Deuil puissance 2
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à tchaoum
slave1802
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Deuil puissance 2
Je m'étais couché comme on se couche les soirs ou l'on veut s'endormir rapidement. Je m'étais tourné et retourné jusqu'au moment ou j'avais trouvé la position idéale, celle ou le drap de lit remonte pile-poil sous le menton, jambes repliés le long du corps et doigts de pied en éventail. Le sommeil vint très vite.
Je rêvais bien sur, une verte prairie qui se transforma soudain en champ de bataille. Un dé à coudre géant me poursuivait en hurlant.
Puis changement de décor : Je me réveillais dans la plus profonde obscurité, allongé sur le dos, sans aucun son à part ma respiration, sans aucune sensation de présence vivante proche. Je tendis les mains, qui était jusqu'à présent croisé sur ma poitrine, elles rencontrent aussitôt un obstacle. Au toucher, je reconnus du tissu tendu. J'écartais les coudes et me les cognais aussi sec des deux cotés. Je tâtais derrière ma tête, idem. Je me contorsionnais pour faire la même expérience avec mes pieds, même résultat. J'étais entouré de tout cotés par des parois de tissus tendus. Ma prison ne mesurait même pas deux mètres de long, quatre vingt centimètres de largeur et soixante de haut. Un vrai petit cercueil que cette boite.
Ce rêve devenait de plus en plus réel...
Je sentais un poids sur ma poitrine, un objet que je serrais quand je m'étais réveillé. A tâtons, je reconnus un crucifix.
Ce n'était plus un rêve, ça tournait au cauchemar.
Je me servis de cet ustensile pour tenter de m'extraire de cet endroit. Pendant des heures et des heures, je frappais la paroi située au-dessus de ma tête. Un liquide chaud et poisseux coule sur mes mains meurtris. En le gouttant, je m'aperçois que c'est du sang.
- Repose en paix mon fils, dans la gloire du saigneur et pour des siècles et de siècles, amen.
La cérémonie avait été vite expédiée. La météo ne se prêtait pas aux épanchements de sympathie. Il pleuvait sur la plaine depuis l'aube. Une pluie fine et pénétrante qui rampait sur vos vêtements et vous glaçait le sang et les os. La veuve digne et belle s'éloignait déjà, accompagné par des amis inconsolables. Seul restèrent les deux croque morts tout de noir vêtu, leurs grandes pelles blanches et leur triste besogne.
A la limite de l'asphyxie, à la limite de la conscience, je frappe encore et encore, mécanique sans âme et sans plus guerre d'espoir. Des éclairs de douleur me vrillent les tempes comme des décharges de sang.
Sous mes doigts enfin, la terre humide et un peu d'air. Et maintenant combien de mètre à creuser dans la terre meuble avant de rejoindre la surface ?
C'était la fin du mois de juillet, le soleil brillait, la mer miroitait, le sable fumait et moi je glandais.
Elle bronzait à deux pas de ma serviette, si proche et pourtant si lointaine, tel un merveilleux cristal enfermé dans une tour d'ivoire inaccessible. Pour elle je n'existais même pas. Tel le vil crapaud dans la mare au pied de la tour qu'on ne remarque pas.
Au fil des jours brûlants son indifférence s'effilocha comme le pull inutile sous cette canicule qu'elle ne portait pas. Ses beaux yeux bleus et froids comme la glace se réchauffaient lentement au feu qui brûlait en moi. Bientôt nous brûlions à l'unisson dans les nuits de braise du moi d'août naissant.
La terre me tombe dans les yeux à chaque mouvement, bouchant mes narines, emplissant ma bouche, se glissant dans ma gorge, me faisant tousser, suffoquer, m'étrangler. Mais c'est à ce prix que se dessinait l'amorce du début d'un semblant de galerie qui allait me permettre de rejoindre la surface.
Attendre et attendre encore. Vingt pas vers la droite jusqu'au mur. Demi-tour, vingt pas vers la gauche jusqu'à la barrière. Tous les dix allers-retours une cigarette qu'on essaye d'allumer en vain sous la pluie froide d'Alsace et qui fini en tas informe sur le sol. On guette un bruit de pas qui s'approche. Mais personne ne vint jusqu'ici au coeur de la nuit. Un nouveau coup d'oeil à la montre, déjà trente seconde de passé depuis la dernière fois...
