Pas encore
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Pas encore
Pas encore
Je me rappelle
Tu respirais mieux ce soir-là
Tu as dit tout change
Vrai, on n'y peut rien
A ta lèvre attaché le fil d'or était tendre
Tu souriais paisible, tellement déjà loin...
Tout petit doux
Comme on endort un chagrin
Juste l'enfant d'une vie,
Comme on coupe sa main
Pour l'empêcher à jamais de se tendre
En retour j'ai souri
Tu te souviens ?
Creuser
Au grand vide d'avant
Refaire sa place coutume
Et voici que je me rappelle
Survivre sous la croûte du ciel mensonger
Ne pas gratter
Pour rien au monde
Attendre seulement
Seul, attendre
Fermer les yeux
Rivière séchée
Attendre encore
Infiniment
Rien
Espérer on a tort toujours
Mais de cela comment se déprendre
Cela seul qui sauve de nous
Quelques petits cailloux...
S'il faut toujours relever comme ils disent
Et marcher
Alors
Silence !
Silence ma bouche d'ombre fière
Ma dure avaleuse des fiels et des injures
Antique dompteuse des sorts et des serpents
A quoi bon parler quand rien ne reste à donner ?
Rien
Ne plus rien attendre
Fermer les yeux , fermer tout
Et sourire
Eclater
Vers leurs mangeoires ridicules
Sous leurs soleils étriqués
S'éreinter à sembler ce qu'ils connaissent
Mais pour dedans...
Couler- dormir- doux - dedans
Qu'on me laisse seul
Suspendu
O vous !
Qu'on me laisse un peu...
Voici longtemps tous mes vaisseaux avaient sombré
Bien avant les vivres et l'embarquement
De temps à temps au loin je l'entrevois
Si loin
Passagère éternelle des flots incessants
Moi je reste là
Planté dans la vase
Que l'on ne peut coucher
Inutile comme un grand pauvre mât têtu
Que nulle tempête ne brisera plus
Moi je reste
Là
Dévoilé, immobile, être sans coque !
Les varechs et de bien vieux requins
Autour de moi
Dansent dans l'eau de sel
Et toujours je tiens
Le sable glisse d'autrefois
Vers plus grand-chose
Trop tard
Tant pis
Je tiens...
Je reste là
N'ai jamais su pourquoi
Mais si un jour...si jamais...
Ne crains pas
Je serai là
Je suis planté
Vers au large voir
S'épointer l'horizon bleu
Et dans des soirs plus douloureux
L'or fibule au couchant de tes yeux
L'or repris
Tamisé toute notre vie
Notre pauvre vie
Et longuement d'un rêve,
D'un temps qui fut peut-être, dis,
Je me souviens
Il y a longtemps sous le ciel
O je me rappelle
C'était alors
Je n'étais pas encore
Tout à fait rien.
Je me rappelle
Tu respirais mieux ce soir-là
Tu as dit tout change
Vrai, on n'y peut rien
A ta lèvre attaché le fil d'or était tendre
Tu souriais paisible, tellement déjà loin...
Tout petit doux
Comme on endort un chagrin
Juste l'enfant d'une vie,
Comme on coupe sa main
Pour l'empêcher à jamais de se tendre
En retour j'ai souri
Tu te souviens ?
Creuser
Au grand vide d'avant
Refaire sa place coutume
Et voici que je me rappelle
Survivre sous la croûte du ciel mensonger
Ne pas gratter
Pour rien au monde
Attendre seulement
Seul, attendre
Fermer les yeux
Rivière séchée
Attendre encore
Infiniment
Rien
Espérer on a tort toujours
Mais de cela comment se déprendre
Cela seul qui sauve de nous
Quelques petits cailloux...
S'il faut toujours relever comme ils disent
Et marcher
Alors
Silence !
Silence ma bouche d'ombre fière
Ma dure avaleuse des fiels et des injures
Antique dompteuse des sorts et des serpents
A quoi bon parler quand rien ne reste à donner ?
Rien
Ne plus rien attendre
Fermer les yeux , fermer tout
Et sourire
Eclater
Vers leurs mangeoires ridicules
Sous leurs soleils étriqués
S'éreinter à sembler ce qu'ils connaissent
Mais pour dedans...
