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Les oies blanches

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Louis
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Message  Louis Ven 8 Nov 2013 - 0:30

1. Le pont

Ce con de Léon - ainsi le nommait-on - s'éveilla, comme l'on sort d'un étourdissement, sur le pont Alexis.
Tout le jour, saisi par une sorte d'abattement, il avait marché au hasard, l'achlus dans les yeux, cette brume qui voile le regard, qui empêche les mortels, disait-on à l'époque homérique, de voir les dieux, et ainsi il n'avait rien vu autour de lui, aveugle sur le chemin des aléas.
D'aulnes en alisiers, allant, revenant, fidèle surtout à franchir tous ces paysages désolés qui l'habitaient, à esquiver les sables mouvants, les zones de fange et de marécage où s'enlisent, si l'on n'y prend garde, de longues jambes, de jeunes bustes et des bras levés, les visages grimaçants.    

Sur le pont Alexis, passaient les gens sous des parapluies. Léon, ébahi, ouvrit de grands yeux.
Tout pantelant, dans son pantalon vraiment trop grand, il sourit quand les parapluies, avec le vent qui se leva, se changèrent en oiseaux de paradis.
Une musique s'approchait ; à travers la pluie, d'en face, de l'autre côté du pont, une musique venait, gonflant son corps, volume croissant d'une baudruche sonore aux pas cadencés, elle s'avançait sur la peau tendue des tambourins en fla et ra, et ra et fla, à sa tête une crécelle et des sifflets, à longueur de bras les trombones à coulisse, les gros tubas voisins des petits concertinas.  A Léon, il lui sembla que le clown lui avait adressé un sourire à travers les dégoulinades de son maquillage sillonné par la pluie, qui donnait à son visage l'allure effrayante d'un mascaron. Un homme à-demi nu cracha des flammes, mais Léon ne fut au comble de la stupéfaction que lorsqu'il vit paraître deux dromadaires, sur le pont Alexis, sous la pluie, deux dromadaires, et puis un chien fou aux pitreries d'acrobate les suivait.

Il rit, Léon, quand la musique toute proche l'enveloppa, l'absorba tout entier, et ce fut, dans sa bedaine, comme un grand vent qui le chassait, puis le ramenait à lui-même en un tourbillon, ce fut un grand cirque d'émotions.
Quand la parade s'éloigna, Léon béatement s'approcha de l'autre côté du pont, mais un groupe d'hommes, allure militaire, mine dure et sévère, lui barra le passage.

On lui demanda un visa, le règlement d'un octroi, et une bille verte ; on exigea aussi un passeport, un laissez-passer et un bracelet d'argent gravé du poinçon de la ville ; il fut prévenu, il ne passerait pas sans passavant.
« Je n'ai rien que moi-même » : avait répondu ce con de Léon.
Un moustachu ventripotent plastronna, mit en avant sa superbe, sa distinctive supériorité dans le groupe des hommes armés : « Moi, gardien du pont, déclara-t-il sous son chapeau, dans son costume trois pièces impeccable, moi gardien de génération en génération depuis Horatius Coclès, mon illustre ancêtre, j'ai pour point d'honneur de ne laisser passer que les honnêtes gens, ceux qui ont l'âme blanche et qui agréent à notre pontife ; j'ai pour devoir de faire barrière à tous les envahisseurs, à tous ceux qui nous changent et nous oblitèrent en s'installant sans autorisation, effrontément, chez nous ; je ferme le passage aux indigents, aux vagabonds, aux miséreux, et toi, traîne-misère, tu ne passeras pas »
— Je ne veux pas m'installer, protesta timidement Léon,  je veux juste passer, juste aller plus loin par là »
— Tu ne passeras pas, cria le fier descendant d'Horatius. Le pont pourra s'écrouler derrière moi, mais nos ennemis ne le franchiront pas.

Léon rebroussa chemin. Au milieu du pont, il s'immobilisa pour s'appuyer sur le garde-fou. Il contempla l'eau de la rivière qui poursuivait son chemin, libre, sans barrage.  

