Samuel
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Samuel
C’était un de ces matins où le soleil dardait son éclat absolu dans le ciel abyssal, un de ces matins où l’agriculteur pouvait espérer la récolte fructueuse.
Samuel chantait l’anaphore de son rêve d’aspirateur, qui lui rappelait ce doux mélange à la fois bestial et viscéral,
en la scène favorite de ses errances. L’image du capharnaüm lui rongeait les sangs, et le souvenir du chat de chine hantait son esprit.
« Son corps couvre ses poils », lui avait énoncé avec emphase son grand père sur son lit de mort, et cette phrase résonnait encore à son oreille curieuse ; il avait crucifié ce chat avec son air délétère et empli le désert de sa vie avec le cri de douleur de l’animal, la pupille étincelante de terreur, avant de le briser par le menu sur l’extincteur familial.
Cette fiction devenue réalité ressemblait étrangement à la « galaxie du globule blanc », nouvelle qu’il avait écrite avec grâce à l’âge de cinq ans, et qui lui avait permis de quitter le système scolaire classique, en vue d’une hypothétique orientation dans une école spécialisée.
L’illusion avait été de courte durée, et l’impatience qui le caractérisait avait eu raison de l’école, des maitres, et du système ; il était désormais libre de cette improbable prison.
Libre de flâner et de rêver, il dessinait les iris mauves du jardin, les roses jaunes du voisin, et les pensées multicolores du parterre de la mairie, en leur prêtant quelques particularités humaines et monstrueuses.
Ses dessins étaient si bouleversants que maintes fois, il s’était entendu dire « Jette ces pinceaux, ils appartiennent au diable ».
Samuel avait vécu dans une petite communauté bigote et cloitrée dans ses principes moraux obsolètes ; personne ici ne le comprenait, on avait peur de lui, de ses mots, et de son univers.
Seul son grand-père parlait la même langue que lui, celle des rêveurs et des artistes, celle de la singularité, la liaison du rêve au rêve, mais voilà, il était parti dans le monde du sommeil, et Samuel regrettait
le « manège à pensées », ces longues discussions échangées à l’ombre du chêne médiéval.
Ces heures avaient été celles où il avait compris la nature, le rêve et l’esprit ; il se sentait cruellement orphelin désormais.
Il revoyait clairement le visage de son aïeul, un grand nez aquilin, une bouche décidée, et des yeux…Ah ces yeux qui lisaient les plantes, qui pleuraient les hommes, et qui souriaient aux papillons ; tout cela était encore vivant, tout comme ses mains, de grandes mains agiles aux ongles polis qui devenaient pinces délicates à l’occasion.
Il lui manquait ; d’autant plus qu’à sa mort, il avait été banni du village, et qu’il en était réduit à quémander son pain aux quelques voisins de campagne pour éviter de tomber en pamoison. Il s’était
réfugié près de la source et dans les arbres à papier, il se reposait dans une cabane de tentures branchées.
Le pastel du ciel prenait forme au dessus de lui tandis que les écoliers bénéficiaient du pédibus, florilège récent du village.
Aucun ne se serait retourné sur son passage, encore moins pour lui prêter un regard ; il n’en avait que faire, d’ailleurs.
Samuel préférait s’attarder sur la vitrine de l’unique magasin de la ville, qui étalait ses articles hétéroclites, tel que ce pyjama en soie trônant aux côtés d’un python empaillé.
Ces visions alimentaient toutes sortes de scénarios dans son esprit vagabond, et il imaginait aisément un sommelier fou haranguant une tarentule désespérée sur la scène du théâtre tout en faisant tintinnabuler les cloches annonciatrices du passage du tramway….
Tout ceci lui donnait envie d’écrire une nouvelle histoire, qui ne serait surement jamais lue, mais qui rendrait hommage à la vénérable mémoire de ce grand père chéri.
Il décida d’aller poser une violette sur sa tombe.
Samuel chantait l’anaphore de son rêve d’aspirateur, qui lui rappelait ce doux mélange à la fois bestial et viscéral,
en la scène favorite de ses errances. L’image du capharnaüm lui rongeait les sangs, et le souvenir du chat de chine hantait son esprit.
