Exo « Train » : E pericoloso sporgersi
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Exo « Train » : E pericoloso sporgersi
« Voyage, voyage
Plus loin que la nuit et le jour,
Voyage voyage
Dans l'espace inouÏ de l'amour.
Voyage, voyage
Sur l'eau sacrée d'un fleuve indien,
Voyage voyage
Et jamais ne reviens »
Les écouteurs dans les oreilles, Isolde marchait le long des rails. Il pleuvait dru et elle en avait plein les bottes. Trois jours qu’elle cheminait sans rencontrer âme qui vive trouvant refuge la nuit dans les gares abandonnées qui parsemaient de ci de là la vieille voie ferrée.
Elle en avait eu assez du train-train quotidien et s’était enfuie un beau matin..
« Pars, surtout ne te retourne pas
Pars, fais ce que tu dois faire sans moi
Quoi qu'il arrive je serai toujours avec toi
Alors pars et surtout ne te retourne pas ! »
Serinait encore son radio-réveil quand trois jours auparavant, lasse de vivre en apparence alors qu’elle était morte en apparté, elle avait claqué la porte de son appartement, sans se retourner et sans prendre ses clefs. Son sac à dos rempli à la hâte et son petit cœur tout vide en bandoulière…
Quatre jours maintenant qu’ils l’attendaient en vain, Gare d’Angoulême, où elle débitait, sans entrain et à longueur de journée, ses immuables annonces à l’intention des innombrables voyageurs fantômes qu’elle ne verrait jamais, qui ne la verraient jamais.
« Angoulême, Angoulême
Les passagers à destination de Saintes, Cognac, Saujon, Royan, veuillez descendre sur le quai pour votre correspondance.
Angoulême, Angoulême, cinq minutes d’arrêt. »
Etait-ce la canicule ou quoi ou qu’est-ce ? s’étaient-ils tous demandés, collègues et voyageurs lorsque ce dernier jour où elle était venue travailler, elle avait annoncé, sans sommations ni avertissement, légèrement penchée sur son micro, de son inimitable voix de miel, en lieu et place de son habituel laïus :
« Angoulême, Angoulême
Mais moi qui donc m’aime ?
Qui m’attend sur le quai ?
Avec qui donc ai-je un ticket ?
Le trouverai-je à Royan
Sous le soleil scintillant
Se languit-il à Saujon
Mon amour sauvageon ?
Partagerons-nous à Cognac
Cinq minutes d’arrêt cardiaque ?
Dois-je aller à Saintes
Pour tomber enceinte ?
Angoulême, Angoulême
Mais moi, qui donc m’aime ? »
"Eh ben !" avait pensé le chef de gare soulevant sa casquette pour se gratter la tête d’un air perplexe, "elle déraille sec Isolde aujourd’hui". Sur les quais, les voyageurs s’étaient immobilisés, le temps s’était arrêté, l’aiguille de la grande horloge de la gare s’était figée.
Dans un silence de cathédrale, Isolde s’était levée brusquement, et par le biais de son micro laissé ouvert, chacun avait tressailli brusquement au son du claquement sec d’une porte, puis le temps avait repris ses droits, un TGV était arrivé sans crier gare dans un crissement de freins et avait déversé une nouvelle cargaison de passagers suants et haletants.
Tandis qu' Isolde dans un train d’enfer prenait la clef des champs sans que nul ne songe à la rattraper.
La pluie s’était enfin arrêtée, le ciel était gris métallique. Allongée en travers des rails, les yeux rivés sur les nuages, l’âme égarée, l’amour en bandoulière, Isolde écoutait Nougaro à présent.
« Je reluquais le rail,
Assis sur ma valoche
Et l'horloge vaquait
Dans l'espace vaquant
Le silence avouait
Quelque chose qui cloche
Quand soudain retentit
La clameur de Tarzan
Quand soudain j'entendis
Un autre son de cloche,
Tu arrivais enfin
Du fond du coeur du temps »
C’est alors qu’une une ombre portée lui barra brusquement la vue sur les cumulus.
« Vous attendez l’omnibus de 16h43 ? Il ne viendra pas »
L’homme, pas un minus d’après ce qu’elle en voyait, avait une voix douce mais légèrement éraillée, ce qui n’était pas pour lui déplaire.
