Conte presque oriental

Il ne faut jamais faire les choses à moitié.


Elle m’est apparue, au milieu des vignes écarlates de ce matin brumeux de novembre. Du banc, devant le cellier, où je tentais de m’éveiller, je la vis se glisser vers moi ; je ne m’étonnais même pas de la voir marcher de profil, comme ces personnages dessinés sur les murs des temples de l’antique Egypte. Belle, rayonnante, elle se mit soudain face à moi, et là, je vis qu’elle n’existait qu’à moitié ! Oui, rien que la moitié gauche qui s’arrêtait brusquement le long de l’axe médian de son corps. Pourquoi pas me dis-je, à peine surpris, on voit des choses tellement étranges de nos jours (et pourtant je ne regarde pas les émissions de Delarue !). Elle me regarda de son œil gauche superbe, demi-regard velouté, prometteur de voluptés royales ; bouche bée, j’admirais son demi-chignon dont une longue mèche s’était échappée et glissait sur son unique épaule jusqu’au milieu de son demi-dos ! Je m’attardai sur la courbe de sa hanche que je caressai d’un regard. Et que dire de sa longue cuisse safranée, de son pied cambré !
Même de profil, elle était charmante : en me penchant un peu, je vis sa blanche demi-cervelle – C’est déjà ça, remarquai-je in petto -, son seul poumon à peine essoufflé, et tout son cœur – et oui, il est généralement justement du côté gauche, une aubaine ! – je le voyais palpiter comme un poisson rouge qui sommeille en son bocal.
Mais mon regard avide remonta sans retenue vers ce qui aurait pu être son entre-jambes : une lèvre duveteuse qui se perlait d’intime rosée.
Elle m’adressa un demi-sourire complice, ses lèvres s’entrouvrirent et elle murmura : « Veux-tu m’épouser ? Je serai ta fidèle moitié ! »
Je pris le temps de la réflexion, c’était la moindre des choses ; je m’entendis lui répondre : « Ce serait volontiers, mais alors tu ne serais que la moitié de ma moitié ! Je n’y trouverais pas mon compte ! Un quart de femme, bon, c’est moins envahissant, mais qu’est-ce que les gens vont dire ? Hein ? Tu n’avais pas pensé à ça, forcément ? Mais si tu veux m’accorder tes faveurs, là, maintenant, je…»
Brandissant une lame d’acier, elle s’écria, sans me laisser finir : « Avec plaisir, mais il faut d’abord partager ta virilité en deux, dans le sens de la longueur ; si tu veux bien la tenir, moi je n’ai qu’une main, tu as vu ? »
Au cri que je poussai, mon fils sortit du cellier :
« Tu parles tout seul maintenant, mon père ? Hier soir, entre deux dégustations tu n’aurais pas fumé un pétard par hasard ?
-Un pétard ? Non…, mais,…attend,… c’est bien sûr, j’y suis !!!Je n’en ai goûté qu’une moitié, qu’une moitié tu m’entends, qu’une moitié ! Ah, si j’avais su… ».
Il n’eut pas l’air de bien me comprendre…

Demi-portion ! Un tiens vaut mieux que deux tu l'auras, etc, etc... Ça me plaît cette dérision, cette façon de jouer avec l'absurde. J'ai juste un problème avec le début du paragraphe

Mais mon regard avide remonta sans retenue vers ce qui aurait pu être son entre-jambes

vu ce qui précède, j'aurais pensé que le regard se dirigeait vers le bas...

Exact, ça m'a échappé! Bravo tu gagnes l'autre moitié du joint! Je vais essayer de rectifier.
merci.

Island a écrit:Demi-portion ! Un tiens vaut mieux que deux tu l'auras, etc, etc... Ça me plaît cette dérision, cette façon de jouer avec l'absurde. J'ai juste un problème avec le début du paragraphe

Mais mon regard avide remonta sans retenue vers ce qui aurait pu être son entre-jambes

vu ce qui précède, j'aurais pensé que le regard se dirigeait vers le bas...

L'ennui c'est que je ne sais pas comment aller retoucher le texte!

muzzo a écrit:

Island a écrit:Demi-portion ! Un tiens vaut mieux que deux tu l'auras, etc, etc... Ça me plaît cette dérision, cette façon de jouer avec l'absurde. J'ai juste un problème avec le début du paragraphe

Mais mon regard avide remonta sans retenue vers ce qui aurait pu être son entre-jambes

vu ce qui précède, j'aurais pensé que le regard se dirigeait vers le bas...