Je creuse depuis des heures et je n'ai pas l'impression de progresser. J'ai tout juste réussi à passer le buste hors du cercueil. La fatigue commence à se faire sentir. Mes gestes sont saccadés et automatiques, Mes pensés de moins en moins cohérente. Un filet de boue glacé coule sur mon front, j'en absorbe de temps à autre, ça a un goût affreux mais c'est de l'eau malgré tout. Des crampes soudaines me font tordre de douleur. La surface est si loin encore.
Vacance en Auvergne, avancement, mise à pied, communion, baptême, nouvelle voiture, les deux alpes, A.N.P.E, mariage, enterrement... Le film de ma vie passe et repasse dans ma tête. Un kaléidoscope de visages, de formes, d'odeurs, de souvenirs bons ou mauvais entremêlés dans une sarabande de face pale tour à tour hilares ou pleurnichards.
Je ne suis plus qu'une pelle mécanique. Un Caterpillar de chair et de sang. Mes mains ne sont plus qu'une immense plaie, un outil sanglant qui creuse désespérément. Ma bouche et mon nez sont à moitié obstrué par de la terre. Je respire de plus en plus difficilement. Le froid se fait plus rigoureux à chaque seconde, il enfonce ses doigts de glace toujours plus profond dans mon corps meurtri. Dieu que le ciel semble loin.
La faim aussi me fait souffrir, mon estomac crie famine. Il se contracte en vaines tentatives de digérer la boue que j'ingurgite depuis des heures. Si seulement je pouvais mettre la main sur quelques vers...
Plage de nacre léchée par un océan vermillon. Plage de vague défiguré par une mer d'huile. Sandwich jambon chocolat et glace au pâté. Cascade de décibels pour orchestre sous-marin. Lueurs fulgurantes et blêmes visages. Empire des sons, empire des sens, empire d'essence, empire on descend, empire décent, un pire desseins, empire des seins, des saints, des saintes et des dessins, empire de sang, empire dedans, empire de dents, empire dehors, empire de herse. Frange de galaxie et tresse d'étoile, univers en expansion et race en régression, cataclysme cosmique et guerre microscopique, insémination et lobotomie, vivisection et génocide, chambre à gaz et four crématoire. Noir & blanc et blanc & noir, noir est blanc et blanc est noir. Enfin le néant ou tout est un et un est tout.
- Regarde Ponk, entre ces deux tombes la bas.
-...
-On dirait une main, tu vois ?
-T'es pas à jeun toi !
-Je te dis qu'il y a une foutue main qui sort de terre.
-C'est ça, poil au blaire. Eh ! Tu vas ou comme ça ?
-Je vais voir de plus près.
-Attends-moi au moins.
-...
-C'est pas une main ça ?
-Nom de dieu de nom de foutre. Encore un client mécontent qui veut se barrer.
-Attends, regarde ! Elle bouge.
-Mais non, c'est le vent.
-Mais non, touche ! Elle est toute chaude.
-Tu crois qu'il y a quelqu'un au bout ?
-Attrapes la pelle, on va bien voir.
-Ca va pas non ?
-La ferme et aide moi !
Avec précaution les deux hommes dégagèrent un bras entier et finirent par découvrir la tête du mort. Il fallait bien se rendre à l'évidence, la place de ce quidam n'était pas au cimetière.
Le gardien en chef accouru aux premiers bruits de pelles en hurlant au scandale était reparti aussi sec prévenir les pompiers, la police et la maréchaussée, le maire et le curé, le Midi Libre et le Dauphiné, sa femme, sa mère et la sienne, Paris Match et Télé Sept Jour, la radio et la télé, le préfet et l'armée. Ce fut une vraie cohue. On se bousculait, on se battait. Un vrai miracle qu'on est réussi à le déterrer pour l'amener d'urgence vers l'hôpital du quartier. Mais malgré des soins intensifs, le ressuscité, comme on commençait à l'appeler, restait prostré en salle de réa et on désespérait déjà de le voir reprendre conscience.
Une enquête était déjà ouverte pour découvrir comment et qui avait autorisé la mise en bière d'un citoyen non décédé. Les plus hautes autorités de l'état s'étaient émus et se penchaient sur le dossier au risque de tomber.
C'était donc ça la mort ! Une chambre blanche remplie d'instruments bizarres et bourdonnants auxquels j'étais relié par de multiples fils, câbles et tuyaux multicolores, veillé par une femme en noir lisant un magazine et une femme en noir pleurant dans une bassine. Ca ressemblais tellement à une chambre d'hôpital que j'en fus déçu. Ou étaient les anges et les chérubins, les nuages et le soleil radieux. Et ou donc était Dieu ?