Devant lui, une fracture vertigineuse dans les terres lézardées par une rivière, une fêlure dans le monde que le pont pouvait recoudre par ses pierres, mais que des hommes ouvraient de nouveau par leurs frontières. Les rives restent séparées, les bords éloignés, les mondes déchirés. Il n'était donc rien, sinon un ennemi, un mal repoussant, un « traîne-misère ». Il vit un instant dans la surface cutanée des terres une plaie purulente, une coupure d'où coulait un fleuve de sang mêlé de matières putrides. Juste un instant, puis il perçut de nouveau l'eau de la rivière, une eau pas encore très claire, teintée par quelque industrie de marrons et jaunâtres courants et tourbillons. Encore un instant, et il ne vit plus qu'une eau vive, claire et limpide.
Il resta jusqu'au soir appuyé sur le garde-fou. Sa capacité toujours vive à s'émerveiller ne le laissa pas insensible au soleil couchant, à ces colorations des nuages qui laissent imaginer d'autres mondes ailleurs, plus libres, plus sereins, et plus beaux.
Il décida de franchir le pont par où il était arrivé à la recherche d'un refuge pour la nuit, mais des barrières là aussi avaient été dressées. « On ne passe plus à cette heure-ci, déclara un policier. Couvre-feu. » Un couvre-feu ? Raisons de sécurité, lui expliqua le policier. « Les commerçants et les habitants de ce côté de la ville ont peur. Vous ne lisez pas les journaux? »
De l'autre côté de la barrière, un employé du service de nettoiement, un balai à la main, une noirceur inlavable dans le regard, des rides sur le visage que rien ne pouvait balayer, exposa la situation à Léon : « Mon gars, tu sais donc pas qu'un monstre rôde toutes les nuits. Tu sais donc pas ? C'est une bête, un démon terrifiant. On l'a vu boire de l'essence aux pompes des distributeurs, cul sec ; il place le pistolet dans sa bouche et avale des litres et des litres de diesel ou de sans-plomb, comme j'te dis ; il aime tous les carburants, et il n'est même pas soûl, il fait le plein et il est même pas plein ! Eh, moi je préfère une autre gnôle ! Je carbure pas à l'essence auto. Et pis alors, il se sert dans les vitrines des bijoutiers, paraît qu'il dévore aussi les diamants, l'or fin, les rubis, et tout ce qui brille. Il surgit la nuit comme une ombre, et s'évanouit sans laisser de traces, aucune force de police n'a réussi à le coincer. Pas un coffre fort ne lui résiste, sans aucun outil, et en se moquant de tous les services de sécurité, il les force et tu sais ce qu'il en fait des billets de banque ? Incroyable, il est fou, ce monstre, faut vraiment pas être humain pour faire ça, il les réduit en miettes, il en fait des confettis, et le matin tu marches dans les rues sur un tapis de billets découpés grossièrement en petits bouts de papier sans plus aucune valeur, tu vois un peu, tous ces billets, tout ce qu'on pourrait  faire avec tous ces euros, ces fortunes en miettes emportées par le vent, piétinées par les passants ! Quel malheur ! Si personne n'arrête ce démon, il va nous ruiner, et c'est déjà la misère noire parce que beaucoup ne peuvent plus partir aux sports d'hiver, ils n'ont plus les moyens pour aller skier, et, le pire ! ils peuvent même plus s'offrir le dernier iPad. De toutes façons, dès qu'il approche, les connexions par téléphone et par Internet se brouillent, et s'interrompent. Quel malheur ! Qu'avons-nous fait pour mériter ça ! Il y a eu des viols et des meurtres, ça ne peut être que ce monstre. Tout fonctionne mal, le chômage augmente, les loyers augmentent, le prix du pain augmente, le Mal est là, dans cette partie de la ville. Je me dépêche de terminer mon travail, j'ai une dérogation, mais je dois rentrer. »

