Lettres à la bergère

1/3




Ma chère,

Aujourd'hui est un grand jour. Rien ne le laisse présager – mais aujourd'hui est un grand jour – Vous me direz que c'est une affaire de perspectives

- BUENO - je suis d'accord avec vous mais je suis encore plus d'accord avec le fait qu'aujourd'hui est un grand jour.


Dans le train qui me conduisait à Milan, je savais que les bars auraient des serveuses
- on me l'a dit-
Que les ardoises seraient pleines – c'est le cas partout pourquoi une exception?- je savais que le romantisme ne toucherait que les infâmes qui l'appellent ( Re-perspective).


Je voyais les crues d'hommes avaler la route quand le bonhomme immobile devient une herbe digitale.
Je pensais surtout que je n'ai pas pris mon radio-réveil et à cette heure-là, j'envisageais la journée du Nord de mon Sud actuel.

- Souviens-toi que je programme mon alarme sur des heures ingrates
7:21, 14:37, 10:52 -

JE SAIS
JE SAIS

Le manège des rails est mon divan.

JE SAIS. Les jours de réveil forcé, le regard aux chiffres est intolérable.
Il rappelle des forces qu'il va falloir mobiliser bientôt pour – je dis
bien couler – hors du lit.

Figé sur place: 7:00
8:30
15:00

JE SAIS

Lorsque je me tourne vers le délinquant matinal, mes heures ingrates me m'exécutent pas.

7:27, 7:28



Il me semble me lever sans cause. J'ai dérapé du bagne. Je vois le manteau frapper avec la douceur d'une langue.

Voilà où je traîne quand un paysage nouveau le fait devant mes yeux. J'ai au moins l'impression de rentabiliser mon billet.



A part ça, il me plairait assez recevoir de vos nouvelles bientôt. J'ai fait suivre mon adresse.

Je vous envoie le meilleur souvenir de votre
. .)

2/3






Ma chère,

Existe t-il un subterfuge au froid lorsqu'on est prisonnier d'une région sans jour. N'est-ce pas le soleil qui chauffe? Les professeurs s'accordent à ce sujet. Soleil = Chaleur

Je comprends la course de fourmis dans mes phalanges. Elles sont assez perturbatrices mais ont au moins le mérite de savoir trouver l'aisance dans toutes les circonstances. Je crains que ce ne soit mon cas.
D'autant plus que le temps court à la vitesse de la température, -8 kilomètres à l'heure. Un savant chevelu détermina la proportionnalité entre la vitesse et le temps, je le crois. Compression du temps.
J'ajouterai que son étirement est finement lié à celui des poils sur la peau. Je veux devenir savant.

Energy = Mass of Cold 2


Même s'il ne fait pas bien plus chaud chez vous, j'ai très envie de vous revoir. Il paraît que vous avez quelques étoiles amorphes dans leur lit. Je veux voir ça.
Je rêve de ça depuis deux jours.
Parlez-moi de vous.


J'attends de vos nouvelles.

Votre toujours votre,

. .)

3/3





Voilà plusieurs mois que je ne vous pas écrit mais je travaillais à quelque chose d'important (pour moi) et était dans l'impossibilité de fournir une réponse adéquate et sereine à votre précédent courrier.

En parlant de votre courrier, je suis content d'avoir eu de vos nouvelles entre deux traites. Vos chèvres sont rebelles?? Ne vous-en étonnez pas.
Que diriez-vous si on vous malaxait les seins afin de réunir du lait, et plus tard, de l'argent?
Peut-être pas que du bien.


Pour reprendre le fil de mes anciennes lettres, je ne vais parler que de moi, de moi, et exclusivement de moi. Apparemment, cela ne vous déplaît pas vu que m'accordez votre oreille et vos réponses en retour.



Il y a certaines choses cachées, même des plus intimes que l'on aimerait sortir pour faire enfin échouer la vague sur le sable et laisser une onde tellement petite qu'elle en est blanche comme un flocon.


Ma petite me manque. Je vois en synthèse ses regards des jolis jours quand l'océan était près de nous. AIE. Je regarde au travers des photos ses expressions laissées vides par trois cents kilomètres bien sinueux.
Je ne dis pas que mes journées soient gâchées par cette absence, l'écriture m'occupe une partie importante de la vie du soleil.

Cependant, il est plus facile de vivre à ses côtés.
Il est plus facile de pouvoir la voir par un simple geste de tête.
Il est plus joli d'écrire quand elle est couchée, endormie ou non, dans sa couverture rose où j'aime aussi me reposer.

Je ne sais pas trop pourquoi je vous raconte ça, vous ne savez rien de la vie sociale, juste de l'ovine, mais je comprends aujourd'hui que vous êtes la seule à être apte à l'entendre.


Je vous laisse en proie à vos problèmes de pâture et souhaite très bientôt vous rejoindre sous le ciel masqué d'un loup géant.

Je vous écrirai bientôt même sans réponse de votre part.


Votre,
. .)

J'ai aimé la troisième lettre mais pas les deux premières, trop éclatées ; j'ai faill décrocher faute de trouver un fil conducteur.

Cela dit, il y a à mon avis quelques maladresses, même dans la troisième lettre :
"Il y a certaines choses cachées, même des plus intimes que l'on aimerait sortir pour faire enfin échouer la vague sur le sable et laisser une onde tellement petite qu'elle en est blanche comme un flocon." (dommage, parce que l'idée est belle)
"vous êtes la seule à être apte à l'entendre"

Mais j'adore
"Je vous laisse en proie à vos problèmes de pâture et souhaite très bientôt vous rejoindre sous le ciel masqué d'un loup géant."

Dans l'ensemble, j'ai beaucoup aimé, mais la première lettre recueille mes préférences. J'aime cet aspect éclaté, décousu, cette manière faussement absurde de passer du coq à l'âne. Pas simple à manipuler sous peine de passer pour chaotique. Ici, un fil se dessiné, ténu mais présent et j'ai eu du plaisir à m'y tenir.