VOISIN-VOISINE : Noms d'oiseaux
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VOISIN-VOISINE : Noms d'oiseaux
.
« Noms d’oiseaux »
L’histoire a commencé il y a un an à peu près.
C’était bien avant que la haie de séparation ne mesure deux mètres.
Mais c’était après une longue période de quiétude lotissementale de bon aloi.
Nos nouveaux voisins, des Malgaches à ce qu’on m’avait dit, venaient d’emménager avec enfants, cochon et couvée.
Une femme, son mari, des enfants, un cochon, des poules, ça reste du bon côté du grillage. Par éducation. Ou par obligation.
Mais un chat…
Celui-là avait décidé, allez donc savoir pourquoi, de dormir du bon côté, mais de faire tout le reste du mauvais côté : le mien.
Et « tout le reste » représente une palette d’activités très large.
L’une d’elles consistait à guetter les va-et-vient de notre perruche apprivoisée dont la cage était suspendue sur la terrasse et la petite porte ouverte jour et nuit pour lesdits va-et-vient.
Nous avions recueilli cet oiseau, blessé, trois mois auparavant. A force de soins il avait pu reprendre son envol, même si l’une de ses pattes était restée raide, ce qui le faisait sautiller maladroitement lorsqu’il venait sur la table aux heures des repas.
Un samedi matin ma voisine, me voyant creuser un trou de belle taille au fond de mon jardin, me héla :
— Bonjour voisin, c’est pourquoi ce trou ?
— C’est pour enterrer ma perruche qui est morte.
— Oh, désolée. Mais c’est un bien grand trou pour une si petite bête.
— Nan ! C’est parce que ma perruche est à l’intérieur de votre chat.
Et j’ai posé ma pioche pour aller me mettre à l’abri des hurlements féroces de ma voisine.
Nos relations de voisinage débutaient.
Le lendemain de cet incident déplorable, je creusais 51 trous identiques le long de la clôture pour y planter autant de bougainvilliers, aujourd’hui resplendissants et surtout occultants…
Ma voisine, – madame Gaspard je l’appelle, mais seulement dans ma tête – n’est pas rancunière. Moi oui. En revanche je ne suis pas méchant. Du moins pas avec les gens non rancuniers.
Mais ma voisine est une copieuse. Peut-être même une envieuse. Je n’ai jamais réussi à déchiffrer le fond de sa personnalité. Toujours est-il qu’elle a toujours voulu imiter, et bien sûr en mieux, ce qu’elle voyait de l’autre côté du grillage.
D’où la haie.
D’où aussi, dès notre perruche arrivée, le besoin impérieux de posséder à son tour un oiseau. Mais en mieux. En plus gros. Et qu’est-ce qui ressemble le plus à une perruche en plus gros ? Un ara pardi. La bestiole fut installée à demeure sur leur terrasse, en face de la nôtre.
D’où la haie.
On s’habitue à tout. Même au cri strident de l’ara la nuit au fond des terrasses. Alors qu’on est obligés de vivre en toutes saisons fenêtres ouvertes à cause de la température.
Je le disais, ma voisine n’a pas de rancune. Elle n’a pas d’humour non plus.
Quelques semaines après le décès brutal de notre perruche, partant en vacances, elle nous avait demandé de bien vouloir lui garder son ara en pension.
Le récupérant à son retour, elle s’était indignée d’entendre son oiseau, qui n’avait jamais prononcé le moindre mot ni en français ni en créole, lui débiter aussitôt :
« Saleté ! Saleté de bestiole ! Heureusement qu’ils vont la reprendre ! Saleté ! »
Nos relations se sont dès lors à nouveau très distendues.
D’où la haie.
Même Modestine, notre mygale apprivoisée, sentait qu’il y avait de l’eau dans le gaz avec ces gens.
Mais je le jure, ce n’était pas moi. Non, je n’y étais pour rien le jour où madame Gaspard, s’apprêtant à prendre une douche, eut une crise cardiaque en voyant Modestine escalader son mollet.
Je ne suis pas méchant, je l’ai dit. La preuve c’est que je suis même allé la voir à l’hôpital. Elle était branchée de partout, un masque sur le nez, les yeux fermés.
Je me suis approché, espérant enfin pouvoir amorcer un dialogue apaisé avec cette pauvre femme.
C’est alors que j’ai vu soudain ses yeux s’ouvrir en grand, quasiment sortir de leurs orbites, me fixant intensément, et qu’elle a prononcé très fort ces mots, incompréhensibles pour moi :
— Shougarone, estamananaouri, léogoune !!