Couler- dormir- doux - dedans
Qu'on me laisse seul
Suspendu
O vous !
Qu'on me laisse un peu...
Voici longtemps tous mes vaisseaux avaient sombré
Bien avant les vivres et l'embarquement
De temps à temps au loin je l'entrevois
Si loin
Passagère éternelle des flots incessants
Moi je reste là
Planté dans la vase
Que l'on ne peut coucher
Inutile comme un grand pauvre mât têtu
Que nulle tempête ne brisera plus
Moi je reste
Là
Dévoilé, immobile, être sans coque !
Les varechs et de bien vieux requins
Autour de moi
Dansent dans l'eau de sel
Et toujours je tiens
Le sable glisse d'autrefois
Vers plus grand-chose
Trop tard
Tant pis
Je tiens...
Je reste là
N'ai jamais su pourquoi
Mais si un jour...si jamais...
Ne crains pas
Je serai là
Je suis planté
Vers au large voir
S'épointer l'horizon bleu
Et dans des soirs plus douloureux
L'or fibule au couchant de tes yeux
L'or repris
Tamisé toute notre vie
Notre pauvre vie
Et longuement d'un rêve,
D'un temps qui fut peut-être, dis,
Je me souviens
Il y a longtemps sous le ciel
O je me rappelle
C'était alors
Je n'étais pas encore
Tout à fait rien.
obi- Nombre de messages : 566
Date d'inscription : 24/02/2013
Re: Pas encore
Touchée par ce beau texte dense, ses splendeurs, ses maladresses, ses sombres lueurs, ses ombres fulgurantes.
(Plus tard j'espère, un vrai commentaire, mais je ne voulais pas passer sans rien dire)
(Plus tard j'espère, un vrai commentaire, mais je ne voulais pas passer sans rien dire)
Polixène- Nombre de messages : 3295
Age : 61
Localisation : Dans un pli du temps . (sohaz@mailo.com)
Date d'inscription : 23/02/2010
Re: Pas encore
"Éclater"
La métaphore filée maritime, qui baigne la seconde partie du poème, semble en définir les véritables contours. Entre le locuteur et l'allocutrice (qui n'apparaît qu'une fois, hors les pronoms personnels et les adjectifs possessifs) s'inscrit apparemment une relation filiale, de père à fille (parmi d'autres éléments, l'expression "tout petit doux" pousse vers cette hypothèse). L'histoire est peut-être liée aux circonstances particulières d'un divorce pénible. La "passagère éternelle des flots incessants" a quitté la maison. Les "Quelques petits cailloux" qui lui traçaient la voie sont à présent dépourvus d'utilité. Cette séparation soulève chez le locuteur un canevas d'épreuves douloureuses que soulignent avec force les antithèses ("Tout" / "rien" / "infiniment" / "toujours" / "jamais"), l'allégorie ("comme on endort un chagrin"), les métaphores ("l'enfant d'une vie", "le couchant de tes yeux"). C'est qu'avec ce départ auquel le langage vient prêter main forte à l'expression du bouleversement (inversion : "tellement déjà" qui souligne une intensité préalable à l'idée même de cassure), le sens de l'existence se trouve mis en absolue déroute. L'enfant, en effet, se présentait comme réceptacle essentiel ("L'or") du couple ("Tamisé toute notre vie"). Ne subsiste plus, en dernière analyse, que l'image improbable, douteuse, d'un passé ("un temps qui fut peut-être", "il y a longtemps"). Se rappeler, se souvenir, se trouver exclusivement dans ce rapport-là aux choses et aux êtres, c'est être irrémédiablement chassé du temps vécu, c'est être renvoyé "au grand vide d'avant", celui, insondable, précédant la perspective de la naissance de l'enfant. Ce rapport particulier à l'enfant cristallisait donc un appétit de vivre, une combativité face à l'adversité ("ma bouche d'ombre fière / Ma dure avaleuse des fiels et des injures / Antique dompteuse des sorts et des serpents") devenus aujourd'hui caducs. L'effet de distanciation des possessifs ("leurs") signale l'actuel simulacre ("mangeoires ridicules"), l'image d'une farce sociale accentuée par l'hyperbole ("Éclater"). Le procédé de mise en relief ("Moi je reste") appuie sur l'enlisement inéluctable du sujet ("planté dans la vase"), sous un horizon aux repères distendus, en pointillés permanents ("de temps à temps" plus discontinu s'il est possible que "de temps en temps", "je l'entrevois"). Le paradoxe tient peut-être tout entier dans l'image de cette absence de "coque" et de voile ("Dévoilé"), comme si, contrairement à toute logique, c'était l'allocutrice et non pas le locuteur qui avait toujours tenu lieu à la fois d'étai et de force motrice, de gouvernail à l'autre.
