Mémoire hantée
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Lucy
roro
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Mémoire hantée
Ma maison est hantée… Le soir me ramène des relents fétides d’un passé révolu. Des bactéries fermentaires s’amusent en effet depuis un certain moment avec le suc de mes souvenirs. Depuis que le mal a choisi sa demeure dans le ciel limité de ma vie, je ne rêve que de guerriers vêtus de noir… Chaque soir ils reviennent m’assassiner… Des avions supersoniques grondent au-dessus des toits qui ne protègent plus les enfants. Je me retrouve enfant, roulée en boule aux pieds de ma mère, comptant les secondes s’écoulant entre les éclats d’obus et ma mort imminente. Mais à chaque fois je m’en sors. Alors je me réveille, la peur au ventre et les draps mouillés, avec l’envie de vomir cette mémoire qui me mitraille d’images dépassées. Pour me calmer, je serre ces images contre mon cœur, je les berce et les laisse se reposer tranquillement.
Ici est un monde de paix et de tranquillité. A part les faits divers et l’histoire d’un pigeon à la patte cassée, la population n’a rien à craindre. Le petit déjeuner avec cracottes, le sourire sur ma boîte de biscottes et le jus d’orange bien frais ne suffisent pas à calmer mon imagination enfiévrée. Ici je suis encore là-bas et maintenant je suis toujours autrefois. Je lève les yeux pour voir mon plafond blanc immaculé qui ne s’est pas effondré et qui ne menace même pas de le faire. Et j’en suis parfois même déçue. Aucune menace sérieuse ne vient donner du charme à mon quotidien bien dosé…
Leurs avions me suivent toujours : ils connaissent mon adresse, ils connaissent mon moindre mouvement. Leurs hommes me traquent dans chaque village où je dors, dans chaque maison, dans chaque certitude.
Assise tranquillement sur la terrasse, entourée de cyprès élancés, je m’amuse à compter les étoiles de ce ciel si pur et si étoilé. Mais sur la montagne en face, ce soir la lune se fait pâle. Indignée, elle se retire derrière un voile de nuages. Aujourd’hui, une autre couleur s’empare des collines. Au loin j’aperçois la pourpre sauvage gagner les reliefs et embraser pour quelques brefs instants le ciel, les étoiles et le monde entier. Et je ne sais plus lesquels des deux battent plus fort : mon cœur ou leurs bombes… A ce spectacle de barbarie inouïe je m’arrête interdite et admirative, comme fascinée par tant de violence, de couleurs, d’énergie et de feu. Les adultes m’appellent pour que je rentre à la maison.
Mais je n’ai qu’un seul souhait : rester devant ce brasier, le contempler, le décrire et le ressentir jusqu’à fusionner avec lui dans un crépitement magnifique. Malgré ma peur, je me sens totalement prise par ce théâtre étonnant de violence et d’absurdité condensée. Des couleurs chatoyantes illuminent le calme paysage printanier. Quelque part dans le noir des collines, des hommes s’amusent à embraser la nature et à incendier le soir argenté. Ils nous jouent une symphonie discordante si troublante de vérité… Je n’ose détacher mon regard des vallonnements en feu et me délecte au bruit de ce crépitement inattendu… Mais les adultes m’appellent et il me faut rentrer pour me brosser les dents avant de m’endormir.
Ce soir pendant mon sommeil, je rêve de moi et des autres enfants. On dort tranquillement. Soudain je sursaute à ce bruit familier : une explosion au loin. Un mur du son très proche fait vibrer la terre, les couvertures, les murs et les vitres de la maison. Mon cœur se serre et je me rapproche de mon voisin de lit. Puis c’est l’obus final : un trou dans le plafond : je n’existe plus… Et je me réveille pour que tout recommence.
Ici est un monde de paix et de tranquillité. A part les faits divers et l’histoire d’un pigeon à la patte cassée, la population n’a rien à craindre. Le petit déjeuner avec cracottes, le sourire sur ma boîte de biscottes et le jus d’orange bien frais ne suffisent pas à calmer mon imagination enfiévrée. Ici je suis encore là-bas et maintenant je suis toujours autrefois. Je lève les yeux pour voir mon plafond blanc immaculé qui ne s’est pas effondré et qui ne menace même pas de le faire. Et j’en suis parfois même déçue. Aucune menace sérieuse ne vient donner du charme à mon quotidien bien dosé…
Leurs avions me suivent toujours : ils connaissent mon adresse, ils connaissent mon moindre mouvement. Leurs hommes me traquent dans chaque village où je dors, dans chaque maison, dans chaque certitude.