Léon se retrouvait exclu de tous bords, prisonnier d'un passage où l'on ne passe plus. Aucune issue pour ce pauvre Léon. Il dormirait cette nuit sur le pont, désert et sombre, sur des pavés mouillés suspendus par-dessus le vide, et l'écoulement des eaux, le fugace de chaque instant. Il parcourut d'un sens à l'autre l'espace entre les barrières qui clôturaient les deux sorties du pont ; d'un côté à l'autre, il courut, il cria parfois, il courut, expirant, incapable d'inspirer, en asphyxie, ahanant, soufflant à suffoquer. Enfin, épuisé, il s'allongea sur les pavés le long du garde-fou, une main suspendue dans le vide, une main qui aurait voulu serrer quelque chose de ferme et de solide et qui ne pouvait saisir que du vent. Il somnola quelque temps, tout un temps songeur peuplé d'oiseaux au vol très haut dans un ciel bleu, des grands voiliers d'oies sauvages, toutes blanches.
Il se leva tard dans la nuit, et se dirigea droit vers la barrière presque déserte où l'on réclamait pour droit de passage, bracelet, bille verte, octroi et tous ces papiers qu'il ne possédait pas. Devant le gardien assoupi, il se souleva sur la pointe des pieds, leva haut les genoux, tendit les bras pour agripper un pan léger de nuit, pour étouffer aussi sous les cotons de ténèbres décrochés des épaisseurs d'ouate qui l'environnaient son passage qui se ferait en douce au-delà du pont.
Douze pas plus loin, il s'étrangla, une force tirait sur le col de son vieux pull, le gardien l'avait saisi.

2- Le centre de rétention.  

Léon tournait en rond. Il longeait les grilles hérissées autour des bâtiments, en faisant glisser ses doigts sur les fils de métal. Il contemplait, dans son périple à l'intérieur de l'espace clôturé, la ville au loin découpée en petits carrés, puis les grands arbres et les horizons quadrillés. Nulle route, aucun chemin ne s'ouvrait plus devant lui, ne nouait plus le lien avec l'espace rêvé où prend son envol une oie blanche.  
Dans la nuit, on l'avait emmené dans cette grande cage désignée « centre de rétention », en attente, lui avait-on dit, d'une expulsion, loin, il ne avait où. Désormais retenu, son errance interrompue, combien lui sembla navrante l'immuable superficie de ce périmètre clos, qui s'ouvrira mais pour un départ involontaire vers un lieu  inconnu.

Des détenus qui partageaient son enfermement s'adressèrent à lui dans une langue qu'il ne connaissait pas. Des hommes, des femmes et aussi des enfants logeaient provisoirement dans ces bâtisses écrasées, aplaties en étendues horizontales.
L'un des retenus rejoignit Léon et le suivit dans son itinéraire le long des grillages, laissant aussi passer une main sur les fils d'acier, accrochant des doigts chaque case dessinée par leur intersection. Boitillant, une jambe infirme, il marcha dans les pas de Léon, et après un tour complet de clôture, il lui demanda : «Toi, d'où venir ? » Quelques cases de grillage plus loin, Léon répondit qu'il ne savait pas, ne savait plus très bien d'où il venait, mais quelle importance d'où l'on vient, ce qui importe c'est où l'on va, il savait où il voulait aller, mais ignorait comment parvenir à destination.  
L'un derrière l'autre, Léon et le boiteux, ils longeaient les limites, qu'ils avaient au bout des doigts ; ils pouvaient tenir dans leurs mains les frontières glacées, ces lignes froides marquées au fer, coupures sans pont dans la continuité des chemins. Léon parfois passait deux doigts à travers le grillage, se donnait deux doigts de liberté. « Nous sommes trop grands, chuchota-t-il à son suiveur boitillant. Si seulement nous étions de petits carrés, de petits cubes pour passer à travers ces cases d'acier. Comme je voudrais tenir dans un dé à coudre, ajouta Léon, ou n'être qu'un dé lancé au hasard par des enfants joueurs. »
Un dé ! fit écho le boiteux. « Alors moi, jamais avoir la face d'un as, non, non ; ni celle de « deux », trop solitaire ;  trois : ne compte pas pour trois sous ; et moi ne pouvoir jamais se mettre en quatre. Ni cinq ni six, comme ni une ni deux, depuis longtemps avoir perdu la face. Un dé ! Toujours être alors sur la tranche, dans l'instable équilibre. »
— Pourquoi être ici ? continua-t-il.
— Pourquoi ? Je ne sais pas. Parce que je n'ai pas de bille verte. Je suis là parce que je ne devrais pas être là. Je suis là pour que l'on me jette ailleurs.

