La piste aux étoiles
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La piste aux étoiles
Ni repli frileux sur l'intime
le monde est vaste et attirant
ni volonté de t'effacer
- l'humilité n'est pas ton fait.
Tu es du monde,
lui portes estime
et entends répondre « présent »
au jour qui vient et aux suivants.
Du flux continu, vortex
des biens et des capitaux
des hommes et des idiomes
tu es débranché, naturellement.
Tu témoignes pour un, et deux, et trois et la suite...
garants du cycle des saisons
pas pour l'été ininterrompu.
Universelle concurrence
guerre de course
chacun contre tous
avance pour gagner
une place, une acclamation, un quart d'heure de célébrité.
Tu ne cours pas
tu ne concours pas.
Tu marches.
Dans la forêt vont le Huron, l'Algonquin
- contes, récits, carrosses d'enfance -
qui la pénètrent toute,
sans écraser une feuille ni briser une brindille.
Toi, dans cette ville, ce chantier
attentif à ne pas déranger
réceptif aux visages sans nom
aux corps parés,
- beautés soudaines, fleurs entrevues -
aux mots décousus
tu vas, flaneur ignoré,
si manifestement obscur, pareil à chacun.
Vol silencieux de la chouette
le coing se voile de duvet
le soleil est aveugle.
le monde est vaste et attirant
ni volonté de t'effacer
- l'humilité n'est pas ton fait.
Tu es du monde,
lui portes estime
et entends répondre « présent »
au jour qui vient et aux suivants.
Du flux continu, vortex
des biens et des capitaux
des hommes et des idiomes
tu es débranché, naturellement.
Tu témoignes pour un, et deux, et trois et la suite...
garants du cycle des saisons
pas pour l'été ininterrompu.
Universelle concurrence
guerre de course
chacun contre tous
avance pour gagner
une place, une acclamation, un quart d'heure de célébrité.
Tu ne cours pas
tu ne concours pas.
Tu marches.
Dans la forêt vont le Huron, l'Algonquin
- contes, récits, carrosses d'enfance -
qui la pénètrent toute,
sans écraser une feuille ni briser une brindille.
Toi, dans cette ville, ce chantier
attentif à ne pas déranger
réceptif aux visages sans nom
aux corps parés,
- beautés soudaines, fleurs entrevues -
aux mots décousus
tu vas, flaneur ignoré,
si manifestement obscur, pareil à chacun.
Vol silencieux de la chouette
le coing se voile de duvet
le soleil est aveugle.
Annie- Nombre de messages : 1452
Age : 74
Date d'inscription : 07/07/2010
Re: La piste aux étoiles
J'aime beaucoup ce poème de présence attentive, volontaire et discrète. Ce coing embaume !
Invité- Invité
Re: La piste aux étoiles
Oui, très beau portrait. Qui dessine aussi comme un "art de vivre".
J'ai pensé à Montaigne, et puis à un film assez étonnant que je viens de revoir : "Sugar Man", l'histoire vraie de la quête d'un musicien disparu, qui soudain ressurgit dans toute son élégante justesse.
J'ai pensé à Montaigne, et puis à un film assez étonnant que je viens de revoir : "Sugar Man", l'histoire vraie de la quête d'un musicien disparu, qui soudain ressurgit dans toute son élégante justesse.
Re: La piste aux étoiles
Il manque l'accent circonflexe sur flâneur.