Assise tranquillement sur la terrasse, entourée de cyprès élancés, je m’amuse à compter les étoiles de ce ciel si pur et si étoilé. Mais sur la montagne en face, ce soir la lune se fait pâle. Indignée, elle se retire derrière un voile de nuages. Aujourd’hui, une autre couleur s’empare des collines. Au loin j’aperçois la pourpre sauvage gagner les reliefs et embraser pour quelques brefs instants le ciel, les étoiles et le monde entier. Et je ne sais plus lesquels des deux battent plus fort : mon cœur ou leurs bombes… A ce spectacle de barbarie inouïe je m’arrête interdite et admirative, comme fascinée par tant de violence, de couleurs, d’énergie et de feu. Les adultes m’appellent pour que je rentre à la maison.
Mais je n’ai qu’un seul souhait : rester devant ce brasier, le contempler, le décrire et le ressentir jusqu’à fusionner avec lui dans un crépitement magnifique. Malgré ma peur, je me sens totalement prise par ce théâtre étonnant de violence et d’absurdité condensée. Des couleurs chatoyantes illuminent le calme paysage printanier. Quelque part dans le noir des collines, des hommes s’amusent à embraser la nature et à incendier le soir argenté. Ils nous jouent une symphonie discordante si troublante de vérité… Je n’ose détacher mon regard des vallonnements en feu et me délecte au bruit de ce crépitement inattendu… Mais les adultes m’appellent et il me faut rentrer pour me brosser les dents avant de m’endormir.
Ce soir pendant mon sommeil, je rêve de moi et des autres enfants. On dort tranquillement. Soudain je sursaute à ce bruit familier : une explosion au loin. Un mur du son très proche fait vibrer la terre, les couvertures, les murs et les vitres de la maison. Mon cœur se serre et je me rapproche de mon voisin de lit. Puis c’est l’obus final : un trou dans le plafond : je n’existe plus… Et je me réveille pour que tout recommence.
roro- Nombre de messages : 202
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Re: Mémoire hantée
J'ai trouvé ce texte prenant, avec quelques belles formules :
"Des bactéries fermentaires s’amusent en effet depuis un certain moment avec le suc de mes souvenirs."
"Au loin j’aperçois la pourpre sauvage gagner les reliefs"
Si j'avais un reproche à lui faire, ce serait celui d'une écriture un peu trop sage, qui peine à faire ressentir l'angoisse.
"Des bactéries fermentaires s’amusent en effet depuis un certain moment avec le suc de mes souvenirs."
"Au loin j’aperçois la pourpre sauvage gagner les reliefs"
Si j'avais un reproche à lui faire, ce serait celui d'une écriture un peu trop sage, qui peine à faire ressentir l'angoisse.
Invité- Invité
Re: Mémoire hantée
Si j'avais un reproche à lui faire, ce serait celui d'une écriture un peu trop sage, qui peine à faire ressentir l'angoisse.
C'est vrai que l'angoisse ne transparait pas ici. Elle est recouverte par la fascination du pire... L'esthétique du spectacle primant sur la peur.
roro- Nombre de messages : 202
Age : 41
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Date d'inscription : 15/09/2008
Re: Mémoire hantée
En revoyant le texte, j'ai trouvé qu'il y avait pas mal d'indices sur la peur :
Mais je n'ai pas voulu résumer cette scène à de la simple angoisse...
Alors je me réveille, la peur au ventre et les draps mouillés, avec l’envie de vomir cette mémoire qui me mitraille d’images dépassées.
Pour me calmer, je serre ces images contre mon cœur,
Et je ne sais plus lesquels des deux battent plus fort : mon cœur ou leurs bombes…
Malgré ma peur, je me sens totalement prise par ce théâtre
Soudain je sursaute
Mon cœur se serre
Mais je n'ai pas voulu résumer cette scène à de la simple angoisse...
roro- Nombre de messages : 202
Age : 41
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Date d'inscription : 15/09/2008
Re: Mémoire hantée
Une petite phrase qui, l'air de rien, fait mal. Tout en douceur, tu retranscris l'horreur, le traumatisme qui est toujours là.Et je me réveille pour que tout recommence.
Qui sera toujours là.
Lucy- Nombre de messages : 3411
Age : 46
Date d'inscription : 31/03/2008
Re: Mémoire hantée
salut roro.
Bien aimé ton texte. En particulier les phrases qu'on cités socque et lucy.
Quelques unes cependant qui me dérangent un peu :
Bien aimé ton texte. En particulier les phrases qu'on cités socque et lucy.
Quelques unes cependant qui me dérangent un peu :
Le 'à chaque fois'. Trop 'sage', comme dit socque, pour ce qu'il veut dire.Mais à chaque fois je m’en sors.
