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Je hais les dimanches à la campagne

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Message  Pussicat Sam 13 Déc 2014 - 22:46

Je lisais un brouillon, des bouts de phrases écrites la veille avachi dans l’épais canapé en cuir noir face à la grande baie vitrée donnant sur le parc, quelle vue ! quand je pense que j'ai failli passer à côté de cette occasion, tout cela à cause de Béa qui trouvait ce duplexe trop... trop froid. Je lui avais répondu : Oui tu as raison, il est trop froid. Nous avons rompu deux mois plus tard. Aujourd'hui je suis chez moi, enfin presque. Reste le prêt à rembourser, et l'avance de mes parents.

J'avais noté les bribes d'un rêve, des bouts de phrases jetés en vrac que je lisais à demi réveillé quand un couinement suraigu me sortit de ma torpeur. J'entr'aperçois la chatte traverser le salon à la vitesse d'un guépard à la poursuite de sa proie ; un courant d’air. J'attends, je jette un œil à droite, à gauche, rien, plus de nouvelles de la chatte, je reste dans le vague un long moment puis je décide de me replonger dans la lecture de mes gribouillis. Certains détails m'amusaient comme ces plantes ornées de têtes de femmes. Je les imagine capitaines, ou sergent-chefs d’un jardin aux couleurs bigarrées composé d'espèces différentes, plantées fières et droites. Presque élégantes et pourtant si effrayantes armées de leurs épines grosses comme le pouce. Elles voulaient me retenir, me garder auprès d'elles, m'empêcher de rejoindre mes parents, mes sœurs... pourquoi je dis ça ? un mot retient mon intention : « marche ».

Plus j'avançais dans ma lecture et plus je m'enfonçais dans le passé. Ce que j'étais en train de lire, ce que j'avais écrit, rêvé, me rappelait ces marches ( marches convient mieux que balades ou promenades tant la nature des chemins était sauvage), que nous faisions en famille à travers la campagne, le dimanche, quand le temps le permettait. Nous habitions en banlieue parisienne à l'époque, et à l'époque, la banlieue c’était la campagne. C’est mon père qui les choisissait, les chemins, toujours, et c’est lui aussi qui ouvrait la marche, toujours. Il ne pensait pas vraiment à nous, aux enfants, mon père, mais au plaisir qu'il prenait et pensait nous faire partager.

– Hardi, allez ! on traîne pas derrière, plus vite les gosses.

Mais ce qu'il n'a jamais semblé comprendre, mon père, ou ne voulait pas entendre, c'était les buissons, les ronces, des bestiaux deux fois ma taille qui agrippaient les pantalons de mon short en gros velours et les manches de mon pull. J'en avais plein partout de ces boules en forme d’oursin, crochues, grosses comme un calot. Ma mère, craignant comme à son habitude que nous n'attrapions froid, nous couvrait largement. Nous n'étions pas du tout équipés pour ce genre de randonnée, il faut le reconnaître, et la nature me le faisait comprendre : Tu es chez moi, ici, petit chérurbain, sur mon territoire... un avertissement muet accompagné d'une invitation : Allez reste avec nous, regarde tous ces fruits délicieux, ils t'attendent depuis des jours, des semaines, ils ne sont là que pour toi, profite.

A chacune de nos sorties, je prenais du retard sur le reste de la famille, sans m'en rendre compte. Émerveillé d’un rien, je m'arrêtais en chemin, je bouffais des trucs et des machins, des mûres, des péteux gros comme des raisins blancs. Leurs jus mêlés débordaient aux commissures de mes lèvres et coulaient le long de mes joues, je m'en gavais jusqu'au moment où, inévitablement, je me sentais seul d'un coup, comme abandonné. J'avais beau lever la tête, me mettre sur la pointe des pieds, je ne voyais rien ni personne. Effrayé, je m'arrachais dare-dare des griffes de l’aubépine, des rosiers sauvages et des mûriers grimpants pour rejoindre ma mère et mes sœurs, les jambes zébrées de leurs caresses assassines ; manquait plus qu’une attaque en groupée d’orties bien vertes et drues pour me transformer en plaie vivante. Après une course endiablée, je me réfugiais dans les jupes de ma mère, rassuré, pleurant.

- Qu'est-ce que tu es encore allé faire Paul, hein ? tu as vu tes jambes, elles sont rouges et toutes griffées. Attends, viens là, viens dans mes bras, voilà, mon pauvre petit chérubin.

