SOLEIL: Soleil radieux
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SOLEIL: Soleil radieux
Lundi, 8 heures 10 GMT. Kadima est assis au bord de l'eau, il contemple les reflets du soleil sur la toile azurée. Un sourire illumine son visage.
Hier, c'était son anniversaire. Sept ans! Il a reçu de ses parents une superbe bicyclette rouge, plus belle encore que celle de ses rêves. Des heures durant, il a fait le tour du quartier avec l'engin, posant fièrement devant ses copains, testant toutes sortes de poses téméraires qui ont arraché des soupirs d'admiration aux gamins. Même le fils de la boulangère, pourtant un solide gaillard de huit ans, n'en revenait pas. Kadima a fait son entrée chez les grands!
Aujourd'hui c'est congé, ce sont les vacances. Kadima s'ennuie un peu, son meilleur copain est parti très tôt ce matin passer deux semaines chez sa grand-mère à 600 kilomètres de là. Il fait beau. Magnifique. L'occasion rêvée pour aller jeter des galets dans l'eau et taquiner les crevettes avec ses orteils.
Kadima enfourche son vélo, zigzague dans les rues adjacentes avant de se diriger vers la marina. Le marché aux poissons vient de s'achever, l'ambiance qui se dégage du lieu lorsque les marchands terminent de balancer aux ordures les invendus et les peaux ratatinées attriste Kadima. L'impression d'une fête qui prend fin, d'un retour à la vie normale dans ce qu'elle a de banal et de prévisible.
Il fait trop beau pour se morfondre. Kadima s'installe le long de la jetée, il regarde les bateaux partir en mer, il rêve à toutes les espèces fabuleuses de poissons qu'on peut croiser au large. Plus tard il fera pêcheur. Dans un bateau mais aussi au fond de l'eau, avec un harpon et un masque. Comme ça en saison calme, il pourra aussi jouer les guides touristiques et entraîner les visiteurs pour leur montrer les poissons colorés.
Kadima se sent bien. Il écoute les mouettes hurler leur faim au-dessus des flots. Elles suivent les pêcheurs à la trace dans l'espoir de récolter l'un ou l'autre poisson trop petit pour être vendu. Kadima n'aime pas trop les mouettes, il a peur de leur cri perçant et trouve qu'elles sont sans-gêne quand elles foncent sur lui pour piquer son casse-croûte ou attraper des sauterelles noires. Mais en même temps, il les envie secrètement. Surtout lorsqu'elles sont tout là-haut dans le ciel. C'est qu'il aimerait voler Kadima. Se rapprocher des nuages et saluer le soleil au plus près. Ce serait tellement fantastique, en un beau jour comme aujourd'hui, de survoler la baie, regarder les maisons former des petites points blancs tout en bas, suivre les embarcations colorées au milieu de la grande tache bleue, faire la course avec les oiseaux, se faire bronzer dans les bras du soleil...
Les mains en parasol au-dessus des yeux, Kadima observe la silhouette des oiseaux qui se détache dans la rondeur de l'astre solaire.
Il y en a un au loin qui capte son attention plus que les autres mais avant d'avoir pu observer si il s'agissait d'un cormoran ou d'un goéland, la forme s'est éloignée, minuscule petit point noir au milieu d'un jaune éclatant. Kadima plisse nez et sourcils, il tente de voir au loin, il lui semble que le soleil est devenu tout à coup si lumineux. C'est peut-être une impression. A force de regarder trop longtemps la lumière en face, des ombres se dessinent, les formes deviennent floues. Kadima se frotte les yeux, regarde à nouveau, le soleil est toujours là. Brillant. Radieux. Irradiant...
Lundi 8h15 GMT, Hiroshima, 6 août 1945. Le soleil vient de briller pour la dernière fois dans les yeux de Kadima.
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Hier, c'était son anniversaire. Sept ans! Il a reçu de ses parents une superbe bicyclette rouge, plus belle encore que celle de ses rêves. Des heures durant, il a fait le tour du quartier avec l'engin, posant fièrement devant ses copains, testant toutes sortes de poses téméraires qui ont arraché des soupirs d'admiration aux gamins. Même le fils de la boulangère, pourtant un solide gaillard de huit ans, n'en revenait pas. Kadima a fait son entrée chez les grands!
Aujourd'hui c'est congé, ce sont les vacances. Kadima s'ennuie un peu, son meilleur copain est parti très tôt ce matin passer deux semaines chez sa grand-mère à 600 kilomètres de là. Il fait beau. Magnifique. L'occasion rêvée pour aller jeter des galets dans l'eau et taquiner les crevettes avec ses orteils.
