je mets la vie dans mon portefeuille
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je mets la vie dans mon portefeuille
la nuit passe comme un promeneur
il ne fallait pas lui parler
je n'aime pas ce qui porte ma portée
j'ai peur de toi
les matins changent comme les idées
(éventail des propriétés
tendues par la lumière)
comme
: c'est :
mais si tu parles
tout recommence
la douceur persévère
le soleil s'élève dans la vue
il est avant d'être ce que laisse l'air
comme ma pensée un pain rompu
langage des choses ininterrompues
ce qui se tend dans le même corps
ne s'endort bien que dans soi
l'imagination s'organise après ta voix
comme on se retourne dans la rue
puis les pensées tombent comme des feuilles
: il fallait un peu attendre
ce qui me plait reste au seuil
comme ce qui nait sous la neige
j'entends la vie toujours reprendre
comme la musique des manèges
mais je ne pense rien
les objets me saluent
désignant leurs fonctions
: la brise et les fruits talés
: le goût d'orange sur le palais
ouvrir les yeux puis les fermer
comme on récite sa leçon
la pensée n'est jamais pensée
tout ce qui n'est pas peut recommencer
il ne fallait pas lui parler
je n'aime pas ce qui porte ma portée
j'ai peur de toi
les matins changent comme les idées
(éventail des propriétés
tendues par la lumière)
comme
: c'est :
mais si tu parles
tout recommence
la douceur persévère
le soleil s'élève dans la vue
il est avant d'être ce que laisse l'air
comme ma pensée un pain rompu
langage des choses ininterrompues
ce qui se tend dans le même corps
ne s'endort bien que dans soi
l'imagination s'organise après ta voix
comme on se retourne dans la rue
puis les pensées tombent comme des feuilles
: il fallait un peu attendre
ce qui me plait reste au seuil
comme ce qui nait sous la neige
j'entends la vie toujours reprendre
comme la musique des manèges
mais je ne pense rien
les objets me saluent
désignant leurs fonctions
: la brise et les fruits talés
: le goût d'orange sur le palais
ouvrir les yeux puis les fermer
comme on récite sa leçon
la pensée n'est jamais pensée
tout ce qui n'est pas peut recommencer
Cerval- Nombre de messages : 286
Age : 33
Date d'inscription : 09/09/2012
Re: je mets la vie dans mon portefeuille
tout commence par le titre, c'est la porte qu'il faut ouvrir et passer pour pénétrer dans une maison... un texte. je mets la vie dans mon portefeuille est un titre simple en apparence, et si compréhensible si on le lit sous l'angle fonctionnel, mais cette porte n'est pas comme les autres, elle est facile à ouvrir, trop peut-être, avec l'absence de majuscule. La Majuscule marque l'entrée, le début de chaque phrase après un point. C'est un « autre chose »... il faut s'arrêter et reprendre, marquer le temps et reprendre la marche, la lecture. Ici, pas de majuscule comme si cela n'avait pas d'importance... une figure de style ?
je mets la vie dans mon portefeuille n'est pas un simple résumé. Écrit au présent, il est et prolonge l'action qui commence. Ce que « je » mets dans son portefeuille n'est seulement SA vie codifiée et enregistrée : carte d'identité, carte Vitale, assurance privée, carte bancaire, carte de visite, de fidélité commerciale, photos, relevés d'achats divers, liste de courses, papier déchiré avec numéro de téléphone... c'est la vie, toute entière.
Et pourquoi met-on nous tous nos papiers personnels dans un portefeuille ? Pour les savoir, ici, là, avec soi.
A qui s'adresse le narrateur ? Est-ce un monologue ? A la nuit qui porte ses mots ? Alors la nuit lui répond, reste un écho, puis s'en va... et le matin arrive, jamais le même : les matins changent comme les idées... et le soleil.
La suite ne nous encourage pas à le penser : mais si tu parles/tout recommence... alors à qui s'adresse le narrateur ? Et de quoi a t-il peur ? De cette nuit qui s'éclipse ou du matin qui approche... ?
la nuit passe comme un promeneur/il ne fallait pas lui parler
revient cette crainte de l'acte de la parole, parler fait repartir un cycle – le moulin à paroles – mais si tu parles/tout recommence/la douceur persévère... ce n'est pas une douleur, c'est une douceur qui passe par les mots, le langage qui persévère... alors pourquoi cette crainte ?
le soleil s'élève dans la vue / il ne s'élève pas dans le ciel de l'aube, il s'élève parce qu'il est vu se lever... il est déjà levé avant de le voir se lever... temps... le temps de la plénitude est magnifiquement exprimé dans ces deux vers : ce qui se tend dans le même corps/ne s'endort bien que dans soi...