Cependant quand il se pencha vers elle , elle préféra le prévenir :
-« E pericoloso sporgersi »
-« Vous avez un titre de transport, amoureux ou pas ? Parce que ce qui est dangereux, c’est de voyager sans ticket » il lui demanda puis l’informa.
Elle fouilla dans sa sacoche, lui tendit son cœur.
- « Hum, je vois, voyage en première classe sur le train fantôme.. Vous vous appelez comment ? »
Isolde rit: « J’aimerai m’appeler Loco parce Loco motive » elle dit.
-« J’aime bien les filles folles, je vous appellerai Loca, ça veut dire folle en espagnol. »
-« Et vous, vous êtes qui ? » demanda-t-elle, toute étonnée qu’il lui rende son cœur tout troué, criblé sous l’impact, sous l’effet qu’indubitablement il lui faisait.
Il lui tendit le bouquet de lilas qu’il tenait à la main et se mit à chanter :
« Je suis le poinçonneur des Lilas
Arts et Métiers direct par Levallois
J'en ai marre, j'en ai ma claque de ce cloaque.
Je voudrais jouer la fille de l'air
Laisser ma casquette au vestiaire.
Un jour viendra, j'en suis sur
Où je pourrai m'évader dans la nature
J'partirai sur la grand route
Et coute que coute
Et si pour moi il est plus temps
Je partirai les pieds devant. »
Alors , Loca, décida de vivre debout, car il était encore temps, elle se leva et lui donna la main et ils partirent ensemble, les pieds devant, les pieds devant sur les chemins de traverse, et si vous aimez suivre les voies désaffectées, les sentiers oubliés, les aiguillages mal lunés, vous pourrez les voir sous le soleil, sous les averses..
Plus loin que la nuit et le jour,
Voyage voyage
Dans l'espace inouÏ de l'amour.
Voyage, voyage
Sur l'eau sacrée d'un fleuve indien,
Voyage voyage
Et jamais ne reviens »
Les écouteurs dans les oreilles, Isolde marchait le long des rails. Il pleuvait dru et elle en avait plein les bottes. Trois jours qu’elle cheminait sans rencontrer âme qui vive trouvant refuge la nuit dans les gares abandonnées qui parsemaient de ci de là la vieille voie ferrée.
Elle en avait eu assez du train-train quotidien et s’était enfuie un beau matin..
« Pars, surtout ne te retourne pas
Pars, fais ce que tu dois faire sans moi
Quoi qu'il arrive je serai toujours avec toi
Alors pars et surtout ne te retourne pas ! »
Serinait encore son radio-réveil quand trois jours auparavant, lasse de vivre en apparence alors qu’elle était morte en apparté, elle avait claqué la porte de son appartement, sans se retourner et sans prendre ses clefs. Son sac à dos rempli à la hâte et son petit cœur tout vide en bandoulière…
Quatre jours maintenant qu’ils l’attendaient en vain, Gare d’Angoulême, où elle débitait, sans entrain et à longueur de journée, ses immuables annonces à l’intention des innombrables voyageurs fantômes qu’elle ne verrait jamais, qui ne la verraient jamais.
« Angoulême, Angoulême
Les passagers à destination de Saintes, Cognac, Saujon, Royan, veuillez descendre sur le quai pour votre correspondance.
Angoulême, Angoulême, cinq minutes d’arrêt. »
Etait-ce la canicule ou quoi ou qu’est-ce ? s’étaient-ils tous demandés, collègues et voyageurs lorsque ce dernier jour où elle était venue travailler, elle avait annoncé, sans sommations ni avertissement, légèrement penchée sur son micro, de son inimitable voix de miel, en lieu et place de son habituel laïus :
« Angoulême, Angoulême
Mais moi qui donc m’aime ?
Qui m’attend sur le quai ?
Avec qui donc ai-je un ticket ?
Le trouverai-je à Royan
Sous le soleil scintillant
Se languit-il à Saujon
Mon amour sauvageon ?
Partagerons-nous à Cognac
Cinq minutes d’arrêt cardiaque ?
Dois-je aller à Saintes
Pour tomber enceinte ?
Angoulême, Angoulême
Mais moi, qui donc m’aime ? »
"Eh ben !" avait pensé le chef de gare soulevant sa casquette pour se gratter la tête d’un air perplexe, "elle déraille sec Isolde aujourd’hui". Sur les quais, les voyageurs s’étaient immobilisés, le temps s’était arrêté, l’aiguille de la grande horloge de la gare s’était figée.