Mais le visage de cette femme en noir était bizarrement familier. Tiens elle me regarde ! Pourquoi hurle-elle ? Pourquoi se jette-elle sur moi en me couvrant de baiser et de mots incohérents ? Qui sont ces gens avec leur appareil-photos ? Pourquoi m'éblouissent-ils ? Ou suis-je ? Ou suis-je ?
Second réveil.
Beaucoup plus calme. Un seul tuyau sort de mon bras. Une perfusion si je ne m'abuse.
Bruit de pas, bruit de porte. Un homme en blanc entre et me sourit. Fait étrange, il tient à la main un petit calepin sur la couverture duquel on apercoit un megazorg (Ponk c'est comme ça que tu l'écrit ?)
-Vous revenez de loin vous me dit-il en vérifiant ma perf.
-D'où ça ? Lui répondis-je perplexe.
-Mais d'entre les morts ! Vous ne vous souvenez de rien ?
Les vers, les vers, les vers que j'ai fini par manger pour calmer ma faim, la terre dans mes yeux, la terre dans ma bouche, dans mon nez, sous mes pieds et entre mes doigts. Partout la terre et le noir. Le noir si noir, le noir, le néant...
Jamais deux sans trois. Une pièce aux murs capitonnés. Souvenir de violence et d'insulte. De sang qui gicle, de la chair sous mes poings. De matériel fracassé, de course effrénée dans des couloirs éclairés.
Grésillement, toussotement. D'un Interphone grillagé me parvient cette question :
-Bonjour, j'espère que vous êtes calmé.
-Ca en à l'air non, vous pouvez me répéter ce que vous m'avez dit l'autre fois.
-Hum...
-Allez-y, je suis prêt à encaisser. De toute façon, saucissonné comme je suis, je ne ferais pas beaucoup de dégâts, vous ne croyez pas ?
-OK, OK. En fait il s'agit d'une erreur informatique incompréhensible, l'ordinateur central a autorisé votre mise en bière à la place de votre voisin alors que vous étiez plongé dans un état de catalepsie profonde. L'A.S.H. stagiaire qui remplaçait l'A.S. titulaire vous a descendu en chambre froide sans vérification préalable. Les agents des pompes funèbres vous ont transvasé directement du frigo à votre cercueil, trompé par votre température et votre rigidité cadavérique apparente, vous avez été enseveli le 18 février. Vous avez apparemment réussi à briser le couvercle votre cercueil et à vous frayer un passage jusqu'à la surface. Heureusement pour vous, vous avez atteint la surface juste avant que l'on ne mette en place la dalle de marbre qui devait tout recouvrir. Ce sont les deux employés chargés de cette opération qui ont aperçu une de vos mains et vous ont déterré. On vous a conduit de suite aux urgences. Vous êtes restés dix huit jours dans le coma. A votre premier réveil, les journalistes ont réussi à pénétrer dans votre chambre vous y faisant replonger aussi sec jusqu'à hier ou nous avons eu notre première conversation.
-Vous avez très mal réagi ! Vous avez assommé la moitié du personnel médical du service, moi y compris. On à du s'y mettre à quatre pour vous maîtriser. D'où ces quelques précautions...
C'était donc vrai, j'avais bel et bien été enterré vivant !
Un mois après je quittai discrètement l'hôpital. J'avais eu droit à mon quart d'heure de célébrité cher à Andy Warrhol. Pendant quelques jours, j'eus les honneurs du vingt heures et la une des journaux.. 20 000 € d'exclusivité pour Paris-Match puis on m'avait oublié.. J'ai repris mon travail, une fois les formalités pour récupérer mon état civil réglées, remboursé les assurances décès et même mes disputes avec ma femme avaient recommencé. Mon incroyable aventure s'estompait dans ma mémoire. Peu à peu j'oubliais.
Je m'étais couché comme on se couche les soirs ou l'on veut s'endormir rapidement. Je m'étais tourné et retourné jusqu'au moment ou j'avais trouvé la position idéale, celle ou le drap de lit remonte pile-poil sous le menton, jambes repliés le long du corps et doigts de pied en éventail. Le sommeil vint très vite.
Je rêvais bien sur, une verte prairie qui se transforma soudain en champ de bataille. Un dé à coudre géant me poursuivait en hurlant.
