les lieux ont une coloration qui leur est propre ; aussi, sans cligner des yeux, me suis-je concentré face à l’immeuble abritant le journal, jusqu’à ce qu’ils se brouillent de larmes. N’obtenant aucun résultat, ma curiosité s’est muée peu à peu en colère.
— Miss Raison : « calme-toi, c’est le brouillard ! Tu es ici pour chercher de l’aide. »
Tous les Romains le savent, les jours de brouillard la ville elle-même oublie de quelle couleur elle est. Instantanément apaisé, j’ai traversé la rue et pénétré dans l’immeuble.
Invité- Invité
Re: Cadavre exquis
Beaucoup aimé ce passage - mon préféré jusqu'à présent -, avec les Miss(es) de concert et l'idée des couleurs comme repères/aides topographiques.
Invité- Invité
Re: Cadavre exquis
- Spoiler:
- Le récit se passe à Rome dans les années 50. Le personnage principal est âgé de 14 ans, il se nomme Michel Dunard, son activité principale : détective privé. Il faut savoir que ce personnage est colérique et que son passe-temps favori est le parachutisme. Le thème principal de cette histoire est : le cadavre d’un inconnu git dans son appartement.
Le récit :Je regagne mon domicile – ou plutôt celui de mes parents – après une journée harassante en longeant le Circus Maximus.
Houspillé par mon professeur de mathématiques, j’ai pété les plombs ; encore un problème de tuyauteries ! Décidément, le courant ne passe pas.
— Les robinets continueront à fuir sans moi : vous n’avez plus qu’à appeler le plombier.
Un silence tendu a suspendu la classe ; l’air ambiant était chargé d’électricité. D’un geste de tribun, il m’a montré la porte.
— Pas question de travailler comme un satyre*, lui ai-je dit en sortant.
Aujourd’hui, pas de couronne de laurier, de pompa circencis ni de musique stridente de flûtes et de tambourins. Seuls m’accompagnent le vrombissement incessant des moteurs et le son stridulant des klaxons. Un marchand de saucisses grillées force le passage en gueulant sa cantilène à tue-tête ; Rome a toujours été une ville bruyante.
Sur mon chemin, un cadran solaire battu par le vent, une rangée d’urnes dressées sur leurs socles, deux statues de marbre se faisant face par dessus la via del Circo Massimo. Devant l’entrée du bâtiment de la Polizia municipale, deux plantons à l’allure débonnaire somnolent. Je longe prestement le forum Boarium – l’ancien marché aux bœufs –, laisse sur ma droite le temple périptère d’Hercule Victor et traverse le ponte Palatino pour gagner le Trastevere, passe devant la basilique Santa Maria quand retentit le coup de canon qui donne le signal aux cloches des églises de sorte qu’elles ne sonnent pas chacune à des moments différents.
Me voici arrivé. J’habite une maison sise près de San Pietro in Montorio, aux cheminées dressées vers la liberté des toits et du plein air, et flanquée d’une volée de marches que je monte une à une, lentement.
Mais… je ne me suis pas présenté : mon nom est Dunard, Michel Dunard. J’ai 14 ans et suis né d’un père français et d’une mère romaine.
…
« Ce que je fais dans la vie ? En dehors des périodes scolaires, je suis détective privé. »
…
« Une plaque ? Non, mon activité est confidentielle. Même mes parents l’ignorent (sage pour son âge, il sait que les secrets se répandent plus vite que la poussière dans le vent). Il faut dire qu’ils ne sont pas souvent présents. La gouvernante s’occupe de pourvoir à mes besoins. Sauf aujourd’hui… C’est son jour de relâche. »
Le ciel s’est soudainement couvert. Le tonnerre a grondé avec tant de force que les entrailles de la maison en ont frémi. Puis la pluie est tombée, en grosses larmes claquantes qui ont immédiatement redonné de la fraîcheur et de l’éclat à la ville. De lourdes gouttes s’abattent sur ma tête ; je les sens chacune séparément. Elles sont comme des notes de musique, des cordes que l’on aurait pincées une à une pour en tirer une mélodie enivrante. J’ai soudain perçu leur beauté et me suis demandé pourquoi je n’en avais pas pris conscience auparavant. Je me suis cependant dépêché de rentrer et précipité dans la salle de bains. Du dehors, me parvenant ténu, le brouhaha de la circulation enfle et diminue, ponctué de temps à autre par le hurlement assourdi d’une sirène. Les murs de la maison, faits de blocs de travertin, font presque entièrement disparaître les bruits de la ville.
