Le p'tit con

Le p’tit con

–Dessine moi un lapin !
Le p'tit con frisé brun se tenait là derrière moi. C'était pas le moment de jouer les Michel-Ange. Depuis trois heures sous le cagnard, je m'escrimais auprès de mon planeur ou de ce qu'il en restait. Heureusement, j’avais pris soin d’emmener de la colle, de la super, tu sais, de la celle qu’onn peut marcher au plafond avec durant des heures pareil que les mouches. Les morceaux de mon zinc, y en avait partout dans le désert. Faut dire que j'avais fait fort. décrochage direct sur la dune. Tout voyageur un tant soit peu avisé, te le dira, dans le désert de Gobi, de dune, il n'y en a qu'une et quand tu te scratches, t'as pas intérêt à la louper, cette putain de dune, sinon,adieu foulard, adieu Madras... parce qu'ailleurs, c'est rien que du cailloux et du vrai qui griffe à mort. C'était vraiment trop naze, trois jours de planeur non stop et paf ! Planté au milieu du désert à trois mille kilomètres de toute civilisation. J'étais pourtant à deux doigts de gagner mon challenge, Paris -Pékin sans escale en planeur à pédale.
–Dessine-moi un lapin, monsieur !
–Mais tu vas me lâcher la grappe, p'tit morveux ! Tu vois pas que je bosse, là. Et qu'est-ce que tu fous ici, d'abord ? Elle est où ta mère ?
–Morte, elle est morte. Et puis, j'ai pas l'air, monsieur, mais j'ai trois cents piges. Dessine moi un lapin !
J'ai compris qu'il allait me casser les burnes encore longtemps, si je ne m'exécutais pas. Alors j'y ai fait un truc en trois deux dans le sable.
– voilà, t’es content,là ?
– Mais c'est pas un lapin, ça !
– Non, c'est une carotte. Mais si t’es sage, tu verras le lapin bientôt  quand il viendra la bouffer. En attendant file- moi un coup de main, papy.
– À quoi ?
– À recoller mon planeur qu'est un peu en vrac. J’ai pas envie de passer la nuit ici, moi. Il me reste juste une pédale. Faut que je retrouve les morceaux.
– Pourquoi tu ne voyages pas comme moi, monsieur ?
– C'est à dire ?
– Suis-moi ! dit-il d'un ton péremptoire en se dirigeant vers la crête.
Quand nous eûmes franchi le sommet, sous le soleil couchant, flottant à vingt centimètres du sol, était garé un superbe tapis tricolore.
–Merde ! C'est quoi, ce bordel ?
–Ben, c'est mon tapis, dit-il, en grimpant dessus. C'est dommage que tu ne m'aies pas dessiné un lapin, parce que je t'aurais emmené faire un tour à...
Le son de sa voix se perdit dans le lointain. Je restais les yeux au ciel, à la main mon tube de colle en plastique sur lequel se reflétaient les derniers rayons du soleil. Il commençait à cailler sérieusement
– Attends, fais pas le con,reviens…mais reviens quoi !

Iconoclaste !
Tu vas finir par t'abimer.

Pense à nettoyer un peu ton chantier en partant.
(Ah, c'est moi qui ai pris la carotte)

Super ce texte! C'est frais, drôle, rempli sans doute de références au petit prince que je n'ai pas dû percevoir (il faudrait que je le relise...): je me suis juste laissée portée avec toutes les images que ton texte a généré dans mon imagination et j'ai passé un chouette moment, merci! (presque un peu triste que ça se soit fini aussi vite, j'aurais apprécié un format plus long)

Ha Ha ! Un Hellion débridé, c'est cool !

Tandis qu'en poésie, notre hôte (avec talent) serait plutôt solennel.

Ah ah le lapin et vous, une histoire à longues oreilles!

PCP, Hellion peut être encore plus déferlant en prose et décapant en poésie.

Très drôle, et bien écrit !

Oui ! Très sympa ce texte court !

Oui ! Très sympa ce texte court !

J'adore les contes revisités, et celui-ci est un régal ! Le planeur à pédales, la carotte et le tapis volant d'un très vieux p'tit con pour bousculer les références, et un humour gouailleur, le petit prince a troqué sa cape et son écharpe contre une casquette de titi, bravo Hellion! (je le vois bien faire du rap...)

Merci à vous tous de vous être penchés sur ce qui reste de mon planeur. et que Saint ex du haut des cieux m'accorde son pardon au vu de vos compliments.