ORIENT-GUINNESS : Comment Flann sauva l'Irlande

"Dieu aide la nation qui faiblit en ces matières. Les vélos demanderaient le droit de vote et guigneraient des sièges au Conseil général pour rendre les routes bien pires qu'elles ne le sont pour leurs motivations ultérieures."
(Flann O'Brien, L'Archiviste de Dublin)


Flann O'Brien, incontournable écrivain irlandais a mis au point une théorie révolutionnaire qui se doit de figurer dans tout bon livre de physique et de philo: la théorie mollyculaire. Le principe est très simple: à force de côtoyer un objet, celui-ci déteint peu à peu sur vous, avant de prendre pleinement possession de votre âme et, par ricochet, hop!, de votre corps.
L'objet du délit est la plupart du temps une bicyclette, répandue comme on le sait en Irlande, en particulier à la campagne. Il suffit d'observer les gens lorsqu'ils sont à vélo et on comprend tout de suite à quel point l'hypothèse de Flann O'Brien tient la route. Ce n'est pas pour rien que le docteur de Selby y a consacré sa vie entière; les initiés comprendront *.

Fort de cette théorie considérée comme hérétique par beaucoup, James Joyce tenta l'expérience avec un dictionnaire. Du lever au coucher, du soir au matin, à chaque instant de la journée, le précieux ouvrage ne quitta plus l'homme de lettres et finit par envahir totalement son esprit, puis ses doigts. La plume inspirée d'un des maîtres de la littérature irlandaise donna dès lors naissance au célèbre voyage de Léopold Bloom, décrié par la critique à sa sortie, boudé par le public pendant de longues années. La théorie n'avait pas donné de bons résultats, si ce n'est une avalanche de termes et de détails qui ne furent cernés que des décennies plus tard. James Joyce était un incompris et son Ulysse un ratage total. Cette ingratitude lui valut un exil en Suisse et une profonde vexation que O'Brien ne manqua pas de moquer.

D'autres s'y essayèrent avec plus ou moins de succès. Certains n'avaient pas tout compris et tentèrent le coup avec des moutons, des sacs de tourbe et même des labradors. Bien entendu, rien ne marcha, la théorie tomba dans les oubliettes de la mémoire irlandaise et Flann O'Brien fut oublié par beaucoup.
Une perte irréparable... tant pour les amateurs de vélocipèdes que pour les adeptes des expériences un peu folles.

Les années passèrent, l'Irlande grandit et avec elle les revendications véhémentes de protestataires de tous bords. La vie n'était pas un long fleuve tranquille et il était loin le temps où chaque Irlandais ressemblait à son deux-roues.
Jusqu'au jour où la voisine d'un célèbre activiste mit la main, entre 10.000 autres choses dans un grenier poussiéreux, sur un volumineux recueil de notes et autres recommandations, écrites de la main de Flann O'Brien et adressées à un vague cousin de Belgique. L'envoi semblait n'être jamais parti et la brave dame, curieuse de nature, y jeta un oeil gourmand avant d'être saisie de la vérité vraie et de se rendre en courant, telle Bernadette ayant vu la Vierge, dans la maison de son belliqueux voisin.
"De bleu, de bleu", hurlait-elle dans un patois proche du dublinois médiéval, "j'ai la solution à tous les problèmes de ce pays!".
De longues heures s'écoulèrent pendant lesquelles l'un et l'autre mirent au point un coup qui ferait rire le moment venu et ne serait applaudi que bien longtemps après. L'occasion rêvée de rendre hommage à ce grand homme qu'était Flann O'Brien et à sa théorie mollyculaire.

Si l'Irlande voulait vivre en paix, connaître l'humeur joyeuse, les joues colorées et les yeux pétillants de plaisir, il fallait pour cela que la population toute entière soit en parfaite osmose avec l'emblème même de cette douceur de vivre: un bon verre de Guinness. Mais avec l'augmentation du prix de l'orge à cause des Chinois et des vaches transgéniques, il devenait difficile de vivre 24 heures sur 24 un verre de Guinness à la main, aussi devait-on trouver une solution pour approvisionner le noyau dur des décideurs en tous genres.
D'énormes quantités de Guinness, voilà ce qu'il fallait et en suivant à la lettre les préceptes enseignés par Flann O'Brien le Magnifique, tout rentrerait dans l'ordre pour toujours au pays des vertes prairies.

C'est pour cette raison que quelques heures plus tard, un vol important de fûts de Guinness eut lieu dans les locaux de la célèbre brasserie dublinoise et que l'Irlande connaît aujourd'hui une période de stabilité politique et de prospérité économique qui lui envient de nombreux pays européens.