* − Vx, région. (Provence). Travailler comme un satyre. Travailler dur, avec acharnement.***Quand je suis dans la salle de bains, je me mets à rêver. Je peux rester de longs moments immobile devant la psyché, envahi par des ondes de pensées fugitives.
Aujourd’hui, il est là le petit garçon que j’étais à cinq ans, marchant en équilibre sur le rebord de la baignoire, nu comme un ver, décidé à s’enfuir pour rejoindre une troupe de cascadeurs. Il ne sait pas exactement ce que sont des cascadeurs, ni où les trouver, mais c’est une idée qu’il doit suivre. La voltige, l’équilibre, c’est son rêve. Voilà pourquoi il s’exerce sur le bord de la baignoire. Il touche au but… et glisse, tombe la tête la première, perd connaissance quelques instants, revient à lui.
J’ai cligné des yeux, me suis passé la tête sous l’eau pour effacer ce moment, et les images se sont dispersées. Je me souviens. Papa m’a dit un jour en constatant une de mes absences :
— Elle est sournoise la guerre que nous livre le passé. Il n’a de cesse qu’il ne t’ait attiré dans ses pièges…
Après un instant de silence, il a ajouté en riant :
— C’est à n’en pas douter un spécialiste de la prise d’otage.
Bien plus tard, je me suis dit que le parachutisme serait probablement plus approprié. Depuis, je n’ai eu de cesse d’importuner mes parents… enfin… quand ils sont là. Ils ont fini par consentir, « malgré mon jeune âge » m’ont-ils dit. C’est pourquoi je monte sans tarder au grenier pour parfaire mon entraînement.
À mi-pente, je réalise que j’ai oublié mon calepin à l’école. Cela m’agace immensément tout à coup, car c’est celui sur lequel je note tout ce qui concerne le parachutisme, les résultats des compétitions, mes progrès supposés, et bien d’autres choses encore. Je suis irrité d’être aussi tête en l’air. Partout où je passe, je sème. Je ne compte plus le nombre de stylos, carnets, écharpes, paquets de biscuits – et même, une fois, le cadeau destiné à mon amoureuse –, égarés ici ou là. J’ai une relation aux objets plutôt brouillonne… éparpillée en quelque sorte, et ils me le rendent bien. Dans la tête aussi, j’ai un chœur intérieur. Il y règne une véritable cacophonie. Chaque voix prétend être moi ; à la vérité, elles sont sœurs, mais question caractère elles n’ont rien en commun. Celle qui prend le pouvoir est, la plupart du temps, la plus colérique. Il existe une telle discorde quand elles se mettent à piailler en même temps que seule la voix la plus atrabilaire parvient à les maîtriser.
Alors que je pose le pied sur l’ombre de la dernière marche, je perçois au travers du puits de jour la lumière fragile du dehors et un brouillon de pensée m’effleure. Dès que je rentre dans mes univers intérieurs je m’y perds. Mais j’aime laisser libre cours à ma fantaisie, « fictionner », créer des personnages, les zigouiller, influer sur leur devenir et savoir que, même si ce n’est que dans ma tête, je peux le refaire quand bon me semble. Parfois, lorsque j’évoque mes délires, on me regarde comme un phénomène. Je lis dans les yeux de mes auditeurs comme une envie mêlée d’effroi, un peu comme s'ils percevaient ceux qui sont en moi. Mais la plupart du temps, je préfère les enfouir. Parfois, même mes parents me regardent d’une manière étrange. J’ai surpris entre eux certains conciliabules qui laissent à penser que je suis… comment dire ? Un peu en dehors de la normalité. Papa m'a dit un jour : « l'anxiété est le fondement de l'existence humaine ». Je ne sais s'il parlait de moi ou si sa réflexion se voulait plus générale. Cependant, je ne m’en soucie pas. La perte de mon carnet est une chose bien plus importante car je ne sais pas ce que je pense tant que je ne l’ai pas écrit.***
— Vas-y, qu’est-ce que tu attends ? me dit Miss Impatience.
