Au fond du miroir

L'image au fond du miroir
quand je me détourne
que regarde-t-elle ?
Forcée de céder la place
quand je la rejoins
où s'enfonce-t-elle ?

Troubles de n'être pas rares
vont-ils se confondre
les reflets ?

Le jeu antithétique des pronoms personnels ("je" x 2 / "elle" x 2, "la") , associé au champ lexical du mouvement (verbes : "détourne", "céder la place", "rejoins", "s'enfonce") signale la constance d'une fuite entourant la représentation de soi. Les deux questions ouvertes ("que", "où"), questions insolubles au demeurant, appuient sur une dualité de l'image dont il est impossible de rendre compte. La relation au miroir, sans avoir un caractère obsessionnel, n'en est pas moins régulière ("pas rares") et accentue par là même le questionnement ("troubles"). Le pronom cataphorique ("ils... les reflets") illustre l'insistance de la locutrice sur l'idée, utopique, d'une impossible unité (question fermée, verbe pronominal : "se confondre"). À moins que ne se dessine, par-delà le rapport au miroir, par-delà le rapport à ce double insaisissable, une prospection (utilisation du futur proche) bien plus aiguë qui aurait pour thème l'immobilité, une immobilité que l'on ne rencontre guère que dans le rapport à la mort, à l'immobilité finale du reflet ("je" et "elle" se fondant en "ils"). Le titre du poème ("Au fond du miroir") pourrait bien lever ce type de problématique.

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