Ensuite, la suite semble décrire la banalité de la vie, le regret, la routine, mais reste cette question en suspend : à qui s'adresse la narrateur ? l'imagination s'organise après ta voix/comme on se retourne dans la rue
l'imagination ne s'organise pas autour de la voix, mais « après »... faut-il comprendre que l'imagination se met en branle après que la parole a été prononcée... ou que l'imagination suit la voix comme on se retourne dans la rue.
Je reviens sur le thème de l'obsession du narrateur : obsédé par le temps, le regret de voir la nuit s'enfuir et la douceur du jour arriver... la trame se poursuit :
puis les pensées tombent comme des feuilles... le narrateur explique pourquoi il n'arrive pas à toucher au but, toujours cette même histoire de temps : il fallait un peu attendre... oui, il fallait attendre, toujours pressé...
ce que désire le narrateur reste toujours au pas de cette porte-titre sans majuscule et revient le même train-train encalminé de souvenirs : ce qui me plait reste au seuil/comme ce qui nait sous la neige/j'entends la vie toujours reprendre/comme la musique des manèges
La fin est sans ambigüité et surfe sur une petite vague d'espoir : mais je ne pense rien, « je » existe et « penser à rien » est déjà le début d'un commencement. Toutefois, la dernière strophe est ambiguë : les objets me saluent/désignant leurs fonctions... les objets semblent doués d'intelligence, suffisante pour répondre et se présenter.
Ou sous l'angle poétique, l'effet de style est bien choisi prolongeant la phrase : mais je ne pense rien... et de continuer à vivre sans s'en rendre compte, sans le vouloir : ouvrir les yeux puis les fermer, mécanique incontrôlable.
J'aime beaucoup le dernier vers qui clôt votre texte : tout ce qui n'est pas peut recommencer, je ne saurais vous dire pourquoi ; il a le goût du danger, de l'imprudence, et cette pointe d'ironie oxymorique qui me plaît bien.
Je retiens : la nuit passe comme un promeneur / les matins changent comme les idées/ ce qui se tend dans le même corps ne s'endort bien que dans soi / ce qui me plait reste au seuil comme ce qui nait sous la neige / tout ce qui n'est pas peut recommencer / et une mention spéciale pour le titre que je trouve excellent : je mets la vie dans mon portefeuille
A bientôt de vous lire,
je mets la vie dans mon portefeuille n'est pas un simple résumé. Écrit au présent, il est et prolonge l'action qui commence. Ce que « je » mets dans son portefeuille n'est seulement SA vie codifiée et enregistrée : carte d'identité, carte Vitale, assurance privée, carte bancaire, carte de visite, de fidélité commerciale, photos, relevés d'achats divers, liste de courses, papier déchiré avec numéro de téléphone... c'est la vie, toute entière.
Et pourquoi met-on nous tous nos papiers personnels dans un portefeuille ? Pour les savoir, ici, là, avec soi.
A qui s'adresse le narrateur ? Est-ce un monologue ? A la nuit qui porte ses mots ? Alors la nuit lui répond, reste un écho, puis s'en va... et le matin arrive, jamais le même : les matins changent comme les idées... et le soleil.
La suite ne nous encourage pas à le penser : mais si tu parles/tout recommence... alors à qui s'adresse le narrateur ? Et de quoi a t-il peur ? De cette nuit qui s'éclipse ou du matin qui approche... ?
la nuit passe comme un promeneur/il ne fallait pas lui parler
revient cette crainte de l'acte de la parole, parler fait repartir un cycle – le moulin à paroles – mais si tu parles/tout recommence/la douceur persévère... ce n'est pas une douleur, c'est une douceur qui passe par les mots, le langage qui persévère... alors pourquoi cette crainte ?
le soleil s'élève dans la vue / il ne s'élève pas dans le ciel de l'aube, il s'élève parce qu'il est vu se lever... il est déjà levé avant de le voir se lever... temps... le temps de la plénitude est magnifiquement exprimé dans ces deux vers : ce qui se tend dans le même corps/ne s'endort bien que dans soi...
Ensuite, la suite semble décrire la banalité de la vie, le regret, la routine, mais reste cette question en suspend : à qui s'adresse la narrateur ? l'imagination s'organise après ta voix/comme on se retourne dans la rue
l'imagination ne s'organise pas autour de la voix, mais « après »... faut-il comprendre que l'imagination se met en branle après que la parole a été prononcée... ou que l'imagination suit la voix comme on se retourne dans la rue.