— Laissez-le. Tu vois bien qu’il est en pleine phase introspective, lui rétorque Miss Indulgence. Ce qu’il lui faudrait à cet enfant, c’est une mère.
— Tu parles ! Toujours absente, ajoute Miss Sarcasmes.
— Allez ! Ouste, du balai. Fichez-moi la paix. J’ai besoin…
Soudain, un cri interrompt Miss Colère et me fige avant que les coups portés contre une cloison ne se fassent entendre. Puis, c’est le choc sourd contre la porte du grenier, suivi de ce qui m’a semblé être un gémissement. Je reste là, en haut des marches, interdit et dans l’expectative. Inquiet aussi. J’entends des bruits de pas précipités et des chuchotis. C’est d’autant plus curieux que le grenier est mon domaine. Je suis le seul à en posséder la clef. Il est certes accessible par les toits puisqu’ouvert à la manière des soleilhous, cependant, jusqu’à ce jour, personne ne s’est risqué à y pénétrer par ce moyen.
Je m’approche de la porte et y colle mon oreille. Rien. C’est la sonnerie du téléphone qui me fait sursauter.
— Zut ! Le téléphone est en bas.
— Miss Impatience : « Alors, tu vas répondre ? »
Comme si les escaliers étaient minés, je suis descendu sur la pointe des pieds, me suis dirigé vers l’appareil qui fait toujours entendre sa sonnerie impatiente et aigrelette ; j’ai saisi le bigophone et entendu en fond sonore un morceau de jazz. Amateur, j’ai tout de suite pensé à Gil Evans et Miles Devis. Du jazz West Coast en tout cas.
— Michel Dunard ? fit soudain une voix aussi acide que la sonnerie.
— …
— Pas de commentaires, s’il vous plaît. Vous n’allez pas dans le grenier et laissez tout en l’état. Nous reviendrons faire le ménage dans 2 jours. Inutile d’avertir les carabiniers.
— …
Un clic caractéristique se fait entendre. Après un temps d’hésitation, je raccroche et ne puis m’empêcher d’aller pointer mon nez au grenier, même si j’ai peur, même si je me doute que ce n’est pas bon pour ma santé. Mais, que puis-je faire d’autre ? J’introduis la clef dans la serrure, la tourne et exerce la poussée normalement destinée à ouvrir la porte, sauf que celle-ci est bloquée. Perplexe, j’éprouve comme un curieux sentiment de dédoublement. Tout se fige ; les gestes, les pensées, les bruits me parvenant de la ville. Les secondes deviennent lentes, le temps pâteux. Seules mes voix se manifestent en un curieux ralenti :
— Miss Impatience : « Pouuusseeee pluuus fooort ! »
— Miss Indulgence : « Iiiil n’aaaa queeee quaatoorzaanns. »***
Ce matin, en me réveillant, il fait sombre dans la chambre, comme si le soleil avait décidé de ne pas se lever. Je me traîne à poil jusqu’à la fenêtre pour scruter l’état du ciel. La ville est étrangement silencieuse. Une jeune femme aux longs cheveux noirs attachés en queue de cheval, les fesses moulées dans un minuscule short en toile, me tourne le dos, immobile.
Je l’apostrophe :
— Hey ! Perché è la cittadina così tranquilla?