- Arrête de le cajoler, disait mon père, c'est pas comme ça qu'il deviendra un homme.

Je ne sais pas si je suis devenu l'homme que mon paternel attendait, mais ce dont je suis sûr c'est qu'il a fait de moi un homo urbanicus allergique à toute proposition de balade dominicale. Je hais les dimanches à la campagne !

Tiens te revoilà toi, qu'est-ce que tu m'as fait tout à l'heure comme cinéma ? tu as faim ? allez viens, je vais te préparer ton petit déj'.
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Message  Pussicat Ven 19 Déc 2014 - 17:34

Le café fume encore. Avachi dans mon épais canapé en cuir noir que j'ai pris soin d'installer face à la grande baie vitrée donnant sur le parc, je lis un brouillon de bouts de phrases écrit la veille... quelle vue ! quand je pense que j'ai failli passer à côté de cette occasion, tout cela à cause de Béa qui trouvait ce duplex trop... trop froid. Je lui avais répondu : Oui tu as raison, il est trop froid. Nous avons rompu deux mois plus tard. Aujourd'hui je suis chez moi, presque. Reste le prêt à rembourser et l'avance de mes parents.

Je trempe mes lèvres et reprend la lecture de ces bribes de rêves, ses bouts de phrases jetés en vrac quand un couinement suraigu feule comme un javelot et me fait sursauter, lâcher la feuille. J'entr'aperçois la chatte traverser le salon tel un guépard à la poursuite de sa proie, un courant d’air ! j'attends, jette un œil à droite, à gauche, rien, plus de nouvelles de la chatte. Je reste un long moment dans le vague puis décide de me replonger dans la lecture de mes gribouillis. Certains détails m'amusent... c'est... ces plantes ornées de têtes de femmes, monstrueuses... c'est. Je les imagine capitaines, sergent-chefs d’un jardin aux couleurs bigarrées composé d'espèces différentes, plantées fières et droites, élégantes et pourtant si effrayantes armées de leurs épines grosses comme le pouce. Elles pourraient me retenir, me garder auprès d'elles, m'empêcher de rejoindre mes parents, mes sœurs... pourquoi je dis ça ? un mot retient mon intention : « marche ».

Plus j'avançais dans ma lecture et plus j'avais cette impression de revivre un passé. Ce que je lisais, deux trois lignes, quelques mots, ces décors, ces empreintes, ces pas, ces parfums, vécus, rêvés, me rappelait ces marches ( marches convient mieux que balades ou promenades tant la nature des chemins était sauvage, je dirais même randonnées), que nous entreprenions en famille à travers la campagne, le dimanche, quand le temps le permettait. Nous habitions en banlieue parisienne à l'époque, et à l'époque, la banlieue c’était la campagne. C’est mon père qui les choisissait, les chemins, toujours, et c’est lui aussi qui ouvrait la marche, toujours. Il ne pensait pas vraiment à nous, aux enfants, mon père, mais au plaisir qu'il prenait et pensait nous faire partager.

– Hardi, allez ! on traîne pas derrière, plus vite les gosses.

Mais ce qu'il n'a jamais semblé comprendre, mon père, ou ne voulait pas entendre, c'était le rapport entre l'homme et nature, la loi ! les buissons, les ronces, des bestiaux deux fois ma taille qui agrippaient les pantalons de mon short en gros velours, les manches de mon pull. J'en avais plein partout de ces boules en forme d’oursin, crochues, grosses comme un calot. Ma mère, craignant comme à son habitude que nous n'attrapions froid, nous couvrait largement. Nous n'étions pas du tout équipés pour ce genre d'escapade, il faut le reconnaître, et la nature me le faisait bien comprendre : Tu es chez moi ici, petit chérurbain, sur mon territoire... un avertissement muet accompagné d'une invitation : Allez reste avec nous, regarde tous ces fruits délicieux, ils t'attendent depuis des jours, des semaines, ils ne sont là que pour toi, profite.