Kadima enfourche son vélo, zigzague dans les rues adjacentes avant de se diriger vers la marina. Le marché aux poissons vient de s'achever, l'ambiance qui se dégage du lieu lorsque les marchands terminent de balancer aux ordures les invendus et les peaux ratatinées attriste Kadima. L'impression d'une fête qui prend fin, d'un retour à la vie normale dans ce qu'elle a de banal et de prévisible.
Il fait trop beau pour se morfondre. Kadima s'installe le long de la jetée, il regarde les bateaux partir en mer, il rêve à toutes les espèces fabuleuses de poissons qu'on peut croiser au large. Plus tard il fera pêcheur. Dans un bateau mais aussi au fond de l'eau, avec un harpon et un masque. Comme ça en saison calme, il pourra aussi jouer les guides touristiques et entraîner les visiteurs pour leur montrer les poissons colorés.
Kadima se sent bien. Il écoute les mouettes hurler leur faim au-dessus des flots. Elles suivent les pêcheurs à la trace dans l'espoir de récolter l'un ou l'autre poisson trop petit pour être vendu. Kadima n'aime pas trop les mouettes, il a peur de leur cri perçant et trouve qu'elles sont sans-gêne quand elles foncent sur lui pour piquer son casse-croûte ou attraper des sauterelles noires. Mais en même temps, il les envie secrètement. Surtout lorsqu'elles sont tout là-haut dans le ciel. C'est qu'il aimerait voler Kadima. Se rapprocher des nuages et saluer le soleil au plus près. Ce serait tellement fantastique, en un beau jour comme aujourd'hui, de survoler la baie, regarder les maisons former des petites points blancs tout en bas, suivre les embarcations colorées au milieu de la grande tache bleue, faire la course avec les oiseaux, se faire bronzer dans les bras du soleil...
Les mains en parasol au-dessus des yeux, Kadima observe la silhouette des oiseaux qui se détache dans la rondeur de l'astre solaire.
Il y en a un au loin qui capte son attention plus que les autres mais avant d'avoir pu observer si il s'agissait d'un cormoran ou d'un goéland, la forme s'est éloignée, minuscule petit point noir au milieu d'un jaune éclatant. Kadima plisse nez et sourcils, il tente de voir au loin, il lui semble que le soleil est devenu tout à coup si lumineux. C'est peut-être une impression. A force de regarder trop longtemps la lumière en face, des ombres se dessinent, les formes deviennent floues. Kadima se frotte les yeux, regarde à nouveau, le soleil est toujours là. Brillant. Radieux. Irradiant...
Lundi 8h15 GMT, Hiroshima, 6 août 1945. Le soleil vient de briller pour la dernière fois dans les yeux de Kadima.
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Sahkti- Nombre de messages : 31659
Age : 50
Localisation : Suisse et Belgique
Date d'inscription : 12/12/2005
Re: SOLEIL: Soleil radieux
Tu sais vraiment dépeindre les atmosphères Sahkti, leur donner une dimension mélancolique. Ici encore c'est très bien rendu.
Par contre, la fin me laisse un peu partagée. L'effet de surprise est là, sans aucun doute mais cette chute me dérange dans la mesure où j'ai l'impression qu'elle n'est là que pour dire au lecteur "ah je t'ai bien eu" alors que le texte se suffisait à lui même. Je ne sais pas si je suis claire, pour résumer, je regrette que tu aies fait de cette histoire un texte à chute, le récit me plaisait dans sa simplicité, du moins celle que j'y voyais jusqu'aux toutes dernières lignes.
Par contre, la fin me laisse un peu partagée. L'effet de surprise est là, sans aucun doute mais cette chute me dérange dans la mesure où j'ai l'impression qu'elle n'est là que pour dire au lecteur "ah je t'ai bien eu" alors que le texte se suffisait à lui même. Je ne sais pas si je suis claire, pour résumer, je regrette que tu aies fait de cette histoire un texte à chute, le récit me plaisait dans sa simplicité, du moins celle que j'y voyais jusqu'aux toutes dernières lignes.
Re: SOLEIL: Soleil radieux
Encore un texte tout en douceur, en atmosphère. Un conte aussi, tragique. La fin inattendue bouleverse d'un coup tout ce qu'on a lu tranquillement et donne un drôle de sentiment de culpabilité parce qu'on ne peut s'empêcher de penser à toutes ces vies interrompues ou broyées. Même pas le temps de se dire: "pourquoi?".