Et elle a poussé son dernier soupir dans l’instant…
Je suis allé à son enterrement.
A la fin de la cérémonie je me suis approché du mari pour les condoléances et je lui ai glissé :
— Voisin, votre femme a dit quelques mots tout juste avant de mourir, des mots qui me sont restés gravés mais que je n’ai pas compris. Je pense que c’est important pour vous, pour sa mémoire. Elle a dit « Shougarone, estamananaouri, léogoune ». Vous comprenez ?
Je n’avais pas parlé bien fort, pourtant j’ai vu la maman de la morte s’évanouir et le veuf me regarder bizarrement.
Un ami de la famille s’est approché, m’a posé une main lourde sur l’épaule, et m’a dit à l’oreille :
— Ça veut dire « Enlève ton pied, tu écrases le tuyau d’oxygène, connard !! »
Je suis assez d’accord avec l’adage selon lequel le voisin serait un animal nuisible assez proche de l’homme.
1 – désolé, je n’ai pas réussi à faire du dialogue pur et dur, surtout tout du long.
2 – Et 5000 signes, c’est bien trop peu !
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« Noms d’oiseaux »
L’histoire a commencé il y a un an à peu près.
C’était bien avant que la haie de séparation ne mesure deux mètres.
Mais c’était après une longue période de quiétude lotissementale de bon aloi.
Nos nouveaux voisins, des Malgaches à ce qu’on m’avait dit, venaient d’emménager avec enfants, cochon et couvée.
Une femme, son mari, des enfants, un cochon, des poules, ça reste du bon côté du grillage. Par éducation. Ou par obligation.
Mais un chat…
Celui-là avait décidé, allez donc savoir pourquoi, de dormir du bon côté, mais de faire tout le reste du mauvais côté : le mien.
Et « tout le reste » représente une palette d’activités très large.
L’une d’elles consistait à guetter les va-et-vient de notre perruche apprivoisée dont la cage était suspendue sur la terrasse et la petite porte ouverte jour et nuit pour lesdits va-et-vient.
Nous avions recueilli cet oiseau, blessé, trois mois auparavant. A force de soins il avait pu reprendre son envol, même si l’une de ses pattes était restée raide, ce qui le faisait sautiller maladroitement lorsqu’il venait sur la table aux heures des repas.
Un samedi matin ma voisine, me voyant creuser un trou de belle taille au fond de mon jardin, me héla :
— Bonjour voisin, c’est pourquoi ce trou ?
— C’est pour enterrer ma perruche qui est morte.
— Oh, désolée. Mais c’est un bien grand trou pour une si petite bête.
— Nan ! C’est parce que ma perruche est à l’intérieur de votre chat.
Et j’ai posé ma pioche pour aller me mettre à l’abri des hurlements féroces de ma voisine.
Nos relations de voisinage débutaient.
Le lendemain de cet incident déplorable, je creusais 51 trous identiques le long de la clôture pour y planter autant de bougainvilliers, aujourd’hui resplendissants et surtout occultants…
Ma voisine, – madame Gaspard je l’appelle, mais seulement dans ma tête – n’est pas rancunière. Moi oui. En revanche je ne suis pas méchant. Du moins pas avec les gens non rancuniers.
Mais ma voisine est une copieuse. Peut-être même une envieuse. Je n’ai jamais réussi à déchiffrer le fond de sa personnalité. Toujours est-il qu’elle a toujours voulu imiter, et bien sûr en mieux, ce qu’elle voyait de l’autre côté du grillage.
D’où la haie.
D’où aussi, dès notre perruche arrivée, le besoin impérieux de posséder à son tour un oiseau. Mais en mieux. En plus gros. Et qu’est-ce qui ressemble le plus à une perruche en plus gros ? Un ara pardi. La bestiole fut installée à demeure sur leur terrasse, en face de la nôtre.
D’où la haie.
On s’habitue à tout. Même au cri strident de l’ara la nuit au fond des terrasses. Alors qu’on est obligés de vivre en toutes saisons fenêtres ouvertes à cause de la température.
Je le disais, ma voisine n’a pas de rancune. Elle n’a pas d’humour non plus.
Quelques semaines après le décès brutal de notre perruche, partant en vacances, elle nous avait demandé de bien vouloir lui garder son ara en pension.
Le récupérant à son retour, elle s’était indignée d’entendre son oiseau, qui n’avait jamais prononcé le moindre mot ni en français ni en créole, lui débiter aussitôt :
« Saleté ! Saleté de bestiole ! Heureusement qu’ils vont la reprendre ! Saleté ! »
Nos relations se sont dès lors à nouveau très distendues.