J'ai été particulièrement touché par cette suite de marches descendantes...
"Trop tard
Tant pis
Je tiens..."
Le "grand pauvre mât têtu" n'est pas sans me rappeler le...
"... pauvre grand diable de nez..."
… de Cyrano.
Merci pour ce partage !
La métaphore filée maritime, qui baigne la seconde partie du poème, semble en définir les véritables contours. Entre le locuteur et l'allocutrice (qui n'apparaît qu'une fois, hors les pronoms personnels et les adjectifs possessifs) s'inscrit apparemment une relation filiale, de père à fille (parmi d'autres éléments, l'expression "tout petit doux" pousse vers cette hypothèse). L'histoire est peut-être liée aux circonstances particulières d'un divorce pénible. La "passagère éternelle des flots incessants" a quitté la maison. Les "Quelques petits cailloux" qui lui traçaient la voie sont à présent dépourvus d'utilité. Cette séparation soulève chez le locuteur un canevas d'épreuves douloureuses que soulignent avec force les antithèses ("Tout" / "rien" / "infiniment" / "toujours" / "jamais"), l'allégorie ("comme on endort un chagrin"), les métaphores ("l'enfant d'une vie", "le couchant de tes yeux"). C'est qu'avec ce départ auquel le langage vient prêter main forte à l'expression du bouleversement (inversion : "tellement déjà" qui souligne une intensité préalable à l'idée même de cassure), le sens de l'existence se trouve mis en absolue déroute. L'enfant, en effet, se présentait comme réceptacle essentiel ("L'or") du couple ("Tamisé toute notre vie"). Ne subsiste plus, en dernière analyse, que l'image improbable, douteuse, d'un passé ("un temps qui fut peut-être", "il y a longtemps"). Se rappeler, se souvenir, se trouver exclusivement dans ce rapport-là aux choses et aux êtres, c'est être irrémédiablement chassé du temps vécu, c'est être renvoyé "au grand vide d'avant", celui, insondable, précédant la perspective de la naissance de l'enfant. Ce rapport particulier à l'enfant cristallisait donc un appétit de vivre, une combativité face à l'adversité ("ma bouche d'ombre fière / Ma dure avaleuse des fiels et des injures / Antique dompteuse des sorts et des serpents") devenus aujourd'hui caducs. L'effet de distanciation des possessifs ("leurs") signale l'actuel simulacre ("mangeoires ridicules"), l'image d'une farce sociale accentuée par l'hyperbole ("Éclater"). Le procédé de mise en relief ("Moi je reste") appuie sur l'enlisement inéluctable du sujet ("planté dans la vase"), sous un horizon aux repères distendus, en pointillés permanents ("de temps à temps" plus discontinu s'il est possible que "de temps en temps", "je l'entrevois"). Le paradoxe tient peut-être tout entier dans l'image de cette absence de "coque" et de voile ("Dévoilé"), comme si, contrairement à toute logique, c'était l'allocutrice et non pas le locuteur qui avait toujours tenu lieu à la fois d'étai et de force motrice, de gouvernail à l'autre.
J'ai été particulièrement touché par cette suite de marches descendantes...
"Trop tard
Tant pis
Je tiens..."
Le "grand pauvre mât têtu" n'est pas sans me rappeler le...
"... pauvre grand diable de nez..."
… de Cyrano.
Merci pour ce partage !
jfmoods- Nombre de messages : 692
Age : 59
Localisation : jfmoods@yahoo.fr
Date d'inscription : 16/07/2013
Re: Pas encore
Juste une réserve, ce vers : "A ta lèvre attaché le fil d'or était tendre" qui au tout début du poème est si énigmatique (je n'ai pas encore bien compris à quoi il fait allusion) qu'il le verrouille un peu, l'esprit en restant encombré un moment.