Je reviens sur le thème de l'obsession du narrateur : obsédé par le temps, le regret de voir la nuit s'enfuir et la douceur du jour arriver... la trame se poursuit :
puis les pensées tombent comme des feuilles... le narrateur explique pourquoi il n'arrive pas à toucher au but, toujours cette même histoire de temps : il fallait un peu attendre... oui, il fallait attendre, toujours pressé...
ce que désire le narrateur reste toujours au pas de cette porte-titre sans majuscule et revient le même train-train encalminé de souvenirs : ce qui me plait reste au seuil/comme ce qui nait sous la neige/j'entends la vie toujours reprendre/comme la musique des manèges
La fin est sans ambigüité et surfe sur une petite vague d'espoir : mais je ne pense rien, « je » existe et « penser à rien » est déjà le début d'un commencement. Toutefois, la dernière strophe est ambiguë : les objets me saluent/désignant leurs fonctions... les objets semblent doués d'intelligence, suffisante pour répondre et se présenter.
Ou sous l'angle poétique, l'effet de style est bien choisi prolongeant la phrase : mais je ne pense rien... et de continuer à vivre sans s'en rendre compte, sans le vouloir : ouvrir les yeux puis les fermer, mécanique incontrôlable.
J'aime beaucoup le dernier vers qui clôt votre texte : tout ce qui n'est pas peut recommencer, je ne saurais vous dire pourquoi ; il a le goût du danger, de l'imprudence, et cette pointe d'ironie oxymorique qui me plaît bien.
Je retiens : la nuit passe comme un promeneur / les matins changent comme les idées/ ce qui se tend dans le même corps ne s'endort bien que dans soi / ce qui me plait reste au seuil comme ce qui nait sous la neige / tout ce qui n'est pas peut recommencer / et une mention spéciale pour le titre que je trouve excellent : je mets la vie dans mon portefeuille
A bientôt de vous lire,
Pussicat- Nombre de messages : 4846
Age : 57
Localisation : France
Date d'inscription : 17/02/2012
Re: je mets la vie dans mon portefeuille
Ici, pas de majuscule comme si cela n'avait pas d'importance... une figure de style ?
exactement
merci pour votre long commentaire, il était intéressant à lire.
Cerval- Nombre de messages : 286
Age : 33
Date d'inscription : 09/09/2012
Re: je mets la vie dans mon portefeuille
Je regrette de ne pas pouvoir faire un commentaire aussi complet que Pussicat, je retiens tout de même que la complexité du texte est créée à partir de mots simples dans des phrases simples.
Il est question de figure de style, voire de figures de style, qui, à elles seules, subliment et donnent une dimension à tous ces mots.
Merci pour le partage
Il est question de figure de style, voire de figures de style, qui, à elles seules, subliment et donnent une dimension à tous ces mots.
Merci pour le partage
JI- Nombre de messages : 202
Age : 35
Date d'inscription : 23/09/2011
Re: je mets la vie dans mon portefeuille
les soleils coulent des collines
toute la vie est dans mes cheveux
mon amour que l'habitude pâli ne
pense pas que quoi que ce soit soit un aveu
tes yeux se ferment sur leur usage
par quel angle est-ce dormir
je tourne les pages de ta peau
et ne finis jamais ce livre
je m'ennuie sans pouvoir parler
en le pouvant
tout ce qui arrive est décevant
tout ce qui n'est pas arrivera pourtant
je n'ai de plaisir qu'à prendre mon temps
toute la vie est dans mes cheveux
mon amour que l'habitude pâli ne
pense pas que quoi que ce soit soit un aveu
tes yeux se ferment sur leur usage
par quel angle est-ce dormir
je tourne les pages de ta peau
et ne finis jamais ce livre
je m'ennuie sans pouvoir parler
en le pouvant
tout ce qui arrive est décevant
tout ce qui n'est pas arrivera pourtant
je n'ai de plaisir qu'à prendre mon temps
Cerval- Nombre de messages : 286
Age : 33
Date d'inscription : 09/09/2012
Re: je mets la vie dans mon portefeuille
on dirait un patineur traçant ses courbes sur la glace, ces inclinaisons comme ....négligentes.
Re: je mets la vie dans mon portefeuille
Cerval a écrit:je n'ai de plaisir qu'à prendre mon temps
On ne prend plus son temps : c'est le temps qui nous prend.
Gobu- Nombre de messages : 2400
Age : 70
Date d'inscription : 18/06/2007
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