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spirales
seyne Ven 10 Oct 2014 - 16:55
Elle remet la même jupe depuis une semaine.
Elle ouvre la fenêtre et fait claquer les volets devant la nuit noire, descend.
Au retour, elle referme les volets sur la nuit , et c’est ainsi pendant des mois.
La bulle de lumière
de ses lampes lui sert de retraite partout
même ailleurs, en plein air et en plein jour. Elle ne fait aucun effort.
Même quand elle travaille, répond, court sur le trottoir, ramasse un sac de plastique blanc
avec ses provisions
même quand elle regarde un enfant accroché à la poussette du petit frère,
et qui cherche à toucher un chien,
même quand elle lève les yeux vers le ciel en sortant du métro
le monde n’est pas là.
Elle porte un embryon noir, qui fermente et se dilate
en arrière des yeux, en haut du ventre.
Elle attend une naissance : la sienne en même temps que celle de cette douleur
- de lui donner issue. La nuit l’entoure de ses bras amis, pour le moment.
Même le jour c’est la nuit qui l’entoure de ses souples bras de pieuvre, celles des boucliers crétois
boucles, cercles alignés et décroissants des ventouses comme petites bouches multiples
grosses têtes aux gros yeux, centre bleuté, affectueuse étrangeté.
C’est drôle, se dit-elle, ceux qui s’approchent s’éloignent
car la peau se rebrousse et l’âme
est rétractée comme un petit jouet d’acier
le cœur est un enfant transi doux pleurnichant
dans son lit, sans rien, sauf le plafond blanc et lointain.
Elle vit dans le temps de cette fermentation lente, interne.
Quelque chose doucement s’enroule et se détend, travaille dans les entrailles de ses pensées inférieures.
Quelque chose de coloré et de mouvant, comme spirales déteintes, de cachemire, d’indiennes.
C’est comme s’enrouler à l’automne, à la tombée de la nuit dans un châle
et se laisser emmener par un autre pays…lire, plonger, partir.
Un pays aux couleurs de ce qui l’entoure, brumes, et bruyères encore brunes
quelques flammes mauves dans les contreforts, les hauts rochers d’un pays vide, fait pour penser, raconter
retrouver le halo des lampes et se laisser mener
par le génie du récit dans l’amour et ses mouches,
la mine noire et ses faibles diamants.
Jusqu’au printemps :
fougères érectiles, frondes pâles soudain dressées sur le brun des sous-bois.
Elle ouvre la fenêtre et fait claquer les volets devant la nuit noire, descend.
Au retour, elle referme les volets sur la nuit , et c’est ainsi pendant des mois.
La bulle de lumière
de ses lampes lui sert de retraite partout
même ailleurs, en plein air et en plein jour. Elle ne fait aucun effort.
Même quand elle travaille, répond, court sur le trottoir, ramasse un sac de plastique blanc
avec ses provisions
même quand elle regarde un enfant accroché à la poussette du petit frère,
et qui cherche à toucher un chien,
même quand elle lève les yeux vers le ciel en sortant du métro
le monde n’est pas là.
Elle porte un embryon noir, qui fermente et se dilate
en arrière des yeux, en haut du ventre.
Elle attend une naissance : la sienne en même temps que celle de cette douleur
- de lui donner issue. La nuit l’entoure de ses bras amis, pour le moment.
Même le jour c’est la nuit qui l’entoure de ses souples bras de pieuvre, celles des boucliers crétois
boucles, cercles alignés et décroissants des ventouses comme petites bouches multiples
grosses têtes aux gros yeux, centre bleuté, affectueuse étrangeté.
C’est drôle, se dit-elle, ceux qui s’approchent s’éloignent
car la peau se rebrousse et l’âme
est rétractée comme un petit jouet d’acier
le cœur est un enfant transi doux pleurnichant
dans son lit, sans rien, sauf le plafond blanc et lointain.
Elle vit dans le temps de cette fermentation lente, interne.
Quelque chose doucement s’enroule et se détend, travaille dans les entrailles de ses pensées inférieures.
Quelque chose de coloré et de mouvant, comme spirales déteintes, de cachemire, d’indiennes.
C’est comme s’enrouler à l’automne, à la tombée de la nuit dans un châle
et se laisser emmener par un autre pays…lire, plonger, partir.
Un pays aux couleurs de ce qui l’entoure, brumes, et bruyères encore brunes
quelques flammes mauves dans les contreforts, les hauts rochers d’un pays vide, fait pour penser, raconter
retrouver le halo des lampes et se laisser mener
par le génie du récit dans l’amour et ses mouches,
la mine noire et ses faibles diamants.
Jusqu’au printemps :
fougères érectiles, frondes pâles soudain dressées sur le brun des sous-bois.
seyne- Nombre de messages : 1377
Age : 71
Date d'inscription : 19/03/2013 -
Re: spirales
Polixène Lun 13 Oct 2014 - 19:00
De cette notion de fermentation de la douleur -processus qui nous pétrit- , il me semble que tu parviens mieux à nous en faire partager le ressenti qu'à le décrire : ce "elle" me laisse derrière la vitre.