Elle se retourne et son regard amusé s’attarde sur le gamin que je suis et sa minuscule érection. Elle rit et me dit :
— Non lo so. Finirà per svegliarsi... Come te. Ma è un po presto, non trovi? *
Je m’enveloppe dans les rideaux, davantage par réflexe que par pudeur. Elle sourit et s’en va. Ensuite, avec le Polaroid offert par mon père pour mon dernier anniversaire, je passe une partie de la matinée à photographier dans le grenier tout ce qui peut sembler utile. Je dois faire vite à cause de l’odeur et parce que la gouvernante arrive à dix heures avec les journaux. Il faut que je lise les faits divers. Ils sont à l’enquêteur ce que le nid des oiseaux est à la belette et il me reste deux jours pour mener à bien mes recherches. Après, il faudra que j’informe la police. Par chance, mes parents reviennent dans une semaine et la gouvernante ne monte jamais fourrer son nez dans mes petites affaires.
Hier, j’ai réussi, au prix de gros efforts et à l’aide d’un levier récupéré à la cave, à entrouvrir la porte, un espace juste suffisant pour me permettre d’entrer. L’odeur qui se dégageait du corps affalé sur le sol m’a fait penser à une armagnacolepsie (papa est un grand amateur d’Armagnac). Le bonhomme avait une tronche de masque de cire, les paupières entrouvertes, les pupilles dilatées et fouettait salement de la carafe. Les coupures sur son crâne agrémentaient harmonieusement la raie mauve fluo d’iroquois qui le faisait ressembler à un coq. Question fringues, cuir, clous et les inévitables grolles montantes aux embouts ferraillés. En guise de présentation, il a émis une série de pets, signe du relâchement du corps et d’une mort récente. Inutile de consulter mon manuel de thanatologie pour m’en assurer. Il avait aussi pissé et chié sur lui et, l’odeur de merde mêlée à celle de l’Armagnac m’a laissé à penser que ce n’était pas du 12 ans d’âge en carafe prestige. Pas top comme idée cadeau. Il devait traîner pas mal de casseroles pour finir comme ça. En tout cas, il n’aurait pas besoin d’un thanatopracteur pour procéder à son embaumement. Deux jours à cohabiter avec un tel énergumène me semblaient au-dessus de mes forces. Ce n’est rien quand on est mort, mais long quand il s’agit de partager le même domicile.
* Je ne sais pas. Elle va bien finir par se réveiller… Comme toi. Mais il est un peu tôt, tu ne trouves pas ?***
Le nez dans le Corriere della Sera, entre un papier sur les juges et certains hommes politiques (Miss Sarcasmes : « Ces cons de juges vont finir par foutre en l’air un gouvernement irréprochable. ») et un autre sur l’usage de la tapette à mouches (Miss Sarcasmes : « Tapette ou répulsif : question d’éthique ? »), figure un article sur les méfaits connus et supposés des voyous :Le voyou est la plaie de Rome*
Plus de 30 000 délinquants contre 8 000 carabiniers, c’est la plaie de Rome. Nous démontrons plus loin que, depuis quelques années, les crimes de sang ont augmenté dans d’invraisemblables proportions. On évalue aujourd’hui à au moins 70 000 le nombre de rôdeurs — presque tous des jeunes gens de quinze à vingt ans — qui terrorisent la capitale. Et, en face de cette armée encouragée au mal par la faiblesse des lois répressives et l’indulgence inouïe des tribunaux, que voyons-nous ?... 8 000 carabiniers et un millier à peine d’inspecteurs pour les services dits de sûreté. Ces effectifs qui depuis quinze ans n’ont guère été modifiés sont absolument insuffisants pour une population qui atteint le chiffre énorme de 2 millions d’habitants.