Là c'est le 'tranquillement'. Pareil, je le trouve trop 'soft'.je les berce et les laisse se reposer tranquillement.
J'aurais préféré : 'ne menace même de le faire'.qui ne menace même pas de le faire.
Il ne manque pas une virgule après soir ?Mais sur la montagne en face, ce soir, la lune se fait pâle.
'barbarie inouïe'. Très banal, je trouve.A ce spectacle de barbarie inouïe je m’arrête interdite et admirative,
Sinon, j'aime beaucoup cette phrase.dans chaque maison, dans chaque certitude.
Ces deux phrases aussi d'ailleurs. La chûte sur le retour dans le réel, sûr mais fade.comme fascinée par tant de violence, de couleurs, d’énergie et de feu. Les adultes m’appellent pour que je rentre à la maison.
Re: Mémoire hantée
Evanescent, est-ce que cette phrase que tu proposes est correcte?
Il manque un "pas", sinon ce n'est pas grammaticalement correct... A mon avis.
ne menace même de le faire'.
Il manque un "pas", sinon ce n'est pas grammaticalement correct... A mon avis.
roro- Nombre de messages : 202
Age : 41
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Date d'inscription : 15/09/2008
Re: Mémoire hantée
J'éprouve une certaine ambivalence par rapport à ce texte. D'une part je trouve des lourdeurs, notamment dans le premier paragraphe :
d'autre part, des phrases émouvantes ou belles, tout simplement :Le soir me ramène des relents fétides d’un passé révolu. Des bactéries fermentaires s’amusent en effet depuis un certain moment avec le suc de mes souvenirs
Ambivalence donc : tu dis bien l'obsession, l'imagination qui se met à courir et à dépasser la raison, c'est vrai, mais je ne sais pas pourquoi, je n'arrive pas à lire ce texte autrement que comme un texte, pas comme une expérience qui me touche vraiment. Impression qui tient à moi, plus qu'au texte, il va sans dire.Je me retrouve enfant, roulée en boule aux pieds de ma mère, comptant les secondes s’écoulant entre les éclats d’obus et ma mort imminente.
Mais sur la montagne en face, ce soir la lune se fait pâle. Indignée, elle se retire derrière un voile de nuages.
Et je me réveille pour que tout recommence.
Invité- Invité
Re: Mémoire hantée
C’était une soirée parfaitement charmante… Musique, alcool, slows, apéritifs craquants et bonne humeur généralisée. Toute la tribu était là, avec les cousins, les cousines, les tantes, les oncles, sans oublier les amis. Les enfants avaient le droit de veiller tard ce soir-là. Pas d’occasion précise : juste l’envie d’être là, de défier les étoiles et de s’amuser un peu. De gagner une bataille sur la mort peuplant la rue. Aux enfants alors de faire le maximum pour repousser l’échéance des yeux qui se fermaient pour éviter d’atterrir dans les chambres à coucher qui les attendaient calmement.
La musique était bien douce : le slow était destiné aux adultes énamourés. Qui se penchaient parfois sur nous pour nous faire danser aussi. C’était agréable et doux. C’était joli. On papillonnait, on racontait des bêtises, on se disputait (pas trop pour ne pas finir prématurément dans un lit), on les charmait avec notre babil… Parfois on chantonnait équipés de ballons multicolores qu’on se fixait sur les flancs en guise d’ailes… Le buffet généreux s’étalait avec toutes les couleurs et tous les goûts possibles. C’était jus et soda à profusion. On pouvait même déguster leur alcool si on en avait envie : c’était jour de fête. Il était tellement amer, leur gin ! Pas de danse des canards : ce soir c’était la fête des grands, et on voletait autour d’eux comme de petits anges qui auraient raté le train du sommeil !
Ce soir là, tous les volets étaient tirés. Les rideaux fermés. La lumière éclatait et peignait des ombres charmantes sur les murs. Les danseurs fatiguaient, les veilleurs somnolaient, les amoureux continuaient à s’aimer et les parleurs à murmurer leurs confidences desquelles on était toujours exclus.