« Son corps couvre ses poils », lui avait énoncé avec emphase son grand père sur son lit de mort, et cette phrase résonnait encore à son oreille curieuse ; il avait crucifié ce chat avec son air délétère et empli le désert de sa vie avec le cri de douleur de l’animal, la pupille étincelante de terreur, avant de le briser par le menu sur l’extincteur familial.
Cette fiction devenue réalité ressemblait étrangement à la « galaxie du globule blanc », nouvelle qu’il avait écrite avec grâce à l’âge de cinq ans, et qui lui avait permis de quitter le système scolaire classique, en vue d’une hypothétique orientation dans une école spécialisée.
L’illusion avait été de courte durée, et l’impatience qui le caractérisait avait eu raison de l’école, des maitres, et du système ; il était désormais libre de cette improbable prison.
Libre de flâner et de rêver, il dessinait les iris mauves du jardin, les roses jaunes du voisin, et les pensées multicolores du parterre de la mairie, en leur prêtant quelques particularités humaines et monstrueuses.
Ses dessins étaient si bouleversants que maintes fois, il s’était entendu dire « Jette ces pinceaux, ils appartiennent au diable ».
Samuel avait vécu dans une petite communauté bigote et cloitrée dans ses principes moraux obsolètes ; personne ici ne le comprenait, on avait peur de lui, de ses mots, et de son univers.
Seul son grand-père parlait la même langue que lui, celle des rêveurs et des artistes, celle de la singularité, la liaison du rêve au rêve, mais voilà, il était parti dans le monde du sommeil, et Samuel regrettait
le « manège à pensées », ces longues discussions échangées à l’ombre du chêne médiéval.
Ces heures avaient été celles où il avait compris la nature, le rêve et l’esprit ; il se sentait cruellement orphelin désormais.
Il revoyait clairement le visage de son aïeul, un grand nez aquilin, une bouche décidée, et des yeux…Ah ces yeux qui lisaient les plantes, qui pleuraient les hommes, et qui souriaient aux papillons ; tout cela était encore vivant, tout comme ses mains, de grandes mains agiles aux ongles polis qui devenaient pinces délicates à l’occasion.
Il lui manquait ; d’autant plus qu’à sa mort, il avait été banni du village, et qu’il en était réduit à quémander son pain aux quelques voisins de campagne pour éviter de tomber en pamoison. Il s’était
réfugié près de la source et dans les arbres à papier, il se reposait dans une cabane de tentures branchées.
Le pastel du ciel prenait forme au dessus de lui tandis que les écoliers bénéficiaient du pédibus, florilège récent du village.
Aucun ne se serait retourné sur son passage, encore moins pour lui prêter un regard ; il n’en avait que faire, d’ailleurs.
Samuel préférait s’attarder sur la vitrine de l’unique magasin de la ville, qui étalait ses articles hétéroclites, tel que ce pyjama en soie trônant aux côtés d’un python empaillé.
Ces visions alimentaient toutes sortes de scénarios dans son esprit vagabond, et il imaginait aisément un sommelier fou haranguant une tarentule désespérée sur la scène du théâtre tout en faisant tintinnabuler les cloches annonciatrices du passage du tramway….
Tout ceci lui donnait envie d’écrire une nouvelle histoire, qui ne serait surement jamais lue, mais qui rendrait hommage à la vénérable mémoire de ce grand père chéri.
Il décida d’aller poser une violette sur sa tombe.
AMOK- Nombre de messages : 21
Age : 51
Date d'inscription : 17/05/2008
Re: Samuel
Samuel et son grand-père me rappellent tous deux d'une façon ou d'une autre Edward Scissorhands, avec un univers qui relève à la fois du fantastique et du naïf.
Joli texte poétique, mais le début me laisse un peu perplexe, je le trouve trop volontairement hermétique pour amener la suite du texte.
Autrement, j'aime bien comme tu entretiens la confusion sur la notion de temps.
Quant à la fin, elle est aussi délicate que la fleur mentionnée.
J'ai relevé de jolies formules, entre autres :
Joli texte poétique, mais le début me laisse un peu perplexe, je le trouve trop volontairement hermétique pour amener la suite du texte.