L'ennui c'est que je ne sais pas comment aller retoucher le texte!

pas moyen, faut reposter juste après
si je change l'original, les commentaires qui suivront n'auront plus aucun sens, c'est le souci ;-)

au fait : ça m'a bien plu
plus que ta poésie ;-)

Island a écrit:Demi-portion ! Un tiens vaut mieux que deux tu l'auras, etc, etc... Ça me plaît cette dérision, cette façon de jouer avec l'absurde. J'ai juste un problème avec le début du paragraphe

Mais mon regard avide remonta sans retenue vers ce qui aurait pu être son entre-jambes

vu ce qui précède, j'aurais pensé que le regard se dirigeait vers le bas...

Rectifiez , please:
"Mais mon regard avide glissa..."

Fort de vos judicieuses remarques, je me suis livré à quelques modifications et ajouts.
Merci à tous.

Il ne faut jamais faire les choses à moitié.


Elle m’est apparue, au milieu des vignes écarlates de ce matin brumeux de novembre. Du banc, devant le cellier, où je tentais de m’éveiller, je la vis se glisser vers moi ; je ne m’étonnais même pas de la voir marcher de profil, comme ces personnages dessinés sur les murs des temples de l’antique Egypte. Belle, rayonnante, tout de go elle me dit : « Bonjour ! Je m’appelle Phiphi »A demi étonné, je pensai à voix haute : « Tiens, une chanteuse d’opérette ! » « Mais non, pas Phiphi, Fifty ! » dit-elle en pivotant. Aussitôt, malgré mon ignorance quasi-totale de la langue de Shakespeare, je compris ma bévue !!! Je vis qu’elle n’existait qu’à moitié ! Oui, rien que la moitié gauche qui s’arrêtait brusquement le long de l’axe médian de son corps, comme tranchée net, à la verticale, par quelque massicot géant. Pourquoi pas me dis-je, à peine surpris, on voit des choses tellement étranges de nos jours (et pourtant j’évite les émissions de Delarue !). Elle me regarda de son œil gauche superbe, demi-regard velouté, prometteur de voluptés royales ; bouche bée, j’admirais son demi-chignon dont une longue mèche s’était échappée et glissait sur son unique épaule jusqu’au milieu de son demi-dos ! Je m’attardai sur la courbe de sa hanche que je caressai d’un regard. Et que dire de sa longue cuisse safranée, de son pied cambré !
Même de profil, elle était charmante : en me penchant un peu, je vis sa blanche demi-cervelle – C’est déjà ça, remarquai-je in petto -, son seul poumon à peine essoufflé, et tout son cœur – et oui, il est en général justement du côté gauche, une aubaine ! – je le voyais palpiter comme un poisson rouge qui sommeille en son bocal.
Mais mon regard avide glissa sans retenue vers ce qui aurait pu être son entre-jambes : une lèvre duveteuse qui se perlait d’intime rosée.
Elle m’adressa un demi-sourire complice, ses lèvres s’entrouvrirent et elle murmura : « Veux-tu m’épouser ? Je serai ta fidèle moitié ! »
Je pris le temps de la réflexion, c’était la moindre des choses ; je m’entendis lui répondre : « Ce serait volontiers, mais alors tu ne serais que la moitié de ma moitié ! Je n’y trouverais pas mon compte ! Un quart de femme, bon, c’est moins envahissant, mais qu’est-ce que les gens vont dire ? Hein ? Tu n’avais pas pensé à ça, forcément ? Mais si tu veux m’accorder tes faveurs, là, maintenant, je…»
Brandissant une lame d’acier, elle s’écria, sans me laisser finir : « Avec plaisir, mais il faut d’abord partager ta virilité en deux, dans le sens de la longueur ; si tu veux bien la tenir, moi je n’ai qu’une main, tu as vu ? »
Au cri que je poussai, mon fils sortit du cellier :
« Tu parles tout seul maintenant, mon père ? Hier soir, entre deux dégustations tu n’aurais pas fumé un pétard par hasard ?
-Un pétard ? Non…, mais,…attend,… c’est bien sûr, j’y suis !!!Je n’en ai goûté qu’une moitié, qu’une moitié tu m’entends, qu’une moitié ! Ah, si j’avais su… ».
Il n’eut pas l’air de bien me comprendre…