Ce soir là, la fête suivait son cours normal. Si ce n’est ce bruit sourd qui soudain a rompu l’ambiance…Un bruit de canette de soda qui s’ouvrait avec fracas. Un bruit suivi de cris humains, de gens qui hélaient : de la colère ou de l’affolement ? Je ne le saurai jamais. En vraie enfant-panique, j’ai ouvert le volet de la baie vitrée afin de pouvoir éclaircir ce mystère… Et là, j’ai aperçu cet objet en feu, cette voiture qui s’enflammait de l’intérieur, comme rongée par quelque amour ou quelque secret inaudible. Et deux ou trois hommes qui couraient. Dans la pénombre de la nuit je n’ai pas bien compris. Il y avait ce gros insecte qui prenait feu tranquillement en bordure de trottoir. Sans se plaindre. Sans crier. La voiture lentement agonisait. Et ce fut tout. Ma mère, d’un geste admirable, m’embrassa sur le cou, écarta les curieux et tira sur le rideau pour clore la scène à sa manière. Et pour appuyer son geste, elle referma les volets, haussa le son de la musique et se mit à danser…
La musique était bien douce : le slow était destiné aux adultes énamourés. Qui se penchaient parfois sur nous pour nous faire danser aussi. C’était agréable et doux. C’était joli. On papillonnait, on racontait des bêtises, on se disputait (pas trop pour ne pas finir prématurément dans un lit), on les charmait avec notre babil… Parfois on chantonnait équipés de ballons multicolores qu’on se fixait sur les flancs en guise d’ailes… Le buffet généreux s’étalait avec toutes les couleurs et tous les goûts possibles. C’était jus et soda à profusion. On pouvait même déguster leur alcool si on en avait envie : c’était jour de fête. Il était tellement amer, leur gin ! Pas de danse des canards : ce soir c’était la fête des grands, et on voletait autour d’eux comme de petits anges qui auraient raté le train du sommeil !
Ce soir là, tous les volets étaient tirés. Les rideaux fermés. La lumière éclatait et peignait des ombres charmantes sur les murs. Les danseurs fatiguaient, les veilleurs somnolaient, les amoureux continuaient à s’aimer et les parleurs à murmurer leurs confidences desquelles on était toujours exclus.
Ce soir là, la fête suivait son cours normal. Si ce n’est ce bruit sourd qui soudain a rompu l’ambiance…Un bruit de canette de soda qui s’ouvrait avec fracas. Un bruit suivi de cris humains, de gens qui hélaient : de la colère ou de l’affolement ? Je ne le saurai jamais. En vraie enfant-panique, j’ai ouvert le volet de la baie vitrée afin de pouvoir éclaircir ce mystère… Et là, j’ai aperçu cet objet en feu, cette voiture qui s’enflammait de l’intérieur, comme rongée par quelque amour ou quelque secret inaudible. Et deux ou trois hommes qui couraient. Dans la pénombre de la nuit je n’ai pas bien compris. Il y avait ce gros insecte qui prenait feu tranquillement en bordure de trottoir. Sans se plaindre. Sans crier. La voiture lentement agonisait. Et ce fut tout. Ma mère, d’un geste admirable, m’embrassa sur le cou, écarta les curieux et tira sur le rideau pour clore la scène à sa manière. Et pour appuyer son geste, elle referma les volets, haussa le son de la musique et se mit à danser…
roro- Nombre de messages : 202
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Date d'inscription : 15/09/2008
Re: Mémoire hantée
Je trouve l'équilibre très juste entre les perceptions de l'enfant et la réalité qu'on pressent sinistre à souhait...
Un bémol sur la phrase :
"Aux enfants alors de faire le maximum pour repousser l’échéance des yeux qui se fermaient pour éviter d’atterrir dans les chambres à coucher qui les attendaient calmement." que je trouve alourdie par la présence des deux "qui" et "pour".
Un bémol sur la phrase :
"Aux enfants alors de faire le maximum pour repousser l’échéance des yeux qui se fermaient pour éviter d’atterrir dans les chambres à coucher qui les attendaient calmement." que je trouve alourdie par la présence des deux "qui" et "pour".
Invité- Invité
Re: Mémoire hantée
Je suis d'accord avec socque. J'ai bien ton texte.
Même phrase, mais bémol différent. Le 'calmement' que je trouve innaproprié, peu être en trop.
Même phrase, mais bémol différent. Le 'calmement' que je trouve innaproprié, peu être en trop.
Re: Mémoire hantée
J'ai allégé la phrase, j'ai supprimé la fin...
roro- Nombre de messages : 202
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Date d'inscription : 15/09/2008
Re: Mémoire hantée
Un bon texte, expressif, avec quelques jolies trouvailles : j'ai aimé les petits anges qui ont raté le train du sommeil et volètent, et surtout " en vraie enfant-panique, j'ai ouvert..."
Deux petites remarques : dans les deux premières phrases, il y a trois "là".
Et il serait préférable d'inverser, à la fin : elle ferme les volets d'abord puis tire le rideau, je pense.
Au final, bravo.
Deux petites remarques : dans les deux premières phrases, il y a trois "là".