A chacune de nos sorties, je prenais du retard sur le reste de la famille, sans m'en rendre compte. Émerveillé d’un rien je m'arrêtais en chemin, je bouffais des trucs et des machins. Des mûres, des péteux gros comme des raisins blancs. Leurs jus mêlés débordaient aux commissures de mes lèvres et coulaient le long de mes joues. Je m'en gavais jusqu'au moment où, inévitablement, je me sentais seul d'un coup, comme abandonné. J'avais beau lever la tête, me mettre sur la pointe des pieds, je ne voyais rien ni personne. Effrayé, je m'arrachais dare-dare des griffes de l’aubépine, des rosiers sauvages et des mûriers grimpants pour rejoindre ma mère et mes sœurs, les jambes zébrées de leurs caresses assassines ; manquait plus qu’une attaque en groupée d’orties bien vertes et drues pour me transformer en plaie vivante. Après une course endiablée, je me réfugiais dans les jupes de ma mère, rassuré, pleurant.

- Qu'est-ce que tu es encore allé faire Paul, hein ? tu as vu tes jambes, elles sont rouges et toutes griffées. Attends, viens là, viens dans mes bras, voilà, mon pauvre petit chérubin.

- Arrête de le cajoler, disait mon père, c'est pas comme ça qu'il deviendra un homme.

Je ne sais pas si je suis devenu l'homme tel que mon paternel l'entendait, mais ce dont je suis sûr, c'est qu'il a fait de moi un homo urbanicus allergique à toute proposition de balade dominicale.
Je hais les dimanches à la campagne !

Tiens te revoilà toi, qu'est-ce que tu m'as fait tout à l'heure comme cinéma ? tu as faim ? allez viens, je vais te préparer ton petit déj'.
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Message  Gobu Jeu 1 Jan 2015 - 17:35

Salut Puss.

Je dois avouer que jusqu'à la balade à la campagne, le texte m'a autant passionné qu'un compte-rendu de Conseil d'Administration. Ou un argumentaire d'agent immobilier.

Par contre à partir de "A chacune de nos sorties..." j'ai dressé l'oreille. Car je lis les textes que je commente à haute voix, oui oui. Et là, j'ai souri. Il y a à la fois de la nostalgie et de la répulsion dans cette relation d'une balade dans la "nature sauvage" (en banlieue parisienne !) et j'y ai retrouvé pas mal de mes souvenirs.

L"attaque en groupée" des orties me semble une coquille.

Quant à la chute, j'y vois surtout de l'ironie. Je pense que tu ne les détestes plus tant que ça, ces balades, avec le recul...

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Message  Pussicat Sam 3 Jan 2015 - 16:19

merci pour ta lecture et ton commentaire...
je n'arrive toujours pas à raconter une histoire qui accroche lecteur de la première à la dernière phrase.
je ne sais pas à quoi cela tient... tu me parles de "compte-rendu de CA... d'argumentaire d'agent immobilier", tu veux dire par là que c'est froid, c'est cela... sans vie... pas d'émotions.

je n'arrive pas à trouver les clés... je vous envie, vous tous, prosd'laprose...

quand je vis tes textes j'en reste baba !
je n'y arrive pas !
merci pour le paragraphe, c'est marrant, c'est celui que je préfère aussi...
j'ai essayé de me mettre dans la peau d'un jeune homme qui se souvient du petit gamin, le chéri à sa maman, qu'il a été... le gamin est plus réussi que le jeune homme qui se réveille et se souvient de son rêve dont il a griffonné deux trois mots... mal engagé tout ça.
c'est vrai aussi que je me suis inspirée de souvenirs personnels, et j'aime encore les balades...

pour la coquille, je ne saisis pas : c"est "en" qui ne va pas ?

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Message  Gobu Sam 3 Jan 2015 - 16:37

Pussicat a écrit:
pour la coquille, je ne saisis pas : c"est "en" qui ne va pas ?

Ben...on dit soit "attaque groupée" soit "attaque en groupe"...mais pas "en groupée".
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Message  Polixène Lun 5 Jan 2015 - 20:58

L'intérêt du texte c'est ce vécu difficile et le mauvais souvenir qui justifie des aversions et des comportements de l'adulte.
donc je comprends bien pourquoi tu as égrené des infos dans tout le début; mais elles sont trop disparates, surtout dans le deuxième "chapitre". Ce n'est qu'à la fin que l'on renoue le fil.
Il suffirait de développer l'histoire de la rupture pour amener le souvenir des marches. A mon avis l'histoire des plantes dessinées est trop tirée par les cheveux.
Sinon ça se lit gentiment, mais mieux agencé, ça deviendrait sympa.
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