Une femme, jupe courte et talons hauts, emboîta le pas au boiteux, qui suivait Léon. Ses ongles rouges très longs griffaient les filins du grillage. Trois enfants aux yeux foncés suivirent la femme, jupe courte, talons hauts, qui avait emboîté le pas au boiteux, qui suivait Léon. Leurs mains frottaient frénétiquement les grilles. Un homme à la peau très noire vint s'ajouter à la file, derrière les enfants aux yeux foncés qui suivaient la femme, jupe courte, talons hauts, qui avait emboîté le pas au boiteux, qui suivait Léon. Ses poings faisaient vibrer les barreaux des grillages.
Une jeune femme rousse, avait rejoint la file ; elle avait peint de lignes quadrillées, avec son rouge à lèvre, le dos de son chemisier blanc ; des mains effleurèrent le corps grillagé, des mains laissèrent des traînées rouges sur le chemisier blanc, qui ne fut plus qu'une grande tache, couleur sang.
La procession le long des bords grillagés du camp prit fin quand l'on apporta un maigre repas.
Léon ne put rien avaler, une grille s'était levée au fond de sa gorge.

Assis sur un banc de pierre, un casse-croûte à la main, des tomates tranchées dans un peu de pain, le boiteux racontait à Léon : il travaillait depuis des années, depuis son adolescence, où il y était entré comme apprenti, dans une fabrique industrielle de tapis. Il réglait les machines qui tissaient les fils de couleur. Il aimait ces œuvres produites par les métiers, imitées d'originaux de Perse, de Boukhara et Samarcande, ou de Chine. Pour des raisons de rentabilité, on avait décidé de délocaliser la fabrique, de démonter un à un tous les métiers à tisser, et de tout remonter ailleurs, très loin, à l'autre bout de la planète. On lui a proposé, à lui, âgé, infirme, de partir exercer son métier, loin, là-bas. Il a refusé, tout net. Bientôt, lui aussi sera « délocalisé ». Éloigné de cette ville, de ce pays. Bientôt, on l'enverra traîner la jambe ailleurs, et tapisser la terre de ses pas en d'autres lieux. Chassé pour ne pas avoir voulu partir.
— Moi, j'aime pas faire tapisserie, intervint la femme, jupe courte, voix haute,
qui se tenait tout près. Moi, mon royaume, c'est les trottoirs, je les connais de long en large dans cette ville, je suis de mobilité piétonne. Mais y a jamais de tapis sur mon bitume. Ah ça, pourtant, ce que j'aimerais me rouler dans un tapis, et le tapis tournerait, pas sur les trottoirs, sur les pentes vertes des collines, il roulerait, roulerait, me roulerait, me déroulerait, me chamboulerait... Allez pas croire que j'aime me faire rouler, ça non !
— Si seulement j'avais un tapis pour voler, coupa Léon, et s'élancer là-haut, par-dessus les barbelés, et glisser entre les grandes éoliennes toutes blanches, passer sous les cordes à linge, les grands étendoirs, entre les flots des draps blancs suspendus, entre pantalons et jupes qui habillent l'air et le vent, les toilettes du jour et les robes du soir, les bonnets de nuit en satin blanc, entre les serviettes de bain et tous les voiles, les chiffons d'azur, et voguer là où les brumes finissent, et passer sous les lignes d'horizon.

