MARIAGE : le dernier

Les actes sont posés sur la table. Deux stylos noirs.
Ils fonctionnent.

Je découvre les noms des mariés du jour.

Haderbache Abdelakrim, né en 1954 à Bou Sâada. Deuxième noce. Nous oublierons de le signaler.
Cette mention est d'ailleurs déjà mise entre crochets.

Del Franco Sophie, Louise, Andrée, née en 1960 à Conflans Ste Honorine. Premier mariage.
Les noms cette fois ci ne sont pas trop compliqués.

Les chaises sont en place. L'écharpe dans sa boîte.
Je la sors sans hâte. La déplie.
Je la pose d'abord sur la table.

J'attends Melle Amini.
L'agent d'etat civil.

Elle arrive, souriante, comme à son habitude.
- Bonjour Samira.
- Bonjour Mr Relin.

Nous tuons le temps dans quelques mots du quotidien.
Ses études terminées, son stage s'est bien passé.
Mes enfants ont grandi, l'ainée en terminale, passe le bac cette année.
Nous regardons l'heure et puis la couleur du ciel par la fenêtre.

Je décide d'enfiler l'écharpe. Melle Amini me sert de miroir.
Le bleu à droite pour l'adjoint au maire.

Le temps s'écoule lentement. La nappe rouge est toute plissée, je passe dessus le plat de la main, sans espoir de la lisser.
Samira ouvre les portes en grand, replace les chaises des mariés.

Nous attendons.

Le temps est gris mais il fait doux.
Les premiers invités sont arrivés, ils s'approchent de la roseraie.

Un homme, la soixantène, s'approche d'un pas assuré. Son costume clair, impeccable, fait ressortir son teint artificiellement mat.

Il nous sert franchement la main et dans un sourir convenu se présente.
-Je suis le père de la mariée, Mme la maire n'est pas venue?
-C'est moi qui aurai l'honneur de marier votre fille.
Il semble un peu déçu mais se retourne sans expression d'humeur.

Les mariés arrivent à leur tour.
Un mariage ordinaire, 25 ou 30 invités, des tenues bien soignées.
La mariée est plutôt jolie dans se robe rosée.
Le marié s'avance sans sourir. Il demande.
-Je me place à gauche ou à droite?
Nous lui répondons, appelons les témoins.

Articles lus, je demande à la salle de se lever.
Les consentements passés, un dialogue bref avec les jeunes mariés.
-Faites vous l'échange des alliances à la mairie?
Le marié sourit enfin.
Regarde sa nouvelle épousée.
C'est elle qui répond.
-Nous n'irons pas à l'église. Dit elle simplement;

Le témoin de Mme Haderbache ex Del Franco, sa soeur sans aucun doute (nom de jeune fille identique) sort de sa poche une petite boite.
Dessus sont écris quelques mots dans une police dorée:


Ces quelques vers mal tournés collent bien avec la cérémonie.
Sans éclat et sans passion.

La boite ouverte laisse apparaitre les deux anneaux, l'alliance de la jeune femme est légèrement ciselée.

Après avoir signé les actes, je propose l'échange des alliances.
Je me retire, les proches se précipitent pour faire les clichés souvenir.

Les mariés s'embrassent pour les besoins des photographes.
Avant de les laisser partir je félicite le couple; leur offre l'album photo prévu à cet effet.
Quelques flashs encore.
Des embrassades et des larmes sont échangées.

Un à un les invités s'échappent;
Sur le sol quelques confettis roses et blancs échoués.

- Vous pouvez partir maintenant Mr Relin.
- Merci Samira je ne vais pas tarder.
Un petit vent frais s'est levé.

La petite foule s'étale dans le jardin, formant des groupes à l'appel du photographe officiel : famille du marié, cousins, neveux, puis les amis et enfin le couple seul.
Je me retourne, retire l'écharpe, referme la boîte.
Ce mariage ne me laissera qu'un seul souvenir, ce sera pour moi le dernier.

C'est bien écrit, simple, assez émouvant... mais il manque quelque chose pour moi, la fin me laisse sur ma faim et pardon pour le jeu de mots minable.

Désolée pour la fin, j'avoue que j'étais moi même pas tout à fait convaincue. Je ferai sans dout une autre proposition.
En espérant qu'elle sera plus significative et qu'elle sera plus proche de mes intentions, qui n'était surement pas de faire un jeu de mot!

Je relis ta réponse et je viens de la comprendre, c'étais toi le jeu de mot.
Décidément tout s'emmèle.

Suis moi aussi un peu sur ma faim, avec la tienne (Zeugme !!!). On s'attendrait à ce qu'elle éclaire toute la cérémonie d'un jour nouveau... C'est un peu un regard clinique sur le mariage, et finement compté, j'attendais qu'il s'y passe quelque chose ou qu'alors cette fin fasse tout basculer...
Mais c'est bien.

pestebec'o a écrit:Je relis ta réponse et je viens de la comprendre, c'étais toi le jeu de mot.