L'énumération ("Du flux continu, vortex / des biens et des capitaux / des hommes et des idiomes") et la gradation ("une place, une acclamation, un quart d'heure de célébrité.") signalent les dangers d'une modernité placée sous le signe funeste de la compétition acharnée (pied de nez de l'expression "chacun contre tous"), de la recherche permanente de l'artifice ("l'été ininterrompu"), assimilant tous les échanges dans une même masse informe et entraînant à toute vitesse l'individu dans un tourbillon... de vent. À ce titre, l'antithèse ("Tu ne cours pas" / "Tu marches") ainsi que les négations ("Ni... ni", "pas", "ne...pas", "sans... ni"), marquent le refus des excès du personnage présenté ici. C'est bien la modération qui guide sa démarche. Une modération qui n'est pas pour autant synonyme d'absence de curiosité ("le monde est vaste et attirant") ni d'indifférence ("lui portes estime"), mais bien de participation active ("Tu témoignes..."). Il y a, dans ce procédé de mise en relief, dans cette inversion ("Dans la forêt vont le Huron, l'Algonquin") une noblesse toute particulière, de même que dans le jeu si subtil de l'antithèse ("la pénètrent toute" / "sans écraser... ni briser..."), de la violence apparente à la douceur effective. L'aborigène, le "sauvage", en épousant les rythmes de la nature, en y prélevant à l'aune de l'essentiel, se montre tellement plus respectueux de son environnement que le "civilisé". La douceur, comme la lenteur ("flâneur"), denrées trop rares de nos jours. L'apostrophe ("Toi") met en exergue le personnage ainsi que les adjectifs (et participes passés) qui appuient si agréablement sur la lenteur, justement ("attentif", "réceptif") et sur le penchant, si vif, pour la discontinuité ("soudaines", "entrevues", "décousues"). Le chiasme ("si manifestement obscur") résonne avec une force peu commune dans le contexte. Si la fin du poème ouvre d'abord la perspective avec le mystère, l'émerveillement presque indicible de la vie ("la chouette", "le coing") par ailleurs déjà fixés par le titre, la personnification ("le soleil est aveugle"), comme un écho soudain au roman éponyme de Malaparte, fait littéralement éclater, par un effet de contraste saisissant, la violence, la dureté, l'absurdité sans nom du monde moderne.
Merci pour le voyage !
L'énumération ("Du flux continu, vortex / des biens et des capitaux / des hommes et des idiomes") et la gradation ("une place, une acclamation, un quart d'heure de célébrité.") signalent les dangers d'une modernité placée sous le signe funeste de la compétition acharnée (pied de nez de l'expression "chacun contre tous"), de la recherche permanente de l'artifice ("l'été ininterrompu"), assimilant tous les échanges dans une même masse informe et entraînant à toute vitesse l'individu dans un tourbillon... de vent. À ce titre, l'antithèse ("Tu ne cours pas" / "Tu marches") ainsi que les négations ("Ni... ni", "pas", "ne...pas", "sans... ni"), marquent le refus des excès du personnage présenté ici. C'est bien la modération qui guide sa démarche. Une modération qui n'est pas pour autant synonyme d'absence de curiosité ("le monde est vaste et attirant") ni d'indifférence ("lui portes estime"), mais bien de participation active ("Tu témoignes..."). Il y a, dans ce procédé de mise en relief, dans cette inversion ("Dans la forêt vont le Huron, l'Algonquin") une noblesse toute particulière, de même que dans le jeu si subtil de l'antithèse ("la pénètrent toute" / "sans écraser... ni briser..."), de la violence apparente à la douceur effective. L'aborigène, le "sauvage", en épousant les rythmes de la nature, en y prélevant à l'aune de l'essentiel, se montre tellement plus respectueux de son environnement que le "civilisé". La douceur, comme la lenteur ("flâneur"), denrées trop rares de nos jours. L'apostrophe ("Toi") met en exergue le personnage ainsi que les adjectifs (et participes passés) qui appuient si agréablement sur la lenteur, justement ("attentif", "réceptif") et sur le penchant, si vif, pour la discontinuité ("soudaines", "entrevues", "décousues"). Le chiasme ("si manifestement obscur") résonne avec une force peu commune dans le contexte. Si la fin du poème ouvre d'abord la perspective avec le mystère, l'émerveillement presque indicible de la vie ("la chouette", "le coing") par ailleurs déjà fixés par le titre, la personnification ("le soleil est aveugle"), comme un écho soudain au roman éponyme de Malaparte, fait littéralement éclater, par un effet de contraste saisissant, la violence, la dureté, l'absurdité sans nom du monde moderne.
Merci pour le voyage !
jfmoods- Nombre de messages : 692
Age : 59
Localisation : jfmoods@yahoo.fr
Date d'inscription : 16/07/2013
Re: La piste aux étoiles
Tu ne cours pas
tu ne concours pas.
Tu marches.