Mais pour le reste, je le lis comme un poème de deuil, poème du juste avant, les derniers moments de présence si précieuse, si lucide...et puis le juste après, ce vide paradoxalement envahi de tout le plein du temps passé, et du manque de la présence, de l'encombrement de soi.
Peut-être je n'ai pas bien compris, mais lu ainsi le poème m'a semblé d'une justesse sobre et poignante.
Mais pour le reste, je le lis comme un poème de deuil, poème du juste avant, les derniers moments de présence si précieuse, si lucide...et puis le juste après, ce vide paradoxalement envahi de tout le plein du temps passé, et du manque de la présence, de l'encombrement de soi.
Peut-être je n'ai pas bien compris, mais lu ainsi le poème m'a semblé d'une justesse sobre et poignante.
Merci à tous
Il est étrange comme les autres, lisant nos textes, nous les font (re)découvrir. Merci à Polixène,jfmoods et Seyne. Peut-être que le sentiment que je voulais évoquer n'était pas assez clair. D'ailleurs le fallait-il?C'était plutôt une approche d'état souffrant.
Divorce pénible ? Je pensais séparation seulement. L'enfant voulu, imaginé, espéré n'aura pas lieu non plus que la lente construction du « je » plus « toi », qui se défait. L'un est planté aux deux sens du terme et, refusant de crier « Aline, pour qu'elle revienne » reste; pourquoi pas comme Cyrano, grand pauvre mât têtu balancé par les flots incessants?
Très vrai Seyne : juste avant(pendant plus exactement) et juste après mais un après qui s'étend à l'infini et ne peut(veut) guérir. Du coup, le « fil d'or attaché » n'est, trivialement, qu'un cheveu blond doré, comme il s'en égare à la commissure des lèvres lorsque les filles ont les cheveux longs. En face d'elle, l'esprit assailli par une grande douleur ne peut clairement distinguer que ce petit écart du réel, ridicule, touchant, pour éviter l'écartèlement, pour se « distancier » de tout et de tous (oui, jfmoods) pour ne pas se perdre complètement.
Merci à tous ceux qui ont lu et à vous trois particulièrement !
P.S. Merci encore à Seyne à qui je dois l'idée de ce poème en réaction à Todo cambia !
Divorce pénible ? Je pensais séparation seulement. L'enfant voulu, imaginé, espéré n'aura pas lieu non plus que la lente construction du « je » plus « toi », qui se défait. L'un est planté aux deux sens du terme et, refusant de crier « Aline, pour qu'elle revienne » reste; pourquoi pas comme Cyrano, grand pauvre mât têtu balancé par les flots incessants?
Très vrai Seyne : juste avant(pendant plus exactement) et juste après mais un après qui s'étend à l'infini et ne peut(veut) guérir. Du coup, le « fil d'or attaché » n'est, trivialement, qu'un cheveu blond doré, comme il s'en égare à la commissure des lèvres lorsque les filles ont les cheveux longs. En face d'elle, l'esprit assailli par une grande douleur ne peut clairement distinguer que ce petit écart du réel, ridicule, touchant, pour éviter l'écartèlement, pour se « distancier » de tout et de tous (oui, jfmoods) pour ne pas se perdre complètement.
Merci à tous ceux qui ont lu et à vous trois particulièrement !
P.S. Merci encore à Seyne à qui je dois l'idée de ce poème en réaction à Todo cambia !
obi- Nombre de messages : 566
Date d'inscription : 24/02/2013
Re: Pas encore
En revenant sur ton texte, je prends conscience que j'ai manqué de recul...
À la considérer de plus près, l'allégorie ("comme on endort un chagrin") marquait bien le substitut, l'affliction que l'on berce, en lieu et place de l'enfant désiré, avec l'espoir vain d'en calmer les ravages.
De même, "l'enfant d'une vie" signalait la charge incommensurable du fantasme.
À la considérer de plus près, l'allégorie ("comme on endort un chagrin") marquait bien le substitut, l'affliction que l'on berce, en lieu et place de l'enfant désiré, avec l'espoir vain d'en calmer les ravages.
De même, "l'enfant d'une vie" signalait la charge incommensurable du fantasme.
jfmoods- Nombre de messages : 692
Age : 59
Localisation : jfmoods@yahoo.fr
Date d'inscription : 16/07/2013
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