La Piscine
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Anne Veillac
Evanescent
Sahkti
lilicub
Alskay
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La Piscine
Oï !
Je reviens avec deux tout petits textes à caractère autobiographiques - disons anecdotiques. En espérant qu'ils vous plairont !
Entre la Vie et la Morve
Vous avez cinq ans. Votre chère maman vient de vous confier à homme étrange dont les gros doigts vous écrasent les côtes. Vous êtes en ce moment même en suspension, entre la vie et la morve au milieu du grand bassin, dans les bras de ce grand con qui vous menace de vous lâcher si vous ne coopérez pas. Allez-vous lui dire quel est votre prénom, sous prétexte qu'il vous le demande et que votre mère, juchée sur un plot (au sec), se ronge les ongles en vous faisant des signes frénétiques auxquels vous ne comprenez strictement rien ? Oui, moi aussi tu me manques, maman ! Mais qu'est-ce qu'il me veut, lui ?!
Vous réfléchissez, vous essayez tout du moins, mais rien n'y fait, et tout devient flou. Le corps tout anguleux du maître nageur se met à onduler sous vos yeux. D'ailleurs, vos yeux vous piquent, c'est affreux. Vous commencez à vous gratter du revers de la main, mais rien n'y fait. C'est même pire. Et puis tout redevient clair. Vous toussez. Votre respiration revient tant bien que mal, comme une voiture dont la batterie manque de céder à l'allumage. Quelques dernières gouttes d'eau finissent par s'écouler hors de vos narines, emportant avec elle la saveur salée d'une morve abondante et diluée par l'eau chlorée de ce foutu grand bassin.
Vos petit bras – plutôt musclés pour votre age – battent l'eau avec ferveur. Ça y est ! Non seulement vous allez vous en tirer, mais non content de nager, vous allez vous élever au dessus de la surface de l'eau, vous allez voler dans les air, et peut-être même allez-vous réussir à pisser sur la tête épatée de votre bourreau. Mais rien n'y fait, et vous ne réussissez qu'à vous envoyer de l'eau plein les yeux – et qu'est-ce qu'elle pique, cette eau. Peut-être que quelqu'un a déjà pissé dedans ? Non. Impossible. Un examen rapide vous révèle qu'aucune tache bleue foncée ne flotte dans l'eau – c'est bien connu, toutes les piscines sont équipées de ce genre de détecteurs.
Après un quart d'heure de lutte acharnée ; deux immersions (contrôlées et délibérément provoquées bien évidemment) ; et une vidange, vous décidez enfin de changer de stratégie. Il veut votre prénom ? Il va l'avoir. D'ailleurs, dans quelques années vous comprendrez que le gros lard qui vous tenait en avait plus après votre mère qu'après votre hypothétique avenir de nageur olympique. Et vous voilà touché par la grâce. Alors vos abdominaux forgés au Galac(tm) se contractent, faisant remonter de vos poumons écrasés tout l'air qu'il vous reste. Vous éructez :
SEBASTIEEEN !
Deux minutes plus tard, vos petits pieds tremblent sur un carrelage de fine mosaïque blanche et bleu. Une serviette rêche (mais sèche) vous enveloppe, et vous jurez solennellement, devant toute cette eau, que jamais plus vous ne parlerez sous la torture. Non. Jamais.
Je reviens avec deux tout petits textes à caractère autobiographiques - disons anecdotiques. En espérant qu'ils vous plairont !
Entre la Vie et la Morve
Vous avez cinq ans. Votre chère maman vient de vous confier à homme étrange dont les gros doigts vous écrasent les côtes. Vous êtes en ce moment même en suspension, entre la vie et la morve au milieu du grand bassin, dans les bras de ce grand con qui vous menace de vous lâcher si vous ne coopérez pas. Allez-vous lui dire quel est votre prénom, sous prétexte qu'il vous le demande et que votre mère, juchée sur un plot (au sec), se ronge les ongles en vous faisant des signes frénétiques auxquels vous ne comprenez strictement rien ? Oui, moi aussi tu me manques, maman ! Mais qu'est-ce qu'il me veut, lui ?!