Hier soir, le capitaine de brigade Martini interrogeait une bande de jeunes voyous qui, depuis quelque temps, ensanglantait Rome par ses rixes et ses déprédations et semait la terreur. Les carabiniers, enfin, dans un magistral coup de filet, avaient réussi à prendre la plus grande partie de la bande, et les malandrins, au nombre d’une douzaine, avaient été amenés au poste où le « panier à salade » allait bientôt venir les prendre pour les mener au Dépôt. En attendant, les gredins subissaient un premier interrogatoire. Aux questions du capitaine, le chef de la bande, une jeune « Terreur » de dix-huit ans, répondait avec un cynisme et une arrogance extraordinaires. Il énumérait complaisamment ses hauts faits et ceux de ses compagnons, expliquait avec une sorte d’orgueil les moyens employés par lui et par ses acolytes pour dévaliser les magasins, surprendre les promeneurs attardés et les alléger de leur bourse ; les ruses de guerre, dont il usait contre une bande rivale avec laquelle lui et les siens étaient en lutte ouverte. Il faisait de ses exploits une description si pittoresque, empreinte d’une satisfaction si sauvage…
— Miss Curiosité : « C’est bien connu : si la perfection ennuie, l’inconnu excite. »
— Zut ! Tais-toi ! Le journaliste, c’est un ami de papa.
— Miss Impatience : « Alors ! Qu’est-ce que tu attends pour aller le voir ? C’est pas un carabinier. »
— Miss Raison : « Il pourrait t’aider ? Un conseil n’est jamais superflu. En plus, il doit savoir des choses qui ne sont pas dans le journal. »
Quand je cède à l’angoisse, je ne sais plus ce qu’il convient de faire ou dire. J’ai peur du jugement des autres et essaie de ne rien laisser paraître ; et quand je veux me présenter à quelqu’un, qu’elle qu’en soit la raison – besoin, désir de connaître –, mes folles prennent le dessus, je raconte n’importe quoi, débite des absurdités et j’ai du mal à supporter d’être là et qui je suis. Mais aujourd’hui, je les trouve plus raisonnables qu’à l’accoutumée.
* Inspiré du « Petit journal illustré » de 1907***
J’ai erré longtemps avant de trouver les bureaux du journal. J’espère que le journaliste aura eu la gentillesse de m’attendre. J’ai bien téléphoné avant de partir ; il m’a indiqué le chemin à suivre et je l’ai noté, mais le sens de l’orientation m’est totalement étranger, au moins autant que de formuler une pensée cohérente avant de l’avoir écrite. Je m’égare dans la ville comme je me perds dans la vie. Je ne saurais même pas esquisser le plan de mon parcours parce qu’à chaque coin de rue j’ai l’impression de sortir d’une couleur pour entrer dans une autre.
Elles seules me permettent d’identifier et de m’approprier un lieu. Petit, j’aimais déjà jouer avec. Plus tard, et encore maintenant, j’ai systématiquement attribué une teinte à un quartier ou une couleur à un édifice. La maison du Trastevere est blanche parce qu’elle mélange la lumière de tous mes souvenirs.
— Miss Curiosité : « Le blanc, une couleur ? »
— Pfffff ! Tu m’agaces. Je sais que le blanc n’est pas une couleur.
L’église où parfois – quand mes parents sont là – on se rend à la messe (ma mère y tient) est jaune comme l’or qui pare ses mosaïques.
— Miss Sarcasmes : « Et l’école ? »
J’ai éclaté de rire. Les passants m’ont dévisagé avec curiosité, mais j’ai l’habitude. J’ai tendance à penser que les lieux ont une coloration qui leur est propre ; aussi, sans cligner des yeux, me suis-je concentré face à l’immeuble abritant le journal, jusqu’à ce qu’ils se brouillent de larmes. N’obtenant aucun résultat, ma curiosité s’est muée peu à peu en colère.