* Cette théorie est véridique, il suffit de lire Le troisième policier ou L'Archiviste de Dublin, de Flann O'Brien

Sahkti -> Flann O'Brien -> Google-> wikipédia = Oh-oh !
Y penser lors d'un prochain cracking-achat-de-bouquins !

Hé hé...

Flann O'Brien, j'ai pas lu mais j'en avais entendu causer. Si c'est lui qui t'a inspiré l'humour quasiment surréaliste de ce petit conte en orge mineur, je vais planifier sa lecture pour dare-dare.

Le coup du vélo m'a rappelé une nouvelle superbe de Bradbury, Irlandais de coeur. Il y décrivait la fermeture des pubs à la campagne, quand chacun rentre chez soi, dans l'état qu'on imagine, par des petites routes de campagne vallonnées et sinueuses, sur des vélos d'anthologie dont ne fonctionnent que le pédalier et la sonnette. Le pédalier pour avancer, et la sonnette pour avertir les piétons dans les descentes qu'un bolide sans freins arrive sur eux. Il se dégageait de ce petit récit attendrissant le même charme louftingue typiquement Irish qui baigne le tien.

Gobu

P.S. : rassure-toi quand même : les Irlandais ne sont pas près de manquer de Guinness en dépit de la hausse scandaleuse du prix des céréales. Et contrairement à ce qui se passe en Grande-Bretagne, l'interdiction de fumer n'a pas dépeuplé les pubs !

P.P.S. : Joyce m'emmerde. O'Brien a bien fait de se foutre de sa gueule.

Gobu a écrit:Flann O'Brien(...) je vais planifier sa lecture pour dare-dare.

Voilà qui me réjouis! :-)) Dis-moi vite ce que tu en penses.

P.P.S. : Joyce m'emmerde. O'Brien a bien fait de se foutre de sa gueule.

A l'occasion du centenaire du Bloom's day, un auteur contemporain irlandais bien connu a dit que Joyce l'emmerdait et qu'il était sûr que plus des 3/4 des gens qui disaient avoir de 1) tout lu et de 2) aimé étaient des menteurs... la presse lui a fait la vie dure par la suite, il ne fallait pas toucher à un monument national :-)

dite avec beaucoup de sérieux...

Pour moi, c'est toute la force de ce texte. Le ton ! Et comme il est truffé de "vraies" vérités, ben... on y croirait (ou on y croit !) !

zut. Trop déçu. Je croyais que tu avais tout inventé, même ces histoires de vélocipèdes théorisés mollyculairement.
Je reconnais bien là, ton style, invitant le lecteur à découvrir des auteurs cachés derrière les piles de best-seller.
Ah voilà où j'ai vu l'erreur ! Merci d'avoir remonté le fil . Les grands pontes du coin, férus d'orthographe, pensent qu'il est plus correct d'écrire "une population tout entière" (clin d'oeil)

J'ai lu ce texte sans déplaisir, mais pas avec beaucoup de ferveur. Je l'ai trouvé très impersonnel, comme un essai mâtiné de conte.

Beaucoup de temps à raconter le passé, sur le ton d'un livre d'histoire :

Flann O'Brien, incontournable écrivain irlandais a mis au point...
Fort de cette théorie considérée comme hérétique...La théorie n'avait pas donné de bons résultats...Cette ingratitude lui valut un exil en Suisse...
D'autres s'y essayèrent...Les années passèrent, l'Irlande grandit...

puis soudain, l'arrivée des héros :

Jusqu'au jour où la voisine...

Quelques lignes et le livre d'histoire reprend le dessus, au lieu de faire dans l'évènementiel il fait dans le prédictif :

Si l'Irlande voulait vivre en paix..., terminant sur le ton du journal, à la rubrique éco : ...que l'Irlande connaît aujourd'hui une période de stabilité politique et de prospérité économique qui lui envient de nombreux pays européens.

Alors, à l'arrivée, je regrette que la belle théorie ait été si longuement exposée, et que le conte ait tenu si peu de place.

.

J'ai vraiment apprécié, dès la première ligne, ce petit texte à l'humour...so british
Je ne sais vraiment pas si on peut qualifier ainsi ce pur produit irlandandais sans se faire taper sur les doigts mais s'il s'agit d'Histoire, comme le dit Apoutsiak, je rêverais qu'elle soit racontée de cette manière dans tous les manuels scolaires!