Emouvant Sahkti.
Le "radieux" en titre: difficile de deviner ce que tu préparais!
Emouvant Sahkti.
Le "radieux" en titre: difficile de deviner ce que tu préparais!
Re: SOLEIL: Soleil radieux
Merde! Je ne m'attendais pas à cette chute... waouaw! combien vertigineuse. Impressionnant ce passage de l'insouciante légèreté à...
Carrément cinématographique! Une bon court met pour le désarmement.
Réussi!
Carrément cinématographique! Une bon court met pour le désarmement.
Réussi!
Kilis- Nombre de messages : 6085
Age : 78
Date d'inscription : 12/12/2005
Re: SOLEIL: Soleil radieux
En fait non, pas de volonté "d'avoir" le lecteur. Mon idée était de parler du soleil nucléaire, ce qui justifie les deux dernières lignes. Sans elles, le texte aurait eu à mes yeux moins de sens et en serait presque devenu banal, même si beau. Je voulais donner au soleil une place de choix, en faire un héros détourné du récit. Je ne sais pas si ça aurait été perçu de la même manière sans la fin, ça aurait été juste joli, sans plus, à mon avis, non?Krystelle a écrit:j'ai l'impression qu'elle n'est là que pour dire au lecteur "ah je t'ai bien eu" alors que le texte se suffisait à lui même.
Sahkti- Nombre de messages : 31659
Age : 50
Localisation : Suisse et Belgique
Date d'inscription : 12/12/2005
Re: SOLEIL: Soleil radieux
Sahkti a écrit: Je ne sais pas si ça aurait été perçu de la même manière sans la fin, ça aurait été juste joli, sans plus, à mon avis, non?
Joli oui et touchant. Cette fin ne me semble pas nécessaire, elle donne une autre dimension au texte apporte un éclairage nouveau mais propose une nouvelle lecture alors que la première me plaisait dans sa simplicité. Suis toujours un peu partagée sur les textes à chute; il me semble qu'il n'est pas indispensable de trouver systématiquement une fin surprenante pour que le texte soit réussi. Ca devient presque classique de faire des chutes inattendues...
Re: SOLEIL: Soleil radieux
Je ne rejoins pas l'avis de Krystelle, ce n'est pas ici à proprement parlé un texte à chute, non, c'est juste un morceau de vie qui précède l'enfer, morceau de vie qui précède l’Histoire, celle-là même qui ne peut être ni changée ni modifiée. Bien vu Sahkti, et très bien dit.
Yali- Nombre de messages : 8624
Age : 60
Date d'inscription : 12/12/2005
Re: SOLEIL: Soleil radieux
J'aime bien l'atmosphère que tu tisses dans le texte, et cette façon que tu as de parler de l'enfance, avec à la fois la poésie et la verve. Notamment, caser des mots comme "ratatiné" ou "casse-croûte" est bien vu, ça crée de l'empathie pour Kadima.
Un petit point technique, la description à la fin ne me semble pas très exacte (mais je me trompe peut-être ?), ce qui n'est pas grave d'ailleurs.
Sur la toute dernière phrase, j'aurais bien vu quelque chose d'encore plus sobre, (mais je ne sais pas quoi), ou peut-être même rien du tout.
Je ne suis pas géné par la chute : à titre personnel, je trouve que la chute est génante quand elle modifie ce que le lecteur a compris, c'est à dire par exemple faire croire que kadima est un enfant, et apprendre à la dernière ligne qu'en fait c'est un poisson rouge.
Un petit point technique, la description à la fin ne me semble pas très exacte (mais je me trompe peut-être ?), ce qui n'est pas grave d'ailleurs.
Sur la toute dernière phrase, j'aurais bien vu quelque chose d'encore plus sobre, (mais je ne sais pas quoi), ou peut-être même rien du tout.
Je ne suis pas géné par la chute : à titre personnel, je trouve que la chute est génante quand elle modifie ce que le lecteur a compris, c'est à dire par exemple faire croire que kadima est un enfant, et apprendre à la dernière ligne qu'en fait c'est un poisson rouge.