Et il serait préférable d'inverser, à la fin : elle ferme les volets d'abord puis tire le rideau, je pense.
Au final, bravo.
Invité- Invité
Re: Mémoire hantée
Non, pour les volets, ce n'est pas dans cet ordre-là : il y a une poignée à l'intérieur, une manivelle, le store (ou les volets?) descend quand on tourne...
roro- Nombre de messages : 202
Age : 41
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Date d'inscription : 15/09/2008
Re: Mémoire hantée
Oui, ce sont des volets roulants, marron foncé. On peut les descendre après avoir tiré les rideaux. C'est même préférable, car lorsque les rideaux ne sont pas tiré, ils gênent l'action de tourner...
roro- Nombre de messages : 202
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Date d'inscription : 15/09/2008
Re: Mémoire hantée
tirés/
roro- Nombre de messages : 202
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Date d'inscription : 15/09/2008
Re: Mémoire hantée
Eh oui! C'est de la haute technologie! Et super résistants! Testés sur plusieurs guerres!
roro- Nombre de messages : 202
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Date d'inscription : 15/09/2008
Re: Mémoire hantée
Dans le corridor, un matelas rose. Dans la tête des éclairs de lucidité. Sur ma tête des mains qui protègent. Contre mon épaule une poitrine-bouclier. En face de nous ? Les WC. Et ce qui nous sépare : l’espace de la peur. Car ça mitraille dehors. Les murs sont-ils si solides, mon cœur sera-t-il si courageux ? Dans la cuisine, des frites refroidissent lentement. Le taboulé à la menthe ne sera pas dégusté.
Ce qui nous lie encore? Des cris pour communiquer. Des « ça va, ça va ? » bien apeurés… Auxquels répondent les bombes encore et toujours… Et la baie vitrée qui cède… Et les portes qui s’ouvrent par appel d’air… Mon oncle me presse contre le sol et je sens avec douleur le matelas rose. Mes oreilles bourdonnent et mon cœur tonne. Mais ce que je ne comprends pas c’est les « ça va ça va » que lancent les autres de leur WC… Terrées à quatre dans leur WC, elles n’arrêtent pas de crier… Est-ce que ça a l’air d’aller ? Des fois les gens sont un peu bizarres. Et les frites qui ont refroidi…
La cuisine est en fête : la belle table dressée est harnachée d’éclats de verre et de projectiles… Les fenêtres ont abdiqué. L’immeuble tremble. Seconde lancée d’obus. Mon oncle me presse encore plus contre le sol et je sens que je vais bientôt étouffer. Et j’essaie de comprendre malgré tout la distance qui nous sépare de ce WC et la signification de leurs cris.
Puis soudain, silence… Calme… Paix et sérénité. L’oiseau se terre encore, craintif. Puis il tend l’oreille : rien. La route est libre. Il se lève et secoue ses ailes. On sort de nos cachettes, comme si on avait joué à colin-maillard. On libère la petite fille au matelas rose. On inspecte les dégâts ; ou plutôt on recherche une vitre qui n’aurait pas explosé. Et on commence à positiver : « ah oui ! C’est certain ! Si ce matelas n’était pas en mousse, l’appartement aurait certainement brûlé ! Regardez-moi ce projectile-là ! ». En effet, notre beau matelas indigo est percé par quelques éclats. Rien de bien grave. Petites pépites brunes. Et je m’enthousiasme déjà : « je peux toucher, vous en êtes surs ? » A travers ce qui reste de notre baie vitrée on a vue sur ce qui reste de l’appartement d’en face : un énorme trou ! L’obus était bien circulaire à en juger par la forme du cratère. Nos voisins ont un si charmant salon ! Un commentaire rationnel me convainc : « c’est normal, c’est le leader du parti… Mais il ne vit pas là en ce moment… Il est parti. Au village ! ». Ah, d’accord, c’était donc ça ! Mais nous, est-ce qu’on est partis, nous ?
Et ma tante qui se dispute avec ma mère : « Et voilà ! Tu m’as empêchée de grignoter les frites ! Contente à présent ! Ca t’aurait bien dérangée, hein, si j’avais mangé quelques frites ! ». Et ma mère qui ne se laisse pas faire : « Oui, mais je n’aime pas quand chacun grignote tout seul ! On peut attendre que tout le monde soit à table quand même ! ». Sauf que ce soir on mangera des fèves autour de la petite table à la lueur des bougies… Avec vue sur le ciel et sur le salon des voisins !
Et puis la vie normale reprend son cours : les hommes enlèvent les gros morceaux de verre, les femmes nettoient le mobilier, les enfants jouent dans leur chambre à coucher, épargnée par le verre. (Sans doute parce qu’on avait fermé les volets ; si, si, c’est important de rationaliser !).