C'est le cœur du poème, et sa charnière aussi . Cette posture au monde, toi Poète, Homme Debout, est à elle seule un manifeste.
Et j'apprécie énormément la finesse et l'astuce de ce passage:
Dans la forêt vont le Huron, l'Algonquin
- contes, récits, carrosses d'enfance -
qui la pénètrent toute,
sans écraser une feuille ni briser une brindille.
Les peuples natifs, en effet, respectaient tant la Terre-mère (la nôtre!) qu'ils ne prélevaient que le strict nécessaire à leur subsistance, ne cueillaient une plante qu'après en avoir vu au moins trois exemplaires sur le même biotope, ne dérangeaient pas, ne consommaient pas, n'abîmaient pas : en effet ils pouvaient pénétrer une forêt en totalité sans laisser aucun impact.
Ces récits d'enfance, fondateurs, transportaient, fiers carrosses, les âmes exaltées des petits d'Homme au pays du respect et de l'harmonie...
et parallèlement, comme ta construction le suggère, ces contes et récits, en vrais viatiques pour le voyage dans la sombre forêt de l'âme humaine, pénètrent et colorent toute l'enfance sans y écraser ni briser quoi que ce soit, bien au contraire...
Même un soleil aveugle réchauffe patte ou pied endolori, éclaire museaux et visages ...
Un dernier mot pour le titre si riche et malin : clin d’œil à l'enfance, allusion au spectacle du monde et de la vie, ce tour de cirque dérisoire, pathétique et jouissif...
Bravo pour ce poème accompli.
tu ne concours pas.
Tu marches.
C'est le cœur du poème, et sa charnière aussi . Cette posture au monde, toi Poète, Homme Debout, est à elle seule un manifeste.
Et j'apprécie énormément la finesse et l'astuce de ce passage:
Dans la forêt vont le Huron, l'Algonquin
- contes, récits, carrosses d'enfance -
qui la pénètrent toute,
sans écraser une feuille ni briser une brindille.
Les peuples natifs, en effet, respectaient tant la Terre-mère (la nôtre!) qu'ils ne prélevaient que le strict nécessaire à leur subsistance, ne cueillaient une plante qu'après en avoir vu au moins trois exemplaires sur le même biotope, ne dérangeaient pas, ne consommaient pas, n'abîmaient pas : en effet ils pouvaient pénétrer une forêt en totalité sans laisser aucun impact.
Ces récits d'enfance, fondateurs, transportaient, fiers carrosses, les âmes exaltées des petits d'Homme au pays du respect et de l'harmonie...
et parallèlement, comme ta construction le suggère, ces contes et récits, en vrais viatiques pour le voyage dans la sombre forêt de l'âme humaine, pénètrent et colorent toute l'enfance sans y écraser ni briser quoi que ce soit, bien au contraire...
Même un soleil aveugle réchauffe patte ou pied endolori, éclaire museaux et visages ...
Un dernier mot pour le titre si riche et malin : clin d’œil à l'enfance, allusion au spectacle du monde et de la vie, ce tour de cirque dérisoire, pathétique et jouissif...
Bravo pour ce poème accompli.
Polixène- Nombre de messages : 3298
Age : 62
Localisation : Dans un pli du temps . (sohaz@mailo.com)
Date d'inscription : 23/02/2010
Re: La piste aux étoiles
il n'y a pas ici à aimer ou à ne pas aimer mais plutôt adhérer à...
c'est un poème-manifeste comme il a été dit,
comme en presse écrite, la distance entre l'article et l'éditorial.
alors il reste le style, l'écriture, et j'avoue que c'est bien écrit... très bien même, et plus encore...
j'aime )))
c'est un poème-manifeste comme il a été dit,
comme en presse écrite, la distance entre l'article et l'éditorial.
alors il reste le style, l'écriture, et j'avoue que c'est bien écrit... très bien même, et plus encore...
j'aime )))
Pussicat- Nombre de messages : 4846
Age : 57
Localisation : France
Date d'inscription : 17/02/2012
Re: La piste aux étoiles
Merci de votre lecture amicale, flânerie ici, sur le forum.
Annie- Nombre de messages : 1452
Age : 74
Date d'inscription : 07/07/2010
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