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Message  obi Ven 18 Avr 2014 - 21:21

Pas encore



        Je me rappelle
        Tu respirais mieux ce soir-là
        Tu as dit tout change
        Vrai, on n'y peut rien
        A ta lèvre attaché le fil d'or était tendre
        Tu souriais paisible, tellement déjà loin...


        Tout petit doux
        Comme on endort un chagrin
        Juste l'enfant d'une vie,
        Comme on coupe sa main
        Pour l'empêcher à jamais de se tendre
        En retour j'ai souri
        Tu te souviens ?


       Creuser
       Au grand vide d'avant
       Refaire sa place coutume
       Et voici que je me rappelle



       Survivre sous la croûte du ciel mensonger
       Ne pas gratter
       Pour rien au monde
       Attendre seulement
       Seul, attendre
       Fermer les yeux
       Rivière séchée
       Attendre encore
       Infiniment
       Rien


      Espérer on a tort toujours
      Mais de cela comment se déprendre
     Cela seul qui sauve de nous
     Quelques petits cailloux...


      S'il faut  toujours relever comme ils disent
      Et marcher
      Alors
      Silence !
      Silence ma bouche d'ombre fière
      Ma dure avaleuse des fiels et des injures
      Antique dompteuse des sorts et des serpents
      A quoi bon parler quand rien ne reste à donner ?


      Rien
      Ne plus rien attendre
      Fermer les yeux , fermer tout
      Et sourire
      Eclater
      Vers leurs mangeoires ridicules
      Sous leurs soleils étriqués
      S'éreinter à sembler ce qu'ils connaissent


     Mais pour dedans...
    Couler- dormir- doux - dedans
    Qu'on me laisse seul
    Suspendu

    O vous !
    Qu'on me laisse un peu...






    Voici longtemps tous mes vaisseaux avaient sombré
    Bien avant les vivres et l'embarquement
    De temps à temps au loin je l'entrevois
    Si loin
    Passagère éternelle des flots incessants


   Moi je reste là
   Planté dans la vase
   Que l'on ne peut coucher
   Inutile comme un grand pauvre mât têtu
   Que nulle tempête ne brisera plus
   Moi je reste
   Là


   Dévoilé, immobile, être sans coque !
   Les varechs et de bien vieux requins
   Autour de moi
   Dansent dans l'eau de sel
   Et toujours je tiens
   Le sable glisse d'autrefois
   Vers plus grand-chose
   Trop tard
                  Tant pis
                                Je tiens...


    Je reste là
    N'ai jamais su pourquoi
    Mais si un jour...si jamais...
    Ne crains pas
    Je serai là



     Je suis planté
     Vers au large voir
     S'épointer l'horizon  bleu
     Et dans des soirs plus douloureux
     L'or fibule au couchant de tes yeux
     L'or repris
     Tamisé toute notre vie
     Notre pauvre vie
     Et longuement d'un rêve,
     D'un temps qui fut peut-être, dis,
     Je me souviens
     
     Il y a longtemps sous le ciel
      O je me rappelle
      C'était alors
      Je n'étais pas encore
      Tout à fait rien.

obi

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Message  Polixène Dim 20 Avr 2014 - 15:30

Touchée par ce beau texte dense, ses splendeurs, ses maladresses, ses sombres lueurs, ses ombres fulgurantes.

(Plus tard j'espère, un vrai commentaire, mais je ne voulais pas passer sans rien dire)
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Message  jfmoods Lun 21 Avr 2014 - 13:31

"Éclater"