— Miss Raison : « Calme-toi, c’est le brouillard ! Tu es ici pour chercher de l’aide. »
Tous les Romains le savent, les jours de brouillard la ville elle-même oublie de quelle couleur elle est. Instantanément apaisé, j’ai traversé la rue et pénétré dans l’immeuble.***
L’anxiété se nourrit d’elle même. Elle est « anxiophage ». Elle croît et prolifère de manière incontrôlée au moment où elle devrait diminuer. La peur culmine, atteint un point de saturation. On en connaît la raison ; puis elle s’anesthésie d’elle-même. Le pire n’est pas d’avoir peur, mais de ne pas comprendre qu’il faut faire ce dont on a peur. De l’anxiété on ne saurait donner la cause. C’est pourquoi, me dire qu’il n’est pas raisonnable de me torturer de la sorte, que je m’épuise à mener une guerre contre un ennemi que je ne peux identifier, provoque l’effet inverse du résultat recherché et me conduit à adopter des comportements qui ne peuvent qu’être dommageables. C’est ainsi qu’une fois dans le hall de l’immeuble, paralysé, je me suis immobilisé.
— Miss Sarcasmes : « Allez, avance, tu n’as pas à marcher sur l’eau comme le lézard Jésus Christ ! »
— Miss Impatience : « Autrement dit : arrête de lézarder ! »
— Miss Indulgence : « Arrêtez de le braquer. »
— Miss Sarcasmes : « Et bouge-toi les palmes ! »
Lorsque l’ami de mon père m’a demandé ce qui m’amenait, je lui ai montré les photos et lui ai servi des propos qui ont glissé dans mon gosier comme un mensonge bien huilé. Il a les a examiné attentivement, puis il m’a dit :
— Le personnage sur les photos n’est pas ce qu’il semble être. Il s’agit du fils d’un homme politique qui s’est retiré il y a deux ans environ suite à un accident qui lui a fait perdre la vue. Quant au fil, out ce qui l’intéresse… l’intéressait, c’est la chasse. Le gibier et les femmes. Plus il en tuait, plus il était content… Je parle du gibier, bien sûr.
J’ai pâli. Il m’a proposé un siège et a sorti une fiole d’un des tiroirs de son bureau.
— Tiens ! tu es jeune, mais tu vas en avoir besoin. Les ennuis commencent. Essaie toujours de découvrir ce que les gens portent sous leurs habits, car ce n’est pas que leur peau.
Le journaliste semble inspirer les effluves de cette affaire d’un air approbateur, telle une douairière dans une roseraie. Puis, après avoir téléphoné à ses contacts, il me dit :
— Aucune plainte ni aucune disparition enregistrée.
Honteux, je lui ai brossé le contexte, fait part des menaces proférées et lui ai tendu un bout de papier que j’avais pris la précaution de mettre dans une pochette plastique.
— Je l’ai trouvé dans une poche de son blouson.
— On dirait un bout de papier mouillé.
Il a sorti une loupe d’un tiroir et a commencé à examiner le document :
— Du salpêtre sur un mur ?
— Moi, j’ai l’impression que c’est le lac de Bolsena. Il a une forme ovale typique des lacs de cratère. On voit les deux îles sur le papier et sur la carte, et l’émissaire qui le draine.
Il s’est saisi d’une carte du Latium pour comparer le schéma que je lui avais remis avec le plan.
— Il y a une adresse… Peu lisible. Il doit s’agir de celle de son père. Il est propriétaire de l’île de Martana qui se trouve sur le lac. Tu as averti tes parents ?
— Non. Ils ne sont pas encore arrivés à New York.
— Bon, j’ai l’adresse de leur point de chute. Je les contacte dès que possible. Il va falloir prévenir les carabiniers.
— Et les menaces ?
— Viens. On va chez toi. Tu me montreras.
— Miss Sarcasmes : « Allez, avance, tu n’as pas à marcher sur l’eau comme le lézard Jésus Christ ! »
— Miss Impatience : « Autrement dit : arrête de lézarder ! »
— Miss Indulgence : « Arrêtez de le braquer. »
— Miss Sarcasmes : « Et bouge-toi les palmes ! »
Lorsque l’ami de mon père m’a demandé ce qui m’amenait, je lui ai montré les photos et lui ai servi des propos qui ont glissé dans mon gosier comme un mensonge bien huilé. Il a les a examiné attentivement, puis il m’a dit :
— Le personnage sur les photos n’est pas ce qu’il semble être. Il s’agit du fils d’un homme politique qui s’est retiré il y a deux ans environ suite à un accident qui lui a fait perdre la vue. Quant au fil, out ce qui l’intéresse… l’intéressait, c’est la chasse. Le gibier et les femmes. Plus il en tuait, plus il était content… Je parle du gibier, bien sûr.