Autrement, j'aime bien comme tu entretiens la confusion sur la notion de temps.
Quant à la fin, elle est aussi délicate que la fleur mentionnée.
J'ai relevé de jolies formules, entre autres :
les pensées multicolores du parterre de la mairie
le « manège à pensées »,
yeux qui lisaient les plantes, qui pleuraient les hommes, et qui souriaient aux papillons
Le pastel du ciel
Invité- Invité
Re: Samuel
J'ai lu... me reste à commenter. Je laisse décanter ! lol !!!
Reginelle- Nombre de messages : 1753
Age : 74
Localisation : au fil de l'eau
Date d'inscription : 07/03/2008
Re: Samuel
Sûr qu'on peut compter sur toi !Reginelle a écrit:J'ai lu... me reste à commenter. Je laisse décanter ! lol !!!
Invité- Invité
Re: Samuel
Je ne sais que dire..c'est vraiment joli, poétique. Le lien très fort entre Samuel et son grand-père est bien décrit, et j'ai aimé cette découverte progressive de ce qui unit les deux personnages, de leurs relations. J'ai trouvé plusieurs expressions croustillantes (= qui m'ont plu) comme :
Le "chat de chine" est vraiment délicieux à prononcer.
C'est drôle, en relisant ce passage où Samuel regarde la vitrine et imagine "un sommelier" etc., j'ai cru reconnaitre un ami qui, en partant de petits riens, d'une image, d'un lapsus ou d'une pensée, se met à débiter des histoires abracadabrantes toujours savoureuses à écouter.
En plus Samuel est un prénom que j'apprécie, ce texte a vraiment tout pour lui !
Bref, j'ai adoré.
AMOK a écrit:[size=12]
Samuel chantait l’anaphore de son rêve d’aspirateur
en la scène favorite de ses errances
les pensées multicolores du parterre de la mairie
le « manège à pensées »
Le pastel du ciel
,
Le "chat de chine" est vraiment délicieux à prononcer.
C'est drôle, en relisant ce passage où Samuel regarde la vitrine et imagine "un sommelier" etc., j'ai cru reconnaitre un ami qui, en partant de petits riens, d'une image, d'un lapsus ou d'une pensée, se met à débiter des histoires abracadabrantes toujours savoureuses à écouter.
En plus Samuel est un prénom que j'apprécie, ce texte a vraiment tout pour lui !
Bref, j'ai adoré.
Vaguerrance- Nombre de messages : 81
Age : 33
Localisation : par là
Date d'inscription : 06/05/2008
Re: Samuel
Joli texte, Amok. J'ai particulièrement apprécié la fin, quand des images surréalistes se bousculent dans l'esprit si riche de Samuel.
Woody- Nombre de messages : 57
Age : 58
Localisation : Belgique
Date d'inscription : 24/05/2008
Re: Samuel
Chute abrupte !
La musique des mots est omniprésente dans ton écriture, ce qui la rend très agréable à lire.
J'ai, contrairement à Vaguerrance, reporté ma lecture à plus tard à cause de ce prénom qui est source de conflits personnels... divers et variés. Il n'en demeure pas moins que j'ai apprécié le lire.
Mais qui a crucifié le chat ? Je suis désolée mais je n'ai pas compris s'il s'agissait de " Samuel " ou de son " grand-père ".
La musique des mots est omniprésente dans ton écriture, ce qui la rend très agréable à lire.
J'ai, contrairement à Vaguerrance, reporté ma lecture à plus tard à cause de ce prénom qui est source de conflits personnels... divers et variés. Il n'en demeure pas moins que j'ai apprécié le lire.
Mais qui a crucifié le chat ? Je suis désolée mais je n'ai pas compris s'il s'agissait de " Samuel " ou de son " grand-père ".
Lucy- Nombre de messages : 3411
Age : 47
Date d'inscription : 31/03/2008
Re: Samuel
Je me sens partagée, surtout après une seconde lecture.