Puis changement de décor : Je me réveillais dans la plus profonde obscurité, allongé sur le dos, sans aucun son à part ma respiration, sans aucune sensation de présence vivante proche. Je tendis les mains, qui était jusqu'à présent croisé sur ma poitrine, elles rencontrent aussitôt un obstacle. Au toucher, je reconnus du tissu tendu. J'écartais les coudes et me les cognais aussi sec des deux cotés. Je Tâtais derrière ma tête, idem. Je me contorsionnais pour faire la même expérience avec mes pieds, même résultat. J'étais entouré de tout cotés par des parois de tissus tendus. Ma prison ne mesurait même pas deux mètres de long, quatre vingt centimètres de largeur et soixante de haut. Un vrai petit cercueil que cette boite.
Ce rêve devenait de plus en plus réel...
Je sentais un poids sur ma poitrine, un objet que je serrais quand je m'étais réveillé. A tâtons, je reconnus un crucifix.
Ce n'était plus un rêve, ça tournait au cauchemar.
Et je l'avais déjà fait.
Je me retournai sur le coté et me rendormis pour l'éternité.
Je rêvais bien sur, une verte prairie qui se transforma soudain en champ de bataille. Un dé à coudre géant me poursuivait en hurlant.
Puis changement de décor : Je me réveillais dans la plus profonde obscurité, allongé sur le dos, sans aucun son à part ma respiration, sans aucune sensation de présence vivante proche. Je tendis les mains, qui était jusqu'à présent croisé sur ma poitrine, elles rencontrent aussitôt un obstacle. Au toucher, je reconnus du tissu tendu. J'écartais les coudes et me les cognais aussi sec des deux cotés. Je tâtais derrière ma tête, idem. Je me contorsionnais pour faire la même expérience avec mes pieds, même résultat. J'étais entouré de tout cotés par des parois de tissus tendus. Ma prison ne mesurait même pas deux mètres de long, quatre vingt centimètres de largeur et soixante de haut. Un vrai petit cercueil que cette boite.
Ce rêve devenait de plus en plus réel...
Je sentais un poids sur ma poitrine, un objet que je serrais quand je m'étais réveillé. A tâtons, je reconnus un crucifix.
Ce n'était plus un rêve, ça tournait au cauchemar.
Je me servis de cet ustensile pour tenter de m'extraire de cet endroit. Pendant des heures et des heures, je frappais la paroi située au-dessus de ma tête. Un liquide chaud et poisseux coule sur mes mains meurtris. En le gouttant, je m'aperçois que c'est du sang.
- Repose en paix mon fils, dans la gloire du saigneur et pour des siècles et de siècles, amen.
La cérémonie avait été vite expédiée. La météo ne se prêtait pas aux épanchements de sympathie. Il pleuvait sur la plaine depuis l'aube. Une pluie fine et pénétrante qui rampait sur vos vêtements et vous glaçait le sang et les os. La veuve digne et belle s'éloignait déjà, accompagné par des amis inconsolables. Seul restèrent les deux croque morts tout de noir vêtu, leurs grandes pelles blanches et leur triste besogne.
A la limite de l'asphyxie, à la limite de la conscience, je frappe encore et encore, mécanique sans âme et sans plus guerre d'espoir. Des éclairs de douleur me vrillent les tempes comme des décharges de sang.
Sous mes doigts enfin, la terre humide et un peu d'air. Et maintenant combien de mètre à creuser dans la terre meuble avant de rejoindre la surface ?
C'était la fin du mois de juillet, le soleil brillait, la mer miroitait, le sable fumait et moi je glandais.
Elle bronzait à deux pas de ma serviette, si proche et pourtant si lointaine, tel un merveilleux cristal enfermé dans une tour d'ivoire inaccessible. Pour elle je n'existais même pas. Tel le vil crapaud dans la mare au pied de la tour qu'on ne remarque pas.
Au fil des jours brûlants son indifférence s'effilocha comme le pull inutile sous cette canicule qu'elle ne portait pas. Ses beaux yeux bleus et froids comme la glace se réchauffaient lentement au feu qui brûlait en moi. Bientôt nous brûlions à l'unisson dans les nuits de braise du moi d'août naissant.
La terre me tombe dans les yeux à chaque mouvement, bouchant mes narines, emplissant ma bouche, se glissant dans ma gorge, me faisant tousser, suffoquer, m'étrangler. Mais c'est à ce prix que se dessinait l'amorce du début d'un semblant de galerie qui allait me permettre de rejoindre la surface.
