EDIFIANT : C'est ridicule mais au moins elle sourit

Aujourd’hui il fait froid. Il a même neigé un peu partout. Moi qui avais commandé une paire de gant pour Noël, c’est tombé à pic. Je vais pouvoir balader mes gants dans la rue et me moquer de ceux qui n’en avaient pas. Je sais, ce n’est pas très moral, mais si on ne peut plus rire du malheur des autres, alors de quoi peut-on rire par les temps qui courent ?
Allez hop, faisons fi de la température, du vent qui commande à mes jambes de faire demi-tour pour la chaleur de mon studio, de ce blanc couleur publicité pour lessive qui annonce que par chez moi l’usage du sel se limite à la table. Et puis allez, j’ai de la musique: mes dents et mes genoux, tempo allegretto, il faut au moins ça pour démarrer le moteur.
Le moteur ne démarre pas, tant pis j’irais à pattes. Un peu plus loin un type est en train de prier pour ne fouler le sol qu’avec ses pieds. Il est con, il devrait se concentrer sur ses pieds, justement. C’est-ce que je fais, et j’avance sans embûche. Dans sa grande mansuétude l’asphalte verglacé ne s’occupe pas de moi, le type en revanche vient l’embrasser à pleine bouche deux secondes après. Je ris, ce n’est pas très moral, et puis tant pis. La prochaine fois il mettra des après-skis. C’est moche, mais au moins il tombera pas. Quoique chez nous les après-skis, c’est comme le dahu: on en a entendu parler mais on n’en a jamais vu. Finalement je crois qu’il sera réduit à une paire de bottes. C’est moche quand même.

Au boulot y a un collègue justement qui est venu avec une paire de bottes. Je lui ai demandé s’il avait songé à sa sécurité ou à notre hilarité. Parce que pour sa sécurité je sais pas, mais pour notre hilarité en tout cas ç’avait été pour le moins un moment dantesque, une euphorie équivalente à un triplage du chiffre en bas de notre fiche de paie. C’était pas moral, mais franchement, qu’est-ce qu’on s’en balance.

Bon allez c’est pas tout, mais le principe essentiel du boulot c’est que faut le faire même si ça fait chier. En l’occurrence, ça fait chier. L’air de rien, je jette un œil chez ma voisine de droite, puis deux, puis toute ma tête, mes deux bras accoudés sur l’angle de son bureau, et finalement seul mes fesses restent accrochées à la chaise.
- Salut, comment va ce matin ?
Je sais, comme entrée en matière on fait mieux, mais le mieux je préfère le réserver pour un cadre autre que celui du taf.
- Salut, ça va et toi ?
De toute façon, si c’est pour obtenir une réponse dans ce style-là, à quoi servent les belles phrases ? Au moins elle me regarde, c’est-ce que je voulais.
- Pas terrible jusqu’à maintenant, jusqu’à ce que ton regard de braise ait fait fondre chaque parcelle de neige égarée sur ma peau frileuse.
C’était ridicule, mais au moins elle sourit, c’est-ce que je voulais.
Je remarque un objet inhabituel entre ses classeurs.
- Ça ? Oh ce n’est rien, juste une plume de flamant rose. Ma petite soeur qui me l’a ramenée du zoo.
- Oah, dis donc, que c’est zouli !
- Tu n’as pas de soeur ?
- Non.
- Ça se voit.
Je me tais. Que voulez-vous que je réponde ? Je me contente de la regarder, de me dire que vu le cadeau sa sœur ne doit pas être bien vieille. Ce n’est qu’une supposition, mais en la contemplant il me vient à l’esprit que lorsqu’elle a commencé à devenir une femme ses parents ont dû se féliciter du travail accompli, s’apercevoir qu’en elle ils avaient réalisé un pur chef d’œuvre, et se dire qu’ils devraient faire profiter l’humanité de leur talent une seconde fois. Inutile de préciser que ma voisine est dans le genre super belle.
- Et bien quoi, tu veux ma photo ?
- C’est si gentiment proposé…
- Fais donc pas l’andouille. Prête-moi une chemise, tu veux ?
- Mazette, Madame me déshabille ?
- Pour l’amour du ciel !
Bon faut que j’arrête, si je deviens trop lourd je vais devoir trouver quelqu’un d’autre pour partager la pause café. Et vu comme elle est gaulée, ça m’embêterait quand même un peu.
Comment montrer à une jolie femme qu’on n’est pas aussi con qu’on en a l’air sans passer pour un con ?
- Une plume de flamant rose, hein ?
- Oui mon vieux, je sais bien que c’est un objet parfaitement inutile au travail de bureau, que oui peut-être je suis une grande sentimentale qui accorde beaucoup trop d’importance à des objets sans valeur, que peut-être j’aurais du lui dire que les plumes de flamant rose tout le monde s’en fout et que…
J’adore quand elle monte sur ses grands chevaux. Un instant je l’imagine en amazone sur un étalon au crin noir et brillant, cavalière émérite, le regard pétillant, les cheveux au vent, un nuage de miel pourfendant le zéphyr.
- Moi je la trouve très jolie, cette plume de flamant rose.
- Vraiment ?
- Oui. Je dirais même que je l’envie.
- Vraiment ?
- Oui, en l’imaginant se promener sur ton visage, se perdre dans tes cheveux sous la caresse de tes doigts, en imaginant tous les mots doux que tu peux lui dire, alors je l’envie.
- Tu veux que je te dise des mots doux ?
Elle se marre. Est-ce que je viens de passer pour un con ?
- Des mots doux je ne sais pas, mais si quelques mètres dans la neige ne t’embêtent pas, je connais un coin sympa à deux pas d’ici, histoire de changer un peu de la cantoche, histoire de savourer un peu de toi.
Ses sourcils se lèvent en accent circonflexe, en chapeau chinois, en as de pique, ce que voulez, mais en tout cas en quelque chose au charme pointu.
- Bah… pourquoi pas ?

