Les couleurs du vacarme

Dans le concert du monde
Qui brouillonne à ma porte
J’écarte le bourdon des ocres de la rue,
L’écho tonitruant de l’usine qui cogne
Et fracasse en grenat, les tympans des vaincus ;
J’écarte ce chantier grinçant de tous ses verts,
Ses stridentes aigreurs et ses hoquets de jade ;
J’écarte les sirènes,
Leur urgence macabre,
Jets d’encre vermillons qui me tordent le cœur
Mais je garde, précieux, au creux de mon oreille
Le lapis-lazuli de ce moineau têtu
Matraquant le vacarme d’une note outre-mer
Et s’obstinant à peindre
En bleu
Toute la rue.

Je trouve l'idée très bonne ! Elle aurait gagné à mon avis à être traitée de façon moins "sage" : tout le poème repose sur des rythmes de six ou douze syllabes, peut-être plus d'irrégularité aurait-il ajouté à l'idée de vacarme, de brouillon...

Une mention particulière pour
"L’écho tonitruant de l’usine qui cogne
Et fracasse en grenat, les tympans des vaincus"
que j'aime beaucoup !

socque a écrit:, peut-être plus d'irrégularité aurait-il ajouté à l'idée de vacarme, de brouillon...

C'est exactement ce que je me disais en relisant ce texte qui a déjà quelques mois...Quelques allitérations plus dures, plus sonores contribueraient aussi à accentuer la pression du vacarme...Je vais essayer d'améliorer la chose un de ces jours.
Merci pour ta lecture attentive

sûr, c'est un texte coloré, mais c'est marrant, j'ai un peu de mal à associer les couleurs et le vacarme, comme si de parler de couleurs c'était léger, alors que le bruit, c'est plutôt lourd, et d'ailleurs c'est ce poids plutôt qui ressort de ce vocabulaire
Bref, je trouve une dysharmonie quelque part, désolé ! ;-)

Beaucoup de couleur effectivement. Des couleurs tueuses de son ? L'art visiuel en allié contre le son, ici, un rythme désordonné ? A vrai dire je n'ai pas saisi toute la profondeur de ton poème

Ce qui est bien, c'est qu'il ma fait découvrir de nouveau mot comme lapis-lazuli ! lol

mentor a écrit:, j'ai un peu de mal à associer les couleurs et le vacarme, comme si de parler de couleurs c'était léger, alors que le bruit, c'est plutôt lourd,

Pour moi, les couleurs ont un poids, indéniablement mais c'est une sensation tout à fait personnelle, je te l'accorde. Un beau vert-bronze, un rouge-bordeaux profond pèsent plus lourd dans mon imaginaire qu'un bleu-ciel ou un rose tendre par exemple.
La musique, les sons plus généralement, me paraissent aussi avoir une tessiture chromatique. Les bleus, les verts en principe plus aigus que les jaunes et les rouges plus graves plus amples…
Baudelaire l'a exprimé infiniment mieux que moi dans "Correspondances"

Une belle poésie que j'ai trouvée très originale.
Une belle inspiration. C'est bien imaginé.
Des beaux mots sonores pour évoquer le vacarme du monde et de la rue.
Les couleurs, notamment les verts des chantiers, ça peut se discuter... mais dans une poésie ça passe bien, m'a-t-il semblé.
J'ai juste été un peu heurté par le moineau « matraquant »... ;-))
Mais c'est peu de chose.

Je suis partagée, mais dans l'ensemble, j'ai aimé.
Partagée parce qu'il y a des sonorités fortes, quelques associations puissantes mais je reste sur mon impression que tout cela est trop figé dans un besoin de vouloir à tout prix respecter un certain rythme.
J'ai tenté la lecture à voix haute, ça devient un texte scandé qui convient peu au contenu qu'il véhicule.
Une relecture, plus tard, sans doute, pour peaufiner mon impression...

Sahkti a écrit: je reste sur mon impression que tout cela est trop figé dans un besoin de vouloir à tout prix respecter un certain rythme.
J'ai tenté la lecture à voix haute, ça devient un texte scandé qui convient peu au contenu qu'il véhicule.

J'ai infiniment de mal à lâcher mon métronome. Dès que je n'entends plus son tic-tac familier je perds les pédales et ne me sens plus en poésie. C'est un gros défaut, je le sais et je tente de m'en corriger...ou de tricher comme je peux en jouant avec la typographie mais j'ai été démasquée ;-(
Merci de me rappeler au désordre Sahkti!

Socque m'avait d'ailleurs fait la même remarque...

Arielle a écrit:Pour moi, les couleurs ont un poids,

Le poids de la chemise de la reine Isabelle, par exemple ?-)
J'ai bien aimé, hormis la casserole que doit trainer le jade pour qui j'ai de la tendresse. Mais c'est peut-être là la difficulté de l'exercice. Quand Rimbaud donne des couleurs aux voyelles, ce ne son(t) pas les miennes, je peste et je me dis qu'il se fout le doigt dans l'oeil, je ne vois plus que ce doigt...
Craintif devant la poésie dont j'ai une approche très grossière, ta métrique peut-être trop sage me rassure comme une main courante.
Mention spéciale pour "l'oiseau bleu", protège le ; il existait une marque de maté du nom de "pajaro azul", elle a disparu...

à tchaoum
df

à tchaoum a écrit:,

Le poids de la chemise de la reine Isabelle, par exemple ?-)
à tchaoum
df[/quote]

???

Arielle a écrit:

Sahkti a écrit: je reste sur mon impression que tout cela est trop figé dans un besoin de vouloir à tout prix respecter un certain rythme.
J'ai tenté la lecture à voix haute, ça devient un texte scandé qui convient peu au contenu qu'il véhicule.

