Chérie, notre sang gris

Chérie, notre sang gris (que tu criblais de bleu
Indigo) me soulève encore en son trépas,
Racle, frôle, caresse, larde, incendie mes pas.
Sol jamais rassasié d'une ancre indélestable.

J'ai erré dans le leurre des mots, muré les portes,
Éteint toute clarté ; j'ai travesti ce coeur,
Encalminé sans fin le voilier des rancoeurs
Par lâcheté, paresse... ou ineptie. Qu'importe !

Cependant, je mesure aussi cet échouage
À l'aune du glacis. Oui : ton intransigeance.
À l'aune d'un éclat qui fige le présent.

Si l'amour est un fruit poussé du fond des âges,
Il souffre de ce mal sourd et agonisant :
C'est de devoir pourrir de son inallégeance.

Les douze derniers vers sont fameux.
La langue est fluide et soutenue. Le vocabulaire recherché (à l'aune du glacis, inallégeance... )
On s'engueule certes, mais entre gens cultivés.

Le sang-gris qui devient bleu est une trouvaille, mais les deux premiers vers coulent moins bien.
La rime bleu/indélestable  est pour le moins... contestable.

Quel raffinement pour parler d'un échec amoureux !

L'image du "voilier des rancœurs" "encalminé" est très belle, et se poursuit dans l'échouage, l'ancre (encre bleue) mais la mer n'est pas seule convoquée, l'architecture (glacis, mur et sol) et la cueillette des fruits, le monde entier témoigne de cet échec.
Je suis un peu arrêtée par les grands mots : indélestable,  intransigeance, inallégeance surtout en fin de vers.

Désolé, Annie... Un quatrième.


Chérie, notre sang gris (jadis inimitable
Indigo) me bouscule encore en son trépas,
Racle, frôle, caresse, larde, incendie mes pas.
Sol jamais rassasié d'une ancre indélestable.

J'ai erré dans le leurre des mots, muré les portes,
Éteint toute clarté ; j'ai travesti ce coeur,
Encalminé sans fin le voilier des rancoeurs
Par lâcheté, paresse... ou ineptie. Qu'importe !

Cependant, je mesure aussi cet échouage
À l'aune du glacis. Oui : ton intransigeance.
À l'aune d'un éclat qui fige le présent.

Si l'amour est un fruit poussé du fond des âges,
Il souffre de ce mal sourd et agonisant :
C'est de devoir pourrir de son inallégeance.

Très émouvant, ce poème.

rien ne me gène si ce n'est les deux "À l'aune",
mais c'est moi, je crois :
les répétitions me font toujours un effet redondant...

"Sol jamais rassasié d'une ancre indélestable."
yes !

j'ai bien aimé les images et, au vers 3, cette accumulation de verbes pour mieux traduire...

j'aime.
je préfère la première version pour :
- le premier vers, ce sang gris criblé de bleu est de toute beauté, il te faudrait alors changer la rime dernière, cette ancre indélestable solidement accrochée...
- me soulève qui me parle plus que me bouscule

puis-je ?
J'ai erré / ou ineptie / glacis. Oui me chatouillent l'oreille.

Beau texte,
une écriture élégante pour évoquer le désamour,
ce gâchis,
j'aime.

Les grands mots m'ont aussi un peu freiné ("inallégeance.." ne serait-ce pas un néologisme?) mais dans l'ensemble c'est tout de même un chant beau et perspicace.

Chérie, notre sang gris (que tu criblais de bleu
Indigo) me soulève encore en son trépas,
Racle, frôle, caresse, larde, incendie mes pas.
Sol jamais rassasié d'une ancre indélestable.

J'ai erré dans le leurre des mots, muré les portes,
Éteint toute clarté ; j'ai travesti ce coeur,
Encalminé sans fin le voilier des rancoeurs
Par lâcheté, paresse... ou ineptie. Qu'importe !

Cependant, je mesure aussi cet échouage
À l'aune du glacis. Oui : ton intransigeance.
À l'aune d'un éclat qui fige le présent.

Si l'amour est un fruit poussé du fond des âges,
Il souffre de ce mal sourd et agonisant :
C'est de devoir pourrir de son inallégeance.


j'aime le ton, l'épaisseur de ce texte
baudelairien

mes petites remarques de commentateur titilleur de surface...
pour moije :

... l'inutilité du mot indigo, surtout avec sa mise en relief...

... la fin qui généralise la sentence.... IL souffre de ce mal... JE serais, d'après moije, plus introverti et plus lyrique à la fois...

je pense que l'image du bateau et de son attache mériterait plus de relief (sorte de chalut lourd comme un boulet au pied ))))))) ??


amitié

Merci pour vos commentaires.