Si ça se trouve je vais me vautrer sur les pavés, si ça se trouve elle va rigoler, ce sera pas moral, et ça nous fera un sujet de conversation au resto. Alors franchement, qu’est-ce qu’on s’en balance ! Un jour, si j’ai une petite fille, faudra que je l’emmène au zoo.

Je vais pouvoir balader mes gants dans la rue et me moquer de ceux qui n’en avaient pas.

De ceux qui n'en ont pas. ^^

J'ai pas compris ce qui est censé être édifiant, mais disons que tu appliques parfaitement le principe : "les contraintes sont faites pour être dépassées".

Sympa, ton texte, j'aime. :-)
Je trouve le début un chouilla longuet. Et il doit manquer une relectures, je dirais. Quelques phrases en trop, quelques phrases trop longues, trop ponctuées, trop faciles : pas grand chose, mais dommage.

Mais j'en garde quelques unes bien placées :

Et puis allez, j’ai de la musique: mes dents et mes genoux, tempo allegretto,

Quoique chez nous les après-skis, c’est comme le dahu: on en a entendu parler mais on n’en a jamais vu.

Comment montrer à une jolie femme qu’on n’est pas aussi con qu’on en a l’air sans passer pour un con ?

Ses sourcils se lèvent en accent circonflexe, en chapeau chinois, en as de pique, ce que voulez, mais en tout cas en quelque chose au charme pointu.

Et bravo ! J'ai beau chercher la petite bête, y'a pas à dire, j'aime ! ^^

Je vois pas le rapport avec l'édifiance (sic) !
Sinon l'absence d'édifiance (re-sic) ?

C'est un chouette texte, bien écrit, plein d'humour et de vivacité mais (y'a toujours un mais) je sens poindre une influence très babylonienne...
T'as dû prendre une claque y'a pas longtemps.
Prends un peu de recul, t'as un style à toi !

Mais pour redire : vraiment un texte très sympatoche.

kazar a écrit:C'est un chouette texte, bien écrit, plein d'humour et de vivacité mais (y'a toujours un mais) je sens poindre une influence très babylonienne...

Ah ah !
Une influence très influente, faut dire. Moi non plus ça a pas loupé. ;-) Contente de voir que je ne suis pas la seule influençable. ^^

Oui, sympatique, mais un peu forcé ( les passages sur ce qui n'est pas moral, pour le contraste, pour lui trouver quelque chose d'édifiant ?)... J'ai aimé les mêmes phrases qu'Eva, (pratique pour une flemmarde !^^)

Le sentiment qui prévaut c'est cette redondance d'exemples édifiants pris à contrepied, en d'autres mots tu en fais trop, comme le personnage du texte je dirais... En fait ce n'est pas trop le nombre d'exemples qui m'embête que le fait que tu te sois senti obligé de dire chaque fois :

ce n’est pas très moral,

et du coup ça m'empêche de savourer le récit. Pourtant j'ai repéré de bons passages, au début notamment, j'ai aimé :

Et puis allez, j’ai de la musique: mes dents et mes genoux, tempo allegretto, il faut au moins ça pour démarrer le moteur.
Le moteur ne démarre pas, tant pis j’irais à pattes. Un peu plus loin un type est en train de prier pour ne fouler le sol qu’avec ses pieds. Il est con, il devrait se concentrer sur ses pieds, justement.

D'accord t'as un peu appuyé sur la pédale "ce n'est pas moral" pour répondre au thème. Mais à part ça, j'ai trouvé ton texte agréable, alerte et pétillant.

J'ai aimé le texte à partir du dialogue avec la voisine, bien troussé, alerte, sympa. avant, j'ai trouvé l'ensemble assez lourd, trop démonstratif avec les "ce n'est pas moral", comme d'autre l'ont relevé.