Vous réfléchissez, vous essayez tout du moins, mais rien n'y fait, et tout devient flou. Le corps tout anguleux du maître nageur se met à onduler sous vos yeux. D'ailleurs, vos yeux vous piquent, c'est affreux. Vous commencez à vous gratter du revers de la main, mais rien n'y fait. C'est même pire. Et puis tout redevient clair. Vous toussez. Votre respiration revient tant bien que mal, comme une voiture dont la batterie manque de céder à l'allumage. Quelques dernières gouttes d'eau finissent par s'écouler hors de vos narines, emportant avec elle la saveur salée d'une morve abondante et diluée par l'eau chlorée de ce foutu grand bassin.
Vos petit bras – plutôt musclés pour votre age – battent l'eau avec ferveur. Ça y est ! Non seulement vous allez vous en tirer, mais non content de nager, vous allez vous élever au dessus de la surface de l'eau, vous allez voler dans les air, et peut-être même allez-vous réussir à pisser sur la tête épatée de votre bourreau. Mais rien n'y fait, et vous ne réussissez qu'à vous envoyer de l'eau plein les yeux – et qu'est-ce qu'elle pique, cette eau. Peut-être que quelqu'un a déjà pissé dedans ? Non. Impossible. Un examen rapide vous révèle qu'aucune tache bleue foncée ne flotte dans l'eau – c'est bien connu, toutes les piscines sont équipées de ce genre de détecteurs.
Après un quart d'heure de lutte acharnée ; deux immersions (contrôlées et délibérément provoquées bien évidemment) ; et une vidange, vous décidez enfin de changer de stratégie. Il veut votre prénom ? Il va l'avoir. D'ailleurs, dans quelques années vous comprendrez que le gros lard qui vous tenait en avait plus après votre mère qu'après votre hypothétique avenir de nageur olympique. Et vous voilà touché par la grâce. Alors vos abdominaux forgés au Galac(tm) se contractent, faisant remonter de vos poumons écrasés tout l'air qu'il vous reste. Vous éructez :
SEBASTIEEEN !
Deux minutes plus tard, vos petits pieds tremblent sur un carrelage de fine mosaïque blanche et bleu. Une serviette rêche (mais sèche) vous enveloppe, et vous jurez solennellement, devant toute cette eau, que jamais plus vous ne parlerez sous la torture. Non. Jamais.
Alskay- Nombre de messages : 242
Age : 38
Date d'inscription : 06/08/2008
Re: La Piscine
Tragique et drôle, Alskay !
Juste deux détails :
l'ablation me fait un peu bizarre, là :
et là, je trouve que gratter n'est peut-être pas le meilleur verbe ?
Juste deux détails :
l'ablation me fait un peu bizarre, là :
vous confier à homme étrange
et là, je trouve que gratter n'est peut-être pas le meilleur verbe ?
Vous commencez à vous gratter du revers de la main
Invité- Invité
Re: La Piscine
Je ne peux qu'acquiescer, Coline !
Je n'ai pas vraiment fait de travail de style sur les deux textes que j'ai posté, et tu as bien raison, les deux choses que tu mentionne pourraient être améliorées - comme plusieurs que, je n'en doute pas et je l'espère, certains me feront remarquer.
Merci pour ton commentaire, dont je prends note dans ma version Word ! :-)
Je n'ai pas vraiment fait de travail de style sur les deux textes que j'ai posté, et tu as bien raison, les deux choses que tu mentionne pourraient être améliorées - comme plusieurs que, je n'en doute pas et je l'espère, certains me feront remarquer.
Merci pour ton commentaire, dont je prends note dans ma version Word ! :-)
Alskay- Nombre de messages : 242
Age : 38
Date d'inscription : 06/08/2008
Re: La Piscine
texte plaisant avec un style caustique à point qui me plaît, évidemment ("entre la vie et la morve" excellent !/ pourrait être le titre d'ailleurs plus que le fade "à la piscine")
le "vous" est bien vu : juste distanciation amusée.
tu sembles mêler du vocabulaire et des réflexions de jeune enfant et d'adulte, ceci étant je ne trouve pas cela incongru (cela peut être naturel quand on se remérore des joyeusetés)
âge"
le "vous" est bien vu : juste distanciation amusée.
tu sembles mêler du vocabulaire et des réflexions de jeune enfant et d'adulte, ceci étant je ne trouve pas cela incongru (cela peut être naturel quand on se remérore des joyeusetés)
âge"
lilicub- Nombre de messages : 147
Age : 52
Date d'inscription : 18/11/2008
Re: La Piscine
Très bien vu je trouve ! J'ai préféré de beaucoup ce texte à celui de la campagne.