J'ai failli te le faire remarquer :-)

j'ai souvent du mal à finir.
Alors voilà une deuxième proposition (ce qui ne va pas faciliter la lecture mais tant pis)
en reprenant après "... je referme la boîte"
_________________________

Samira a fermé les protes maintenant.
Elle commence à balayer le sol lentement.

Elle me sourit.
Je la salue.

Je quitte la salle sans précipitation.
Retrouve ma veste dans le couloir et l'enfile d'un seul geste.
Je me dirige vers la sortie.

Combien ais-je célébré de mariage en trois mandats.
Peut-être 15 par an, celà ferait 300.

Un goût amer dans la bouche, je referme la porte de la mairie derrière moi.
Tous ces gestes si souvent répétés, je les fais pour la dernière fois.

Ce mariage ne me laissera q'un seul souvenir, ce sera pour moi le dernier que j'aurai célébré.


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Je revendique la fin sans revirement. Je cherche à faire ressentir la lassitude du personnage, qui agit par habitude et ne ressent plus aucune émotion face au mariage qu'il célèbre.

Bon, alors je pense que votre deuxième fin en fait trop cette fois, est trop diluée. Je me dis que, peut-être, ce serait intéressant de faire terminer le texte par ce mot, "dernier", pour l'impact, et avec une conclusion très courte au lieu d'une coda en plusieurs phrases comme vous avez fait. Une dernière phrase isolée, seulement nominale, pourquoi pas ?

C'est vrai que les fins sont souvent délicates à trouver... bon courage. En tout cas, votre texte est bien écrit et fait passer quelque chose d'assez fort par sa simplicité.

merci pour toutes vos remarques, socque et à tchaoum.
Je prends note et je reviens plus tard.
Bonne journée.

Pareil.

J'aime bien, et bien qu'insatisfaite par ta fin, je préfère ta première version à ta seconde.

On ne sait où porter son attention : On pense d'abord évidemment que c'est ce mariage qui est falot. Puis on saute à la conclusion du narrateur. C'est peut-être cela qui manque ? Simplement une phrase de transition pour comprendre que les mariages d'hier et d'avant-hier lui faisaient le même effet, à cet adjoint blasé ?

Dans tous les cas, tu as du style

Si, je puis me permettre, pour garder ta tension jusqu'au bout, et ne pas sortir du point de vue de ton personnage à un point de vue "pédagogique" artificiel, je te propose ce genre de chute :

Un à un les invités s'échappent;
Sur le sol quelques confettis roses et blancs échoués.

Tous ces couples qui croient célébrer un amour unique. Quelle prétention ! Prétention et égoïsme de la jeunesse. Se rendent-ils seulement compte qu'ils sont tous interchangeables, jusque dans leur façon de clamer leur prétendue spécificité ?

- Vous pouvez partir maintenant Mr Relin.
- Merci Samira je ne vais pas tarder.
Un petit vent frais s'est levé.

En effet, il est temps que je parte, ce sera sans regrets.

La petite foule s'étale dans le jardin, formant des groupes à l'appel du photographe officiel : famille du marié, cousins, neveux, puis les amis et enfin le couple seul.

Je me retourne, retire l'écharpe, referme la boîte, soupire d'aise.

Ce mariage a ceci d'exceptionnel au moins, qu'il sera mon dernier.

c'est bien raconté, l'ambiance prend, notamment grâce à une certaine lenteur dans la narration qui colle bien avec ce que tu racontes.

C'est joli mais on reste un peu spectateur, c'est un peu impersonnel. me manque donc juste peut être un petit rien d'originalité / de profondeur en plus ... mais tout de même un beau 1er exo pour débuter sur VE

J'aime bien le ton désabusé de ce narrateur qui exprime clairement son désinvestissement. La fin effectivement me déçoit un peu... Peut-être formulée comme te le suggère Louise y gagnerait-elle en donnant plus de corps au personnage?

Effectivement comme on est dans un jeu d'habitude-répétition, il ne se passe rien, rien que de très mécanique, alors la fin passe très bien; quel ennui que cette platitude du convenu; super ce regard sur le mariage !!

J'aime ce texte comme il est. En simple, plat, d'une neutralité parfaite.
L'ennui faisant face à la passion. L'insignifiant porté au front.
Très joli texte et bravo pour ton premier éxo.

Merci pour lescompliments et les conseils.
J'essaie de comprendre le fonctionnement du forum.
Quelqu'un peut m'indiquer les prochains rendez-vous? Exercices, rendez-vous en direct?
J'ai envie de savoir si je peux vous et me surprendre et j'ai aussi envie d'être dans un même temps que vous,pour me entir autorisée à donner mon avis. (ce n'est pas vos contributions qui m'en empêchent, mais le sentiment de ne pas être suffisament chevronnée)

pestebec'o a écrit:(...) (ce n'est pas vos contributions qui m'en empêchent, mais le sentiment de ne pas être suffisament chevronnée)

Permettez-moi de réagir là-dessus : à mon avis il ne faut pas hésiter à commenter ! Il n'y a pas, je pense, d'"expérience" particulière à avoir pour cela, j'ai toujours le sentiment que l'avis du lecteur est précieux, qu'il s'agisse d'un simple ressenti ou de remarques plus techniques...