La femme, hauts talons, jupe courte, reprit vivement la parole :

— Moi, je ne suis pas une fille de l'air, et j'ai un cul sous mes jupes, mais dans cette ville, on n'en veut plus. Ici, à nos clients, on leur met la main au collet quand ils nous achètent du plaisir, on leur met au cul une contravention, interdit de stationner là sous les jupes des filles, feu rouge sous les jupes, sens interdit. Et nous, on nous envoie circuler ailleurs. Dis, le boiteux, t'as pas un tapis ?

Le soir approchait, et bientôt il faudrait rejoindre les cellules où l'on devait enfermer tous les détenus pour la nuit. Les familles s'étaient regroupées, quelques hommes allaient et venaient encore, tête basse. Quelques merles noirs s'étaient posés sur les barbelés, mais Léon pensait aux oies blanches.  
Aux lueurs de la fin de journée, se mêlèrent soudain des brouillards de couleur, des nappes de brume vertes, et d'autres orangées, d'abord lointaines puis de plus en plus proches jusqu'à plonger tout l'espace clôturé dans un flou coloré ; des silhouettes argentées voltigèrent surgies des volutes teintées, oranges et vertes : cabrioles, sauts de lune au-dessus d'un invisible cheval d'arçon, flips arrière, flips avant, rondades, roulades toutes aériennes, ce fut étonnant, déconcertant, et Léon, les yeux étincelants, voulut presque applaudir devant le spectacle, mais se demandait s'il ne rêvait pas, quand le boiteux le prit par le bras : faut y aller, vite. Une grande brèche avait été ouverte dans les grillages découpés. Léon se précipita vers l'extérieur, en compagnie du boiteux, et de la femme, jupe courte, talons hauts qui les avaient rejoints. Ils ne croisèrent aucun gardien dans les nuées de couleur, mais des jongleurs qui lançaient, les uns des bâtons du diable enflammés, d'autres des tenailles et cisailles. Léon aperçut dans sa fuite le visage furtif d'un clown, celui-là même qu'il avait vu sur le pont, mais sans dégoulinades. Une nouvelle fois, Léon eut l'impression que le saltimbanque lui adressait un sourire.
Ils s'éloignèrent dans la nuit tombante, le plus rapidement possible, tous trois, « les traîniers », comme ils se désignèrent par la suite. Un « traîne-misère » allait de nouveau parcourir les espaces à la recherche des oies blanches, accompagné d'un « traîne la jambe », et d'une « traînée ».
Un sourire aussi accompagnait désormais Léon.


à suivre...

Louis

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Message  Invité Ven 8 Nov 2013 - 8:17

Ce « con de Léon » est un homme comme vous et eux. Il n’a apparemment pas de domicile fixe puisqu’il se réveille sur un pont, et il est heureux Léon, pris dans une ambiance de fête grisâtre.
Mais « il suffit de passer le pont », comme aurait dit ce con de Georges, qui croyait naïvement comme Léon (qui est au paradis de l’accordéon), que de l’autre côté c’est l’aventure.
C’est là que les choses vont se compliquer.
Léon est bloqué sur le pont, parce que les papiers sont périssables, et puis le pont est tellement long, et Léon n’est pas présentable.
Impossible de revenir sur ses pas. Léon est bloqué sur le pont, dans une sorte de no man’s land, ce qui est faux puisqu’il y est. On dit qu’un monstre sans visage y met la civilisation en péril par ses multiples exactions.
Faute  d’identité,  Léon se retrouve dans un centre de rétention, avec d’autres étranges compagnons qui comme lui sont à la marge.
Nous n’allons pas nous mentir plus longtemps : Il y aurait un pamphlet anti Valls dans ce texte bien écrit, où l’ironie et l’absurde transpirent dans chaque phrase.
La peur de l’Autre pourra-t-elle s’évader dans un sourire mystérieux ?
J’ai beaucoup aimé ce texte (un peu moins le pavé du milieu qui gagnerait à être aéré), et je reste suspendu au sourire de ce con pour savoir la suite.