Dans un silence de cathédrale, Isolde s’était levée brusquement, et par le biais de son micro laissé ouvert, chacun avait tressailli brusquement au son du claquement sec d’une porte, puis le temps avait repris ses droits, un TGV était arrivé sans crier gare dans un crissement de freins et avait déversé une nouvelle cargaison de passagers suants et haletants.
Tandis qu' Isolde dans un train d’enfer prenait la clef des champs sans que nul ne songe à la rattraper.
La pluie s’était enfin arrêtée, le ciel était gris métallique. Allongée en travers des rails, les yeux rivés sur les nuages, l’âme égarée, l’amour en bandoulière, Isolde écoutait Nougaro à présent.
« Je reluquais le rail,
Assis sur ma valoche
Et l'horloge vaquait
Dans l'espace vaquant
Le silence avouait
Quelque chose qui cloche
Quand soudain retentit
La clameur de Tarzan
Quand soudain j'entendis
Un autre son de cloche,
Tu arrivais enfin
Du fond du coeur du temps »
C’est alors qu’une une ombre portée lui barra brusquement la vue sur les cumulus.
« Vous attendez l’omnibus de 16h43 ? Il ne viendra pas »
L’homme, pas un minus d’après ce qu’elle en voyait, avait une voix douce mais légèrement éraillée, ce qui n’était pas pour lui déplaire.
Cependant quand il se pencha vers elle , elle préféra le prévenir :
-« E pericoloso sporgersi »
-« Vous avez un titre de transport, amoureux ou pas ? Parce que ce qui est dangereux, c’est de voyager sans ticket » il lui demanda puis l’informa.
Elle fouilla dans sa sacoche, lui tendit son cœur.
- « Hum, je vois, voyage en première classe sur le train fantôme.. Vous vous appelez comment ? »
Isolde rit: « J’aimerai m’appeler Loco parce Loco motive » elle dit.
-« J’aime bien les filles folles, je vous appellerai Loca, ça veut dire folle en espagnol. »
-« Et vous, vous êtes qui ? » demanda-t-elle, toute étonnée qu’il lui rende son cœur tout troué, criblé sous l’impact, sous l’effet qu’indubitablement il lui faisait.
Il lui tendit le bouquet de lilas qu’il tenait à la main et se mit à chanter :
« Je suis le poinçonneur des Lilas
Arts et Métiers direct par Levallois
J'en ai marre, j'en ai ma claque de ce cloaque.
Je voudrais jouer la fille de l'air
Laisser ma casquette au vestiaire.
Un jour viendra, j'en suis sur
Où je pourrai m'évader dans la nature
J'partirai sur la grand route
Et coute que coute
Et si pour moi il est plus temps
Je partirai les pieds devant. »
Alors , Loca, décida de vivre debout, car il était encore temps, elle se leva et lui donna la main et ils partirent ensemble, les pieds devant, les pieds devant sur les chemins de traverse, et si vous aimez suivre les voies désaffectées, les sentiers oubliés, les aiguillages mal lunés, vous pourrez les voir sous le soleil, sous les averses..
Rebecca- Nombre de messages : 12502
Age : 65
Date d'inscription : 30/08/2009
Re: Exo « Train » : E pericoloso sporgersi
C'est un moment de pur bonheur, ces références aux chansons judicieusement choisies. Et le texte raconte une histoire. Ajoutons à cela tes traits d'esprit habituels, et on a un exo réussi et agréable à lire.
Invité- Invité
Re: Exo « Train » : E pericoloso sporgersi
Cette romance ferroviaire est un régal
On y retrouve avec jubilation le style désinvolte et l'imagination de Rebecca.
Dont on peut parier, sans risque démesuré, qu'elle s'est identifiée à Isolde en rédigeant cette histoire.
NB: J'ai longtemps pensé que "E pericolso sporgersi" voulait dire qu'il était dangereux de faire du sport dans le train.
On y retrouve avec jubilation le style désinvolte et l'imagination de Rebecca.
Dont on peut parier, sans risque démesuré, qu'elle s'est identifiée à Isolde en rédigeant cette histoire.
NB: J'ai longtemps pensé que "E pericolso sporgersi" voulait dire qu'il était dangereux de faire du sport dans le train.
Invité- Invité
Re: Exo « Train » : E pericoloso sporgersi
Ha ben ce titre, évidemment, déjà et rien que ça, moi je fonds... (toujours eu un énorme coup de foudre pour cette expression !)