Attendre et attendre encore. Vingt pas vers la droite jusqu'au mur. Demi-tour, vingt pas vers la gauche jusqu'à la barrière. Tous les dix allers-retours une cigarette qu'on essaye d'allumer en vain sous la pluie froide d'Alsace et qui fini en tas informe sur le sol. On guette un bruit de pas qui s'approche. Mais personne ne vint jusqu'ici au coeur de la nuit. Un nouveau coup d'oeil à la montre, déjà trente seconde de passé depuis la dernière fois...
Je creuse depuis des heures et je n'ai pas l'impression de progresser. J'ai tout juste réussi à passer le buste hors du cercueil. La fatigue commence à se faire sentir. Mes gestes sont saccadés et automatiques, Mes pensés de moins en moins cohérente. Un filet de boue glacé coule sur mon front, j'en absorbe de temps à autre, ça a un goût affreux mais c'est de l'eau malgré tout. Des crampes soudaines me font tordre de douleur. La surface est si loin encore.
Vacance en Auvergne, avancement, mise à pied, communion, baptême, nouvelle voiture, les deux alpes, A.N.P.E, mariage, enterrement... Le film de ma vie passe et repasse dans ma tête. Un kaléidoscope de visages, de formes, d'odeurs, de souvenirs bons ou mauvais entremêlés dans une sarabande de face pale tour à tour hilares ou pleurnichards.
Je ne suis plus qu'une pelle mécanique. Un Caterpillar de chair et de sang. Mes mains ne sont plus qu'une immense plaie, un outil sanglant qui creuse désespérément. Ma bouche et mon nez sont à moitié obstrué par de la terre. Je respire de plus en plus difficilement. Le froid se fait plus rigoureux à chaque seconde, il enfonce ses doigts de glace toujours plus profond dans mon corps meurtri. Dieu que le ciel semble loin.
La faim aussi me fait souffrir, mon estomac crie famine. Il se contracte en vaines tentatives de digérer la boue que j'ingurgite depuis des heures. Si seulement je pouvais mettre la main sur quelques vers...
Plage de nacre léchée par un océan vermillon. Plage de vague défiguré par une mer d'huile. Sandwich jambon chocolat et glace au pâté. Cascade de décibels pour orchestre sous-marin. Lueurs fulgurantes et blêmes visages. Empire des sons, empire des sens, empire d'essence, empire on descend, empire décent, un pire desseins, empire des seins, des saints, des saintes et des dessins, empire de sang, empire dedans, empire de dents, empire dehors, empire de herse. Frange de galaxie et tresse d'étoile, univers en expansion et race en régression, cataclysme cosmique et guerre microscopique, insémination et lobotomie, vivisection et génocide, chambre à gaz et four crématoire. Noir & blanc et blanc & noir, noir est blanc et blanc est noir. Enfin le néant ou tout est un et un est tout.
- Regarde Ponk, entre ces deux tombes la bas.
-...
-On dirait une main, tu vois ?
-T'es pas à jeun toi !
-Je te dis qu'il y a une foutue main qui sort de terre.
-C'est ça, poil au blaire. Eh ! Tu vas ou comme ça ?
-Je vais voir de plus près.
-Attends-moi au moins.
-...
-C'est pas une main ça ?
-Nom de dieu de nom de foutre. Encore un client mécontent qui veut se barrer.
-Attends, regarde ! Elle bouge.
-Mais non, c'est le vent.
-Mais non, touche ! Elle est toute chaude.
-Tu crois qu'il y a quelqu'un au bout ?
-Attrapes la pelle, on va bien voir.
-Ca va pas non ?
-La ferme et aide moi !
Avec précaution les deux hommes dégagèrent un bras entier et finirent par découvrir la tête du mort. Il fallait bien se rendre à l'évidence, la place de ce quidam n'était pas au cimetière.
Le gardien en chef accouru aux premiers bruits de pelles en hurlant au scandale était reparti aussi sec prévenir les pompiers, la police et la maréchaussée, le maire et le curé, le Midi Libre et le Dauphiné, sa femme, sa mère et la sienne, Paris Match et Télé Sept Jour, la radio et la télé, le préfet et l'armée. Ce fut une vraie cohue. On se bousculait, on se battait. Un vrai miracle qu'on est réussi à le déterrer pour l'amener d'urgence vers l'hôpital du quartier. Mais malgré des soins intensifs, le ressuscité, comme on commençait à l'appeler, restait prostré en salle de réa et on désespérait déjà de le voir reprendre conscience.
Une enquête était déjà ouverte pour découvrir comment et qui avait autorisé la mise en bière d'un citoyen non décédé. Les plus hautes autorités de l'état s'étaient émus et se penchaient sur le dossier au risque de tomber.