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Message  Invité Ven 8 Nov 2013 - 8:49

J'y ai vu la thématique de la frontière qui enferme ceux qui appartiennent à un territoire et qui repoussent ceux qui veulent y entrer sans montrer patte blanche. Et puis l'image du pont qui devrait relier mais qui nécessite un laissez-passer pour le franchir, alors qu'au-dessous, la nature, libre poursuit son chemin.
Frontières naturelles, frontières administratives. Un sujet qui m'intéresse en ce moment et qui est ici magnifiquement servi par une belle écriture claire et limpide.
Je me suis arrêtée au milieu du texte mais poursuivrai ma lecture dès que j'en aurai le temps.

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Message  Invité Ven 8 Nov 2013 - 18:18

Ce beau texte étant assez long, je signale que je me suis arrêtée au passage : Centre de rétention. Pour l'instant, voici quelles notes rapides :

D'aulnes en alisiers :  très jolies sonorités et image.
Joli aussi :Les parapluies qui se changent en oiseaux de paradis.
La fanfare : bruit, vie, mouvement.
Un moment, le mouvement, la vie absorbent Léon. Ce sont des émotions qui le prennent et habitent son corps, le soustrayant un temps à l'achlus, à l'obscurité.
Léon rit.
il lui sembla que le clown lui avait adressé un sourire à travers les dégoulinades de son maquillage sillonné par la pluie, qui donnait à son visage l'allure effrayante d'un mascaron.
A travers la laideur du clown, Léon voit son humanité.

Retour à la réalité,  dure et froide. On lui barre le passage. On lui demande ses papiers. On lui demande de payer un droit d'entrée.
Léon est de "dehors". C'est un étranger. Il n'est pas de "dedans". Il y a une frontière à passer pour entrer là où il veut aller.
Je n'ai rien que moi-même. Léon est un être humain. Un homme. Son appartenance à sa condition devrait suffire. Mais les militaires ne l'entendent pas ainsi.
Cela nous ramène à l'origine militaire du mot frontière : du front.
Le cerbère énonce des lois. Léon doit s'y soumettre. Il n'est pas un homme libre de circuler où il veut. Une société lui impose des règles.
Pas de libre circulation. Il a beau dire qu'il ne fait que passer, il se heurte à une obstination imbécile.

Belle image de la rivière qui se moque des lignes artificielles de démarcation et qui va, libre.
Léon contemple la nature, le soleil couchant, les nuages. Il est appuyé au garde-fou : mot bien choisi pour évoquer l'organisation stricte et castratrice de la société humaine.
Rencontre avec un employé du service de nettoiement qui lui dresse un portrait bien noir de cette société menée par l'appât de l'argent, tributaire de l'argent, esclave de ses plaisirs de consommation.

Léon est pris sur ce pont comme dans un piège : impossible de s'évader sans se heurter à des barrières. Ne lui restent que le rêve, et des images de migration des oies blanches.

Je poursuivrai ma lecture plus tard.
J'ai beaucoup aimé ce texte, pour le thème qu'il aborde, et pour l'écriture qui n'oublie pas de se faire poétique en offrant de belles images.

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Message  Invité Sam 9 Nov 2013 - 20:39

Un texte étrange : hybride entre conte et pamphlet, une chimère chatoyante, parfois un peu trop explicative, quelque chose qui court tout au long du texte, vivace, insaisissable...
C'est ma première impression, j'y reviendrai.
C'est curieux, je viens de remarquer qu'Iris comme moi ne peut  te lire et te commenter en une fois, Louis. Comme si on attendait que ça refroidisse un peu !

