Les grands soleils couchants

On fête les morts
Chez les vivants

Les grands soleils
Jettent leurs cendres dans le ciel
Piqué d'étoiles barbues

Nos têtes dégarnies
Au-dessus des soupes de bois noirs
Tèteront
Près du sein d'une morte mère
Elles tèteront pour obéir


Le temps ne met rien en jachère
Tous ces nuages tous ces nuages
Et même la brûlure fait une caresse
Remplie à rabord
d'enfances
Parfaitement révolues


Il faut remplir
Du sang et des liquides du vivant
Qui firent un jour de ma chair un lit
Gavé d'un amour
Facile
Et premier

Récifs
En or métallique
Où l'on nage souvent plusieurs heures
Ils s'aiguisent comme
Un couteau à pain
un dimanche
à midi

Sages et tranquilles
Près des morts
Nous irons
Dans la mer
En partage
Sans secret

La nuit
Brillera partout
Au creux des graisses et des muscles tordus
Elle éteindra la lumière de ma chambre

Lire ce texte, comme un alcool fort, d'un seul trait.
A grosses gorgées et puis fermer les yeux très serrés.
Ecouter bruire les étoiles au firmament des corps.

Un texte très élégant, j'aime beaucoup la manière dont les mots s'enchaînent et s'entrecroisent.
L'idée des soupes de bois noirs me plaît, tout le couteau à pain du dimanche midi. Il y a dans ton texte pas mal d'images et d'idées qui ouvrent des portes vers de multiples réflexions; j'aime ça.

Bonjour Jand,

Un poème doux et fort à la fois, un poème (de) jeune, mais pas que, qui s'ouvre sur demain, sur ses aspirations à venir, sans oublier le passé marquant, avec déjà un peu de recul par rapport à ce passé.

détail
"Il faut remplir" je trouve ce vers incongru, "il faut" un peu comme "je dois" mais en moins extérieur, mins actif, plus subi. Et remplir...quoi ?

Ensuite l'alternance du violent (ou négatif) et du doux (ou positif) n'est pas binaire, j'aime.

Très très beau, pour moi, merci et bravo !

Oui, vraiment très beau. Il y a un souffle du temps, quelque chose qui englobe les destinées dans leur continuité, la vie personnelle dans sa continuité. Et les images vous emportent très loin.

La beauté et l'optimisme de la vie montrés à nos enfants. Je fuis.