Et le quartier entier commence à s’agiter. On descend le verre cassé, on s’invite à manger, on prend des nouvelles, on s’indigne, on écoute les mêmes nouvelles pour la quatorzième fois, on s’échange de bons conseils et, surtout, on recherche l’adresse d’un bon vitrier !
Ce qui nous lie encore? Des cris pour communiquer. Des « ça va, ça va ? » bien apeurés… Auxquels répondent les bombes encore et toujours… Et la baie vitrée qui cède… Et les portes qui s’ouvrent par appel d’air… Mon oncle me presse contre le sol et je sens avec douleur le matelas rose. Mes oreilles bourdonnent et mon cœur tonne. Mais ce que je ne comprends pas c’est les « ça va ça va » que lancent les autres de leur WC… Terrées à quatre dans leur WC, elles n’arrêtent pas de crier… Est-ce que ça a l’air d’aller ? Des fois les gens sont un peu bizarres. Et les frites qui ont refroidi…
La cuisine est en fête : la belle table dressée est harnachée d’éclats de verre et de projectiles… Les fenêtres ont abdiqué. L’immeuble tremble. Seconde lancée d’obus. Mon oncle me presse encore plus contre le sol et je sens que je vais bientôt étouffer. Et j’essaie de comprendre malgré tout la distance qui nous sépare de ce WC et la signification de leurs cris.
Puis soudain, silence… Calme… Paix et sérénité. L’oiseau se terre encore, craintif. Puis il tend l’oreille : rien. La route est libre. Il se lève et secoue ses ailes. On sort de nos cachettes, comme si on avait joué à colin-maillard. On libère la petite fille au matelas rose. On inspecte les dégâts ; ou plutôt on recherche une vitre qui n’aurait pas explosé. Et on commence à positiver : « ah oui ! C’est certain ! Si ce matelas n’était pas en mousse, l’appartement aurait certainement brûlé ! Regardez-moi ce projectile-là ! ». En effet, notre beau matelas indigo est percé par quelques éclats. Rien de bien grave. Petites pépites brunes. Et je m’enthousiasme déjà : « je peux toucher, vous en êtes surs ? » A travers ce qui reste de notre baie vitrée on a vue sur ce qui reste de l’appartement d’en face : un énorme trou ! L’obus était bien circulaire à en juger par la forme du cratère. Nos voisins ont un si charmant salon ! Un commentaire rationnel me convainc : « c’est normal, c’est le leader du parti… Mais il ne vit pas là en ce moment… Il est parti. Au village ! ». Ah, d’accord, c’était donc ça ! Mais nous, est-ce qu’on est partis, nous ?
Et ma tante qui se dispute avec ma mère : « Et voilà ! Tu m’as empêchée de grignoter les frites ! Contente à présent ! Ca t’aurait bien dérangée, hein, si j’avais mangé quelques frites ! ». Et ma mère qui ne se laisse pas faire : « Oui, mais je n’aime pas quand chacun grignote tout seul ! On peut attendre que tout le monde soit à table quand même ! ». Sauf que ce soir on mangera des fèves autour de la petite table à la lueur des bougies… Avec vue sur le ciel et sur le salon des voisins !
Et puis la vie normale reprend son cours : les hommes enlèvent les gros morceaux de verre, les femmes nettoient le mobilier, les enfants jouent dans leur chambre à coucher, épargnée par le verre. (Sans doute parce qu’on avait fermé les volets ; si, si, c’est important de rationaliser !).
Et le quartier entier commence à s’agiter. On descend le verre cassé, on s’invite à manger, on prend des nouvelles, on s’indigne, on écoute les mêmes nouvelles pour la quatorzième fois, on s’échange de bons conseils et, surtout, on recherche l’adresse d’un bon vitrier !
roro- Nombre de messages : 202
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Date d'inscription : 15/09/2008
Re: Mémoire hantée
Un changement d'ambiance intéressant, peut-être un peu brutal à mon goût... La partie précédente avait un côté poétique, imagé, celle-ci est beaucoup plus prosaïque et traite (presque) le bombardement comme une grosse rigolade, je trouve cela moins convaincant : on ne sent pas assez de tension chez les adultes, je trouve.