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Message  Ba Dim 10 Nov 2013 - 9:11

Je me suis arrêtée à l'arrivée de la musique, pour l'instant cela me suffit que cette "bedaine " embarque les maigres pantalons.
Une richesse à déguster à la paille.
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Message  Invité Dim 10 Nov 2013 - 9:38

Ce texte soulève plusieurs thèmes : migrations de populations contraintes au départ, mais sans but ni espérance quant à leur destination, privation de libertés, de liberté. Errance, hostilité de leur nouveau lieu de chute qui est loin d'être un lieu d'accueil.
Et toujours des barrières, des grillages, des barbelés.

Si l'on met tant de temps à achever la lecture, que l'auteur ne prenne pas cela pour du désintérêt ou de l'ennui. Au contraire. On (je parle pour moi et peut-être aussi pour les autres lecteurs) a besoin de faire une pause. D'abord pour savourer l'écriture, avec toujours de belles images, et pour réfléchir aux problèmes soulevés, certains d'une actualité douloureuse.

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Message  Invité Dim 10 Nov 2013 - 10:21

Oh ! pourquoi erres-tu dans la lande ? Sache que si tu veux franchir cette frontière, tu vas vallser manu militari. Le social à l’isthme s’arrête. Reste plus qu'à lamper tout ça.

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Message  Lizzie Dim 10 Nov 2013 - 13:20

C'est un texte foisonnant, bien écrit, riche de doubles sens et de trouvailles, poétique par moment.
Cependant, j'avoue que le traitement est trop didactique, presque moralisateur, pour que je me laisse captiver. Désolée !

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Message  Raoulraoul Lun 11 Nov 2013 - 17:13

Le passage du pont comme celui vers un ailleurs. "Le pas suspendu de la cigogne" de Bergman... Et puis l'enclos de la réclusion, sorte de limbe pénitentiaire. Le monstre pourrait être aussi celui qui libère des aliénations (pétrole, Ipad, argent, bijoux). Le boiteux, celui qui est mutilé, mais devient frère de Léon. Le manque du corps compensé par un plus d'esprit et de chaleur humaine. La prostituée, "bien roulée", mais pour rien. La tapis, métaphore de l'enfermement, l'étouffement luxueux, mais aussi de l'envol, du rêve, la liberté... Les losanges du grillage seraient la parcellisation du monde, fragmenté, brisé, vu par les détenus. Dans les yeux de Léon, il y a un univers poétique, clownesque, celui du jeu entre rire et larme. Ne lui reste plus qu'à contempler le flux du fleuve, dans le mitan du pont. C'est un arrêt suspendu entre deux polarités, une liberté héraclitienne, mouvante, par définition les extrémités d'un pont se scellent aux rivages, aux bords, où tout est trop nommé, défini, construit, solide. Alors que Léon a l'âme illimitée d'une oie blanche... J'ai aimé dans ton texte, cet ancrage dans une actualité concrète, mais qui ne s'enferme pas dans le réalisme, ton écriture épouse le sujet de ton texte, sans cesse elle cherche à transcender le monde des formes et des lois, par des métaphores, polysémies ; elle est en effet cette oie blanche au-dessus des frontières, mais ton écriture ne nous fait pas oublier qu'elle doit atterrir, un instant, pour ne pas perdre pied, et sens, et se nourrir de la misère des hommes.
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Message  demi-lune Lun 11 Nov 2013 - 17:16

J'ai entamé cette lecture sans savoir si j'irai au bout car le texte est long. Je l'ai lu d'une traite avec plaisir. Texte hanté par l'histoire comme par l'actualité et qui boucle entre les deux un lien de conteur, rappelant que, sans cesse, l'histoire se répète.
Didactique parfois, c'est vrai mais porté par un style très poétique qui fait glisser les mots avec douceur et légèreté. On se prend à vouloir connaître la suite et, pour moi, c'est bon signe.
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Message  Invité Lun 11 Nov 2013 - 21:08

Je t'ai lu d'un seul trait et je n'ai rencontré aucune difficulté. En soi, c'est déjà beaucoup.