D’où la haie.
Même Modestine, notre mygale apprivoisée, sentait qu’il y avait de l’eau dans le gaz avec ces gens.
Mais je le jure, ce n’était pas moi. Non, je n’y étais pour rien le jour où madame Gaspard, s’apprêtant à prendre une douche, eut une crise cardiaque en voyant Modestine escalader son mollet.
Je ne suis pas méchant, je l’ai dit. La preuve c’est que je suis même allé la voir à l’hôpital. Elle était branchée de partout, un masque sur le nez, les yeux fermés.
Je me suis approché, espérant enfin pouvoir amorcer un dialogue apaisé avec cette pauvre femme.
C’est alors que j’ai vu soudain ses yeux s’ouvrir en grand, quasiment sortir de leurs orbites, me fixant intensément, et qu’elle a prononcé très fort ces mots, incompréhensibles pour moi :
— Shougarone, estamananaouri, léogoune !!
Et elle a poussé son dernier soupir dans l’instant…
Je suis allé à son enterrement.
A la fin de la cérémonie je me suis approché du mari pour les condoléances et je lui ai glissé :
— Voisin, votre femme a dit quelques mots tout juste avant de mourir, des mots qui me sont restés gravés mais que je n’ai pas compris. Je pense que c’est important pour vous, pour sa mémoire. Elle a dit « Shougarone, estamananaouri, léogoune ». Vous comprenez ?
Je n’avais pas parlé bien fort, pourtant j’ai vu la maman de la morte s’évanouir et le veuf me regarder bizarrement.
Un ami de la famille s’est approché, m’a posé une main lourde sur l’épaule, et m’a dit à l’oreille :
— Ça veut dire « Enlève ton pied, tu écrases le tuyau d’oxygène, connard !! »
Je suis assez d’accord avec l’adage selon lequel le voisin serait un animal nuisible assez proche de l’homme.
1 – désolé, je n’ai pas réussi à faire du dialogue pur et dur, surtout tout du long.
2 – Et 5000 signes, c’est bien trop peu !
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Re: VOISIN-VOISINE : Noms d'oiseaux
La chute est absolument délicieuse ! (C'est une vraie phrase malgache, ou vous avez inventé ?)
En revanche, le manque de dialogue rend l'ensemble un peu poussif à mon goût, bien que joliment écrit...
En revanche, le manque de dialogue rend l'ensemble un peu poussif à mon goût, bien que joliment écrit...
Invité- Invité
Re: VOISIN-VOISINE : Noms d'oiseaux
Bravo ! Tu es arrivé à détourner avec dérision un cliché vieux comme le monde, la haie de séparation.
Franchement une tranche de vie écrite dans le plus pur style de l'humour noir.
Franchement une tranche de vie écrite dans le plus pur style de l'humour noir.
Re: VOISIN-VOISINE : Noms d'oiseaux
Il y a, encore et toujours, beaucoup beaucoup d'humour.
Du fin, du gras.
L'écriture est bonne, à part cette phrase un peu longue :
Mention spéciale pour la redondance "d'où la haie".
Du fin, du gras.
L'écriture est bonne, à part cette phrase un peu longue :
J'ai beaucoup aimé.L’une d’elles consistait à guetter les va-et-vient de notre perruche apprivoisée dont la cage était suspendue sur la terrasse et la petite porte ouverte jour et nuit pour lesdits va-et-vient.
Mention spéciale pour la redondance "d'où la haie".
Re: VOISIN-VOISINE : Noms d'oiseaux
L'écriture s'affermit et l'humour est toujours là.
j'aimerais savoir aussi, si la phrase malgache est réelle ?
j'aimerais savoir aussi, si la phrase malgache est réelle ?
Yali- Nombre de messages : 8624
Age : 59
Date d'inscription : 12/12/2005
Re: VOISIN-VOISINE : Noms d'oiseaux
désolé, j'ai fait "à l'oreille". A part quelques mots, je comprends pas ma voisine quand elle engueule son porc :-))
Re: VOISIN-VOISINE : Noms d'oiseaux
C'est sûr que des histoires de voisin-voisine racontées comme ça on en redemande !
Invité- Invité
Re: VOISIN-VOISINE : Noms d'oiseaux
Excellent ! Merci pour la chute.