Invité- Invité
Re: Mémoire hantée
Dans le souvenir s'efface l'angoisse et reste le côté insolite de la chose... C'est la description d'un souvenir, et non pas la description d'une scène. C'est pour cette raison que je n'ai pas décrit la peur. Les détails étant plus intéressants (ce sont eux qui restent, finalement!)...
roro- Nombre de messages : 202
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Date d'inscription : 15/09/2008
Re: Mémoire hantée
Et Socque, ça va peut-être t'étonner, mais dans mon pays les gens sont habitués à la guerre. Ça fait partie du quotidien. Et on n'a jamais autant plaisanté qu'à cette époque agitée! Les blagues sur la guerre, la fête à la lueur de la bougie, etc. Ce n'est pas une fiction. A part la peur qu'on ressent sur le moment même, les gens temporisent, plaisantent et font avec... J'en connais même qui ne se cachent pas pendant les hostilités : ils vont nager, pêcher et ils poursuivent leurs occupations malgré le danger.
C'est une autre réalité qu'en Europe. On compose avec et des fois on passe de très beaux moments! Le temps libre laisse libre cours aux loisirs : les gens se retrouvent et discutent, on socialise, etc. Mon texte n'est pas si bizarre que ça...
C'est une autre réalité qu'en Europe. On compose avec et des fois on passe de très beaux moments! Le temps libre laisse libre cours aux loisirs : les gens se retrouvent et discutent, on socialise, etc. Mon texte n'est pas si bizarre que ça...
roro- Nombre de messages : 202
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Date d'inscription : 15/09/2008
Re: Mémoire hantée
A nos yeux, si. (enfin aux miens et apparement à ceux de socque) Et le lecteur est roi, s'il ne peut pas comprendre, le texte n'est pas compréhensible.
Celà dis je suis d'accord que ma vision est mauvaise.
Celà dis je suis d'accord que ma vision est mauvaise.
Re: Mémoire hantée
Dans un pays en guerre les gens deviennent peut-être encore plus attachés à la vie et plus sensibles à l'humour (façon de dépasser une réalité insoutenable). Dans mon pays on peut très bien aller en boîte de nuit quand des bombes tombent à quelques kilomètres. Les gens vivent avec cette réalité depuis plus de 20 ans. Il y a une résignation accompagnée d'hédonisme. Parfois c'est même un peu surréaliste. Mais c'est malheureusement la réalité. Les gens sont comme dans un état second.
J'ai noté une fois cette phrase chez le coiffeur du coin, suite à un attentat en ville qui a fait 20 morts, une jeune d'une vingtaine d'année s'est exprimée ainsi, de manière très choquée :"ma mère ne veut pas que je sorte ce week-end, elle rêve! Mais pourquoi ont-ils choisi de poser cette bombe un vendredi? Mon week-end va tomber à l'eau... Mais c'est qu'elle rêve, la pauvre!"
Voilà. J'ai voulu apporter un petit témoignage d'une réalité différente.
J'ai noté une fois cette phrase chez le coiffeur du coin, suite à un attentat en ville qui a fait 20 morts, une jeune d'une vingtaine d'année s'est exprimée ainsi, de manière très choquée :"ma mère ne veut pas que je sorte ce week-end, elle rêve! Mais pourquoi ont-ils choisi de poser cette bombe un vendredi? Mon week-end va tomber à l'eau... Mais c'est qu'elle rêve, la pauvre!"
Voilà. J'ai voulu apporter un petit témoignage d'une réalité différente.
roro- Nombre de messages : 202
Age : 41
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Date d'inscription : 15/09/2008
Re: Mémoire hantée
Dans quel pays vis-tu, Roro ? Si cette question n'est pas indiscrète, bien sûr ?
Lucy- Nombre de messages : 3411
Age : 46
Date d'inscription : 31/03/2008
Re: Mémoire hantée
Liban
roro- Nombre de messages : 202
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Date d'inscription : 15/09/2008
Re: Mémoire hantée
Libanaise mais vivant en France. Là je parlais de la période 1990-1991
roro- Nombre de messages : 202
Age : 41
Localisation : Belgique
Date d'inscription : 15/09/2008
Re: Mémoire hantée
Ceci n'est pas une demande en mariage.
Ca va faire bientôt trois ans que je parcours les sites littéraires et, mademoiselle roro, te voilà la première compatriote que je croise sur le chemin de la littérature forumesque. Je te le dis tout de go : cette cessation inopinée de l''"exclusivité" dont je me targuais risque de chatouiller ma vanité de chien hargneux. Et si tu écris bien en plus, ça ne va pas arranger les choses.
Ceci n'est pas de l'ironie : bienvenue.
Ca va faire bientôt trois ans que je parcours les sites littéraires et, mademoiselle roro, te voilà la première compatriote que je croise sur le chemin de la littérature forumesque. Je te le dis tout de go : cette cessation inopinée de l''"exclusivité" dont je me targuais risque de chatouiller ma vanité de chien hargneux. Et si tu écris bien en plus, ça ne va pas arranger les choses.