J’ai pâli. Il m’a proposé un siège et a sorti une fiole d’un des tiroirs de son bureau.
— Tiens ! tu es jeune, mais tu vas en avoir besoin. Les ennuis commencent. Essaie toujours de découvrir ce que les gens portent sous leurs habits, car ce n’est pas que leur peau.
Le journaliste semble inspirer les effluves de cette affaire d’un air approbateur, telle une douairière dans une roseraie. Puis, après avoir téléphoné à ses contacts, il me dit :
— Aucune plainte ni aucune disparition enregistrée.
Honteux, je lui ai brossé le contexte, fait part des menaces proférées et lui ai tendu un bout de papier que j’avais pris la précaution de mettre dans une pochette plastique.
— Je l’ai trouvé dans une poche de son blouson.
— On dirait un bout de papier mouillé.
Il a sorti une loupe d’un tiroir et a commencé à examiner le document :
— Du salpêtre sur un mur ?
— Moi, j’ai l’impression que c’est le lac de Bolsena. Il a une forme ovale typique des lacs de cratère. On voit les deux îles sur le papier et sur la carte, et l’émissaire qui le draine.
Il s’est saisi d’une carte du Latium pour comparer le schéma que je lui avais remis avec le plan.
— Il y a une adresse… Peu lisible. Il doit s’agir de celle de son père. Il est propriétaire de l’île de Martana qui se trouve sur le lac. Tu as averti tes parents ?
— Non. Ils ne sont pas encore arrivés à New York.
— Bon, j’ai l’adresse de leur point de chute. Je les contacte dès que possible. Il va falloir prévenir les carabiniers.
— Et les menaces ?
— Viens. On va chez toi. Tu me montreras.
Invité- Invité
Re: Cadavre exquis
Voilà qui marche bien ! Je trouve aussi bizarre qu'un ado aime et connaisse le jazz ( ils ont plutôt tendance à trouver ça encore plus nul que le classique !) et je m'insurge contre une méchanceté gratuite de ta part : pourquoi une " minuscule érection" ? A 14 ans, ça peut être somptueux ! ( j'ai quand même besoin que les mecs confirment, je ne suis pas allée voir...)
Invité- Invité
Re: Cadavre exquis
chi va piano va sano, ça avance à pas menus mais ça avance, c'est le principal.
histoire de me remémorer ce qui précède, j'ai un peu relu et je trouve que l'emploi des temps manque d'une certaine cohérence, avec des passés composés (ou simples) inattendus sinon incongrus, alors que l'ensemble du récit est écrit au présent ; mais rien de grave, tout cela pourra faire l'objet d'une lecture plus pertinente et d'ajustements éventuels lorsque le récit sera terminé.
-"je lui ai montré les photos et lui ai servi des propos qui ont glissé dans mon gosier comme un mensonge bien huilé. Il a les a examiné attentivement," ("examinées")
-"Quant au fil, out ce qui l’intéresse… l’intéressait, c’est la chasse." ("fils" je pense ; "tout")
histoire de me remémorer ce qui précède, j'ai un peu relu et je trouve que l'emploi des temps manque d'une certaine cohérence, avec des passés composés (ou simples) inattendus sinon incongrus, alors que l'ensemble du récit est écrit au présent ; mais rien de grave, tout cela pourra faire l'objet d'une lecture plus pertinente et d'ajustements éventuels lorsque le récit sera terminé.
-"je lui ai montré les photos et lui ai servi des propos qui ont glissé dans mon gosier comme un mensonge bien huilé. Il a les a examiné attentivement," ("examinées")
-"Quant au fil, out ce qui l’intéresse… l’intéressait, c’est la chasse." ("fils" je pense ; "tout")
Invité- Invité
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