J'vais prendre mon courage à deux mains, mais pour les rendez-vous qui peux me répondre.

Salut Pestebec'o

D'accord avec Chef Panda. C'est merveilleusement plat, lisse et désabusé. Bien écrit et bien construit, aussi. Et pourtant je trouve qu'il manque quelque chose. Une rupture. Une échappée. Même l'ennui administratif est soluble dans la surprise. Le mariage civil n'est une formalité bureaucratique que vu de l'extérieur. Pour chacun des protagonistes, l'événement possède une signification propre. Je pense qu'il y a une contradiction entre l'impression de platitude et de routine que veut donner le texte et le fait d'avoir choisi le point de vue de l'un des protagonistes. Peut-être eût-il été plus efficace de narrer à la troisième personne. Mais ce n'est que mon opinion, naturellement...

Question rendez-vous et autres réjouissances en direct, pas de règles fixes. Régulièrement, l'un des membres propose un exo ou un appel à texte, et les autres se branchent sur le coup. Il faut consulter régulièrement les posts...

Gobu

Merci pour l'info, je resterai attentive.

j'ai eut la vague impression de lire un scénario : planter le décor, les costumes la lumière et le son autour de figurants inconnus. Il manque la patte du réalisateur, la signature caractérisée par un mouvement de caméra, ou une musique originale.
J'attends de lire tes prochain textes.

J'aime beaucoup beaucoup ce texte. Le découpage, les retours à la ligne, ce minutage du temps qui passe, tout cela me plaît et rend exceptionnelle la profonde banalité d'un tel mariage (comme tant d'autres mariages ceci dit).
Juste un bémol sur la dernière ligne de la première version, je m'en serais volontiers passée, elle n'apporte rien. La seconde version ne me plaît pas vraiment, trop lourde et trop détaillée, elle casse la magie du reste du texte.

Moi qui suis toujours un peu embarrassée lorsqu'il s'agit de finir...
Vous ne me facilitez pas la tâche.
Je n'ai pas encore trouvé la fin qui me conviendrais le mieux, mais mon cerveau reste vigilant et vous fera peut-être une troisième proposition.

Ça se lit bien, on suit bien le tout... Mais il est trop neutre. Je trouve ça dommage, alors que c'est son dernier mariage. On dirait que tu cherches à transcrire une pointe de nostalgie, mais qui ne perce pas.

J'ai bien aimé ce texte. L'atmosphère de lassitude qui se dégage peu à peu de l'écriture. Il y a une bonne adéquation fond/forme.
Quant à la fin du texte, je préfère nettement la sobriété de la première version.

Non aucune nostalgie, je voulais au contraire laisser une trainée de lassitude.
Cet homme qui devrait apporter aux jeunes mariés tout l'anthousiasme d'une nouvelle vie qui s'ouvrent à eux, agit comme un automate et n'éprouve plus aucun sentiment.
Merci Pili...

J'ai beaucoup aimé ce texte : il est écrit simplement, avec un très juste sens de l'observation et du détail. Il y a surtout une retenue et un art de l'ellipse tout à fait remarquable ! Bref, beaucoup de plaisir à la lecture.

Un avis perso : je ne trouve pas que le texte donne l'effet que tu recherches, et même, au contraire. Tu crées remarquablement une tension, celle du narrateur attentif, totalement dans l'action. Il ne digresse pas, n'imagine pas des "après" ou des "avant", ne juge pas (c'est très bien). Toute la tension que tu crées est justement qu'on est dans l'instant.

Je pense que si tu voulais insister sur la lassitude, il faudrait plutôt que le narrateur pense sans cesse à autre chose.

Bref, tu crées une tension exprimé avec une pudeur tout à fait propice à faire naître une très belle émotion à la fin ! Je pense que c'est le moment justement de se retourner vers le narrateur : imaginer, certes, sa lassitude. Ce n'est pas la mariage qui va l'émouvoir. Autre chose, quoi ? (à trouver). Une chose qui le renverra à ces années passées à "servir" la communauté (parce qu'il y met de l'aplication le bougre, même blasé qu'il est !).

Voilà, ce n'est qu'une proposition !

C'est un très beau texte, je l'ai aimé, et j'aime aussi la voie que tu prends pour écrire ! En attendant le prochain...

Je pense que ce que tu as peut-être ressenti, c'est un sentiment pas immédiatement associé à une cérémonie de mariage (du point de vue de l'élu), mais qui m'a guidée malgré tout : c'est la tendresse.
Cet élu qui a donné presque vingt de son temps libre à son engagement est un peu usé mais aime sincèrement tous ces gens qui viennent se promettre l'amour éternel devant lui.

pestebec'o a écrit:Je pense que ce que tu as peut-être ressenti, c'est un sentiment pas immédiatement associé à une cérémonie de mariage (du point de vue de l'élu), mais qui m'a guidée malgré tout : c'est la tendresse.
Cet élu qui a donné presque vingt de son temps libre à son engagement est un peu usé mais aime sincèrement tous ces gens qui viennent se promettre l'amour éternel devant lui.

C'est exactement ça !!! :-)