Zigzag

La flèche lumineuse d'un bec ardu

chute sur l'herbe secouée dans le frisson des graines

Sautilleur pointu, un merle va, gobant de-ci tirant de-là

cicindèles rafraîchies de l'averse, pucerons étranges en caparaçons

limaces et vers s'épouvantent lentement

Des araignées bottées de noir, silencieuses échassières

ont fui

Derrière la baie aux ondées Chienne lève un sourcil pensif,

soupire, retombant sous son vieux poil qui d'hiver frise

Bientôt juin, les cerises, le ciel tiède

pour un temps reviendra avant...

Pour un temps seulement

et le long de son souffle d'aise passe le rêve d'un chat

qu'elle attrapera sous les chênes

attrapera enfin sur ses pauvres pattes

Oui, sûrement

cette fois peut-être

avoir l'été

J'ai pris plaisir à lire la première partie (jusqu'à "Chienne") avec ce "merle sautilleur" et ces "araignées bottées de noir" (ça j'aime) "silencieuses échassières" (ça c'est bien trouvé).
Ensuite je ne sais pas si c'est la mise en page mais je me perds.
Retomber au participe présent me trouble, et "qui d'hiver frise" aussi. Je m'attends à "qui l'hiver frise".
Et plus je lis, plus je trouve cette phrase musicale. (?)
"pour un temps reviendra avant..." avant quoi ? le temps suspendu reprend avec "Pour" en majuscule.
je suis moins emballée par la seconde partie (après "Chienne").
J'aime, un bémol sur la mise en page qui m'a égarée...

le titre va bien, beaucoup de zigzags, une atmosphère campagnarde , le début de l'été et la vie tranquille

Que d'images surgissent à la lecture de ton texte. L'égarement ou plutôt l'errance contemplative est rendu par la forme et l'absence de points (exceptés les points de suspension), tandis que le texte déroule son histoire, comme un vent froid appelant la chaleur d'une saison plus douce. Le début est très travaillé, notamment avec tous ces qualificatifs et ces noms originaux et bien trouvés, là où la fin, sur Chienne, est plus simple et légère, à l'image du songe tendre de l'animal. Je me prends à espérer une suite, d'autres poèmes dans cet univers, avec ce personnage ou d'autres, sous la forme sensible que tu développes ici, véritable petit tableau qui nous transporte là où tu veux nous emmener. C'est très très réussi.

La douceur venimeuse et limpide de la vie. Proies, échappatoires, et tout ce qui nous accueille dans ce lent déroulement.
J'ai revu mon grand chien noir et feu, à jabot blanc, perclus d'arthrose, et qui ne courait plus qu'en dormant, couché sur le flanc.

Délicate capture d'un instant.
On reste en suspens.
C'est parfait.

Dans la première partie, le dehors est porté par les images particulièrement vives de la chasse, de la prédation ("flèche", "bec ardu", "pointu", "gobant", "tirant"), par la description, fine et suggestive, d'un état de guerre ("herbe secouée", "frisson des graines", "en caparaçons", "bottées de noir", "silencieuses", oxymore : "s'épouvantent lentement"). Cependant, la perspective giboyeuse s'inverse brusquement : traditionnellement chasseuses, les "araignées" deviennent proies. Ce retournement semble être un signe annonciateur de la fin, à courte échéance, de la chienne.

La seconde partie s'attache au monde du dedans, matérialisé par une métaphore protectrice ("la baie aux ondées"). Le mouvement de la chienne âgée ("son vieux poil") est ici aux antipodes du dehors. Minimal, il se trouve tout à fait dépourvu de vigueur ("lève un sourcil", "soupire", "passe"). À une première image de fermeture s'ajoute une seconde : celle du rêve qui seul est en mesure de prendre en charge une énergie introuvable (anaphore : "attrapera" x 2), de mimer les contours fuyants (adverbes : "seulement", "enfin", "sûrement", "peut-être") d'une tonicité devenue moribonde.

Le "Zigzag" du titre semble donc épouser d'abord le mouvement discontinu de fuite qui constitue un enjeu de survie incontournable instauré, dans le règne des espèces, entre la proie et son prédateur. Il figure, dans un second temps, les méandres festifs, les sinuosités fabuleuses du rêve que traverse l'atonie irrémédiable de la chienne.

Merci pour ce partage !

Bonjour Obi,

J'ai plongé dans ce monde dont l'humain en général y porte très peu d'attention.
Vous leur avez donné des émotions "limaces et vers s'épouvantent lentement" et une belle apparence "Des araignées bottées de noir, silencieuses échassières"

Cette fraîcheur fait du bien. Une faune belle qui se livre à moi.

Par contre la ponctuation est à revoir, le rythme en souffre, elle est monotone, ce qui est dommage pour un tel sujet. Là ça manque de passion.

Heureusement l'histoire est belle.

Quelques images intéressantes, c'est bien. Je n'aime pas ces espaces interlignes, mais bon, là on parle du look.

Je rejoins les commentaires précédents, concernant la mise en page: le double interligne ne me dérange pas en tant que tel - je trouve, au contraire, qu'il ajoute au texte une pointe d'originalité pas désagréable - mais j'ai du mal avec la ponctuation" incomplète" (au sens où il y a des majuscules qui marquent bien la séparation entre les phrases, mais pas de points) et des sauts à la ligne dont j'ai du mal à trouver la cohérence.
Ceci étant, je trouve que l'ambiance du jardin est retranscrite de manière très habile, avec un regard singulier et plaisant.