C'était donc ça la mort ! Une chambre blanche remplie d'instruments bizarres et bourdonnants auxquels j'étais relié par de multiples fils, câbles et tuyaux multicolores, veillé par une femme en noir lisant un magazine et une femme en noir pleurant dans une bassine. Ca ressemblais tellement à une chambre d'hôpital que j'en fus déçu. Ou étaient les anges et les chérubins, les nuages et le soleil radieux. Et ou donc était Dieu ?
Mais le visage de cette femme en noir était bizarrement familier. Tiens elle me regarde ! Pourquoi hurle-elle ? Pourquoi se jette-elle sur moi en me couvrant de baiser et de mots incohérents ? Qui sont ces gens avec leur appareil-photos ? Pourquoi m'éblouissent-ils ? Ou suis-je ? Ou suis-je ?
Second réveil.
Beaucoup plus calme. Un seul tuyau sort de mon bras. Une perfusion si je ne m'abuse.
Bruit de pas, bruit de porte. Un homme en blanc entre et me sourit. Fait étrange, il tient à la main un petit calepin sur la couverture duquel on apercoit un megazorg (Ponk c'est comme ça que tu l'écrit ?)
-Vous revenez de loin vous me dit-il en vérifiant ma perf.
-D'où ça ? Lui répondis-je perplexe.
-Mais d'entre les morts ! Vous ne vous souvenez de rien ?
Les vers, les vers, les vers que j'ai fini par manger pour calmer ma faim, la terre dans mes yeux, la terre dans ma bouche, dans mon nez, sous mes pieds et entre mes doigts. Partout la terre et le noir. Le noir si noir, le noir, le néant...
Jamais deux sans trois. Une pièce aux murs capitonnés. Souvenir de violence et d'insulte. De sang qui gicle, de la chair sous mes poings. De matériel fracassé, de course effrénée dans des couloirs éclairés.
Grésillement, toussotement. D'un Interphone grillagé me parvient cette question :
-Bonjour, j'espère que vous êtes calmé.
-Ca en à l'air non, vous pouvez me répéter ce que vous m'avez dit l'autre fois.
-Hum...
-Allez-y, je suis prêt à encaisser. De toute façon, saucissonné comme je suis, je ne ferais pas beaucoup de dégâts, vous ne croyez pas ?
-OK, OK. En fait il s'agit d'une erreur informatique incompréhensible, l'ordinateur central a autorisé votre mise en bière à la place de votre voisin alors que vous étiez plongé dans un état de catalepsie profonde. L'A.S.H. stagiaire qui remplaçait l'A.S. titulaire vous a descendu en chambre froide sans vérification préalable. Les agents des pompes funèbres vous ont transvasé directement du frigo à votre cercueil, trompé par votre température et votre rigidité cadavérique apparente, vous avez été enseveli le 18 février. Vous avez apparemment réussi à briser le couvercle votre cercueil et à vous frayer un passage jusqu'à la surface. Heureusement pour vous, vous avez atteint la surface juste avant que l'on ne mette en place la dalle de marbre qui devait tout recouvrir. Ce sont les deux employés chargés de cette opération qui ont aperçu une de vos mains et vous ont déterré. On vous a conduit de suite aux urgences. Vous êtes restés dix huit jours dans le coma. A votre premier réveil, les journalistes ont réussi à pénétrer dans votre chambre vous y faisant replonger aussi sec jusqu'à hier ou nous avons eu notre première conversation.
-Vous avez très mal réagi ! Vous avez assommé la moitié du personnel médical du service, moi y compris. On à du s'y mettre à quatre pour vous maîtriser. D'où ces quelques précautions...
C'était donc vrai, j'avais bel et bien été enterré vivant !
Un mois après je quittai discrètement l'hôpital. J'avais eu droit à mon quart d'heure de célébrité cher à Andy Warrhol. Pendant quelques jours, j'eus les honneurs du vingt heures et la une des journaux.. 20 000 € d'exclusivité pour Paris-Match puis on m'avait oublié.. J'ai repris mon travail, une fois les formalités pour récupérer mon état civil réglées, remboursé les assurances décès et même mes disputes avec ma femme avaient recommencé. Mon incroyable aventure s'estompait dans ma mémoire. Peu à peu j'oubliais.
Je m'étais couché comme on se couche les soirs ou l'on veut s'endormir rapidement. Je m'étais tourné et retourné jusqu'au moment ou j'avais trouvé la position idéale, celle ou le drap de lit remonte pile-poil sous le menton, jambes repliés le long du corps et doigts de pied en éventail. Le sommeil vint très vite.