Loupbleu- Nombre de messages : 5838
Age : 52
Localisation : loupbleu@vosecrits.com
Date d'inscription : 12/12/2005
Re: SOLEIL: Soleil radieux
Tu parles de l'explosion nucléaire? je ne voulais pas la décrire en fait, en aucun cas parler de champignon ou quoi que ce soit du genre. Juste laisser la place au soleil et à sa lumière de plus en plus forte. Laisser place au symbolisme.Loupbleu a écrit:Un petit point technique, la description à la fin ne me semble pas très exacte (mais je me trompe peut-être ?), ce qui n'est pas grave d'ailleurs.
A propos de soleil nucléaire, j'ai des lectures bizarres, je sais, mais bon, j'ai adoré ce livre "100 soleils", qui présente 100 photographies d'explosions nucléaires.
http://www.critiqueslibres.com/i.php/vcrit/5140
Sahkti- Nombre de messages : 31659
Age : 50
Localisation : Suisse et Belgique
Date d'inscription : 12/12/2005
Re: SOLEIL: Soleil radieux
Magnifique texte! délicatement écrit et plein de vie...Pour ce qui est de la chute pour moi la chute est la fin obligé d'une nouvelle, elle peut être plus ou moins forte mais elle doit être là et justifie le reste de la nouvelle.
L'atmosphére est merveilleuse de simplicité et de bonheur.La fin est très bien faite, sobre et choc.
L'atmosphére est merveilleuse de simplicité et de bonheur.La fin est très bien faite, sobre et choc.
Re: SOLEIL: Soleil radieux
Dès le début, j'ai senti que tout ça allait finir mal. La beauté des images du début allait forcément s'estomper devant l'orage. Maintenant, je ne saurais pas dire si cette impression est due à ton texte ou au fait que je commence à te connaître un peu et que je sais que dans tes textes, rien n'est jamais tout blanc ou tout noir, et ici ça ne pouvait pas être "juste beau".
J'aime beaucoup l'atmosphère de ton texte, très visuel. L'usage du prénom Kadima, peu courant chez nous, m'a interpellé. J'ai pensé à l'Irak, l'Afrique du nord mais j'étais loin du Japon avant ....
J'aime beaucoup l'atmosphère de ton texte, très visuel. L'usage du prénom Kadima, peu courant chez nous, m'a interpellé. J'ai pensé à l'Irak, l'Afrique du nord mais j'étais loin du Japon avant ....
Charles- Nombre de messages : 6288
Age : 49
Localisation : Hte Savoie - tophiv@hotmail.com
Date d'inscription : 13/12/2005
Re: SOLEIL: Soleil radieux
Punaise Marielle, le choc à la lecture de la dernière phrase ! Perso j'aime les textes à chutes même si ici les avis sont partagés quant à savoir si c'en est une ou pas ici. Peu importe donc pour moi, parce que c'est fort et donc ça me plait. En outre coquine, tu nous faitsun début de texte tout lisse, soft...pour mieux amener la fin, la faire ressortir. Ca aussi c'est tout un art. Bravo.
Zou- Nombre de messages : 5470
Age : 62
Localisation : Poupée nageuse n°165, Bergamini, Italie, 1950-1960
Date d'inscription : 12/12/2005
Re: SOLEIL: Soleil radieux
J'aime beaucoup. Je trouve que la fin est excellente, elle choque, et est réellement bien amenée. Ça redonne une de ces forces au tout ! Sans la fin, oui, le texte aurait peut-être été un peu banal, j'aurais eu l'impression que tu nous menais vers quelque chose, et puis finalement d'arriver nulle part. Mais là... c'est fait trés habilement, ni trop, ni trop peu, juste ce qu'il faut, pour qu'on s'en souvienne.
Re: SOLEIL: Soleil radieux
Très beau texte Sahkti, qui vire de la poésie au drame. J'ai bien aimé cette fin, qui prend aux tripes, qui donne un sens supplémentaire à tout ce qui a été si bien décrit plus haut. Une sensation de tristesse m'est venue à la fin de ce texte alors que toute la première partie est éthérée, dépeint une atmosphère , une sensation cotonneuse avant que....
Nothingman- Nombre de messages : 747
Age : 44
Localisation : diabolo menthe
Date d'inscription : 12/12/2005
Re: SOLEIL: Soleil radieux
ouf! le coup dans l'estomac avec la fin du texte!
c'est puissant, après un descriptif presque anodin
et quelle belle écriture!
c'est puissant, après un descriptif presque anodin
et quelle belle écriture!
Nath- Nombre de messages : 383
Age : 45
Localisation : Complètement à l'ouest!
Date d'inscription : 17/07/2006
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