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Message  Marine Mar 28 Oct 2014 - 9:29

Il est toujours étrange que je sois avec moi-même à la frontière de la paix. Je me plais à un jeu invisible et violent. Je peux admirer un grand ciel étoilé, tendre vers l'obscurité bleue, désirer cette peinture semée d'or qui ressemble un peu à la Nuit sur le Rhône. Et pourtant comme les deux personnages du tableau de Van Gogh, je leur tourne toujours le dos. Plutôt, quelque chose en moi résiste ; une douleur manifeste son refus de la plénitude. Je n'y peux rien : la paix est toujours une volonté ; elle vient rarement d'elle-même ; il est compréhensible alors de ne jamais l'atteindre. Pourtant, parfois, je crois y être. Je m'accoude à une balustrade et je regarde un paysage, je me dis "Oui, ça y est, j'y suis", je suis heureux, j'ai toutes les raisons de me considérer l'être ; et pourtant ce sentiment lui-même me fait sentir, qu'il soit réellement présent ou que je sois en train de le créer, le poids d'un certain mensonge avec qui je dialogue et m'entretiens dans les eaux souterraines du langage. Toute cette masse en soi, ce gonflement, ces excès de lymphe que produit l'auto-persuasion, toutes ces aspérités rocheuses débordent un calme qui ne saurait lui-même être jamais tout à fait naturel. Cette envie profonde du bonheur m'empêche d'être tout à fait heureux avec les gens - je crois ; il faut que la discussion soit réussie ; qu'elle réponde à certaines exigences ; je ne saurais être simple : il faut que cela soit compliqué ou que ça ne soit pas.

Je croise parfois des sensations dont j'ai envie. L'odeur de la terre, mêlée à une certaine idée de chaleur, et à celle de "fermentation", en font partie. C'est une odeur riche et lourde, déplacée dans un mouvement d'air très lent et très suave, une bouffée de chaleur que vient disperser le vent, et il est très curieux que quelque chose d'aussi dense, d'aussi persistant et tenace que cette sensation soit aussi éphémère, peut-être en raison du courant frais qui la chasse et qui la suit. Il est indéniable que cette sensation participe d'une certaine idée du bonheur. Parmi ces sentiments de collusion, je trouve aussi la vision de la pierre ; plus précisément, la dalle d'une terrasse sous un soleil très doux d'été, qui se couple étrangement avec le double sentiment de la famille et du désir de corps féminins en chair, plus âgées que moi - qui me pense alors plus petit -, jeunes alors objectivement - entre dix-huit et vingt ans - mais subjectivement âgées et, ainsi, interdites. Un caractère d'amitié doit dresser sur ce chemin de la sensualité une quelconque idée d'inceste. D'un caractère que je sens à la fois plus récent et plus faux, la dispersion d'un torrent, le goût amer de son eau et la montagne sur laquelle il coule.

Pas d'attirance pour les volcans - sinon pour l'image de la passion, de la virilité et de la femme éblouissante et poursuivie que je dois tenir du Stromboli de Rossellini : ou plutôt, avec Bergman. Courte vision, néanmoins puissante. [...]
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Message  seyne Mer 29 Oct 2014 - 9:16

On te suit de très près dans ces notes. Ce "mur" de l'application livresque, et du désir brouillant tout, qui ne le perçoit pas tout le temps en soi, le séparant de la réalité ? Bien entendu, la beauté des mots que tu emploies ensuite le dissout un instant. C'est vraiment intéressant, en tout cas
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Message  jfmoods Ven 31 Oct 2014 - 19:15

J'avoue nourrir une prédilection pour l'écriture sur soi (mémoires, journal intime, travail autobiographique). Je me souviens, en particulier, de "Jours d'avant la foudre", un texte remarquable publié par Hue sur VE (http://www.vosecrits.com/t14301-jours-d-apres-la-foudre?highlight=jours+d+avant+la+foudre). Mais penchons-nous plutôt sur le texte plutôt enchanteur qui nous est proposé ici.

Le jeu des modalisateurs (verbes : "peux" x 2, "crois" x 2, "doit", "dois", expressions impersonnelles marquant le jugement moral : "Il est... étrange", "il est incompréhensible", "il est... curieux", "Il faut que" x 2, "Il est indéniable que") et des adverbes (de temps : "toujours" x 3, "jamais" x 2, "parfois" x 2, "rarement", "alors", d'intensité : "très" x 4, "aussi", "tout à fait", "plutôt", de conséquence : "ainsi", "alors" x 2, de concession : "pourtant" x 2, "néanmoins", "sinon") met en lumière la profondeur d'un questionnement du locuteur. Ce questionnement a pour thème le bonheur. L'introduction du discours direct ("Oui, ça y est, j'y suis"), un penchant affirmé pour les phrases complexes (parataxe, coordination, subordination), l'utilisation de tirets ainsi que, en fin de texte, de crochets suggérant l'imbrication du présent propos dans une réflexion qui se prolongerait ailleurs, se présentent comme autant d'éléments propres à mettre en lumière la ductilité d'une pensée introspective. L'utilisation du même adjectif sous différentes formes ("certain", "certaine" x 2, "certaines") illustre la difficulté à nommer ce qu'il y a de fuyant dans notre rapport au bonheur, difficulté traduite, ailleurs, par l'utilisation de l'expression "quelque chose résiste". Ce questionnement intérieur, traversé par le locuteur tout au long de son texte, est préparé, dès la première phrase, par la métaphore "la frontière de la paix" qui augure la perspective d'aspérités à tenter de surmonter par le biais de l'argumentation. Mais comment donc expliquer qu'il soit si complexe de saisir le bonheur dans sa durée ? C'est que le bonheur ne semble jamais aller de soi. Il y a là une méfiance, une difficulté à croire qu'il puisse, au-delà d'un premier stade euphorique, se présenter comme une mécanique qui s'auto-alimenterait naturellement. Au contraire, il nous semble que, dans la durée, le bonheur que l'on ressent ne procède plus que d'une poussée que nous imprimons (procédé d'accumulation : "cette masse de soi, ce gonflement, ces excès de lymphe que produit l'auto-persuasion"). Un peu à l'image d'un feu qui, faute d'être constamment alimenté, menacerait à tout instant de s'éteindre. Cette croyance dans la présence d'une activation forcée fait insensiblement, insidieusement peser sur le bonheur le spectre du factice, d'une duplicité, d'une tromperie dont on se ferait soi-même la dupe. Au travers de quatre images susceptibles de lever en lui, à des degrés divers, l'idée du bonheur (la terre, la pierre, le torrent, le volcan), le locuteur manifeste, pour chaque situation envisagée, son impuissance fondamentale à conjuguer intensité et durée.

Merci pour ce partage !
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Message  jfmoods Ven 31 Oct 2014 - 19:16

"Jours d'après la foudre", évidemment...
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Message  Polixène Dim 2 Nov 2014 - 20:27

J'ai la sensation d'un kaléidoscope de ressentis, de désirs de ressentis, de reflets de ces ressentis et de leur mise à distance impossible...
c'est amusant à lire et parfaitement dosé : plus long serait trop long.

"je ne saurais être simple : il faut que cela soit compliqué ou que ça ne soit pas." dis-tu , en effet c'est une certaine esthétique ou alors, un snobisme!

"je me plais à un jeu invisible et violent" Alexandre, hein, quand tu nous tiens!!!
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