Je rêvais bien sur, une verte prairie qui se transforma soudain en champ de bataille. Un dé à coudre géant me poursuivait en hurlant.
Puis changement de décor : Je me réveillais dans la plus profonde obscurité, allongé sur le dos, sans aucun son à part ma respiration, sans aucune sensation de présence vivante proche. Je tendis les mains, qui était jusqu'à présent croisé sur ma poitrine, elles rencontrent aussitôt un obstacle. Au toucher, je reconnus du tissu tendu. J'écartais les coudes et me les cognais aussi sec des deux cotés. Je Tâtais derrière ma tête, idem. Je me contorsionnais pour faire la même expérience avec mes pieds, même résultat. J'étais entouré de tout cotés par des parois de tissus tendus. Ma prison ne mesurait même pas deux mètres de long, quatre vingt centimètres de largeur et soixante de haut. Un vrai petit cercueil que cette boite.
Ce rêve devenait de plus en plus réel...
Je sentais un poids sur ma poitrine, un objet que je serrais quand je m'étais réveillé. A tâtons, je reconnus un crucifix.
Ce n'était plus un rêve, ça tournait au cauchemar.
Et je l'avais déjà fait.
Je me retournai sur le coté et me rendormis pour l'éternité.
Re: Deuil puissance 2
Oui, bonne idée, bonne idée.
Mais j'ai quelques réserves
Le passage sur l'empire qui empire ne m'emballe pas non plus, ça fait un peu trop jeu de mots de l'empire espèce... Disons que ça mériterait de faire l'objet d'un texte à part.
Celui ci mériterait d'être élagué pour gagner en efficacité.
Mais j'ai quelques réserves
Si c'est une blague, elle est de potache et fait tache sur ton texte qui vise plus haut que ça.- Repose en paix mon fils, dans la gloire du saigneur et pour des siècles et de siècles, amen.
À mon sens il faudrait trouver un moyen (peut-être typographique ? italique ?) de différencier le propos du narrateur du récit extérieur.La cérémonie avait été vite expédiée. [...] et leur triste besogne.
Pour moi toute cette partie arrive un peu là comme un cheveu sur la soupe, développement du film de la vie auquel tu fais allusion plus loin. Et alors, le vil crapaud, non !C'était la fin du mois de juillet, le soleil brillait, la mer miroitait, le sable fumait et moi je glandais.
À formuler autrement, parce que dit comme ça, c'est la canicule qu'elle ne portait pas. (Socques ?)Au fil des jours brûlants son indifférence s'effilocha comme le pull inutile sous cette canicule qu'elle ne portait pas.
Le passage sur l'empire qui empire ne m'emballe pas non plus, ça fait un peu trop jeu de mots de l'empire espèce... Disons que ça mériterait de faire l'objet d'un texte à part.
Celui ci mériterait d'être élagué pour gagner en efficacité.
à tchaoum- Nombre de messages : 612
Age : 75
Date d'inscription : 06/05/2007
Re: Deuil puissance 2
D’un point de vue formel, quelques problèmes de temps, principalement au début du texte, quelques lourdeurs ou maladresses également, A Tchaoum en a relevé deux ou trois...
Concernant le fond, l’idée du type enterré vivant a déjà été traitée moult fois, mais pourquoi pas. Certaines invraisemblances me dérangent néanmoins, et ce d’autant plus que tu cherches à les crédibiliser par des explications cohérentes, cf par exemple : « Vous avez apparemment réussi à briser le couvercle votre cercueil et à vous frayer un passage jusqu'à la surface. Heureusement pour vous, vous avez atteint la surface juste avant que l'on ne mette en place la dalle de marbre qui devait tout recouvrir.”
D’autre part, tu as tendance à évoquer le caractère angoissant de la scène que vit ton personnage principal sans pour autant la faire réellement ressentir. Quand tu écris « Ce n'était plus un rêve, ça tournait au cauchemar. », tu dis le caractère cauchemardesque de la situation mais ça ne suffit pas à faire passer l’angoisse.
Quelques idées sont néanmoins intéressantes, la reprise finale notamment ou encore l’ambigüité sur laquelle tu joues (rêve...). Je crois que ce texte mériterait d’être retravaillé.