"Finalement je crois qu’il sera réduit à une paire de bottes." Qui ça, il ?

"d'autres", pardon.

La claque Babylonienne? Moi? Je te réponds double accent circonflexe! ^^
Bon effectivement le "c'était pas moral..." un petit peu plutôt pas mal carrément lourd.
Bon j'avoue, texte écrit en 20 minutes histoire de participer, sans avoir passé beaucoup de temps à la relecture, juste un minimum...
Enfin, ridicule ou pas, mon but c'est juste de faire sourire.
La prochaine fois j'enlèverai la case "moralité", promis.

Un peu forcé,(ça a déjà été dit) mais un texte qui se laisse lire agréablement (ça aussi) et j'aime beaucoup le titre.

Il ne te reste plus qu'à lisser tes plumes pour t'envoler loin et trouver d'aventure en aventure les sujets sortant de l'ordinaire.
Ta prose est sympa à lire.

Le moteur ne démarre pas, tant pis j’irais à pattes.

L'habitude de dire à pinces. Je connaissais pas à pattes. ^^

Sympathique mais pas super emballée. Le gars a un vocabulaire parfois un peu juste un peu enfantin. Édifiant ? Suis réservée.

si j'ai eu du mal à entrer dedans, j'ai pris du plaisir à la lecture de ton texte.
j'aime bien ton personnage.
j'aime bien ta façon quand tu n'essaye pas de trop en dire (comme au début du texte)

Super ça :
Ses sourcils se lèvent en accent circonflexe, en chapeau chinois, en as de pique, ce que voulez, mais en tout cas en quelque chose au charme pointu.

Pour le reste, ça se lit facilement, c'est vivant, plutôt drôle, mais pas été totalement emballée. Peut-être, oui, un côté un peu enfantin chez le personnage qui du coup crée un décalage. Idem au niveau des dialogues, parfois, me semble pas être plausibles dans la réalité.
Bon, un jeune homme qui me drague en me sortant "que c'est zouli", hum...
Après, c'est cette maladresse aussi qui donne son sens au texte, mais elle aurait justement pu être un peu moins maladroite, moins poussée, pour que ce soit d'avantage crédible...

Où habites-tu ? Dans le sud ? Est-ce la neige qui t'a donné l'idée de ce texte ?
Moi je trouve qu'il correspond assez à la consigne. Il y a les flamants roses et un histoire légèrement sentimentale. C'est plus une histoire de drague, mais qui dit qu'il n'y a pas de l'amour derrière...
En tout cas, un texte qui a la pêche, que j'ai bien aimé.
Il y a juste l'histoire du type au bureau qui a des bottes. Pourquoi ça fait rire tout le monde ? Elle sont comment ses bottes ? En plastique ?

Ben voilà encore un texte qui pour moi ne sonne pas « édifiant » comme je l’imaginais. Décidément… Ca doit être moi… Heureusement qu’il y a la dernière phrase, la seule qui vraiment m’a fait sourire parce qu’elle n’a rien à faire là. Sinon c’est bien mignon et ça coule tout seul. A part quelques petits mots grossiers un peu inutiles.

J'ai parfois eu l'impression que ce texte avait été écrit au fil de la plume, sans construction particulière.
Du coup, oui, il y a un côté spontané, vivant, mais en même temps, le tout manque de lien, tes personnages manquent d'ampleur et de "cohérence" dans le sens où je ne sais pas où tu les emmènes, ni quelle portée tu veux réellement donner à ce dialogue.
Bref, il manque une ambition à ce texte mais il n'est pas pour autant dénué d'intérêt !

Ah oui, il m'a fait sourire voire rire aussi dans certains passages ce texte.
Les dialogues notamment sont rapides mais vraiment agréables.
J'ai aimé le côté "c'est pas moral mais j'm'en fous".
Quelques maladresses mais là je ne vais que répéter ce qui a déjà été dit plusieurs fois en mieux au-dessus.

Et je suis étonnée que tu aies choisi cette phrase pour le titre plutôt qu'une autre. C'est pas plus mal mais c'est étonnant.

sympa, frais, marrant. un peu vite écrit et quelques redondances. Le dahu, la neige ... c'est pas loin de chez moi ;-)

Beaucoup aimé, Chako !
Tout n'est pas parfait, loin de là, il y a trop d'insistance sur certains aspects mais de manière générale, je trouve que ça colle bien avec l'exo demandé. L'édifiance, elle est là à travers toute la banalité beauf de ce type qui se tape une drague à deux balles et se marre de sa propre bêtise. Ce n'est pas moral? Y a que comme ça qu'on vit hein, même si on jure l'inverse !
C'est drôle, léger, ça ne se prend pas trop au sérieux et ça ne prétend pas autre chose, donc ça me va :-)