Belle idée ce personnage qui n'a qu'une moitié. A mon sens, l'émission de Delarue est de trop… Je n'ai pas aimé non plus l'aparté sur le fait que le cœur disposé à gauche soit une aubaine. En revanche, j'aime l'image du poisson rouge, inattendue mais visuelle et originale. La réflexion sur la moitié de la moitié qui donne un quart est intéressante. Par contre la fin tombe un peu à plat pour moi… la soudaine folie de l'apparition paraît bizarre et je n'aime pas la chute du pétard… j'aurais préféré qu'on reste dans cette ambiance irréelle, un peu feutrée.

Je te concède Delarue(mouvement réflexe de répulsion), mais , il fallait bien pour finir , revenir à la réalité, un long moment occultée par les vapeurs herbeuses!

Bon Dieu, même réflexion que dans un autre fil. Finissez ce que vous commencez. Souvent ça consiste à dormir dessus quelques jours, avec ou sans pétard comme somnifère.

Yali a écrit:Bon Dieu, même réflexion que dans un autre fil. Finissez ce que vous commencez. Souvent ça consiste à dormir dessus quelques jours, avec ou sans pétard comme somnifère.

Des précisions S.V.P !!!

L'idée est bonne, celle de la moitié, sachant aussi qu'ici elle tient de la vision, ce qui est le cas de chacune de nos interprétations de l'autre, nous ne voyons, ne percevons qu'une moitié de l'autre. (Chouette archétype là:-)
Écrire.
Laisser reposer.
Relire.
Interpréter.
Recomposer.
Laisser reposer.
Relire.
Réinterpréter.
Rerecomposer.
Poster que lorsque l'on a la certitude, non pas que la chose est parfaite, mais que si l'on en modifiait une partie, aussi infime soit-elle, cela modifierait le sens général du récit, soit : le sentiment résiduel du lecteur en fin de lecture.
Suis clair ?

C'et un point de vue; pour moi, loin d'être parfait, ce texte n'est qu'une amusette,une petite blague en clin d'oeil et je n'ai pas envie d'y retoucher quoi que ce soit ,sauf à me présenter à l'Académie française.

muzzo a écrit:C'et un point de vue; pour moi, loin d'être parfait, ce texte n'est qu'une amusette,une petite blague en clin d'oeil et je n'ai pas envie d'y retoucher quoi que ce soit ,sauf à me présenter à l'Académie française.

Oui, je comprends parfaitement. Ma vie n'est qu'une amusette, je n'ai pas envie non plus d'y retoucher quoi que ce soit, sauf à me présenter au Panthéon. Sauf que lorsque j'invite l'autre à ma table, c'est pas au cimetière que je pense, grand ou petit le cimetière (là je pense davantage à l'Académie qu'au Panthéon). Mais aux vivants. À ceux qui consomment. La moindre des politesses consistent à ne pas les prendre pour moins imaginatifs qu'ils ne le sont, ou moins instruits, les deux ? Et me semble que c'était un peu marqué dessus avant d'entrer, faites et faites bien et même en faisant ça, y a moyen de s'amuser, non ?

Sorry! je n'y comprends rien!je ne sais rien de "ta vie", je ne comprends rien au "cimetière" ni "à ta table"; je ne vois pas en quoi j'ai manqué de politesse, ou pris qui que ce soit pour un non-imaginatif; bref,si quelqu'un veut bien me traduire cette apostrophe, car en V.O j'ai du mal à comprendre ! merci par avance!

Muzzo, je préfère ta première version, même si je ne la trouve pas parfaite.
Ce que j'ai aimé, c'est l'alternance entre phrases (trop) longues et limite ennuyeuses et puis ces réflexions très terre-à-terre qui apportent de la vie et du peps au récit. C'est cette alternance qui le sauve, je dirais, qui l'empêche de sombrer dans quelque chose de trop décousu et figé.
Dans la seconde version, le côté absurde cède le pas au burlesque et de ça, je ne suis pas fan, question de goût.