Invité- Invité
Re: La Piscine
Une écriture alerte, un ton vif pour un texte qui porte à sourire et qui "fait vrai", ne serait-ce l'âge du narrateur qui me paraît avoir des réflexions bien poussées à ce stade précoce de sa vie.
Invité- Invité
Re: La Piscine
Evidemment, ça sent le vécu et d'une manière ou d'une autre, on s'y retrouve toujours bien un peu. Voilà qui me rappelle quelques scènes épiques avec le marsu à la piscine :-)
Tu retranscris tout cela dans un langage familier et plaisant, c'est léger et ça donne le sourire. Tu ne prétends pas à autre chose et c'est bien, je trouve.
Tu retranscris tout cela dans un langage familier et plaisant, c'est léger et ça donne le sourire. Tu ne prétends pas à autre chose et c'est bien, je trouve.
Sahkti- Nombre de messages : 31659
Age : 50
Localisation : Suisse et Belgique
Date d'inscription : 12/12/2005
Re: La Piscine
Sympathique, et vrai.
Tu ne cherches pas à donner la vision exclusive d'un enfant ni l'inverse, d'ailleurs, tu racontes seulement comme un souvenir et t'as tout bon.
Tu ne cherches pas à donner la vision exclusive d'un enfant ni l'inverse, d'ailleurs, tu racontes seulement comme un souvenir et t'as tout bon.
Re: La Piscine
Texte que j'ai lu avec beaucoup de plaisir. J'étais vraiment dans la tête de ce petit garçon. Oui, c'est vrai, la distance que tu prends est très importante. Ca empêche tout pathos.
J'ai vraiment lu ce texte comme un souvenir d'enfance qui sonnait vrai, mais aussi comme un souvenir très travaillé au niveau de l'écriture.
J'ai vraiment lu ce texte comme un souvenir d'enfance qui sonnait vrai, mais aussi comme un souvenir très travaillé au niveau de l'écriture.
Re: La Piscine
Très bon =)))Non seulement vous allez vous en tirer, mais non content de nager, vous allez vous élever au dessus de la surface de l'eau, vous allez voler dans les air, et peut-être même allez-vous réussir à pisser sur la tête épatée de votre bourreau.
Je vois parfaitement la tête de l'enfant révolté qui croit dur comme fer à ses ambitions totalement démesurées...
Pour amplifier un petit peu, j'aurais utilisé une image plus monstrueuse que celle du "bourreau", qui fait peut-être un peu trop littéraire et pas assez enfantine.
Un texte très sympa =)
Re: La Piscine
Un texte qui colle le sourire. Bien vu !
Lucy- Nombre de messages : 3411
Age : 46
Date d'inscription : 31/03/2008
Re: La Piscine
Oui ! Un chouette moment de littérature gay: tous les ingrédient sont présent sous un écriture impeccable: le petit zizi qui a peur du gros poilu, le déni de la mère:
l'homme iconographié:que votre mère, juchée sur un plot (au sec), se ronge les ongles en vous faisant des signes frénétiques auxquels vous ne comprenez strictement rien ?
. Le premier émoi des corps nus:Le corps tout anguleux du maître nageur
. Les inhibitions judeo-chrétiennes: tu ne pisseras point.Votre respiration revient tant bien que mal, comme une voiture dont la batterie manque de céder à l'allumage.
. Le gladiateur enduit d'huile:Non. Impossible. Un examen rapide vous révèle qu'aucune tache bleue foncée ne flotte dans l'eau – c'est bien connu, toutes les piscines sont équipées de ce genre de détecteurs.
. Manque plus qu'un tutu :-). Sympa de se lancer dans une écriture alternative !Alors vos abdominaux forgés au Galac(tm) se contractent,
Invité- Invité
Re: La Piscine
J'ai beaucoup aimé.
La scène est très vivante, parlante, elle renvoie le lecteur à son vécu d'enfant.
Juste un truc: Tu parles du "corps anguleux" du maître nageur, puis, à la fin tu le qualifies de "gros lard".
La scène est très vivante, parlante, elle renvoie le lecteur à son vécu d'enfant.
Juste un truc: Tu parles du "corps anguleux" du maître nageur, puis, à la fin tu le qualifies de "gros lard".
Kilis- Nombre de messages : 6085
Age : 78
Date d'inscription : 12/12/2005
Re: La Piscine
J'ai bien apprécié aussi mais contrairement aux autres, j'eusse préféré un tutoiement, un peu plus d'actualité...
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