Autrement dit il me semble que deux plans antinomiques gênent la lectrice pour s'emparer soit du texte soit de l'émotion qui le justifie.
Et elle râle, la lectrice, en son for intérieur!
Autrement dit il me semble que deux plans antinomiques gênent la lectrice pour s'emparer soit du texte soit de l'émotion qui le justifie.
Et elle râle, la lectrice, en son for intérieur!
Polixène- Nombre de messages : 3287
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Re: spirales
seyne Mar 14 Oct 2014 - 12:12
Oui, tu as tout à fait raison. Je ne sais quelle mouche m'a piquée de retravailler et poster ce vieux poème, pas très intéressant. Je l'avais écrit à partir d'un "tableau en mouvement", œuvre informatique aléatoire d'un ami, où des spirales se déroulaient organiquement et infiniment...qui lui était très beau.
Voici pourquoi la "elle" est si peu incarnée.
(bon, ça me permet au moins de vérifier que j'ai fait quelques progrès d'implication)
Voici pourquoi la "elle" est si peu incarnée.
(bon, ça me permet au moins de vérifier que j'ai fait quelques progrès d'implication)
seyne- Nombre de messages : 1377
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Re: spirales
seyne Mer 15 Oct 2014 - 21:35
Je l'ai relu, et finalement il n'est pas si nul.
Une question me vient : la lecture sur un forum, où l'auteur est dans une sorte de proximité, incarné, interlocuteur, ne favorise-t-elle pas le fantasme que le texte parle forcément de lui ? Et donc que le "elle" n'est ici qu'une tentative de dissimulation maladroite ?
Il y a quelque chose d'un peu piégeant, je crois, dans cette situation de proximité, malgré les avantages aussi qu'on y trouve.
Une question me vient : la lecture sur un forum, où l'auteur est dans une sorte de proximité, incarné, interlocuteur, ne favorise-t-elle pas le fantasme que le texte parle forcément de lui ? Et donc que le "elle" n'est ici qu'une tentative de dissimulation maladroite ?
Il y a quelque chose d'un peu piégeant, je crois, dans cette situation de proximité, malgré les avantages aussi qu'on y trouve.
seyne- Nombre de messages : 1377
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Re: spirales
Polixène Jeu 16 Oct 2014 - 12:25
Ah mais non, il n'est pas nul!
mais dans aucune de mes tentatives je n'arrive à trouver ma place, malgré ses qualités; peut-être que ça vient juste de moi, peut-être aussi de ce passage (on rejoint la question que tu te poses)
C’est drôle, se dit-elle, ceux qui s’approchent s’éloignent
car la peau se rebrousse et l’âme
est rétractée comme un petit jouet d’acier
le cœur est un enfant transi doux pleurnichant
dans son lit, sans rien, sauf le plafond blanc et lointain.
dans lequel on passe brusquement du point de vue du narrateur au point de vue de l'auteur (car introduit de l'explicitation, du commentaire en sur-impression ) ; je lis la phase commentative comme étant le point de vue de l'auteur, à cause du film que j'ai vu avant de ce "elle": je n'imagine pas qu'à ce point de son vécu le personnage puisse émettre une pensée de ce type, encore moins une pensée oralisée.
Et même en situant le texte sur un autre plan de pensée, ce qui est plausible aussi, je ressens quand même une distorsion: j'ai l'impression d'observer de la confiture de vie entre deux plaques de verre, et d'en ressortir les doigts collés!
Le piège que tu soulignes, en effet, est actif : grandeur et misère d'internet! Heureusement, nombre de lecteurs aguerris ont depuis longtemps dépassé ce stade...
mais dans aucune de mes tentatives je n'arrive à trouver ma place, malgré ses qualités; peut-être que ça vient juste de moi, peut-être aussi de ce passage (on rejoint la question que tu te poses)
C’est drôle, se dit-elle, ceux qui s’approchent s’éloignent
car la peau se rebrousse et l’âme
est rétractée comme un petit jouet d’acier
le cœur est un enfant transi doux pleurnichant
dans son lit, sans rien, sauf le plafond blanc et lointain.
dans lequel on passe brusquement du point de vue du narrateur au point de vue de l'auteur (car introduit de l'explicitation, du commentaire en sur-impression ) ; je lis la phase commentative comme étant le point de vue de l'auteur, à cause du film que j'ai vu avant de ce "elle": je n'imagine pas qu'à ce point de son vécu le personnage puisse émettre une pensée de ce type, encore moins une pensée oralisée.
Et même en situant le texte sur un autre plan de pensée, ce qui est plausible aussi, je ressens quand même une distorsion: j'ai l'impression d'observer de la confiture de vie entre deux plaques de verre, et d'en ressortir les doigts collés!
Le piège que tu soulignes, en effet, est actif : grandeur et misère d'internet! Heureusement, nombre de lecteurs aguerris ont depuis longtemps dépassé ce stade...
Polixène- Nombre de messages : 3287
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Re: spirales
seyne Jeu 16 Oct 2014 - 18:41
oui, ce serait mieux de mettre ce que tu cites en italiques, sans doute. Merci Polixene.
seyne- Nombre de messages : 1377
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