Sahkti- Nombre de messages : 31659
Age : 50
Localisation : Suisse et Belgique
Date d'inscription : 12/12/2005
Re: Exo « Train » : E pericoloso sporgersi
Rebecca en grande forme, des mots qui volent et virevoltent, un coeur qui s'emballe, aime et sème... tout est là, tonitruante virée musicale qui nous emporte avec humour et belle humeur. Voilà qui fait du bien et met des notes dans la tête pour la journée.
Sahkti- Nombre de messages : 31659
Age : 50
Localisation : Suisse et Belgique
Date d'inscription : 12/12/2005
Re: Exo « Train » : E pericoloso sporgersi
"On connaît la chanson" et ça le fait. Un voyage en musique, haletant, à la sauce Rebecca. Excellent !
Lucy- Nombre de messages : 3411
Age : 47
Date d'inscription : 31/03/2008
Re: Exo « Train » : E pericoloso sporgersi
Je n'ai pas apprécié la première lecture, c'était trop décousu pour moi et le ton faisait le grand écart entre émotion et légèreté et blague et humour. Alors j'ai lu sans les paroles des chansons et j'ai préféré. Je pense que comme elles sont connues, le refrain me reste plus en tête que les paroles que tu as sélectionnées et certaines me semblent inutiles, par exemple les dernières, la référence est suffisamment forte avec le cœur poinçonné et le bouquet de lilas, les paroles alourdissent.
Concernant le texte sans les paroles, je l'ai beaucoup aimé, il est à la fois grave et sautillant, touchant et souriant. Particulièrement aimé la ritournelle des villes de la gare, d'autant qu'elles ont des souvenirs d'enfance pour moi, et j'aime beaucoup cette touche de folie au micro.
Concernant le texte sans les paroles, je l'ai beaucoup aimé, il est à la fois grave et sautillant, touchant et souriant. Particulièrement aimé la ritournelle des villes de la gare, d'autant qu'elles ont des souvenirs d'enfance pour moi, et j'aime beaucoup cette touche de folie au micro.
elea- Nombre de messages : 4894
Age : 51
Localisation : Au bout de mes doigts
Date d'inscription : 09/04/2010
Re: Exo « Train » : E pericoloso sporgersi
je reprendrais bien mot pour mot le commentaire d'Elea ( sauf s'il y a un copyright !) en ajoutant: gros coup de coeur pour Isolde
Invité- Invité
Re: Exo « Train » : E pericoloso sporgersi
C'est plein de folie fantaisie mais on était prévenus: E periculoso sporghersi. Cette expression prend tout son sens et nous fait basculercomme les protagonistes. Très frais et le mélange des chansons fonctionne bien pour moi.Merci Rebecca.
obi- Nombre de messages : 574
Date d'inscription : 24/02/2013
Re: Exo « Train » : E pericoloso sporgersi
E pericoloso sporgersi! pas moins de problèmes en italien qu'en français!
obi- Nombre de messages : 574
Date d'inscription : 24/02/2013
Re: Exo « Train » : E pericoloso sporgersi
Texte vivant et souvent drôle. Par contre les tubes horribles des eighties. Beurk :o)
Legone- Nombre de messages : 1121
Age : 51
Date d'inscription : 02/07/2012
Re: Exo « Train » : E pericoloso sporgersi
J'ai lu plusieurs fois ton beau texte et, comme Elea, je le préfère nettement sans les paroles de la chanson.
Invité- Invité
Re: Exo « Train » : E pericoloso sporgersi
Ben moi, est-ce mon fond de midinette, j'aime avec les chansons.
C'est une balade douce et mélancolique qui m'a beaucoup touchée.
Des jeux de mots mais pas trop, de la drôlerie, ce mélange dont tu as souvent le secret de dérision et de profondeur.
Ah et voyage voyaaaaage...
Janis- Nombre de messages : 13490
Age : 63
Date d'inscription : 18/09/2011
Re: Exo « Train » : E pericoloso sporgersi
Rebecca, écouteurs sur les oreilles et walkman à donf.
Agréable et sympathique voyage.
Agréable et sympathique voyage.
Pascal-Claude Perrault- Nombre de messages : 5422
Age : 64
Localisation : Paris, ah Paris, ses ponts, ses monuments et ses merdes de chiens !
Date d'inscription : 20/02/2012
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