J'ai infiniment de mal à lâcher mon métronome. Dès que je n'entends plus son tic-tac familier je perds les pédales et ne me sens plus en poésie. C'est un gros défaut, je le sais et je tente de m'en corriger...ou de tricher comme je peux en jouant avec la typographie mais j'ai été démasquée ;-(
Merci de me rappeler au désordre Sahkti!

C'est une question de goût assurément. Pour moi, il ne faut surtout pas lâcher ton métronome.
Le beau tic-tac fait partie de la belle poésie.
Ce que Sahkti appelle un texte "scandé", moi je l'appellerais "rythmé"...
Encore une fois, une question de goût, mais il paraît que je suis vieux jeu.
Enfin, non ! je suis vieux jeu ! ;-))

Arielle a écrit:

socque a écrit:, peut-être plus d'irrégularité aurait-il ajouté à l'idée de vacarme, de brouillon...

C'est exactement ce que je me disais en relisant ce texte qui a déjà quelques mois...Quelques allitérations plus dures, plus sonores contribueraient aussi à accentuer la pression du vacarme...Je vais essayer d'améliorer la chose un de ces jours.
Merci pour ta lecture attentive

Oui, ça c'est une idée. Et pourquoi ne pas carrément créer des effets de cacophonie avec des hiatus ou des successions de sons "durs"?

Il y a un beau rythme d'alexandrin (malgré les retours à la ligne).
SJB, connaisseur et fan du genre apprécie, d'autres n'aiment pas ce rythme.
Question de goût !

Il y a déjà je trouve sonore des mots qui image le vacarme. Si tu peux améliorer, pourquoi pas ? En tous cas j'apprécie cette volonté d'adéquation de la forme et du fond. A ce propos, à titre de suggestion, et pour pousser la logique, est-ce que ça ne vaudrait pas le coup de tenter des vers / rythmes moins réguliers pour imager ce vacarme ?

Ce que j'ai apprécié, c'est une certaine originalité du thème, les chantiers, les usines, et globalement une certaine recherche d'originalité. Je trouve la posture poétique de préférer le chant des oiseaux peut-être un peu trop attendue, un peu trop cliché à mon goût.

J'ai trouvé l'ensemble fort bien tourné, et agréable à lire.

Arielle a écrit:

à tchaoum a écrit:
Le poids de la chemise de la reine Isabelle, par exemple ?-)

???

Ah. La reine Isabelle (d'Autriche) avait fait voeu de ne pas changer de chemise tant que son mari parti guerroyer ne serait pas rentré victorieux. Elle tint parole et sa chemise chargée de crasse (donc probablement un peu plus lourde qu'à l'ordinaire) était devenue "café-au-lait" ; son nom est resté pour cette couleur...
ça va ?
On appelle aussi Isabelle (parce qu'il est de cette couleur) un très joli coquillage de la famille des porcelaines.
Encore ?
C'est le prénom de ma première épouse, qui était aussi très jolie et fort justement café au lait.
C'est tout ce que j'ai en magasin :-)

à tchaoum
df

à tchaoum a écrit:La reine Isabelle (d'Autriche) avait fait voeu de ne pas changer de chemise tant que son mari parti guerroyer ne serait pas rentré victorieux. df

Merci beaucoup pour l'origine de cette couleur que je ne connaissais que pour la robe des chevaux... Le poids, bien évidemment, dépend de la puissance de ton imagination ;-)

Arielle a écrit:
qui me tordent le cœur

du déjà vu... tordre le coeur... trouve un verbe plus original... spiralise? invente s'en, au pir.
Pour le reste, bravo, j'ai adoré. Surtout la fin, de peindre en bleu...
bravo, bravo!

arielle : à décrire ton monde coloré, j'ai cru déceler les chaudes teintes turbulentes de ton vacarme éblouissant, sans jamais y reconnaître la grandeur du silence qui envahit nos yeux, lorsque l'esprit s'évade des méfaits de ce monde.
Essaie une fois, d'absorber en ton fort intérieur, les non-dits, les pensées secrètes que chuchottent les taiseux, les espaces blancs pendant lesquels la magie développe son immensité gourmande.
L'exercice est délicat pour les novices. Il suffit de presque rien pour commencer l'apprentissage de l'infiniment calme.

sinon, les boules en cire dans les oreilles...

Mouais. Bravo pour la forme, la musique le rythme. Je coince sur le lagon bleu que j'ai déjà vu jonché du brun sugar, des vents gris, des âmes en arc-en -ciel volantes au ras des galets. Les moineaux sont bigleux de nos jours. Sous l'eau argentée un tazar bouffe un vivanneau. Ca fait du bruit et la surface éclate en cercles.

Bertrand :

les non-dits, les pensées secrètes que chuchotent les taiseux, les espaces blancs pendant lesquels la magie développe son immensité gourmande.

...Tapis, des ombres, des clins d’œil
Et des soupirs qui se recueillent
Tissent de silences sonores
Les blancs de l’envers du décor ;-)

Je les ai entendus aussi Bertrand!

et bla bla bla qui me tordent le cœur

du déjà vu... tordre le coeur... trouve un verbe plus original... spiralise? invente s'en, au pir

J'ai une version avec "vrille" ça te va?

J'aime, mais pour contraster le bleu de l'oiseau avec petit gazouilli, la ville devrait être plus bruyante.

Le vert des chantiers parait discutable, le bleu de la rue balaie tout ça de façon plus qu'heureuse. Une pointe d'érotisme de temps en temps ne nuirait pas. Auriez vous l'article dans votre besace, poete?