Sympa à lire, interessant mais ... mais ... mais ça ne tient pas la route !
Un Irlandais ne pourrait jamais résister à la tentation de vider le verre de Guinness, impossible d'atteindre "l'osmose" promise ... :-))

Santé !

C'est vrai, je n'ai pas commenté. Ni ce soir, car l'ivraie est profonde.
Demain, au lever des trèfles ?

Un peu trop didactique à mon goût et pas assez d'humour
"mais ce n'est que mon avis" ;-)

C'est vrai, je n'ai pas commenté. Ni ce soir, car l'ivraie est profonde.
Demain, au lever des trèfles ?

;-)

pandaworks a écrit:Demain, au lever des trèfles ?

si c'est des 4 feuilles, on risque d'attendre ;-)

Non, j'ai lu plusieurs fois, le format me gêne , passé simple, histoire rejoignant la fiction. Beaucoup de passion pour le thème, oui pour initiés.
Je n'ai malheureusement pas le temps de farfouiller dans ce qui m'est dit là avec talent, mes regrets. C'est pourquoi je commenterai un peu plus tard.
Merci de ta participation, en tous cas, et rendez-vous après la Saint-Patrick.
;-)

Monsieur je ne vous salue pas. Que la honte vous force à vous réfugier derrière un pseudonyme ne m’étonne pas ! Mais cette affaire n’en restera pas là.
Descendant direct, par ma mère, de sir Pourquoi pas ?, j’espère que, pour le moins, ma réponse ne sera pas censurée !
D’abord, une formulation convenable, pas un « hop ! »irrévérencieux !
« De l’homme à l’objet se tisse, par contiguïté, un rapport de domination qui se renverse dialectiquement. Ce renversement, notablement favorisé par l’hypnose cyclique, aboutit à l’absorption du premier par le second. » de la contigüité objectale rapportée à la conscience, p 541.
Je commente quelques une de vos erreurs, omissions ou stupidités les plus flagrantes, car on ne peut se permettre de laisser les jeunes générations avaler de telles calomnies vipérines !
Votre pseudo-docteur !... Un olibrius qui eut maille à partir avec la justice, est-il utile de le rappeler ?
Pour Joyce, vous avez raison, à ceci près que mon ancêtre participa activement à la rédaction du texte que vous évoquez, ce que les critiques oublient trop souvent de mentionner.
« Flann O'Brien fut oublié par beaucoup. »
Vous croyez, pauvre bouffeur de grenouille, que c’est en méprisant ainsi l’âme irlandaise que vous redorerez votre blason terni par une présidence ridicule ?
Personne, en Irlande, n’oublia Flann O’brien ! Personne !
Plus loin, « un bon verre de Guinness »(sic !). vous tentez encore de souiller notre réputation, comme si nous, Irlandais, nous moquions d’un préhistorique Français à béret et baguette !
La suite est tout bonnement écœurante et ne mérite nulle réponse. Puissiez-vous vous noyer dans votre ivresse malodorante.

Benn Flairon

C'est ma maman, fille de Guinness, qui doit sourire, PH :-))

Sahkti a écrit:C'est ma maman, fille de Guinness, qui doit sourire, PH :-))

Il y a de ça... oh, fort longtemps, quand le camping sauvage était encore une pratique qui ne posait pas de problème, nous nous fîmes jeter d'un pré par une mégère en botte vitupérant depuis la berge d'en face d'une rivière où nous trempions du fil : nous étions dans SON pré et nous devions nous tirer de là vite fait.
La mort dans l'âme, mon père nous fit replier la tente et nous allâmes (mort dans, bis) nous consoler au pub le plus proche. Là des autochtones lient conversation et mon père raconte notre déconvenue.
Aaaah fait l'un d'entre eux après s'être fait préciser où la mésaventure avait eu lieu, vous avez fait connaissance avec Madame Guinness, une des pires emmerdeuses du comté ! Que sa fortune l'étouffe !
Là dessus il nous a payé une tournée à la contre-santé de cette dame, et tout le monde a levé son verre ; il nous a par la suite indiqué un pré à lui où personne ne viendrait nous faire chier...
C'est peut-être ce souvenir qui me fait préférer la Pelforth :-)
Brune !

Arielle a écrit: ce petit texte à l'humour...so british
Je ne sais vraiment pas si on peut qualifier ainsi ce pur produit irlandandais sans se faire taper sur les doigts

Ouh la la. Oui, de quoi se faire taper trrrrrrèèèèès méchamment sur les doigts, par certains !!!