Ma première impression fut de me dire que ce texte était beau, malgré une certaine appréhension au début en raison de l'utilisation d'un vocabulaire chargé qui me faisait craindre quelques nouvelles pirouettes de langue et de structure. Mais non, tout cela se tient parfaitement et ces mots, riches, créent un univers particulier qui emballe le texte avec une qualité certaine.
Donc je lis, puis je relis parce que tout de même, il y a un petit quelque chose qui me dérange sans que je puisse savoir dire exactement quoi. Et puis je finis par me dire que c'est le canevas linéaire trop souvent vu qui m'ennuie. Ces portraits esquissés valent mieux qu'un simple fil classique "souvenir - exclusion - nostalgie - chute en forme de tombe". Le coup du vieux qui sert de modèle et qui à la fin repose six pieds sur terre, ce n'est bien entendu pas interdit mais voilà, c'est vu et revu; ça atténuerait presque la force du reste, de l'écriture et du style.
Ma première impression fut de me dire que ce texte était beau, malgré une certaine appréhension au début en raison de l'utilisation d'un vocabulaire chargé qui me faisait craindre quelques nouvelles pirouettes de langue et de structure. Mais non, tout cela se tient parfaitement et ces mots, riches, créent un univers particulier qui emballe le texte avec une qualité certaine.
Donc je lis, puis je relis parce que tout de même, il y a un petit quelque chose qui me dérange sans que je puisse savoir dire exactement quoi. Et puis je finis par me dire que c'est le canevas linéaire trop souvent vu qui m'ennuie. Ces portraits esquissés valent mieux qu'un simple fil classique "souvenir - exclusion - nostalgie - chute en forme de tombe". Le coup du vieux qui sert de modèle et qui à la fin repose six pieds sur terre, ce n'est bien entendu pas interdit mais voilà, c'est vu et revu; ça atténuerait presque la force du reste, de l'écriture et du style.
Sahkti- Nombre de messages : 31659
Age : 50
Localisation : Suisse et Belgique
Date d'inscription : 12/12/2005
Re: Samuel
Je dois avoir un côté très classique, camouflé par quelques utilisations fantasques mais indispensables, voire récurrentes détournures atypiques !
Merci de votre émotion partagée, puisqu'il n'était bien question que de cela, le reste étant pures enjolivures.
Lucy, je dois t'avouer que Samuel a bien crucifié le chat !
Merci de votre émotion partagée, puisqu'il n'était bien question que de cela, le reste étant pures enjolivures.
Lucy, je dois t'avouer que Samuel a bien crucifié le chat !
AMOK- Nombre de messages : 21
Age : 51
Date d'inscription : 17/05/2008
Re: Samuel
Ce texte est très joli. L'ambiance est agréable, pleine de douceur. L'écriture est cette fois assez fluide. J'ai eu peur à nouveau au début, car il m'a semblé que tu insérais du vocabulaire rare pour la "gloire". Il a été dit, sur ton premier texte, que ce vocabulaire ne collait pas vraiment avec le reste : j'étais d'accord, comme au commencement de "Samuel".
Surtout que je ne connaissais que peu de mots, dont "délétère" qui est, à mon avis, mal utilisé.
MAIS (il y a toujours un mais tu t'es défaite de ce carcan au fur et à mesure de l'histoire, pour gagner en simplicité et en poésie. En un mot, en sentiments.
La perle de "Samuel" est la phrase qui raconte les yeux du grand-père. Une merveille !
Dans le fond, c'est vrai que l'histoire est simple, mais bien racontée et donc agréable. J'aime la poésie qui la baigne !
Surtout que je ne connaissais que peu de mots, dont "délétère" qui est, à mon avis, mal utilisé.
MAIS (il y a toujours un mais tu t'es défaite de ce carcan au fur et à mesure de l'histoire, pour gagner en simplicité et en poésie. En un mot, en sentiments.
La perle de "Samuel" est la phrase qui raconte les yeux du grand-père. Une merveille !
Dans le fond, c'est vrai que l'histoire est simple, mais bien racontée et donc agréable. J'aime la poésie qui la baigne !
Re: Samuel
samuel aurait très bien pu rencontrer la tribu de mes enragés.
bertrand-môgendre- Nombre de messages : 7526
Age : 104
Date d'inscription : 15/08/2007
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