Jolie tournure !une longue période de quiétude lotissementale
Lucy- Nombre de messages : 3411
Age : 46
Date d'inscription : 31/03/2008
Re: VOISIN-VOISINE : Noms d'oiseaux
Texte génial. Bis !
ekue- Nombre de messages : 51
Age : 37
Date d'inscription : 16/10/2008
Re: VOISIN-VOISINE : Noms d'oiseaux
ah! les blagues de mentor!
cette fois, c'est du tout bon.
la chute façon "ya t'il un pilote..." passe aussi... et ça c'est pas facile à faire
cette fois, c'est du tout bon.
la chute façon "ya t'il un pilote..." passe aussi... et ça c'est pas facile à faire
grieg- Nombre de messages : 6156
Localisation : plus très loin
Date d'inscription : 12/12/2005
Re: VOISIN-VOISINE : Noms d'oiseaux
ça ronronne un peu dans la facilité, mais vous maniez plutôt pas mal l'art de l'étirement et du comique de répétition.
pierre-henri- Nombre de messages : 699
Age : 65
Localisation : Raiatea
Date d'inscription : 17/02/2008
Re: VOISIN-VOISINE : Noms d'oiseaux
je m'attendais pas à la chute, j'ai faillie m'étouffer de rire... j'éviterais de boire du thé (ou autre chose d'ailleurs) en te lisant à l'avenir.
Annween- Nombre de messages : 9
Age : 45
Date d'inscription : 22/10/2008
Re: VOISIN-VOISINE : Noms d'oiseaux
Pour ma part il n'y a rien à changer à cette succession de saynettes. D'ailleurs, c'est sûrement du vécu, ou peu s'en faut, mêlé de souhaité peut-être, n'est-ce pas?
muzzo- Nombre de messages : 618
Age : 89
Localisation : Va savoir...!
Date d'inscription : 13/07/2008
Re: VOISIN-VOISINE : Noms d'oiseaux
Une phrase qui mériterait de passer à la postérité chez les Véliens quand certains fils deviennent encombrants ;-)« Shougarone, estamananaouri, léogoune ».
Nom d'un oiseau! j'ai bien ri, Mentor, et apprécié les petites touches, très couleur-locale qui illuminent ton texte.
Re: VOISIN-VOISINE : Noms d'oiseaux
Ah les joies du voisinage. Ca va lui faire une belle jambe à la voisine de pas être rancunière là où ell est . Je ne m'attendais pas à la chute, du tout. Amusant.
Zou- Nombre de messages : 5470
Age : 62
Localisation : Poupée nageuse n°165, Bergamini, Italie, 1950-1960
Date d'inscription : 12/12/2005
Re: VOISIN-VOISINE : Noms d'oiseaux
AAAAAAH ça faisait longtemps que je n'avais pas eu le plaisir de lire les tribulations de la bonne vieille plume de Guy Mentor (même Modestine est de la partie!) et ben ça fait... bien plaisir, justement! La chute plutôt inattendue, mais comme quoi, ça permet de contourner le problème des 5000 signes!
Bien amusant en tout cas.
Bien amusant en tout cas.
Chako Noir- Nombre de messages : 5442
Age : 33
Localisation : Neverland
Date d'inscription : 08/04/2008
Re: VOISIN-VOISINE : Noms d'oiseaux
quiétude lotissementale : j'adore
dès notre perruche arrivée, maladroit
Excellente phase d'introduction pour planter un décor augurant toutes espèces de mésaventures entre ces voisins là.
Merci pour ce moment d'hilarité communicative, inquiétant. Pour le coup l'aide soignante tente d'apaiser mon hoquet.
Grâce à toi, le malgache n'a plus de secret.
dès notre perruche arrivée, maladroit
Excellente phase d'introduction pour planter un décor augurant toutes espèces de mésaventures entre ces voisins là.
Merci pour ce moment d'hilarité communicative, inquiétant. Pour le coup l'aide soignante tente d'apaiser mon hoquet.
Grâce à toi, le malgache n'a plus de secret.
bertrand-môgendre- Nombre de messages : 7526
Age : 104
Date d'inscription : 15/08/2007
Re: VOISIN-VOISINE : Noms d'oiseaux
La fin est vraiment excellente, j'adore!
Marie D- Nombre de messages : 36
Age : 38
Localisation : dans mon univers, ou en gironde
Date d'inscription : 27/10/2008
Re: VOISIN-VOISINE : Noms d'oiseaux
J'ai eu un peu de mal à raccrocher ces petites scènes de voisinage entre elles mais j'ai apprécié l'humour léger et le ton spontané du texte.
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