Concernant le fond, l’idée du type enterré vivant a déjà été traitée moult fois, mais pourquoi pas. Certaines invraisemblances me dérangent néanmoins, et ce d’autant plus que tu cherches à les crédibiliser par des explications cohérentes, cf par exemple : « Vous avez apparemment réussi à briser le couvercle votre cercueil et à vous frayer un passage jusqu'à la surface. Heureusement pour vous, vous avez atteint la surface juste avant que l'on ne mette en place la dalle de marbre qui devait tout recouvrir.”
D’autre part, tu as tendance à évoquer le caractère angoissant de la scène que vit ton personnage principal sans pour autant la faire réellement ressentir. Quand tu écris « Ce n'était plus un rêve, ça tournait au cauchemar. », tu dis le caractère cauchemardesque de la situation mais ça ne suffit pas à faire passer l’angoisse.
Quelques idées sont néanmoins intéressantes, la reprise finale notamment ou encore l’ambigüité sur laquelle tu joues (rêve...). Je crois que ce texte mériterait d’être retravaillé.
Re: Deuil puissance 2
j'ai pas bien compris cette position, je me fais vraiment une image bizarre là ! :-)))slave1802 a écrit:j'avais trouvé la position idéale, celle ou le drap de lit remonte pile-poil sous le menton, jambes repliés le long du corps et doigts de pied en éventail.
Et puis elle m'a semblé un peu longue cette distance du cercueil jusqu'à la surface ! non ? Que ça lui semble long à lui, l'enterré-vivant, d'accord, mais en réalité ?
Quelques confusions dans les temps des verbes, oui, assez gênantes mais faciles à corriger
Comme dit Krystelle il faudrait reprendre ce texte, ça vaudrait le coup, arranger la mise en page, en séparant plus nettement les paragraphes d'apartés (je me suis un peu perdu), et faire ressentir nettement plus l'HORREUR d'une telle situation : pas mal la boue et les vers qu'il absorbe au passage, mais il faudrait faire pire ;-)
C'est pas mal dans l'ensemble
Re: Deuil puissance 2
mentor a écrit:j'ai pas bien compris cette position, je me fais vraiment une image bizarre là ! :-)))slave1802 a écrit:j'avais trouvé la position idéale, celle ou le drap de lit remonte pile-poil sous le menton, jambes repliés le long du corps et doigts de pied en éventail.
Juste pour dire que j'ai ri en voyant que Mentor a relevé aussi cette "position" bizarre...
Pour le reste, je pense aussi que le texte demande à être re travaillé pour "concentrer" davantage cette montée d'angoisse...
autre chose... en lisant l'explication de "l'erreur informatique", je me suis dit... "ok, mais alors, qu'est devenu l'autre cadavre ?"
Dans l'hypothèse que tout ceci n'est qu'un rêve... je veux bien : après tout, les rêves ne fichent bien d'être logiques ou pas... mais si c'est une réalité... j'imagine mal un hôpital ne pas s'interroger en retrouvant le cadavre toujours dans son lit...
mais ça, c'est toujours mon souci de cohérence.
Juste dire erreur informatique le signalant comme dcd plutôt qu'en profonde catalepsie suffirait, je pense...
Reginelle- Nombre de messages : 1753
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Re: Deuil puissance 2
Pas mal d'énormes fautes d'ortho... :-(
Il y a quelques images assez lourdes dans ce texte, des longueurs, des maladresses de style et de temps et le sentiment que cette idée est tirée en longueur pour en faire quelque chose, mais au final, la sauce ne prend pas, car il manque à mes yeux un véritable sentiment de peur, de coeur qui bat, de souffle qui se sacade... Il me semble que tout cela est trop descriptif (beaucoup trop de détails et d'explications données), que le regard posé sur cette histoire est avant tout extérieur et empêche de pleinement entrer dedans. C'est dommage parce qu'il y a tout de même quelques bons éléments, comme la boucle de fin ou sa prise de conscience, au début, de ce qui lui arrive.
Il y a quelques images assez lourdes dans ce texte, des longueurs, des maladresses de style et de temps et le sentiment que cette idée est tirée en longueur pour en faire quelque chose, mais au final, la sauce ne prend pas, car il manque à mes yeux un véritable sentiment de peur, de coeur qui bat, de souffle qui se sacade... Il me semble que tout cela est trop descriptif (beaucoup trop de détails et d'explications données), que le regard posé sur cette histoire est avant tout extérieur et empêche de pleinement entrer dedans. C'est dommage parce qu'il y a tout de même quelques bons éléments, comme la boucle de fin ou sa prise de conscience, au début, de ce qui lui arrive.
Sahkti- Nombre de messages : 31659
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