La métaphore filée maritime, qui baigne la seconde partie du poème, semble en définir les véritables contours. Entre le locuteur et l'allocutrice (qui n'apparaît qu'une fois, hors les pronoms personnels et les adjectifs possessifs) s'inscrit apparemment une relation filiale, de père à fille (parmi d'autres éléments, l'expression "tout petit doux" pousse vers cette hypothèse). L'histoire est peut-être liée aux circonstances particulières d'un divorce pénible. La "passagère éternelle des flots incessants" a quitté la maison. Les "Quelques petits cailloux" qui lui traçaient la voie sont à présent dépourvus d'utilité. Cette séparation soulève chez le locuteur un canevas d'épreuves douloureuses que soulignent avec force les antithèses ("Tout" / "rien" / "infiniment" / "toujours" / "jamais"), l'allégorie ("comme on endort un chagrin"), les métaphores ("l'enfant d'une vie", "le couchant de tes yeux"). C'est qu'avec ce départ auquel le langage vient prêter main forte à l'expression du bouleversement (inversion : "tellement déjà" qui souligne une intensité préalable à l'idée même de cassure), le sens de l'existence se trouve mis en absolue déroute. L'enfant, en effet, se présentait comme réceptacle essentiel ("L'or") du couple ("Tamisé toute notre vie"). Ne subsiste plus, en dernière analyse, que l'image improbable, douteuse, d'un passé ("un temps qui fut peut-être", "il y a longtemps"). Se rappeler, se souvenir, se trouver exclusivement dans ce rapport-là aux choses et aux êtres, c'est être irrémédiablement chassé du temps vécu, c'est être renvoyé "au grand vide d'avant", celui, insondable, précédant la perspective de la naissance de l'enfant. Ce rapport particulier à l'enfant cristallisait donc un appétit de vivre, une combativité face à l'adversité ("ma bouche d'ombre fière / Ma dure avaleuse des fiels et des injures / Antique dompteuse des sorts et des serpents") devenus aujourd'hui caducs. L'effet de distanciation des possessifs ("leurs") signale l'actuel simulacre ("mangeoires ridicules"), l'image d'une farce sociale accentuée par l'hyperbole ("Éclater"). Le procédé de mise en relief ("Moi je reste") appuie sur l'enlisement inéluctable du sujet ("planté dans la vase"), sous un horizon aux repères distendus, en pointillés permanents ("de temps à temps" plus discontinu s'il est possible que "de temps en temps", "je l'entrevois"). Le paradoxe tient peut-être tout entier dans l'image de cette absence de "coque" et de voile ("Dévoilé"), comme si, contrairement à toute logique, c'était l'allocutrice et non pas le locuteur qui avait toujours tenu lieu à la fois d'étai et de force motrice, de gouvernail à l'autre.

J'ai été particulièrement touché par cette suite de marches descendantes...

 "Trop tard
                  Tant pis
                                Je tiens..."

Le "grand pauvre mât têtu" n'est pas sans me rappeler le...

"... pauvre grand diable de nez..."

… de Cyrano.


Merci pour ce partage !
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Message  seyne Mar 22 Avr 2014 - 16:41

Juste une réserve, ce vers : "A ta lèvre attaché le fil d'or était tendre" qui au tout début du poème est si énigmatique (je n'ai pas encore bien compris à quoi il fait allusion) qu'il le verrouille un peu, l'esprit en restant encombré un moment.
Mais pour le reste, je le lis comme un poème de deuil, poème du juste avant, les derniers moments de présence si précieuse, si lucide...et puis le juste après, ce vide paradoxalement envahi de tout le plein du temps passé, et du manque de la présence, de l'encombrement de soi.
Peut-être je n'ai pas bien compris, mais lu ainsi le poème m'a semblé d'une justesse sobre et poignante.
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Message  obi Lun 28 Avr 2014 - 8:32

Il est étrange comme les autres, lisant nos textes, nous les font (re)découvrir. Merci à Polixène,jfmoods et Seyne. Peut-être que le sentiment que je voulais évoquer n'était pas assez clair. D'ailleurs le fallait-il?C'était plutôt une approche d'état souffrant.

Divorce pénible ? Je pensais séparation seulement. L'enfant voulu, imaginé, espéré n'aura pas lieu non plus que la lente construction du « je » plus « toi », qui se défait. L'un est planté aux deux sens du terme et, refusant de crier « Aline, pour qu'elle revienne » reste; pourquoi pas comme Cyrano, grand pauvre mât têtu balancé par les flots incessants?

Très vrai Seyne : juste avant(pendant plus exactement) et juste après mais un après qui s'étend à l'infini et ne peut(veut) guérir. Du coup, le « fil d'or attaché » n'est, trivialement, qu'un cheveu blond doré, comme il s'en égare à la commissure des lèvres lorsque les filles ont les cheveux longs. En face d'elle, l'esprit assailli par une grande douleur ne peut clairement distinguer que ce petit écart du réel, ridicule, touchant, pour éviter l'écartèlement, pour se « distancier » de tout et de tous (oui, jfmoods) pour ne pas se perdre complètement.

Merci à tous ceux qui ont lu et à vous trois particulièrement !

P.S. Merci encore à Seyne à qui je dois l'idée de ce poème en réaction à Todo cambia !

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Message  jfmoods Lun 28 Avr 2014 - 9:04

En revenant sur ton texte, je prends conscience que j'ai manqué de recul...

À la considérer de plus près, l'allégorie ("comme on endort un chagrin") marquait bien le substitut, l'affliction que l'on berce, en lieu et place de l'enfant désiré, avec l'espoir vain d'en calmer les ravages.

De même, "l'enfant d'une vie" signalait la charge incommensurable du fantasme.
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