Je tenais à te commenter un jour car tu fais des commentaires très travaillés aux autres et même si ton texte est long pour une lecture en scrollant, j'y tenais. Je sais que commenter demande du travail et de la réflexion. Dans tout ce que je vais dire ci-dessous, je tiens à préciser que je ne mets aucune ironie. J'ai d'ailleurs faillis renoncer à publier. Mais en même temps, c'est tellement le genre de commentaire que je rêve d'avoir… Fut un temps où il y en avait pas mal par ici. Et puis que s'est-il passé ?
Donc.
Malheureusement, ce texte ne m'a pas beaucoup plu. J'en suis désolé. La moindre des choses, c'est que je tente d'expliquer pourquoi. Mais tu es dans un registre tellement lointain du mien que ma critique ne va pas trop t'effaroucher ; j'espère.

C'est bien écrit —même si ce style n'est pas à mon goût— et facile à lire (ce qui veut dire la même chose à mon sens). Cependant, j'ai l'impression d'une superposition de trois univers extrêmement différents et cela me dérange beaucoup dans mon ressenti.

Le premier, c'est ce côté Fellinien, clown et fanfare dans la rue hivernale, clochard effaré, gendarmes à la Courteline, le côté conte onirique comme l'a dit quelqu'un plus haut. A vrai dire, je trouve cela un peu dépassé, déjà vu. Le style et ses répétitions faussement naïves va bien avec. Dans le genre cela me semble réussi. Mais voila, ce n'est pas trop mon genre.

Le second, c'est le paysage incertain (quel pays, quel peuple, quelle époque, quelle sorte de ville,…?) dans lequel se déroule cette affaire de fable sociale, ce symbolisme du pont sans issue, et ses modernismes (comme on dirait des archaïsmes), ipod, sports d'hivers, etc. Bon, on est d'accord, ce n'est pas bien d'empêcher les clodos de clocher, d'accord il a un pantalon et un paletot “devenu idéal“ ce con de Léon, mais sa co retenue pute et son boiteux sont bien maigres, au propre comme au figuré. Le camps de rétention, je ne le trouve pas à sa place là. On est pas sous Franco, et partant,, on a le droit (et peut-être même le devoir) de parler franco. Les raccompagnements à la frontière en ce moment, c'est chaud-bouillant. C'est pas Cria Cuervos. Ça demanderai quelque chose de péchu et direct ce sujet.
Enfin, ce n'est que mon avis comme dit l'autre.

Enfin, et ce sera la troisième couche, il y a ces mots grossiers et volontairement anachroniques à commencer par “Ce Con de Léon“, mélés à quelques snobismes (l'achlus dans les yeux) qui sont un troisième sujet de désagrément pour moi, lecteur.
Ils sonnent à mon oreille comme des cheveux sur la soupe (rire).

Donc je résume : onirique + modernisme + petites provocations, je me sens bousculé mais pas attiré.
Ce mélange n'est pas à mon goût.

Il y a le titre qui m'intrigue “Les Oies Blanches“, ainsi que le “à suivre“ à la fin.

Si les trois personnages partent ensemble à travers la campagne…alors.

Parce qu'ils sont vite sortis tes “traîniers“, quand même, je trouve.

Un peu fastoche, je trouve, comme ils sont sortis de là.

Alors, où vont-ils ?

Je suis prêt à en discuter, même en privé si tu veux. Je sais (on me l'a souvent dit) que j'ai parfois la critique gênante, surtout en public. Mais j'essaie d'être sincère. Ce n'est pas toujours facile. C'est beaucoup de soucis.

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Message  Raoulraoul Mar 12 Nov 2013 - 8:04

"Le Pas suspendu de la cigogne" est un film de Théo Angelopoulos, 1991. Pardon pour cette confusion entre "les grands"...
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Message  Lucy Mar 19 Nov 2013 - 0:22

Un texte vraiment très agréable à lire ! Sans un rapport évident, il m'a fait penser à "Children of men". Mais ce Léon et ces camarades me donnent sacrément envie de les suivre au-delà de ce pont.
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