Ceci n'est pas de l'ironie : bienvenue.
panasonic- Nombre de messages : 159
Age : 44
Date d'inscription : 07/01/2008
Re: Mémoire hantée
Ceci n'est pas une demande en mariage.
Dommage Panasonic, que tu ne te plies pas aux us et coutumes de chez nous; Car tu le sais bien, lorsqu'un gentil monseigneur parle en si libres termes à une gente dame, il se doit de l'épouser!!! Et tu ne peux pas soutenir le contraire, comment le pourrais-tu?
Mais je ne suis pas ici pour polémiquer : alors à défaut de nous marier, croisons nos plumes, et merci pour ton accueil!
roro- Nombre de messages : 202
Age : 41
Localisation : Belgique
Date d'inscription : 15/09/2008
Re: Mémoire hantée
Tout compte fait, je crois que, du haut de tes 85 messages- déjà?!- c'est bien toi qui devrais me souhaiter bienvenue. Allez, 39, c'est pas si mal, quand même. Dzoing!
panasonic- Nombre de messages : 159
Age : 44
Date d'inscription : 07/01/2008
Re: Mémoire hantée
Eh oui, les femmes de ton pays ne font pas les choses qu'à moitié!
roro- Nombre de messages : 202
Age : 41
Localisation : Belgique
Date d'inscription : 15/09/2008
Re: Mémoire hantée
Bienvenue Panasonic...
roro- Nombre de messages : 202
Age : 41
Localisation : Belgique
Date d'inscription : 15/09/2008
Re: Mémoire hantée
Merci Raymonde.
Sinon, je précise pour les non-arabophones que le mot "Dzoing!" ce n'est pas de l'arabe, non, pas de l'arabe. Merci.
Sinon, je précise pour les non-arabophones que le mot "Dzoing!" ce n'est pas de l'arabe, non, pas de l'arabe. Merci.
panasonic- Nombre de messages : 159
Age : 44
Date d'inscription : 07/01/2008
Re: Mémoire hantée
Quelques lourdeurs et maladresses dans le premier texte, en particulier au début. On devine pourtant où tu nous entraînes et tu arrives à faire naître une tension certaine, toutefois étouffée par quelques tournures pesantes.
Ensuite, cela s'allège et l'émotion reprend le dessus; tu insères également une touche poétique qui donne un ton léger à l'ensemble, permettant sans doute de mieux en apprécier la gravité. J'aime assez cela, roro, cette façon de raconter simplement en laissant le non-dit s'incruster petit à petit dans la tête du lecteur.
Tu poursuis dans cette veine avec les autres récits, aérés, plus vivants et, quelque part, plus réalistes. Je préfère cela, question de goût.
Ensuite, cela s'allège et l'émotion reprend le dessus; tu insères également une touche poétique qui donne un ton léger à l'ensemble, permettant sans doute de mieux en apprécier la gravité. J'aime assez cela, roro, cette façon de raconter simplement en laissant le non-dit s'incruster petit à petit dans la tête du lecteur.
Tu poursuis dans cette veine avec les autres récits, aérés, plus vivants et, quelque part, plus réalistes. Je préfère cela, question de goût.
Sahkti- Nombre de messages : 31659
Age : 50
Localisation : Suisse et Belgique
Date d'inscription : 12/12/2005
Re: Mémoire hantée
Ensuite, cela s'allège et l'émotion reprend le dessus; tu insères également une touche poétique qui donne un ton léger à l'ensemble, permettant sans doute de mieux en apprécier la gravité.
Bonjour Sakhti,
En fait je crois que dans certains de mes écrits je décris sans vraiment relater mes sentiments, ce qui empêche le lecteur de s'y retrouver. Je vais tenter de mettre plus d'explications sur mes perceptions et sensations.
On verra bien.
C'est pour cette raison que ce genre d'endroit est génial, il nous donne un éclairage inattendu sur nos textes (c'est vraiment dur de juger son texte soi-même...).
roro- Nombre de messages : 202
Age : 41
Localisation : Belgique
Date d'inscription : 15/09/2008
Re: Mémoire hantée
(Sur mémoire hantée.) Une prose poétique que j’aime bien. Ça vient me chercher, je connais assez l’affect à son origine (pour avoir vécu qqch de semblable) et sa tonalité mélancolique me plait. J’note une subtile personnalisation des fantômes… Bon le caractère précieux de certains passages m’agace un peu et fait tort à la crédibilité (un enfant parle pas comme ça), mais dans l’ensemble, c bien. : )
Zoro- Nombre de messages : 16
Age : 38
Date d'inscription : 27/08/2007
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